Motivation
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la procédure
Il résulte des articles 562 et 901,4° du code de procédure civile que la déclaration d’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
Il résulte par ailleurs des articles 542 et 954 du même code que l’appelant doit , dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu’il demande l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement ou l’annulation.
Il en résulte que l’absence d’une demande d’infirmation ou d’annulation dans la déclaration d’appel ne prive pas l’appel d’effet dévolutif, dès lors que la déclaration d’appel mentionne les chefs de jugement critiqués.
La demande de la société Safran tendant à voir juger que la cour n’est saisie d’aucune prétention et ne peut que confirmer le jugement au motif que la déclaration d’appel ne comporte aucune demande d’infirmation ou d’annulation est en l’espèce inopérante , en ce que la déclaration d’appel mentionne bien les chefs de jugement critiqués et que le dispositif des conclusions de l’appelante comporte une demande d’infirmation du jugement.
Cette demande de l’intimée est donc écartée.
Sur le fond
Tout licenciement doit être fondé sur une cause à la fois réelle et sérieuse.
Aux termes de l’article L. 1232-6 du code du travail, l’employeur est tenu d’énoncer dans la lettre de licenciement, le ou les motifs du licenciement. La lettre de licenciement fixe les limites du litige.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La charge de la preuve de la faute grave incombe à l’employeur. En cas de doute, celui-ci profite au salarié.
Le courrier de licenciement en date du 31 janvier 2020 est ainsi rédigé:
‘[…] Le dimanche 29 décembre 2019, vous avez utilisé un véhicule de type voiture de golf dans l’enceinte de notre site client Airbus à des fins non professionnelles.
En effet, vous avez effectué une vidéo de vous debout sur la voiture de golf, portant le logo de notre entreprise Safran, vous mettant en scène sur les routes de notre site client Airbus.
Vous avez ensuite rajouté les paroles suivantes sur la vidéo « je vais faire un casse, casse et puis j’me casse, casse ».
Vous avez enfin diffusé cette vidéo sur les réseaux sociaux, sur lesquels vous êtes en relation avec vos collègues de travail.
Par cette action, vous avez manqué à plusieurs de vos obligations professionnelles:
– Vous n’avez pas respecté la consigne de votre hiérarchie selon laquelle la voiture de golf ne devait pas être utilisée le week-end du 28-29 décembre 2019 sans formation préalable, puisque ces véhicules n’avaient pas encore été mis en service.
Cet acte représente un fait avéré d’insubordination.
– Vous avez utilisé la voiture de golf sans formation au mode opératoire. Le mode opératoire a été finalisé le mardi 31 décembre 2019 par le leader opérationnel de l’OSS A350, [P] [O], qui vous a formé le vendredi 3 janvier 2020. Alors seulement vous étiez habilitée à utiliser le véhicule.
Ainsi, vous avez manqué au respect des consignes de sécurité incombant à votre poste de travail. Vous auriez pu causer un accident grave pour lequel vous n’étiez pas assurée et qui aurait pu entraîner de graves conséquences pour notre entreprise.
– La vidéo a été tournée pendant votre temps de travail. Vos obligations contractuelles ne vous autorisent pas à utiliser du matériel de l’entreprise durant votre temps de travail pour des activités non professionnelles.
Durant votre temps de travail, vous êtes à la disposition de l’entreprise qui vous embauche pour effectuer une tâche spécifique et non tourner des clips vidéo pour diffusion sur les réseaux sociaux.
– La voiture de golf portant le logo Safran, son utilisation sur le site de notre client Airbus demande la plus grande vigilance quant à l’image de notre entreprise.
Par vos agissements, vous avez porté atteinte à la réputation et l’image de marque de notre société chez notre client.
– Le message porté dans la vidéo (pour rappel: « je vais faire un casse, casse et puis j’me casse,
casse »), outre son ton et son style inappropriés, laisse à penser par les propos que vous envisagez de commettre un vol chez notre client Airbus.
Ce comportement non conforme à vos obligations professionnelles constitue une faute caractérisée d’autant plus grave que votre attitude est particulièrement préjudiciable aux intérêts de l’entreprise.
Votre maintien dans l’entreprise compte tenu de votre comportement et de ses conséquences s’avère impossible même durant un préavis.
En conséquence, en raison des motifs susvisés, nous sommes contraints de prononcer votre licenciement pour faute grave.
La rupture prend donc effet immédiatement et sans indemnités, hors congés payés. […]’
Il est ainsi reproché à la salariée:
– une insubordination résultant de l’utilisation sans autorisation de l’employeur d’un véhicule qui n’avait pas encore été mis en service.
– un manquement à l’obligation de sécurité car elle n’avait pas reçu de formation pour l’utilisation de ce véhicule ‘de golf’, lequel n’était pas encore assuré, ce dont il résultait un risque d’accident susceptible d’engager la responsabilité de l’employeur.
– un manquement à ses obligations contractuelles en vaquant à une activité non professionnelle pendant le temps de travail.
– une atteinte à l’image de la société Safran Cabin France, en effectuant une video à bord du véhicule sur le site de la société cliente Airbus, en dépit de l’interdiction de toute prise de vue faite aux sociétés prestataires sans autorisation préalable de la société Airbus. La diffusion sur les réseaux sociaux de cette video la rendait accessible à un large public extérieur à l’entreprise. Le contenu de celle-ci renvoie une image peu professionnelle, manquant de respect envers la société employeur et la société cliente .
La salariée admet être montée le 29 décembre 2019 dans le véhicule ‘de golf’ dont l’employeur avait fait récemment l’acquisition en vue de faciliter le déplacement de ses salariés entre les divers bâtiments du site d’airbus. Elle conteste cependant le caractère fautif de son comportement en arguant de la présence non contestée de son supérieur hiérarchique et d’un autre salarié dans le véhicule (M.[X] [I] et M.[B]), et ce un dimanche , dans une période de vacances de Noël où peu de salariés étaient présents sur le site.
Le fait d’être montée dans un véhicule sans autorisation de l’employeur pour un déplacement ne présentant aucune finalité professionnelle, et alors que l’employeur justifie qu’il n’avait pas encore mis le véhicule à la disposition des salariés ni mis en oeuvre la formation de ces derniers procède d’une insubordination manifeste et d’un manquement à l’obligation de sécurité à raison du risque d’accident qu’il implique avec les conséquences pénalisantes pour l’employeur.
Il est néanmoins établi par l’appelante que son supérieur hiérarchique M.[I] a conduit le véhicule concerné et que M.[B] , autre salarié de la société Safran, a également été passager du véhicule. Ces deux salariés, bien qu’encourant les même griefs d’insubordination et de manquement à l’obligation de sécurité, ont été sanctionnés par un avertissement par courriers respectifs du 12 février 2020.
Il en résulte que ces mêmes manquements ne sauraient présenter un caractère de gravité telle qu’ils puissent justifier la rupture du contrat de travail de Mme [L].
En revanche, il n’est pas contesté par la salariée qu’elle a réalisé une vidéo à l’aide de son téléphone portable sur laquelle elle se mettait en scène debout dans le véhicule en chantant une chanson dont les paroles étaient les suivantes: ‘ j’vais faire un casse , casse et puis j’me casse, casse’.
L’atteinte à l’image et à la réputation de l’entreprise auprès de sa cliente, que déplore l’employeur, est caractérisée non seulement par la réalisation d’une vidéo sans autorisation préalable de l’entreprise cliente propriétaire du site, mais également par le ton et le contenu de cette video qui donnent une image peu professionnelle des salariés de la société employeur, les propos tenus s’inscrivant dans un champ lexical de la transgression par l’atteinte aux biens.
L’absence alléguée de logo de la société employeur sur le véhicule, au demeurant contestée par l’employeur, ne saurait priver le comportement de la salariée de tout caractère fautif , dès lors que les images du site et des salariés filmés permettaient, par leur diffusion sur le réseau Face book, leur identification. Au surplus la salariée fait état du flocage des vestes portées par les salariés au logo de la société Zodiac récemment rachetée par la société Safran , ce qui ne laissait aucun doute sur l’appartenance des salariés à la société Safran.
Deux attestations de salariés, non contestées par l’appelante, font état d’un accès libre à la video sur la page facebook de la salariée, ce qui rendait cet enregistrement visible non seulement à des salariés de la société employeur mais également des personnes étrangères à l’entreprise.
La réalisation de la vidéo et sa diffusion sur le réseau Facebook , relèvent de l’initiative de la salariée et rien ne démontre que les deux collègues de Mme [L] présents sur le véhicule aient été associés à ce choix . La gravité du manquement imputé à Mme [L] rendait impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise.
Le seul avenant réduisant le temps de travail de la salariée à un temps partiel thérapeutique du 16 septembre au 13 décembre 2019 alors même que la salariée fait état de l’augmentation de salaire dont elle a bénéficié en octobre 2019, n’est pas de nature à laisser supposer une discrimination à raison de son état de santé.
Le licenciement est donc fondé sur une faute grave et le jugement sera confirmé en ses dispositions ayant débouté la salariée de ses demandes indemnitaires.
Mme [L], partie perdante , supportera les entiers dépens d’appel.
Aucune circonstance d’équité ne justifie de faire application de l’article 700 du code de procédure civile
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort ;
Dit que la cour est valablement saisie d’une demande d’infirmation ;
Confirme le jugement déféré ;
Condamne Mme [E] [T] [L] aux entiers dépens d’appel ;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Le présent arrêt a été signé par S. BLUM », présidente et C. DELVER, greffière de chambre.
LA GREFFI’RE LA PR »SIDENTE
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