Stratégie procédurale : la responsabilité de l’avocat

Notez ce point juridique

Les quatre manquements suivants engagent la responsabilité de l’avocat : i) l’omission de conclure dans le délai fixé par l’article 908 du code de procédure civile, ii) celle de solliciter une expertise avant-dire-droit, iii) celle de former une demande d’indemnisation au titre de la contrefaçon des droits d’auteur et iv) celle d’agir en responsabilité délictuelle à l’encontre d’un tiers pour parasitisme.

Lorsque l’avocat n’a pas rempli son devoir d’information et de conseil ou a commis un manquement à son obligation de diligence dans l’accomplissement de sa mission, il doit réparer le préjudice direct, certain et actuel en relation de causalité avec le manquement commis.

Ainsi, lorsque le manquement a eu pour conséquence de priver une partie d’une voie d’accès au juge, il revient à celle-ci de démontrer la réalité de la perte de chance, réelle et sérieuse, laquelle doit résulter de la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable.

La réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.

Il convient, d’évaluer les chances de succès de la voie de droit manquée en reconstituant le procès comme il aurait dû avoir lieu, ce à l’aune des conclusions déposées par les parties et des motivations de la décision qui a été rendue, de l’expertise qui aurait pu être ordonnée avant-dire-droit et des prétentions et moyens qui auraient dû être ceux des appelants ainsi que des pièces en débat.

La responsabilité contractuelle de l’avocat peut être engagée à charge pour celui qui l’invoque de démontrer une faute, un lien de causalité et un préjudice.

L’avocat, mandaté par son client pour le représenter en justice, tenu à une obligation de diligence ainsi qu’à une obligation d’information et un devoir de conseil, doit respecter les règles procédurales et mettre en oeuvre tous les moyens adéquats pour assurer au mieux la défense des intérêts de son client.

Résumé de l’affaire

L’affaire concerne une action en responsabilité professionnelle intentée par la Sarl O’Zone Architectures, M. [G] et M. [O] contre M. [P] [F], la société d’assurance mutuelle MMA Iard assurances mutuelles et la Sa MMA Iard. Le tribunal judiciaire de Paris a condamné solidairement M. [F] et les sociétés MMA à verser des dommages et intérêts à M. [G] et M. [O], mais a débouté la Sarl O’Zone Architectures du surplus de ses demandes. Les demandeurs ont interjeté appel et demandent à la cour de reconnaître les fautes de M. [F] dans l’exercice de son mandat, d’augmenter les dommages et intérêts réclamés et de condamner M. [F] et les sociétés MMA à payer des sommes importantes. Les défendeurs demandent l’infirmation du jugement et la répétition des sommes versées aux appelants, ainsi que des dommages et intérêts pour eux-mêmes. La clôture de l’instruction a été prononcée le 6 février 2024.

Les points essentiels

Sur la responsabilité de l’avocat

Le tribunal a jugé que M. [F] a commis plusieurs manquements dans le cadre de sa défense des clients appelants, notamment en ne déposant pas les conclusions d’appelants dans le délai imparti, en ne sollicitant pas une expertise judiciaire préalable, et en omettant de formuler certaines demandes. Ces manquements ont entraîné la caducité de l’appel et ont compromis la défense des intérêts de ses clients.

Sur les fautes

MM. [G] et [O] et la Sarl O’Zone Architectures soutiennent que M. [F] a commis diverses fautes, notamment en ne concluant pas en appel dans le délai imparti, en ne sollicitant pas une expertise judiciaire préalable, et en omettant de formuler certaines demandes. Ils estiment que ces erreurs ont nui à leurs chances de succès dans le procès.

Sur le lien de causalité et le préjudice

Les premiers juges ont examiné le lien de causalité entre les manquements de M. [F] et le préjudice subi par les clients appelants. Ils ont notamment évalué les chances de succès des clients en reconstituant le procès comme il aurait dû avoir lieu. Le tribunal a également examiné les demandes de dommages et intérêts des clients en fonction du préjudice subi.

Sur la responsabilité contractuelle de l’avocat

La responsabilité contractuelle de l’avocat a été examinée, notamment en ce qui concerne son devoir de conseil, d’information et de diligence envers ses clients. Le tribunal a conclu que M. [F] avait manqué à son obligation de diligence en ne concluant pas pour ses clients dans le délai imparti.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dépens et les frais de procédure ont été examinés, et il a été décidé que les dépens d’appel incomberaient à M. [F] et aux sociétés MMA in solidum. Une somme a également été allouée à la société O’Zone Architectures et aux clients appelants au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les montants alloués dans cette affaire: – Sarl O’Zone Architectures, M. [J] [G] et M. [M] [O] : 0 euros
– M. [J] [G] et M. [M] [O] : 0 euros
– M. [J] [G] : 225 euros
– M. [M] [O] : 225 euros
– Sarl O’Zone Architectures : 280 000 euros
– M. [J] [G] : 6 000 euros
– M. [M] [O] : 6 000 euros
– Sarl O’Zone Architectures : 12 916,80 euros
– Sarl O’Zone Architectures, M. [J] [G] et M. [M] [O] : 0 euros
– Sarl O’Zone Architectures, M. [J] [G] et M. [M] [O] : 10 000 euros

Réglementation applicable

– Code de procédure civile
– Code civil

Article 908 du code de procédure civile:
« La déclaration d’appel est caduque si l’appelant ne dépose pas ses conclusions dans le délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel. »

Article 1240 du code civil:
« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. »

Article 1241 du code civil:
« Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. »

Article 1343-2 du code civil:
« Les intérêts échus non payés sont productifs d’intérêts sans qu’il soit besoin d’une mise en demeure. »

Article 700 du code de procédure civile:
« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais non compris dans les dépens. »

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Thibaut LEDOUX de la SELARL CABINET LEDOUX
– Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN
– Me Jacques HUILLIER
– Mme [Y] [N]

Mots clefs associés & définitions

– Responsabilité de l’avocat
– Fautes commises par l’avocat
– Manquements à l’obligation de diligence
– Obligation de conseil de l’avocat
– Caducité de la déclaration d’appel
– Demande d’expertise
– Mise en page et rédaction des écritures
– Défense adoptée par l’avocat
– Faute délictuelle de l’avocat
– Obligation de diligence
– Obligation d’information
– Devoir de conseil
– Perte de chance
– Préjudice moral
– Expertise judiciaire
– Contrefaçon des droits d’auteur
– Parasitisme économique
– Évincement déloyal
– Cannibalisation du projet
– Originalité de l’oeuvre
– Protection des droits d’auteur
– Perte de chance d’obtenir satisfaction
– Lien de causalité
– Préjudice actuel
– Réparation du préjudice
– Dommages et intérêts
– Frais exposés en pure perte
– Timbre fiscal
– Capitalisation des intérêts
– Dépens et frais irrépétibles
– Responsabilité de l’avocat: devoir de répondre des actes et des conséquences de ses actions dans l’exercice de sa profession
– Fautes commises par l’avocat: erreurs ou négligences commises par l’avocat dans le cadre de sa mission
– Manquements à l’obligation de diligence: non-respect par l’avocat de son devoir de diligence et de compétence dans le traitement d’une affaire
– Obligation de conseil de l’avocat: devoir pour l’avocat d’informer et de conseiller son client de manière éclairée
– Caducité de la déclaration d’appel: annulation de la déclaration d’appel en raison d’un vice de forme ou de procédure
– Demande d’expertise: requête visant à obtenir une expertise judiciaire pour éclairer un point litigieux
– Mise en page et rédaction des écritures: présentation et rédaction des documents juridiques par l’avocat
– Défense adoptée par l’avocat: stratégie de défense choisie par l’avocat pour représenter son client
– Faute délictuelle de l’avocat: acte illicite commis par l’avocat dans l’exercice de ses fonctions
– Obligation de diligence: devoir pour l’avocat d’agir avec soin, compétence et diligence dans le traitement d’une affaire
– Obligation d’information: devoir pour l’avocat d’informer son client de manière complète et transparente
– Devoir de conseil: obligation pour l’avocat de conseiller son client de manière éclairée
– Perte de chance: préjudice subi par une personne du fait de la perte d’une opportunité
– Préjudice moral: atteinte subie par une personne dans sa dignité, son honneur ou sa réputation
– Expertise judiciaire: évaluation technique ou scientifique réalisée par un expert dans le cadre d’une procédure judiciaire
– Contrefaçon des droits d’auteur: violation des droits d’auteur d’une oeuvre protégée
– Parasitisme économique: pratique consistant à tirer profit de l’activité d’un concurrent sans en supporter les coûts
– Évincement déloyal: pratique visant à évincer un concurrent de manière déloyale
– Cannibalisation du projet: pratique consistant à détourner les ressources d’un projet au détriment d’un autre
– Originalité de l’oeuvre: caractère unique et créatif d’une oeuvre protégée par le droit d’auteur
– Protection des droits d’auteur: ensemble des mesures visant à protéger les droits moraux et patrimoniaux des auteurs
– Perte de chance d’obtenir satisfaction: préjudice subi par une personne du fait de la perte de la possibilité d’obtenir satisfaction
– Lien de causalité: lien de cause à effet entre un acte ou un fait et un préjudice subi
– Préjudice actuel: dommage effectivement subi par une personne
– Réparation du préjudice: indemnisation du préjudice subi par une personne
– Dommages et intérêts: somme d’argent versée à une personne en réparation d’un préjudice subi
– Frais exposés en pure perte: dépenses engagées sans aucune contrepartie ou bénéfice
– Timbre fiscal: taxe perçue sur certains actes et documents juridiques
– Capitalisation des intérêts: calcul des intérêts dus sur une somme d’argent à un moment donné pour les ajouter au capital initial
– Dépens et frais irrépétibles: frais engagés dans le cadre d’une procédure judiciaire et non remboursables par la partie perdante

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

21 mai 2024
Cour d’appel de Paris
RG n° 21/04554
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 13

ARRET DU 21 MAI 2024

(n° , 2 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/04554 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDIBZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 novembre 2020 -Tribunal de Grande Instance de Paris – RG n° 20/04194

APPELANTS :

Monsieur [J] [G]

[Adresse 7]

[Localité 9]

Représenté par Me Thibaut LEDOUX de la SELARL CABINET LEDOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : D1004

Monsieur [M] [O]

[Adresse 8]

[Localité 9]

Représenté par Me Thibaut LEDOUX de la SELARL CABINET LEDOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : D1004

S.A.R.L. O’ZONE ARCHITECTURES

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Thibaut LEDOUX de la SELARL CABINET LEDOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : D1004

INTIMES :

Monsieur [P] [F]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034, avocat postulant

Représenté par Me Jacques HUILLIER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

S.A. MMA IARD prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034, avocat postulant

Représentée par Me Jacques HUILLIER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

S.C. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034, avocat postulant

Représentée par Me Jacques HUILLIER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 mars 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Première Présidente de chambre, chargée du rapport, et devant Mme Estelle MOREAU, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre

Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre

Mme Estelle MOREAU, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 21 mai 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre et par Florence GREGORI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*

M. [R] [H], propriétaire de parcelles de terre incluses dans un parc naturel situé sur la commune d’Antoing en Belgique et pour la plupart non constructibles, pris en qualité de bailleur, et M. [X] [W], pris en qualité d’inventeur et créateur du projet, ont signé le 16 janvier 2003 un protocole afin de fixer leurs droits et obligations dans le cadre d’un projet de création d’un parc de loisirs dédié aux sports de glisse et aquatiques appelé Centre Européen des Sports de Glisse (CESG).

Selon lettre d’intention du 26 mai 2003, M. [H] et M. [W] ont, en leur qualité de maître d’ouvrage, confié à un groupement conjoint de maître d’oeuvre dont la Sarl O’Zone Architectures, la mission de réaliser, à risque, une préfiguration du projet, sous forme de pré-programme d’activités, de plan-masses, de vues architecturées, d’éléments techniques et économiques dans le but d’aider le maître de l’ouvrage à organiser le financement du projet, lequel a, en contrepartie, confirmé son intention, en cas de réalisation partielle ou totale du projet, de confier, sous réserve de modalités à définir, au maître d’oeuvre la mission de maîtrise d’oeuvre générale portant sur l’ensemble de l’emprise foncière et des missions de maîtrise d’oeuvre particulière sur les éléments du projet relevant de sa compétence.

Les autres sociétés s’étant progressivement retirées du projet, la société O’Zone Architectures a accompli un certain nombre de prestations sur la base desquelles un projet global de préfiguration d’un centre de glisse a été présenté lors d’une conférence de presse tenue le 2 mars 2004.

Selon protocole du 13 décembre 2004, la société de droit belge d’Etudes et de projets du CESG créée entre M. [W] et M. [E] [H], ayant reçu mandat de [L] [H] de réaliser les études nécessaires au développement et à la mise en forme du projet, a confié à Mme [Y] [N], architecte exerçant sous le nom d’Agence [N], la mission d’établir trois études sur le développement du projet (étude de programmation, étude d’impact et étude économique et financière) afin d’obtenir des autorités wallonnes la modification du plan de secteur nécessaire à la réalisation du projet et de valider la faisabilité du projet et fixé ses honoraires, à la condition expresse que la modification du plan de secteur soit accordée, à la somme forfaitaire de 3 000 000 euros.

Une demande de modification du plan de secteur a été déposée le 16 juin 2005.

M. [W] a été évincé du projet à la fin de l’année 2005.

Le 27 juin 2006, Mme [N] a créé avec d’autres associés, la société anonyme Société de Développement du Bois de Péronne avec pour objet ‘l’étude, la définition, la conception, l’élaboration, le développement, la réalisation et la gestion d’un projet pilote de centre de glisse et des activités accessoires, qu’il s’agisse de recherches de technologies nouvelles ou d’activités accessoires qui sont intimement liées à l’exploitation, dont, notamment, le développement du Bois de Péronne, la réalisation des études, l’obtention du permis, la détermination des construction nécessaires à la réalisation de l’objet ci-dessus’.

La procédure de révision du plan de secteur, ouverte par arrêté du 27 avril 2006 a donné lieu le 1er avril 2010 à un arrêté des autorités wallonnes acceptant ladite révision.

Estimant avoir été indument évincée du projet, la société O’Zone Architectures a fait assigner en responsabilité MM. [R] [H] et [W] pour inexécution de leurs engagements contractuels par actes des 7 et 17 mars 2008 puis appelé en intervention forcée Mme [N] en responsabilité délictuelle, par acte du 19 mai 2009, devant le tribunal de commerce de Paris, lequel, par jugement définitif du 7 avril 2010, l’a déboutée de ses demandes, estimant en substance que le projet visé dans la lettre d’engagement du 26 mai 2003 n’avait pas commencé faute de satisfaction des conditions administratives préalables et de financement du projet, en sorte qu’aucune inexécution ne pouvait être reprochée aux parties assignées.

Par actes des 6 et 7 octobre 2010, la société O’Zone Architectures a assigné MM. [R] [H] et [W], Mme [N] et la société de Développement du Bois de Péronne sur les mêmes fondements devant le même tribunal, lequel par jugement du 14 décembre 2011 s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Paris.

Le 27 septembre 2012, MM. [G] et [O], architectes associés de la société O’Zone Architectures sont intervenus volontairement à l’instance en invoquant une contrefaçon de leurs droits d’auteur.

Trois permis de construire ont été délivrés à la société de Développement du Bois de Peronne les 13 juin, 5 août et 9 octobre 2013 pour la construction et l’exploitation d’un parc de loisirs ‘Nature et Sports’.

Par jugement du 27 novembre 2015, le tribunal de grande instance de Paris, a :

– rejeté la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal de commerce de Paris du 7 avril 2010 s’agissant de l’action de la société O’Zone Architectures en responsabilité pour inexécution contractuelle,

– rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes formées à l’encontre de la société de Développement du Bois de Peronne,

– débouté la société O’Zone Architectures et MM. [O] et [G] de l’ensemble de leurs demandes.

L’appel interjeté le 25 janvier 2016 par la société O’Zone Architectures et ses associés a été déclaré caduc par ordonnance du conseiller de la mise en état du 22 juin 2016.

M. [P] [F], avocat, avait assisté et représenté la société O’Zone Architectures, M. [G] et M. [O] dans le cadre des actions précitées.

C’est dans ce contexte que, par actes des 31 mai et 3 juin 2019, la Sarl O’Zone Architectures et MM. [G] et [O] ont fait assigner M. [F], la société d’assurance mutuelle MMA Iard assurances mutuelles et la Sa MMA Iard en responsabilité professionnelle devant le tribunal de grande instance de Paris.

Par jugement du 18 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :

– condamné solidairement M. [F] et les sociétés MMA à payer, à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du jugement et capitalisation de ces intérêts dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil:

– la somme de 4 225 euros à M. [G],

– la somme de 4 000 euros à M. [O],

– débouté la Sarl O’Zone Architectures, M. [G] et M. [O] du surplus de leurs demandes de dommages et intérêts,

– condamné solidairement M. [F] et les sociétés MMA aux dépens,

– condamné solidairement M. [F] et les sociétés MMA à payer à la Sarl O’Zone Architectures, M. [G] et M. [O] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire du présent jugement,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 9 mars 2021, la Sarl O’Zone Architectures et MM. [G] et [O] ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions, notifiées et déposées le 17 janvier 2024, la Sarl O’Zone Architectures, M. [J] [G] et M. [M] [O] demandent à la cour de :

– réformer le jugement, en ce qu’il,

– les a déboutés du surplus de leurs demandes de dommages et intérêts,

– a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

statuant à nouveau,

au fond,

– dire et juger que M. [F] a commis des fautes manifestes dans l’exercice du mandat confié, en ce qu’il a notamment, laissé expirer le délai légal d’appel, omis de solliciter une expertise judiciaire nécessaire à la solution du litige et omis de rechercher la responsabilité délictuelle de Mme [N], architecte les ayant fautivement évincés, de l’agence [N] et de la société de Développement du Bois de Péronne,

en conséquence,

– dire et juger que la perte de chance de gagner leur procès en résultant est de 80 % au vu du sérieux des demandes formulées dans le procès initial,

– débouter M. [F] et les sociétés MMA de l’ensemble de leurs demandes, y compris leur appel incident,

– condamner solidairement M. [F] et les sociétés MMA à leur payer :

la somme de 280 000 euros en indemnisation de la perte de chance d’obtenir justice au titre des diligences et débours de la société O’Zone Architectures dans son litige à l’encontre du prince [H], avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2018, date de la mise en demeure,

la somme de 2 400 000 euros HT en indemnisation de la perte de chance d’obtenir les honoraires de maîtrise d’oeuvre du parc de loisirs conformément à la lettre d’intention du 26 mai 2003,

– condamner solidairement M. [F] et les sociétés MMA à payer à M. [G] :

la somme de 120 000 euros en indemnisation de la perte de chance d’obtenir justice au titre du préjudice moral résultant de la violation de ses droits d’auteurs dans son litige à l’encontre du prince [H], avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2018, date de la mise en demeure,

la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi découlant directement de la caducité de l’appel, avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2018, date de la mise en demeure,

– condamner solidairement M. [F] et les sociétés MMA à payer à M. [O]:

la somme de 120 000 euros en indemnisation de la perte de chance d’obtenir justice au titre du préjudice moral résultant de la violation de ses droits d’auteurs dans son litige à l’encontre du Prince [H], avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2018, date de la mise en demeure,

la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi découlant directement de la caducité de l’appel, avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2018, date de la mise en demeure,

– condamner solidairement M. [F] et les sociétés MMA à payer à la société O’Zone Architectures la somme de 10 800 euros HT, soit 12 916,80 euros TTC, en remboursement du coût de l’expertise privée confiée à M. [S] [B],

– condamner solidairement M. [F] et les sociétés MMA à leur payer la somme de 21 619,16 euros TTC au titre des frais de justice exposés à tort,

subsidiairement,

– condamner solidairement M. [F] et les MMA à payer à la société O’Zone Architectures la somme de 10 800 euros HT, soit 12 916,80 euros TTC, en remboursement du coût de l’expertise privée confiée à M. [S] [B],

– condamner solidairement M. [F] et les sociétés MMA à leur payer la somme de 21 619,16 euros TTC au titre des frais de justice exposés à tort,

en tout état de cause,

– condamner solidairement M. [F] et les sociétés MMA à leur payer la somme de 20 000 euros au titre des frais irrépétibles, en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner solidairement M. [F] et les sociétés MMA aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de la Selarl Cabinet Ledoux,

– ordonner l’anatocisme en application de l’article 1343-2 du code civil.

Dans leurs dernières conclusions, notifiées et déposées le 27 juin 2023, M. [P] [F], la Sa MMA Iard et la société d’assurance mutuelle MMA Iard assurances mutuelles, demandent à la cour de :

– infirmer le jugement en ce qu’il les a condamnés à verser aux appelants la somme globale de 12 423,76 euros,

– en ordonner la répétition,

– confirmer le jugement pour le surplus,

– débouter la société O’Zone Architectures et MM. [G] et [O] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

– condamner solidairement la société O’Zone Architectures et MM. [G] et [O] à leur verser la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner solidairement les appelants aux dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 6 février 2024.

SUR CE,

Sur la responsabilité de l’avocat

Le tribunal a jugé que :

– M. [F] n’a pas déposé les conclusions d’appelants pour le compte de ses clients, la Sarl O’Zone Architectures et MM. [G] et [O], dans le délai de trois mois imparti par l’article 908 du code de procédure civile, omission ayant entraîné la caducité de leur déclaration d’appel,

– la demande d’expertise, telle qu’elle était présentée, avait pour objet de déterminer l’étendue du préjudice subi par les demandeurs et non la responsabilité de leurs adversaires, en sorte qu’il est normal qu’elle ait été présentée non au juge de la mise en état, mais au juge du fond, l’expertise n’ayant de sens que si le principe de responsabilité était retenu par le juge du fond,

– sur le grief lié à l’absence de demandes contre Mme [N] et sa société d’exercice, une demande a bien été présentée contre la société de Développement du Bois de Péronne, à titre provisionnel, dans l’attente de l’expertise, selon la même logique qu’énoncée supra,

– le grief lié à la mise en page et à la rédaction des écritures est formulé en termes trop généraux par les demandeurs pour être retenu,

– les autres manquements portent sur la défense adoptée, sur le fond et la forme, par M. [F] dans le cadre de l’action litigieuse et supposent pour constituer une faute de l’avocat, qu’il soit démontré qu’une autre défense aurait permis d’obtenir, au moins partiellement, gain de cause, et ainsi de déterminer au préalable si la perte de chance alléguée par les demandeurs est établie.

Sur les fautes

MM. [G] et [O] et la Sarl O’Zone Architectures soutiennent que M. [F] a commis diverses fautes, en ce que :

– il n’a pas conclu en appel dans le délai prévu par l’article 908 du code de procédure civile, entraînant inévitablement la caducité de leur déclaration d’appel,

– il n’a pas sollicité une expertise judiciaire préalable confiée à un expert-architecte, en référé ou devant le juge de la mise en état, alors qu’elle aurait été accordée au vu de l’expertise privée réalisée et qu’elle était indispensable pour démontrer que le projet architectural de Mme [N] était un simple copier/coller avec quelques modifications mineures de leur avant-projet puis l’expert aurait mis en lumière les similitudes manifestes entre les deux plans de masse et donc une contrefaçon et qu’il s’agissait d’un seul projet ayant seulement évolué au fil du temps en fonction des exigences de l’administration wallonne,

– cette erreur de stratégie procédurale aurait pu être réparée devant le conseiller de la mise en état,

– il a omis de formuler une demande pécuniaire à l’encontre de Mme [N], l’agence [N] et la société de Développement du Bois de Péronne sur le fondement délictuel ou quasi-délictuel, en démontrant qu’ils s’étaient appropriés leur projet original et avaient ‘cannibalisé’ leur travail, notamment en pillant leurs projet et plans, pour les évincer et bénéficier du contrat de maîtrise d’oeuvre promis à la société O’Zone Architectures,

– il n’a formulé aucune demande au titre de la contrefaçon des droits d’auteur des architectes,

– il a mal rédigé ses conclusions en s’attardant sur des détails et en oubliant parfois l’essentiel.

Dans l’argumentation relative au préjudice et à titre subsidiaire , ils font valoir que l’avocat a failli à son devoir de conseil en n’attirant pas leur attention sur l’absence de chance d’obtenir satisfaction si leur action était vouée à l’échec et en les encourageant à poursuivre la procédure.

M. [F] et les sociétés MMA, ne répliquant pas sur le grief tenant au défaut de dépôt de conclusions d’appel dans le délai imparti, répondent s’agissant des autres griefs que :

– il n’appartient pas à l’expert de dire le droit et une expertise ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d’une partie dans l’administration de la preuve,

– les appelants avaient fait réaliser une expertise à leurs frais fixant à une somme provisionnelle de 350 000 euros le montant des prestations effectuées par les architectes, laquelle n’a pas convaincu le tribunal d’ordonner une expertise et pour cause, ces prestations ayant été réalisées ‘à risque’,

– il est de principe en matière de propriété intellectuelle que les idées sont libres et ne sont pas protégables en soi et les appelants n’expliquent pas en quoi leur projet devait bénéficier de la protection du droit d’auteur,

– les appelants ne critiquent que formellement les conclusions de M. [F], aucune erreur dans la défense n’étant établie.

La responsabilité contractuelle de l’avocat peut être engagée à charge pour celui qui l’invoque de démontrer une faute, un lien de causalité et un préjudice.

L’avocat, mandaté par son client pour le représenter en justice, tenu à une obligation de diligence ainsi qu’à une obligation d’information et un devoir de conseil, doit respecter les règles procédurales et mettre en oeuvre tous les moyens adéquats pour assurer au mieux la défense des intérêts de son client.

M. [F] a manqué à son obligation de diligence en ne concluant pas pour ses clients appelants dans le délai de trois mois prévu à l’article 908 du code de procédure civile, ce qui a entraîné le prononcé de la caducité de l’appel.

Alors que dans ses conclusions devant le tribunal, M. [F] avait sollicité la condamnation d’une partie des défendeurs à payer deux provisions à la société O’Zone Architectures et une expertise avant-dire-droit sur l’évaluation des préjudices, les appelants lui reprochent avec pertinence de ne pas avoir sollicité une expertise judiciaire en référé avant tout procès ou devant le juge de la mise en état aux fins de donner au tribunal tous les éléments nécessaires à la caractérisation tant de la contrefaçon que de l’existence d’un seul et même projet ayant évolué, laquelle demande aurait été jugé fondée au vu des conclusions du rapport non contradictoire d’un architecte, expert agréé par la Cour de cassation, produit par la société O’Zone Architectures et aurait été utile puisque le tribunal, dans son jugement du 27 novembre 2015 a considéré qu’il ne disposait pas d’éléments de preuve suffisants pour retenir que le projet actuel constituait la poursuite du projet initié par la société O’Zone Architectures. M. [F] a donc commis un manquement à ce titre.

Si les dernières conclusions du 29 septembre 2014 adressées au tribunal par M. [F] dans l’intérêt de ses clients invoquent la responsabilité du maître de l’ouvrage pour non respect de ses engagements contractuels souscrits dans sa lettre d’intention au profit de la société O’Zone Architectures, elles ne contiennent aucune demande de condamnation à l’encontre de Mme [N] ni au titre de la contrefaçon de droits d’auteur ni au titre de sa responsabilité délictuelle alors qu’il lui était fait grief d’avoir repris à l’identique et à leur insu leur projet que les architectes considéraient être le fruit de leur travail et le reflet de leur personnalité, ce qui constitue un manquement à son obligation de diligence.

En effet, les architectes et leur société d’exercice auraient pu agir en responsabilité délictuelle à l’encontre de Mme [N] en fondant leur demande sur la concurrence déloyale pour parasitisme, en raison de l’appropriation sans bourse délier du fruit de leur travail et de leur investissement permettant à Mme [N] de s’immiscer dans leur sillage et de capter leur clientèle, ce qui constitue la traduction juridique de la ‘cannibalisation’ invoquée de leur travail.

De même, les architectes auraient pu agir en contrefaçon de droits d’auteur en développant en quoi les plans présentés étaient le reflet de leur personnalité.

En revanche, une demande de condamnation était formée à l’encontre de la société de Développement du Bois de Peronne et aucune demande n’avait à être formulée à l’encontre de l’agence [N] laquelle n’avait pas la personnalité morale et aucune faute ne peut être retenue à ces titres.

La mauvaise rédaction des conclusions laquelle aurait été bâclée et la critique de la mention en italique et en gras de ce qui constituait ‘le coeur’ de l’argumentation de l’avocat n’est pas suffisamment étayée pour constituer une faute de la part de M. [F].

En définitive, quatre manquements (l’omission de conclure dans le délai fixé par l’article 908 du code de procédure civile, celle de solliciter une expertise avant-dire-droit, celle de former une demande d’indemnisation au titre de la contrefaçon des droits d’auteur à l’encontre de Mme [N] au profit de MM. [G] et [O] et celle d’agir en responsabilité délictuelle à l’encontre de Mme [N] pour parasitisme sont retenus à l’encontre de M. [F], en infirmation du jugement.

Le manquement de M. [F] à son obligation de conseil pour ne pas avoir attirer leur attention sur l’absence de chance d’obtenir satisfaction n’est pas établi puisque la procédure que les appelants intentaient à l’encontre des maîtres de l’ouvrage, de Mme [N] et de la société de Développement du Bois de Péronne n’était pas manifestement vouée à l’échec eu égard aux similitudes de projets relevées dans les conclusions du rapport non contradictoire d’un architecte, expert agréé par la Cour de cassation, produit par la société O’Zone Architectures.

Sur le lien de causalité et le préjudice

Les premiers juges ont considéré que :

– il n’est pas démontré que l’appréciation de la situation par le tribunal en 2015, notamment sur l’existence de deux projets différents s’étant succédés, aurait pu être différente en appel ni qu’une expertise judiciaire aurait pu modifier cette appréciation, dans la mesure où un rapport privé, dont la valeur probante n’a pas été écartée par le tribunal, a été communiqué aux premiers juges, lesquels ont considéré qu’il n’établissait pas de similitudes suffisantes et en tout cas déterminantes entre les deux projets pour suivre les demandeurs dans leur argumentation,

– la perte de chance d’obtenir gain de cause en appel ou sur le fondement d’une meilleure défense développée par l’avocat, n’est pas suffisamment établie,

– la perte de son droit au recours est source de déception pour le justiciable, justifiant l’octroi d’une somme de 4 000 euros à chacun de MM. [G] et [O] au titre de leur préjudice moral,

– s’agissant des frais exposés en appel en pure perte, n’est établi que le montant du timbre fiscal de 225 euros, justifiant l’allocation de dommages et intérêts d’un montant équivalent à M. [G],

– cette créance de réparation produit des intérêts moratoires à partir du jour où elle a été allouée judiciairement.

La société O’Zone Architectures et MM. [G] et [O] soutiennent que :

– leurs chances de gagner le procès auraient été sérieuses si l’avocat avait présenté une défense adéquate et si une mesure d’instruction avait été ordonnée puisqu’ils auraient pu démontrer que le projet initial n’avait pas été abandonné et qu’il s’agissait d’un seul et même projet de parc de loisirs ayant évolué au fil du temps dans une même continuité, au gré des exigences des autorités belges, comme le maire d’Antoing et Mme [N] elle-même l’ont résumé en 2011,

– le rapport de M. [B] a démontré que leur projet avait été repris par Mme [N] qui n’avait reçu qu’une mission administrative de coordination pour l’obtention de la modification du plan de secteur en vue de l’inscription d’une zone de loisirs,

– M. [W] a reconnu la violation de leurs droits et la récupération par l’agence [N] de leur travail, sa position juridique ayant d’autant plus de valeur qu’il était partie prenante au projet et qu’il a signé les différents contrats avec les architectes,

– la société O’Zone Architectures a été évincée alors que le projet conçu par elle est sorti de terre et a donc été exécuté partiellement selon les termes de la lettre d’intention de sorte que la mission de maîtrise d’oeuvre devait lui être confiée et que M. [H] et M. [W] qui n’ont pas respecté leur engagement contractuel auraient été condamnés au paiement de dommages et intérêts pour réparer l’évincement subi,

– Mme [N], son agence et la société de Développement du Bois de Peronne ont commis une faute délictuelle en les évinçant du projet confié et en ‘cannibalisant’ leur travail,

– le débat ne portait ni sur l’originalité du projet ni sur le potentiel caractère protégeable de l’oeuvre revendiquée mais sur la contrefaçon opérée par l’agence [N] et sur leur évincement injustifié et déloyal,

– leur perte de chance doit être évaluée à 80 %.

Ils demandent le versement des dommages et intérêts suivants :

à titre principal,

– 280 000 euros (80 % x 350 000) correspondant au paiement des nombreuses prestations réalisées entre février 2002 et mars 2004 pour finaliser l’avant-projet, qui a nécessité de nombreuses heures de travail sur une période de vingt-sept mois, avec de nombreux voyages en France et à l’étranger, estimant que si les études étaient réalisées ‘à risque’, la société O’Zone devait être rémunérée lors de la réalisation de l’opération puisque la maîtrise d’oeuvre devait lui être attribuée,

– 2 400 000 euros HT (80 % x 3 000 000) au titre de la perte de chance d’obtenir des honoraires d’architecte puisque le projet ayant été réalisé partiellement, ils devaient obtenir la maîtrise de l’oeuvre et que Mme [N] a obtenu au minimum la somme de 3 000 000 euros d’honoraires forfaitaires, sur la base d’un travail ‘cannibalisé’,

– 120 000 euros ( 80 % x 150 000 ) à chacun des deux architectes en réparation du préjudice moral au titre des droits d’auteur que l’avocat a omis de réclamer, la déformation de leur projet par l’agence [N] les ayant affectés alors qu’ils étaient fortement investis dans ce projet qui constituait le rêve de leur vie d’architecte et leur chance de passer à la postérité,

– 10 000 euros à chacun des architectes au titre du préjudice moral lié à la caducité de l’appel, ceux-ci désirant que justice soit rendue ayant vu leurs espoirs anéantis par l’avocat,

– 12 916,80 euros TTC au titre du remboursement de l’expertise privée réalisée par M. [B], en vue du prononcé d’une expertise judiciaire mais dont le coût a été exposé sans raison du fait de la faute de l’avocat,

– 21 619,16 euros TTC au titre des frais de justice exposés à tort,

– 225 euros au titre du paiement sur les deniers personnels de M. [G] du timbre fiscal obligatoire payé lors de l’instance ayant donné lieu au prononcé de la caducité de l’appel.

M. [F] et les MMA rétorquent que :

– s’agissant de l’unicité du projet, les appelants n’apportent aucun élément de nature à venir contredire les motifs du jugement du 27 novembre 2015 ayant rejeté l’intégralité de leurs demandes,

– le parc qui a vu le jour est différent du projet des appelants car plus modeste qu’initialement et réorienté sur le côté nature et non plus sur les sports de glisse,

– la société O’Zone Architectures et MM. [G] et [O] reconnaissent avoir spontanément remis leurs plans et projet à Mme [N] sans jamais demander de contrepartie financière et se sont donc privés eux-mêmes de ce qu’ils demandent à leur ancien conseil,

– leur projet était insusceptible de protection au titre de la propriété littéraire et artistique puisque les appelants n’apportent aucun élément de nature à expliquer en quoi leur travail est original par rapport à un autre parc de loisirs et est la traduction artistique de leur personnalité,

– M. [W] était le père du pré-projet dans la conception générale, ce qui enlève toute réalité aux revendications de droit de propriété intellectuelle de MM. [G] et [O] lesquels se prévalent de la réalisation d’un plan de masse qui n’est qu’un document de travail et n’est pas constitutif de droits de propriété littéraire et artistique puisqu’il ne traduit pas la personnalité de son auteur,

– le taux de confirmation des décisions de la troisième chambre du tribunal judiciaire de Paris étant de plus de 80%, le taux de perte de chance ne saurait dépasser 20 %,

– les appelants ont accepté de travailler gratuitement et ne peuvent réclamer le paiement des prestations effectuées,

– ils n’ont jamais émis ni le moindre devis ni la moindre facture mais sollicitent une somme de 2 400 000 euros d’honoraires aucunement justifiée,

– l’avocat et ses assureurs ne peuvent indemniser le prétendu préjudice moral des différents demandeurs initiaux, la justice ayant un coût et l’acharnement procédural durant toutes ces années ne pouvant être imputé aux sociétés MMA.

Lorsque l’avocat n’a pas rempli son devoir d’information et de conseil ou a commis un manquement à son obligation de diligence dans l’accomplissement de sa mission, il doit réparer le préjudice direct, certain et actuel en relation de causalité avec le manquement commis.

Ainsi, lorsque le manquement a eu pour conséquence de priver une partie d’une voie d’accès au juge, il revient à celle-ci de démontrer la réalité de la perte de chance, réelle et sérieuse, laquelle doit résulter de la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable.

La réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.

Il convient, en l’espèce, d’évaluer les chances de succès de la voie de droit manquée en reconstituant le procès comme il aurait dû avoir lieu, ce à l’aune des conclusions déposées par les parties et des motivations de la décision qui a été rendue le 27 novembre 2015, de l’expertise qui aurait pu être ordonnée avant-dire-droit et des prétentions et moyens qui auraient dû être ceux des appelants ainsi que des pièces en débat.

Dans son jugement du 27 novembre 2015, le tribunal de grande instance de Paris a considéré que la société O’Zone Architectures ne pouvait se prévaloir du fait que MM. [W] et [H] ont manqué aux engagements de leur lettre d’intention du 26 mai 2003 et du fait que ses travaux ont été utilisés en contrefaçon des droits des auteurs, faute pour elle d’établir que le projet actuel ayant donné lieu à la modification du plan de secteur et à la délivrance de permis uniques constituait la poursuite du projet initié par elle.

Il a relevé que le projet global de préfiguration d’un centre de sports de glisse réalisé par la société O’Zone Architectures avait servi à l’élaboration du dossier de la conférence de presse du 2 mars 2004, que la société O’Zone Architectures avait fait part à la société d’Etudes et de projets du Centre Européen des Sports de Glisse et à MM. [H] et [W] de son souhait de ne pas être chargée avec le bureau Incitec des études particulières nécessaires à la modification du plan de secteur, compte tenu de la spécificité de cette phase qui ne lui paraissait pas relever de sa compétence et indiqué être prête à reprendre le bon déroulement du projet dès l’obtention du changement de plan de secteur réalisé par un cabinet spécialisé dans ces études, que Mme [N] a alors été chargée en décembre 2004 d’une mission tendant à l’élaboration de trois études sur le développement du projet permettant la réalisation d’une demande de modification du plan de secteur et qu’elle a déposé le dossier de demande de modification le 16 juin 2005.

Les premiers juges, se fondant sur la comparaison technique réalisée par M. [B], expert de la société O’Zone Architectures, entre les travaux de celle-ci et les pièces du dossier de demande de modification du plan de secteur réalisé par Mme [N], ont retenu que le programme avait évolué et que l’ossature initiale du projet avait disparu, le projet poursuivi ne comprenant pas de piste de ski, élément phare du projet initial.

Par ailleurs, ils ont constaté des différences substantielles entre les deux projets en termes de volumétrie, d’investissements totaux, d’activités sportives (pas de piste de ski, pas d’anneau de vitesse, pas de piscine à vague, pas de rivière artificielle, pas de simulation de chute libre, pas de golf) et d’utilisation de l’environnement (pas de restructuration des berges, pas de suppression de l’avenue du grand large, protection de la Hêtraie du Nord, pas de construction sur la butte de Maubray ni sur la lande de bruyère au sud ni dans la forêt de Mélèzes).

Ils en ont conclu que de par les différences essentielles d’ampleur, de budget, d’éléments architecturaux et en particulier de concept puisque le parc de loisirs en construction était dédié à la nature et au développement durable, sans référence spécifique aux sports de glisse, le projet de construction d’un parc de loisirs ‘Nature et Sports’ était totalement différent du pré-projet de la société O’Zone Architectures.

– s’agissant du manquement des maîtres de l’ouvrage à leur engagement contractuel résultant de la lettre d’intention du 26 mai 2003

Il doit être rappelé que Mme [N] qui avait assisté à la conférence de presse du 2 mars 2004 a été désignée pour une mission limitée à la demande de la société O’Zone Architectures et de MM. [G] et [O] lesquels, dans une lettre datée du 25 mai 2004, produite par M. [F] leur avocat à M. [B], expert agréé par la Cour de cassation et expert honoraire de la cour d’appel, et résumée dans son rapport d’expertise, ont informé la société d’Etudes et de projets du CESG qu’ils ne souhaitaient pas être chargés avec le bureau Incitec des études particulières nécessaires à la modification du plan de secteur, phase très spécifique qui leur paraissait ne pas relever de leurs compétences, ceux-ci précisant rester avec la société Technip Tps aux côtés et à la disposition de la société d’Etudes et de projets du CESG pour oeuvrer, dans la mesure de leurs moyens, à la bonne poursuite de ces études particulières et être prêts à reprendre le bon déroulement du projet avec l’ensemble des études urbaines et architecturales dès l’obtention du changement de plan de secteur réalisé par un cabinet spécialisé dans ces études.

Conformément à la demande de MM. [E] [H] et [W], M. [G] avait adressé à Mme [N] dès le 15 septembre 2004, en complément d’un premier envoi, le dossier A3 du projet global ayant servi à l’élaboration du dossier de la conférence de presse, la présentation du concept et la préfiguration économique du projet.

Dans le dossier communiqué figurait le plan de masse du projet effectué par la société O’Zone Architectures, lequel est une vue aérienne et graphique des parcelles de terrain concernées permettant de visualiser l’ensemble du projet de construction.

La comparaison de ce plan de masse avec celui communiqué par Mme [N] et figurant dans la demande de modification du plan de secteur déposée en juin 2005 ainsi que la description des deux projets démontrent que le projet présenté par Mme [N] était quasi-identique puisqu’il localisait l’entrée principale du site et les mêmes activités dans les mêmes zones avec une passerelle au dessus du grand canal et ce, sur surface de 346 hectares.

Ainsi, le second plan de masse mentionnait des activités sportives principalement axées sur la glisse avec au Nord, une zone golf, une zone tennis et une zone équestre et au Sud un centre de glisse (Snow park, anneau de ski de fond, patinoire, anneau de glisse, skate park, anneaux de rollers et simulateur de chute libre), un parc aquatique, un parcours de kayak/rafting, un ‘wake park’, des activités de promenade et de découverte de la nature, des activités de remise en forme et des espaces de jeux, des hébergements (deux hotels et plus de 800 cottages et restaurants divers) et des espaces de boutiques, tous éléments présents dans le plan de masse initial à l’exception de la zone équestre.

En introduction à la demande déposée en juin 2005, il était indiqué que le projet portant le nom de Centre Européen des Sports de Glisse répondait à l’attrait populaire pour les sports de glisse.

Ces éléments ne démontrent aucun apport de Mme [N] se démarquant du projet initial de la société O’Zone dont elle reprenait même le nom.

Il ressort des articles de presse versés aux débats par les appelants que l’abandon de la piste de ski trop énergivore puis de toute l’activité de sports de glisse, l’abandon de toute construction au sud du canal et donc l’abandon de la passerelle, présents dans le projet initial de la société O’Zone Architectures répondent à des demandes du gouvernement wallon et expliquent la réduction de la surface du centre de loisirs (75 ha au lieu de 350 ha). Il s’en déduit que ce dernier a évolué au cours des années pour être adapté aux demandes du gouvernement wallon et réduit et non pas abandonné.

Par ailleurs, le centre de loisirs a été construit.

Dès lors, les appelants démontrent qu’ils avaient une chance sérieuse de voir retenus les manquements de MM. [H] et [W] à leur engagement pris dans leur lettre d’intention de confier à la société O’Zone Architectures la mission de maîtrise d’oeuvre générale portant sur l’ensemble de l’emprise foncière et des missions de maîtrise d’oeuvre particulière sur les éléments du projet relevant de sa compétence puisque le projet qu’elle avait présenté a été partiellement exécuté, ce qui constitue une rupture déloyale de l’avant contrat qu’était la lettre d’intention. Cette perte de chance doit, au vu des éléments produits, être évaluée à 80 %.

– sur la contrefaçon alléguée par MM. [G] et [O]

Toutes les oeuvres de l’esprit quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination, sont susceptibles d’être protégées par les droits d’auteur sous la condition, cependant qu’elles soient originales.

Une oeuvre résultant d’un acte de création portant l’empreinte de la personnalité de son auteur bénéficie de la protection des droits d’auteur sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale.

Néanmoins lorsque cette protection est contestée en défense, l’originalité d’une oeuvre doit être explicitée par celui qui s’en prétend l’auteur, seul ce dernier étant à même d’identifier les éléments traduisant sa personnalité.

MM. [G] et [O] n’apportent aucune démonstration de l’originalité de leur oeuvre et n’établissent donc aucune perte de chance d’obtenir en appel des dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral au titre d’une contrefaçon de leur projet.

– sur l’évincement déloyal de la société O’Zone Architectures et la ‘cannabilisation de son projet’ par Mme [N] et la société de Développement du Bois de Peronne

Les conditions dans lesquelles la maîtrise d’oeuvre a été confiée à la société de Développement du Bois de Peronne ne sont pas exposées et les appelants ne justifient pas d’une perte de chance de voir reconnaître une faute délictuelle ou quasi délictuelle de sa part.

Fondé sur les articles 1240 et 1241 du code civil, le parasitisme économique qui désigne une forme de concurrence déloyale se définit comme ‘l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire’.

Le protocole signé le 13 décembre 2004 rappelait en préambule que la société d’Etudes et de projets du CESG avait reçu mandat de réaliser les études nécessaires au développement d’un centre touristique de nature et de loisirs plus spécifiquement axé sur les sports de glisse et que le principe de la création de ce centre ayant reçu le meilleur accueil de la part des autorités régionales belges, il apparaissait possible d’obtenir la modification du plan de secteur nécessaire au dépôt du permis de construire.

Après avoir remis à Mme [N], les directives du concept créé et à réaliser figurant à l’annexe 6 du protocole, lequel correspondait au projet présenté en conférence de presse et prévoyant trois pistes de ski, la société d’Etudes et de projets du CESG lui a confié trois missions distinctes à mener de manière simultanée, afin d’obtenir des autorités wallonnes la modification du plan de secteur nécessaire à la réalisation du projet et de valider la faisabilité financière, économique et architecturale du projet pour le présenter aux investisseurs potentiels.

Outre une étude de programmation, de faisabilité, de fréquentation et de développement du concept et une étude économique et financière définissant un budget d’investissement et un business plan, Mme [N] s’est vu chargée d’une mission d’impact permettant la réalisation d’une demande de modification du plan de secteur dont le dépôt avait été confié à la société Incitec représentée par M. [C], par la société d’Etudes et de projets du CESG.

La convention prévoyait en son article 1 expressément :

‘ Cette étude sera réalisée en relation avec M. [C] et à ce titre, l’agence [N] fournira pour l’architecte du projet une étude préliminaire et un avant-projet sommaire permettant d’obtenir la modification de plan de secteur souhaitée.

La mission de l’agence [N] se poursuivra, en ce qui concerne cette deuxième étude, sous forme d’un suivi d’assistance à M. [C] pour l’enquête publique’.

L’article 4 prévoyait :

‘ La société d’Etudes et de projets du CESG devra faire son affaire personnelle de tous consultants, architectes ou bureaux d’études qui auraient pu travailler précédemment sur le projet de telle sorte que l’agence [N] ne puisse en aucun cas être inquiétée tant sur le plan déontologique que financier’.

L’article 6 : Poursuite de la mission et réalisation du projet stipulait :

‘ La présente mission se limitant à la réalisation de trois études et au suivi du dossier devant aboutir à une modification du plan de secteur la CESG restera d’un commun accord totalement libre du choix de tous les intervenants, bureaux d’études ou architectes nécessaires au dépôt des permis de construire ou à l’exécution des travaux.

Dans le cas où l’acceptation définitive de la modifiction du plan de secteur serait accordée sur la base des études ci-dessus fournies, il sera proposé à l’agence [N] une mission complémentaire ou partielle portant sur le développement ultérieur du projet.

Cette mission sera rémunérée suivant un contrat d’architecte à définir en collaboration ou pas avec d’autres cabinets d’architecture’.

La société O’Zone Architectures a accepté de transmettre à Mme [N] les documents issus de ses travaux de plus de deux ans à la demande expresse du mandataire du maître d’ouvrage qui lui avait confié une mission limitée au dépôt de la demande de modification du plan de secteur et ce, sans solliciter aucune contrepartie financière.

Les documents ainsi remis ont été utilisés par Mme [N] pour la mission qui lui avait été confiée avec le consentement de la société O’Zone Architectures et de MM. [G] et [O] qui n’avaient pas souhaité exécuter cette mission spécifique, ainsi qu’il ressort du rapport d’expertise amiable qu’il produisent aux débats.

Il ne peut donc être reproché à Mme [N] d’avoir repris le projet et le plan de masse qu’ils lui avaient confiés et aucun parasitisme n’est établi.

En conséquence, les appelants d’établissent pas avoir perdu une chance d’obtenir une condamnation de Mme [N] à leur profit.

– sur les préjudices indemnisables

La lettre d’intention précitée mentionnait :

‘En contrepartie, le maître de l’ouvrage confirme par la présente son intention, en cas de réalisation partielle ou totale du projet, de confier, sous réserve de modalités à définir, au maître d’oeuvre la mission de maîtrise d’oeuvre générale portant sur l’ensemble de l’emprise foncière ainsi que des missions de maîtrise d’oeuvre particulière sur les éléments du projet relevant de la compétence du maître d’oeuvre.

La contractualisation et la négociation de ces missions sera négociée entre le maître de l’ouvrage et le maître d’oeuvre et mise en vigueur en tout ou partie lorsque le financement acquis le permettra’.

S’agissant d’une lettre d’intention dont la société O’Zone Architectures était seule signataire, celle-ci et non MM. [G] et [O] ne pouvait solliciter que des dommages et intérêts pour avoir été évincée du projet au mépris des engagements pris dans la lettre d’intention et non pour avoir perdu le bénéfice d’un contrat de maîtrise d’oeuvre puisque la promesse ainsi faite n’était pas un engagement définitif assorti de conditions précises mais un avant contrat qui a été rompu déloyalement.

Dès lors, le préjudice invoqué au titre des honoraires d’architecte qu’elle aurait dû percevoir n’est pas en lien de causalité avec la faute de l’avocat lui ayant fait perdre une chance de voir retenus les manquements de MM. [H] et [W] à leur engagements pris dans leur lettre d’intention de confier à la société O’Zone Architectures la mission de maîtrise d’oeuvre.

En revanche, elle est fondée à se prévaloir, à titre de dommages et intérêts en réparation de cette perte de chance, du préjudice qu’elle invoque au titre des nombreuses prestations réalisées pendant 27 mois pour finaliser l’avant-projet. En effet, il ne peut lui être opposé le fait qu’elle ait accepté la mission confiée dans la lettre d’intention ‘à risque’ alors que les frais étaient exposés à risque dans le cas où le projet n’aurait pu se poursuivre mais pas en cas de rupture déloyale de l’avant contrat.

Il doit donc lui être alloué au titre de la perte de chance de 80 % d’obtenir la réparation de son préjudice en lien avec la rupture abusive de la lettre d’intention une somme de 280 000 euros (80 % x 350 000) au vu du rapport d’expertise amiable établi par l’expert agréé par la Cour de cassation. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter de ce jour, s’agissant de l’indemnisation d’un préjudice.

Les deux architectes doivent être déboutés de leur demande d’octroi d’une somme de 120 000 euros chacun formée en réparation du préjudice moral au titre de leurs droits d’auteur puisqu’aucune perte de chance d’établir une contrefaçon de leurs droits d’auteur n’a été retenue.

En revanche, MM. [G] et [O] justifient d’un préjudice moral lié à la privation d’une voie de recours laquelle est source de déception mêlée d’un sentiment d’injustice, ce préjudice étant en lien de causalité avec le manquement de diligence ayant entraîné la caducité de l’appel. Son indemnisation est portée à la somme de 6 000 euros pour chacun d’eux, en infirmation du jugement.

La société O’Zone Architectures est fondée à solliciter des dommages et intérêts d’un montant de 12 916,80 euros en réparation du préjudice lié au paiement des frais de l’expertise amiable dont le coût a été exposé en pure perte du fait de la faute de l’avocat qui a omis de solliciter, en se fondant sur ce rapport destiné à établir le degré d’inspiration par Mme [N] du projet de la société O’Zone, une expertise avant-dire-droit et contradictoire sur la responsabilité contractuelle de MM. [H] et [W].

Les appelants sont mal fondés à demander une indemnisation au titre des frais ( assignation et frais des avocats) inutilement exposés dans la première procédure initiée devant le tribunal de commerce puisque les fautes retenues contre M. [F] ne concernent pas cette procédure.

Si MM. [G] et [O] avaient réglé des honoraires à M. [F] alors que celui-ci a totalement omis de formuler des demandes à leur profit en première instance, ceux-ci auraient été considérés comme engagés en pure perte et auraient justifié l’octroi de dommages et intérêts mais les factures produites démontrent que l’intégralité des honoraires ont été facturés à la société O’Zone Architectures laquelle ne peut prétendre que les frais d’avocats qu’elle a payés en première instance l’ont été en pure perte puisqu’elle a été défendue par M. [F].

Par ailleurs, cette dernière n’établit pas que la dernière facture réglée le 8 octobre 2005 soit avant le délibéré rendu le 27 novembre 2005 concerne la procédure d’appel.

En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu’il les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts à ce titre.

En revanche, M. [G] justifiant avoir réglé sur ses deniers personnels le timbre fiscal de 225 euros exigé en appel en pure perte, celui-est fondé à réclamer des dommages et intérêts du même montant ainsi que l’ont admis avec pertinence les premiers juges et le jugement est confirmé à ce titre.

Enfin, il est fait droit à la demande de capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions relatives aux dépens et aux frais de procédure de première instance sont confirmées.

Les dépens d’appel doivent incomber à M. [F] et les sociétés MMA in solidum, lesquels sont également condamnés in solidum à payer à la société O’Zone Architectures et MM. [G] et [O] une somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement en ce qu’il a :

– débouté la Sarl O’Zone Architectures, M. [J] [G] et M. [M] [O] de leurs demandes en paiement des sommes de 2 400 000 euros HT hors taxes ;

– débouté M. [J] [G] et M. [M] [O] de leurs demandes en paiement d’une somme de 120 000 euros chacun,

Confirme le jugement, sauf à dire que les condamnations sont prononcées in solidum et non solidairement, en ce qu’il a :

– condamné solidairement M. [P] [F], la Sa MMA Iard et la société d’assurance mutuelle MMA Iard assurances mutuelles à payer à M. [J] [G] une somme de 225 euros au titre de son préjudice matériel,

– condamné solidairement M. [P] [F], la Sa MMA Iard et la société d’assurance mutuelle MMA Iard assurances mutuelles aux dépens,

– condamné solidairement M. [P] [F], la Sa MMA Iard et la société d’assurance mutuelle MMA Iard assurances mutuelles à payer à la Sarl O’Zone Architectures, M. [J] [G] et M. [M] [O] une somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Infirme le jugement en ses autres dispositions,

Statuant à nouveau, dans cette limite,

Dit que M. [P] [F] a commis quatre fautes professionnelles,

Condamne in solidum M. [P] [F], la Sa MMA Iard et la société d’assurance mutuelle MMA Iard assurances mutuelles à payer à la Sarl O’Zone Architectures une somme de 280 000 euros en réparation de son préjudice de perte de chance au titre de l’inexécution des engagements de la lettre d’intention, avec intérêts à compter de ce jour et capitalisation de ces intérêts dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil,

Condamne in solidum M. [P] [F], la Sa MMA Iard et la société d’assurance mutuelle MMA Iard assurances mutuelles à payer à M. [J] [G] et M. [M] [O] une somme de 6 000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral avec intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus et capitalisation de ces intérêts dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil,

Condamne in solidum M. [P] [F], la Sa MMA Iard et la société d’assurance mutuelle MMA Iard assurances mutuelles à payer à la Sarl O’Zone Architectures une somme de 12 916,80 euros en réparation de son préjudice matériel, avec intérêts à compter de ce jour et capitalisation de ces intérêts dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil,

Déboute la Sarl O’Zone Architectures, M. [J] [G] et M. [M] [O] de leurs demandes en paiement de la somme de 21 619,16 euros TTC,

Condamne in solidum M. [P] [F], la Sa MMA Iard et la société d’assurance mutuelle MMA Iard assurances mutuelles aux dépens, dont distraction au profit de la Selarl Cabinet Ledoux,

Condamne in solidum M. [P] [F], la Sa MMA Iard et la société d’assurance mutuelle MMA Iard assurances mutuelles à payer à la Sarl O’Zone Architectures, M. [J] [G] et M. [M] [O] une somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

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