L’employeur qui dépose un brevet sur un produit développé par un salarié sans informer ce dernier s’expose à une condamnation pour manquement à son obligation de loyauté. La prise d’acte du salarié sera également justifiée.
Dépôt de brevet en catimini
Un salarié a obtenu la résiliation judiciaire de son contrat de travail et corrélativement la condamnation de son employeur à lui verser les indemnités afférentes, excipant de ce que ce dernier avait breveté et commercialisé une invention dont il était lui-même l’auteur, et l’aurait privé de la rémunération conventionnelle minimale se rapportant aux fonctions qu’il exerçait au sein de l’entreprise.
Résiliation judiciaire du contrat de travail
L’action en résiliation judiciaire du contrat de travail et la demande de requalification d’une démission en prise d’acte de la rupture du contrat de travail tendent, toutes deux, à faire constater par le juge les manquements graves de l’employeur de nature à empêcher la poursuite de la relation de travail, et in fine, à faire produire à la rupture du contrat de travail les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient soit, dans le cas contraire, d’une démission. Seuls peuvent être de nature à justifier la prise d’acte ayant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, des faits, manquements ou agissements de l’employeur d’une gravité suffisante, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail. La prise d’acte ne fixe pas le champ du litige, de sorte que le salarié peut soulever des griefs autres que ceux qui y sont mentionnés.
Il résulte de l’article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle que les inventions faites par le salarié dans l’exécution soit d’un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d’études et de recherches qui lui sont explicitement confiées, appartiennent à l’employeur. Les conditions dans lesquelles le salarié, auteur d’une invention, se voit attribuer une rémunération supplémentaire sont déterminées par les conventions collectives, les accords d’entreprise et les contrats individuels de travail.
Aux termes de l’article L. 615-17 du code de la propriété intellectuelle, les actions civiles et les demandes relatives aux brevets d’invention sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, y compris dans les cas prévus à l’article L. 611-7 précité.
Affaire LDLC
La société GROUPE LDLC n’avait pas attribué au salarié la gratification qui lui était due au titre du brevetage et de la commercialisation d’un système de calage de colis qu’il avait prototypé.
La demande indemnitaire du salarié ne tendait, ni à la revendication ni à faire constater l’inobservation des droits attachés au brevet couvrant l’invention déposée par l’employeur à l’institut national de la propriété industrielle. Dès lors que la compétence du conseil de prud’hommes était acquise s’agissant de régler tout différend pouvant s’élever en considération de manquements imputés à l’employeur à ses obligations contractuelles, notamment un manquement à l’obligation générale de loyauté.
En l’occurrence, le salarié avait proposé à son supérieur hiérarchique, une « idée d’amélioration » des « calages pour UC ». Il avait activement participé au développement du projet « calage pour UC » mené sous le monitorat de son supérieur hiérarchique, en partenariat avec une autre société. Les travaux entrepris ont abouti à une solution dont le dirigeant a sollicité le dépôt pour le compte de l’entreprise à l’institut national de la propriété industrielle. L’employeur avait par la suite, commercialisé l’année courant, sous la marque TILTEEK, un système de calage de composants d’ordinateurs alors même qu’il s’était opposé à la demande du salarié. De tels agissements, caractérisaient une volonté délibérée de l’employeur de priver le salarié de la prime forfaitaire de dépôt qui lui était acquise du fait du dépôt de son invention. De tels agissements caractérisent un manquement patent de l’employeur à l’obligation de loyauté à laquelle l’employeur est tenu à l’égard de son salarié et justifient que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Télécharger la décision