Sanction disciplinaire injustifiée et harcèlement moral: victoire pour la salariée

Notez ce point juridique

Sur l’exécution du contrat de travail

La Cour a jugé que les avertissements donnés à la salariée étaient injustifiés, car les faits reprochés n’étaient pas suffisamment étayés. Par conséquent, la sanction prononcée a été annulée.

Sur l’obligation de sécurité

La salariée a été reconnue victime d’un manquement à l’obligation de sécurité de la part de l’employeur, en raison de l’absence d’organisation du travail adaptée. Cela a contribué à la dégradation de son état de santé.

Sur le harcèlement moral

La Cour a retenu l’existence de harcèlement moral envers la salariée, en raison de divers agissements de l’employeur. Les avertissements injustifiés, l’absence de réponses adéquates à ses alertes et la dégradation de son état de santé ont été pris en compte.

Sur la demande de dommages-intérêts

La salariée a obtenu une indemnité de 8 000 euros pour réparer son préjudice lié à la violation de l’obligation de sécurité.

Sur la rupture du contrat de travail

Le licenciement de la salariée a été jugé nul en raison du harcèlement moral dont elle a été victime. Elle a droit à des indemnités de rupture, dont une indemnité spéciale de licenciement de 22 000 euros.

Sur les autres demandes

Les sommes à caractère salarial produiront des intérêts au taux légal, et l’employeur devra fournir un bulletin de paie récapitulatif et une attestation Pôle Emploi conformes à la décision de la Cour. Une indemnité pour frais irrépétibles sera également allouée à la salariée.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/04146 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDU7N

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Avril 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de VILLENEUVE SAINT GEORGES – RG n° F19/00176

APPELANTE

Madame [K] [C] [X]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Audrey KUBACKI, avocat au barreau de PARIS, toque : E1857

INTIMÉE

SASU AIR GLOBAL

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Mai 2023, en audience publique,les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente, rédactrice

Madame Nicolette GUILLAUME, présidente

Madame Véronique BOST, vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [K] [C] [X] a été engagée le 25 juin 2012 par la Société Air Global.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle du personnel au sol du transport aérien.

La salariée a été destinataire de deux avertissements, le premier, le 4 avril 2016 et le second, le 28 septembre 2016, l’un et l’autre pour avoir refusé de respecter les consignes de son employeur.

A compter du 6 août 2016, l’intéressée a été placée en arrêt de travail.

Les 9 novembre 2016 le médecin du travail a émis un premier avis d’inaptitude, lequel a été confirmé le 1er décembre 2016, après une étude de poste intervenue le 24 novembre 2016.

Constatant son impossibilité de proposer un reclassement, la société a engagé une procédure de licenciement, en convoquant la salariée à un entretien préalable le 6 janvier 2017 avant de lui notifier son licenciement pour inaptitude le 10 janvier 2017.

A ce stade, la salariée avait le statut d’employée, coefficient 290.

Contestant le bien fondé de la mesure prise à son encontre, Mme [C] [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Villeneuve Saint Georges le 2 mai 2017 pour faire valoir ses droits.

L’affaire a été radiée par décision du 5 décembre 2017 avant d’être réinscrite par demande datée du 29 avril 2019.

Par jugement du 2 avril 2021, notifié aux parties le 22 avril 2021, le conseil des prud’hommes en sa formation de départage a :

– débouté Mme [C] [X] de l’ensemble de ses demandes

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

– condamné Mme [C] [X] aux dépens.

Par déclaration du 30 avril 2021, Mme [C] [X] interjeté appel.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 23 mai 2023, elle demande à la cour :

– d’infirmer la décision déférée en ce qu’elle l’a :

– déboutée de l’ensemble de ses demandes,

– dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamnée aux entiers dépens,

statuant à nouveau :
– d’annuler l’avertissement du 04 avril 2016,

– d’annuler l’avertissement du 28 septembre 2016,
à titre principal,

– de dire nul son licenciement ,
à titre subsidiaire,

– de dire son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

– de condamner la société Air Global, prise en la personne de ses représentants légaux, à lui verser les sommes de :

à titre principal,

– 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité de résultat,

– 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision,

– 30 000 euros à titre d’indemnité spéciale de licenciement,

– 12 016 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 1 201,60euros au titre des congés payés y afférents,

à titre subsidiaire :

– 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité,

– 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision,

– 30 000 euros à titre d’indemnité spéciale de licenciement,

– 12 016 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 1 201,60 euros, au titre des congés payés y afférents,

en tout état de cause :

– d’ordonner la rectification et la remise des documents de fin de contrat, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

– de condamner la société Air Global, prise en la personne de ses représentants légaux, à payer et porter à Mme [C] [X] la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens dont les frais de traduction.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 25 mai 2023, la société Air Global demande à la cour:

– de confirmer le jugement le jugement entrepris

– de débouter Mme [C] [X] de l’intégralité de ses demandes,

– de juger la demande d’indemnité spéciale de licenciement irrecevable,

– subsidiairement de la juger infondée

– infiniment subsidiairement, de fixer le montant de l’indemnité spéciale de licenciement à la somme de 4 616,10 euros

– subsidiairement, de fixer le montant de l’indemnité compensatrice de l’article L.1226-14 du code du travail à la somme de 6 008 euros bruts,

– de condamner Mme [C] [X] au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 30 mai 2023, date à laquelle l’affaire a été appelée à l’audience pour y être examinée.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour.

MOTIFS

I- sur l’exécution du contrat de travail,

A- sur les avertissements,

Aux termes de l’article L. 1331-1 du Code du Travail, constitue une sanction toute mesure autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

En cas de litige sur le prononcé d’une sanction disciplinaire, la lettre de notification fixe les limites du litige.

La juridiction apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L’employeur doit alors fournir les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, la juridiction forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin, toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

1°- avertissement du 4 avril 2016,

La lettre d’avertissement fait grief à Mme [C] [X]:

1- d’avoir refusé à plusieurs reprises d’effectuer des tâches relevant de ses fonctions et en dépit des instructions communiquées par l’employeur. (une expédition pour Iran Air, au prétexte d’agissements illégaux),

2- d’avoir accusé son employeur à de multiples reprises par mail et SMS de pratiquer des activités illégales ou de tenter de la piéger,

3- d’avoir laissés impayés, plus de 80 000 euros de factures, sans que la personne la remplaçant (‘[P]’) ait été en mesure de retrouver les dossiers correspondant à ces factures,

4- d’adopter un comportement inacceptable ‘vis à vis d'[P]’, qui s’est plainte de propos la plaçant dans une situation intenable et de stress permanent.

L’employeur renvoie sans autre détail à sept pièces qu’il verse aux débats, constituées, (à l’exception de la pièce N° 11 contenant la traduction d’un SMS), d’échanges abondants par courriers électroniques entre lui même et la salariée, dans lesquels aucun passage n’est spécifiquement identifié, mais dont la lecture ne permet pas de considérer que les griefs tenant à l’absence de paiement de factures et au comportement adopté à l’égard d’une personne dénommée [P] sont étayés, observation étant faite que c’est dans le courrier électronique de Mme [C] [X] du 11 mars 2016 qu’il fait référence à ‘[P]’, pour préciser qu’elle ‘fait son travail et ne mérite pas de passer par tout cela’. (p. 4 pièce N° 25).

Pour ce qui est des deux premiers griefs, ils ne ressortent pas davantage des courriers électroniques ou du SMS qui ne révèlent de la part de la salariée que de multiples interrogations tenant aux circonstances et difficultés auxquelles elle explique se heurter dans l’exercice de ses fonctions, les réponses apportées par l’employeur ne pouvant être considérées comme suffisamment circonstanciées pour écarter toute inquiétude de Mme [C] [X] à laquelle il ne peut être fait reproche d’avoir exigé une approbation spécifique de sa hiérarchie pour toute opération avec paiement à destination sur lequel elle n’a aucune maîtrise ainsi qu’elle l’expose et ce qui n’est pas démenti (Pièce N° 15 de l’employeur).

Aucun fait de nature à la justifier ne pouvant être retenu, la sanction prononcée doit en conséquence être annulée.

Le jugement entrepris doit donc être infirmé de ce chef .

2° avertissement du 28 septembre 2016,

La société reproche à la salariée d’avoir, en dépit des instructions données la veille, bloqué le 4 août 2016, une opération avec un fournisseur à raison de l’établissement de sa facture en dollars américains, le tout générant un fort mécontentement du client Iran Air rappelant l’urgence de l’expédition concernant des traitements contre le cancer attendus par les hôpitaux iraniens.

L’employeur spécifie que la situation n’a pu être débloquée qu’après une demi-journée d’explications à la suite desquelles Mme [C] [X] a accepté de valider l’expédition.

A l’appui de cette sanction, sont versés par l’employeur, de nombreux échanges électroniques avec la salariée, non autrement analysés, dont il résulte que cette dernière s’est effectivement interrogée sur la légalité d’une opération commerciale avec l’Iran, réglée en dollars, rien dans les seules affirmations données en réponse par la société, ne permettant de considérer comme totalement illégitimes et infondées les interrogations de Mme [C] [X], le comportement fautif de cette dernière ne pouvant être retenu et la sanction ainsi prononcée devant être également annulée.

B- sur l’obligation de sécurité,

Selon l’article L. 4121-1 du code du travail l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent:

1) des actions de prévention des risques professionnels,

2) des actions d’information et de formation,

3) la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

L’article L. 4121-2 du Code du Travail détermine les principes généraux de prévention sur le fondement desquels ces mesures doivent être mises en oeuvre.

Il en résulte que constitue une faute contractuelle engageant la responsabilité de l’employeur le fait d’exposer un salarié à un danger sans avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés, alors que l’employeur doit assurer l’effectivité de l’obligation de sécurité qui lui incombe en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise.

La salariée soutient que son employeur a manqué à ses obligations en ne définissant pas précisément ses missions, malgré les demandes répétées qu’elle a formulées d’une fiche de poste, ce qui a impliqué pour elle une surcharge de travail à raison des nombreuses tâches supplémentaires qui lui incombaient (vérification des comptes, transmission des états financiers, relances des clients, vérification des chèques, paiement des cotisations, paiement de la prévoyance, réglement des contributions sociales, recouvrement des factures, lien entre le cabinet d’expertise comptable Audit and Co et l’employeur), le tout sans formation spécifique adaptée, sans responsable hiérarchique et donc livrée à elle même dans un domaine dans lequel elle n’avait pas d’expérience.

Les différents échanges de courriers électroniques produits de part et d’autre démontrent l’inconfort né pour Mme [C] [X] dès les premiers moments d’exercice de ses fonctions, (pièce N° 37 de la salariée), à raison de l’absence de définition claire de la mission confiée, ce qui l’a conduite en février 2013 à proposer que soit retenue pour elle, le titre d’agent commercial supérieur, en référence au coefficient 290 qu’elle lisait sur son bulletin de salaire (pièce N° 38 de la salariée).

L’incertitude sur la définition de son poste et le périmètre de son action résulte des propres déclarations de l’employeur (courrier électronique du 24 janvier 2013, pièce N° 4 de la salariée) qui fera adresser à la salariée en octobre suivant (pièce N° 5 de la salariée), et dans les suites d’une réclamation formalisée par le biais d’un avocat dès le mois de janvier précédent, un contrat de travail la désignant comme responsable de bureau et opérations, statut non cadre coefficient 290.

Il résulte des propres déclaration de la société Air Global qu’elle a elle même relevé qu’une évolution de la définition du poste est intervenue, la salariée passant d’agent commercial fret à celui de responsable de bureau et opérations, rappelant que c’est cette seule dernière dénomination qui avait été convenue, le tout démontrant le flottement dénoncé par Mme [C] [X] sur ce point.

De plus, l’employeur ne démontre pas avoir mis en place une organisation du travail de nature à permettre à sa salariée de connaître l’exacte étendue de sa mission et plus généralement de disposer des moyens d’exercer correctement ses fonctions, les réponses par voie de mail sous forme d’apaisements temporaires étant insuffisantes à caractériser l’existence d’une structuration adaptée (pièce N° 20 de la salariée, courrier électronique du 15 mars 2017: réponse de ‘[W]’ pour air Global: ‘ merci pour ta compréhension, merci de me faire savoir s’il y a d’autres problèmes, avec SFS je m’en occuperai personnellement avec eux (…), demande lui de s’adresser à moi et évite d’engager la moindre conversation avec lui. Il part à la retraite dans quelques mois.

Au travail il y a toujours des problèmes et des défis (…) Tu dois voir cela à un niveau plus élevé(…) Je vais essayer de venir à [Localité 5] dans quelques mois, mais si tu as besoin de venir et de me parler en tête à tête fais le moi savoir(…)’.

Alors que la salariée détermine les tâches qu’elle estime avoir exécutées hors de sa mission, la société Air Global se contente de relever qu’aucune demande ne lui a été transmise sur ce point antérieurement au contentieux en cours.

En outre et s’agissant de la formation nécessaire à l’adaptation de la salariée à son poste, il ne peut être considéré qu’elle a été donnée par le seul passage d’expérience dont a bénéficié, de la part de sa prédécesseur à Mme [C] [X], dont les mails révèlent qu’elle a plusieurs fois sollicité son employeur sur la question de ses besoins de formation.

L’ensemble de ces constatations permet de retenir l’existence d’un manquement à l’obligation de sécurité, à raison de l’absence de toute organisation adaptée, alors qu’est démontrée la dégradation concomitante de l’état de santé de la salariée.

C- sur le harcèlement moral,

Le harcèlement moral s’entend aux termes de l’article L 1152-1 du Code du Travail, d’agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Par ailleurs, aux termes de l’article 1154-1 du Code du Travail, dans sa rédaction issue de la loi N° 2016-1088 du 8 août 2016, lorsque survient un litige au cours duquel le salarié évoque une situation de harcèlement moral, celui-ci doit présenter des éléments de faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement, l’employeur devant prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

A l’appui de sa demande, Mme [C] [X] présente les éléments suivants:

– un environnement de travail devenu rapidement hostile à raison des tensions apparues avec les salariés de la compagnie Iran Air suspicieux à l’encontre de son employeur,

– l’absence de toute explication plausible concernant notamment la légalité des expéditions aériennes vers l’Iran depuis la France,

– la dévalorisation de son travail de la part de M. [D] lui reprochant de ne pas savoir charger un avion et la traitant de ‘nulle’,

– l’absence de toute réponse effective à l’alerte formalisée auprès de l’employeur par courriel du 11 mars 2016 (pièce N° 22 de la salariée) relativement au comportement à son encontre d’un salarié (‘ [U]’) d’une entreprise partenaire, qu’elle accuse de détruire sa santé mentale en sabotant son travail, se plaignant d’avoir déja alerté sans que rien ne soit fait dans la suite,

– l’insuffisance et l’inadaptation des mesures prises pour lutter contre le problème dénoncé, puisqu’en réponse, l’employeur outre le versement de 200 euros ‘pour une soirée nocturne’, a demandé que la salariée lui fasse savoir s’il y avait d’autres problèmes, qu’il s’en occuperait personnellement, et a recommandé d’éviter d’engager la conversation personnellement avec M. [D] précisant in fine que ce dernier partait à la retraite dans quelques mois.

– le prononcé de deux avertissements en réponse aux difficultés ouvertement exprimées relativement au conditions dans lesquelles les échanges commerciaux avec l’Iran se déroulaient au regard des spécificités géopolitiques existantes, le tout après que l’employeur ait adressé des remerciements à la salariée le 3 août 2016, sanctions injustifiées,

– la dégradation de l’état de santé impliquant une hospitalisation en août 2016, une surveillance médicale accrue,

– l’absence de toute mesure d’adaptation des conditions de travail et de formation au poste occupé, la violation de l’obligation de sécurité ayant contribué à la dégradation de l’état de santé.

– la dégradation de l’état de santé imposant une hospitalisation en août 2016 puis un arrêt de travail à l’issue duquel le médecin du travail délivrait lors de la visite de reprise du 1er décembre 2016, un avis d’inaptitude au poste de responsable de bureau, et préconisant un reclassement dans un autre contexte relationnel et organisationnel,

– la reconnaissance du caractère professionnel dont elle est atteinte après un deuxième avis du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP) pour une maladie hors tableau,

Les éléments ainsi présentés, sont concordants et tangibles comme reposants sur des faits résultant des pièces versées à l’appui de leur allégation.

Pris dans leur ensemble, ils laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral.

Or l’employeur n’apporte pas la démonstration de ce que ces agissements ne constituent pas le harcèlement moral allégué et que les faits reprochés peuvent être objectivement justifiés.

Il en est ainsi des deux avertissements dont la nullité a été reconnue ci-dessus.

De même le lien entre la dégradation de l’état de santé et les conditions déplorables de travail est-il établi comme résultant non seulement de l’avis du CRRMP mais encore de la concomitance entre les arrêts de travail, le constat d’inaptitude du médecin du travail lors de la visite de reprise du 1er décembre 2016, la recommandation d’un reclassement dans un autre contexte organisationnel et la nature des récriminations de Mme [C] [X] qui déplore à longueur de courriers électroniques l’inconfort que lui créent l’absence d’organisation et de structuration de son poste, laquelle a été ci-dessus retenue comme constituant la violation de l’obligation de sécurité.

Mme [C] [X] a donc été victime de harcèlement moral, le jugement entrepris devant être infirmé de ce chef.

D- sur la demande de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité,

La salariée sollicite à titre de réparation de son préjudice, la somme de 30 000 euros de dommages-intérêts.

Au regard de la durée et de l’intensité des faits ainsi subis, il convient d’allouer de ce chef à Mme [C] [X] la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts.

II- sur la rupture du contrat de travail,

A- sur la nullité du licenciement,

En application de l’article L. 1152-3 du Code du Travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, tout acte contraire est nul.

En conséquence, toute rupture du contrat ayant pour origine le harcèlement moral dont le salarié a été victime est nulle.

Le salarié victime d’un licenciement nul et qui ne réclame pas sa réintégration a droit, quelle que soit son ancienneté dans l’entreprise, d’une part aux indemnités de rupture, d’autre part, à une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire.

La société Ar Global a licencié sa salariée à raison de l’inaptitude constatée par le médecin du travail et l’impossibilité de la reclasser sur un poste adapté aux restrictions préconisées.

Cependant, de ce qui précède il résulte que les faits de harcèlement moral dont la salariée a été reconnue victime et dont un des éléments constitutifs est le manquement à l’obligation de sécurité faute d’avoir mis en place une organisation de travail répondant aux exigences de la mission confiée, sont à l’origine de l’inaptitude ayant généré la rupture du contrat de travail.

De ce fait le licenciement est nul, le jugement entrepris devant être infirmé sur ce point.

B- sur les sommes dues à raison de la nullité du licenciement,

1° préavis,

L’indemnité compensatrice d’un montant égal à celle du préavis prévue à l’article  L. 1226-14 du code du travail doit être considérée comme due à Mme [C] [X] dès lors que c’est à raison des manquements imputables à l’employeur, dont est résulté le harcèlement moral, que la salariée a été dans l’impossibilité d’exécuter ses tâches pendant la période concernée, les conditions de l’article L. 1226-4 alinéa 3 n’étant pas réunies.

A ce titre il dit lui être alloué la somme de 6 008  euros à titre, en référence à l’article 15 de l’annexe 3 de la convention collective fixant à deux mois la durée du préavis conventionnel.

2° indemnité spéciale de licenciement,

a) sur la recevabilité de la demande,

L’employeur oppose l’irrecevabilité de la demande à raison de ce que celle-ci a été présentée pour la première fois en cause d’appel postérieurement à ses premières conclusions qui ne comportaient aucune demande au titre de l’indemnité de licenciement.

Cependant, aux termes de l’article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

Et en application des dispositions de l’article 566 du même code, les demandes nouvelles en appel sont recevables si elles sont l’accessoire, la conséquence ou le complément des demandes initiales.

Il est admis que la demande formée en appel sur un fondement juridique nouveau totalement différent de celui invoqué devant le juge du premier degré ne constitue pas une prétention nouvelle.

En l’espèce bien que la salariée présente pour la première fois en appel une demande d’indemnité spéciale de licenciement, il s’agit d’une demande accessoire qui se rattache à ses prétentions tenant à la critique de son licenciement.

La fin de non recevoir soulevée par la société Air global doit donc être rejetée.

b) au fond,

En application de l’article L.1226-14 du code du travail , la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l’article L. 1226-12 ouvre droit pour le salarié, à une indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis prévue à l’article L. 1234-5 ainsi qu’à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables est égale au double de l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9 du code du travail .

Il résulte de ce qui précède que la rupture du contrat de travail relève des cas régis par l’article L. 1226-12, peu important que la décision de reconnaissance du caractère professionnel de l’affection ait été déclarée inopposable à l’employeur, dans le cadre de la législation spécifique sur les accidents et les maladies professionnelles.

Ene référence à l’article R. 1234-2 du code du travail , la somme allouée de ce chef doit être fixée à 4616,10 euros.

3°dommages-intérêts licenciement nul,

Mme [C] [X] totalisait presque cinq ans d’ancienneté à la date du licenciement.

En application de l’article L. 1235-1-1 du code du travail il doit être alloué à ce titre la somme de 22 000 euros.

III- sur les autres demandes,

Les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation en conciliation, et les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt

L’employeur sera tenu de présenter au salarié un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes aux termes de cette décision dans le délai de deux mois suivant la signification du présent arrêt, sans que le prononcé d’une astreinte soit à ce stade justifié.

En raison des circonstances de l’espèce, il apparaît équitable d’allouer à Mme [C] [X] une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles dont le montant sera fixé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

PRONONCE l’annulation des avertissements des 4 avril 2016 et 28 septembre 2016,

DIT nul le licenciement de Mme [C] [X],

CONDAMNE en conséquence la société Air Global à verser à Mme [C] [X] les sommes de :

– 8000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né du non respect de l’obligation de sécurité,

– 6 008 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 4 616,10 euros à titre d’indemnité spéciale de licenciement,

– 22 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de la nullité du licenciement,

DIT que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation en conciliation, et que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

DIT que l’employeur sera tenu de présenter au salarié un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes aux termes de cette décision dans le délai de deux mois suivant la signification du présent arrêt.

DIT que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt, en application de l’article 1154 devenu l’article 1343-2 nouveau du code civil.

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes.

CONDAMNE la société Air Global à verser à Mme [C] [X] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d’appel.

CONDAMNE la société Air Global aux dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 

 

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