Taxation des avoirs non déclarés : la CJUE saisie : 10 Questions / Réponses juridiques

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Résumé de cette affaire : Lors de l’audience du 3 septembre 2024, il a été annoncé que l’ordonnance serait rendue le 15 octobre 2024. Par une ordonnance du 9 novembre 2021, le juge de la mise en état a rejeté plusieurs demandes de M. [H] [P], notamment un sursis à statuer en attendant une décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, la production de fichiers informatiques saisis, et l’écartement d’une fiche de synthèse établie par les services de gendarmerie. Le 5 juin 2024, M. [H] [P] a de nouveau demandé un sursis à statuer en attendant un arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne concernant des questions préjudicielles posées par le tribunal judiciaire de Nanterre. L’administration fiscale s’est opposée à cette demande le 29 août 2024. Le juge a finalement ordonné un sursis à statuer en attendant l’arrêt de la CJUE et a renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 1er juillet 2025 pour vérification des causes de ce sursis.

Question n° 1 : Interprétation de l’article 63 du TFUE et taxation d’office

La question posée par le tribunal judiciaire de Nanterre concerne l’interprétation du principe de libre circulation des capitaux, tel que garanti par l’article 63 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Cet article stipule que « toute restriction aux mouvements de capitaux entre États membres et entre États membres et des pays tiers est interdite ».

En ce qui concerne la taxation d’office prévue par l’article 755 du Code général des impôts (CGI), il est essentiel de noter que cette disposition permet à l’administration fiscale de taxer des avoirs non déclarés détenus à l’étranger.

L’article 755 du CGI précise que « les sommes non déclarées, qui sont détenues à l’étranger, peuvent faire l’objet d’une imposition d’office ».

Cependant, cette imposition doit respecter les principes de non-discrimination et de proportionnalité, qui sont également des principes fondamentaux du droit de l’Union européenne.

Ainsi, si le contribuable peut prouver que les avoirs en question ont été acquis durant une période prescrite, cela pourrait soulever des questions sur la légalité de la taxation d’office, notamment en ce qui concerne l’effet d’imprescriptibilité.

En effet, l’article L.23 C du livre des procédures fiscales impose au contribuable de justifier l’origine et les modalités d’acquisition des avoirs.

Cela soulève la question de savoir si une telle exigence est compatible avec le droit européen, notamment en ce qui concerne la libre circulation des capitaux.

Question n° 2 : Annulation des procédures de rectification

La seconde question préjudicielle posée par le tribunal judiciaire de Nanterre interroge la possibilité d’annuler toute procédure de rectification fondée sur les articles L.23 C et 755 du CGI, dans l’hypothèse où la CJUE répondrait négativement à la première question.

Il est important de rappeler que l’article L.23 C du livre des procédures fiscales stipule que « l’administration peut demander des justifications concernant les avoirs détenus à l’étranger ».

Si la CJUE venait à conclure que la taxation d’office des avoirs non déclarés est incompatible avec le droit de l’Union européenne, cela pourrait avoir des conséquences significatives sur les procédures de rectification en cours.

En effet, l’annulation des procédures de rectification pourrait être envisagée si ces dernières sont fondées sur des dispositions jugées contraires au droit européen.

Cela soulève également des questions sur le principe de sécurité juridique, qui exige que les contribuables puissent avoir confiance dans la légalité des procédures fiscales qui les concernent.

Il est à noter que le Conseil Constitutionnel, dans sa décision n°2021-939 QPC du 15 octobre 2021, a validé le régime des articles L.23 C et 755 du CGI, mais cela ne préjuge pas de la conformité de ces dispositions au droit européen.

Ainsi, la réponse de la CJUE pourrait avoir un impact direct sur la légalité des impositions et des procédures de rectification en cours, en fonction de l’interprétation qu’elle fera des principes européens applicables.

Considérations sur la prescription et la justification des avoirs

Le tribunal a également souligné que le législateur a institué un délai de prescription dérogatoire de dix ans, ce qui soulève des questions sur la manière dont ce délai est appliqué en relation avec l’origine des avoirs.

L’article L.181-0A du livre des procédures fiscales précise que « le délai de reprise est de dix ans pour les avoirs non déclarés ».

Cela signifie que l’administration fiscale peut remonter jusqu’à dix ans en arrière pour justifier ses demandes de taxation.

Cependant, cette disposition peut être perçue comme une atteinte au droit à un procès équitable, car elle impose au contribuable de justifier des avoirs qui pourraient avoir été acquis bien avant cette période.

La question de l’imprescriptibilité des avoirs est donc centrale dans ce débat, car elle touche à la capacité du contribuable à se défendre contre des impositions qui pourraient être considérées comme injustes ou disproportionnées.

En conclusion, les réponses aux questions préjudicielles posées par le tribunal judiciaire de Nanterre pourraient avoir des implications significatives sur le régime fiscal applicable aux avoirs détenus à l’étranger, ainsi que sur les droits des contribuables en matière de justification et de prescription.

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