Conseils juridiques sur les fins de non-recevoir tirées de la prescription
1. Attention à la date de notification de la rupture du contrat de travail : Lorsqu’il s’agit de contester la rupture d’un contrat de travail, il est recommandé de bien noter la date de notification de cette rupture. En effet, selon l’article L.1471-1 du code du travail, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de cette notification. Si vous envisagez de demander une aide juridictionnelle, assurez-vous de déposer votre demande avant l’expiration de ce délai pour bénéficier d’un nouveau délai d’un an à compter de la décision d’admission. 2. Attention à la succession de contrats à durée déterminée : Si vous souhaitez contester la nature de vos contrats à durée déterminée (CDD) et les requalifier en contrat à durée indéterminée (CDI), il est important de savoir que le délai de prescription de deux ans commence à courir à partir du terme du dernier CDD en cas de succession de contrats. Cela signifie que vous avez deux ans à partir de la fin de votre dernier CDD pour engager une action en requalification, comme le stipule l’article L. 1245-1 du code du travail. 3. Il est recommandé de conserver tous les documents relatifs à votre emploi : Pour soutenir une action en requalification de CDD en CDI, il est crucial de conserver tous les contrats de travail, certificats de travail, bulletins de salaire et autres documents pertinents. Ces documents peuvent servir de preuves pour démontrer la nature permanente et durable de votre emploi, ainsi que pour contester le caractère saisonnier ou temporaire des tâches effectuées. En cas de litige, ces éléments seront essentiels pour établir la réalité de votre relation de travail. |
→ Résumé de l’affaireRésumé des faits de l’affaire
Contexte : Procédure initiale : Jugement du Conseil des prud’hommes (4 mars 2020) : Appel de M. [E] : Réponse du GAEC DE [Adresse 5] (7 avril 2022) : Ordonnance de clôture : Pour plus de détails, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées. |
→ Les points essentielsPrescription des actions en requalification et rupture de contratLe GAEC DE [Adresse 5] argue que l’action de M. [E] pour requalifier ses contrats à durée déterminée (CDD) en contrat à durée indéterminée (CDI) est prescrite par un délai de deux ans, et que l’action concernant la rupture du contrat de travail est prescrite par un délai d’un an. M. [E] rétorque que sa demande d’aide juridictionnelle, déposée moins d’un an après la rupture de son contrat, prolonge le délai de prescription. Il soutient également que la prescription biennale pour la requalification des CDD en CDI ne commence qu’à la fin du dernier CDD en cas de succession de contrats. Prescription des actions en exécution et rupture de contratSelon l’article L.1471-1 du code du travail, les actions portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrivent par deux ans, et celles portant sur la rupture du contrat par douze mois. La jurisprudence établit que la prescription pour la requalification des CDD en CDI commence à la fin du dernier contrat en cas de succession. M. [E] ayant saisi le conseil des prud’hommes dans les délais, ses actions ne sont pas prescrites. Les exceptions d’irrecevabilité soulevées par le GAEC DE [Adresse 5] sont rejetées. Requalification des contrats à durée déterminéeM. [E] affirme que son travail continu, à l’exception de la saison estivale, démontre qu’il occupait un emploi permanent. Il soutient que ses tâches allaient au-delà des travaux saisonniers et que l’absence de contrat signé initialement justifie la requalification en CDI. Le GAEC DE [Adresse 5] rétorque que son activité est saisonnière, justifiant l’emploi de CDD successifs. Les tâches de M. [E] étaient en corrélation avec les saisons, et il a signé plusieurs CDD. Caractère saisonnier des contrats de travailLes contrats de M. [E] mentionnent des tâches saisonnières comme la taille de la vigne, répétées chaque année selon un rythme prévisible. Les variations d’activité étaient régulières et indépendantes de la volonté de l’employeur. Les contrats de travail à durée déterminée peuvent être qualifiés de saisonniers, et la demande de requalification en CDI est rejetée. Les éléments fournis par le GAEC DE [Adresse 5] montrent que la relation de travail était conforme aux exigences légales pour des emplois saisonniers. Demandes accessoires et frais de justiceLa décision de première instance concernant les dépens et les frais irrépétibles est confirmée. M. [E], étant la partie perdante, est condamné aux dépens. L’équité commande de ne pas appliquer les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Les montants alloués dans cette affaire:
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→ Réglementation applicableArticles des Codes cités et leur texte
Code du travail – Article L. 1471-1 – Article L. 1245-1 – Article L. 1242-2 – Article L. 1243-11 Code de procédure civile – Article 700 Reproduction du texte des articles cités Code du travail – Article L. 1471-1 – Article L. 1245-1 – Article L. 1242-2 – Article L. 1243-11 Code de procédure civile – Article 700 |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Anne-France Breuillot de la SELARL BREUILLOT & AVOCATS
– Me Caroline Chapouan de la SCP LEXMAP&ASSOCIES – Me Frédéric Vignal, avocat plaidant inscrit au barreau d’ARDECHE |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
20/01584
N° RG 20/01584
N° Portalis DBVM-V-B7E-KNRF
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELARL BREUILLOT & AVOCATS
la SCP LEXMAP&ASSOCIES
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section A
ARRÊT DU MARDI 13 SEPTEMBRE 2022
Appel d’une décision (N° RG 19/00213)
rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VALENCE
en date du 04 mars 2020
suivant déclaration d’appel du 26 Mars 2020
APPELANT :
Monsieur [L] [E]
né le 02 Janvier 1975 à [Localité 4] (MAROC)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Anne-france BREUILLOT de la SELARL BREUILLOT & AVOCATS, avocat au barreau de CARPENTRAS
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/006352 du 12/08/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de GRENOBLE),
INTIMEE :
G.A.E.C. [Adresse 5], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
SIRET N° : 331318899000019
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me Caroline CHAPOUAN de la SCP LEXMAP&ASSOCIES, avocat postulant inscrit au barreau de VALENCE,
et par Me Frédéric VIGNAL, avocat plaidant inscrit au barreau d’ARDECHE,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,
Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,
Madame Magali DURAND-MULIN, Conseillère,
DÉBATS :
A l’audience publique du 17 Mai 2022,
Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, chargée du rapport, assistée de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, en présence de Mme [O] [S], Assistante de justice près la Cour d’appel de Grenoble, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.
Puis l’affaire a été mise en délibéré au 13 Septembre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L’arrêt a été rendu le 13 Septembre 2022.
M. [E] a été engagé à compter du 4 mai 2009 dans le cadre de contrats à durée déterminée saisonniers en qualité d’ouvrier agricole par le GAEC DE [Adresse 5] jusqu’au 30 juin 2017.
En novembre 2017, le GAEC DE [Adresse 5] informait M. [E] qu’il n’avait plus de travail à lui confier.
M. [E] a saisi le Conseil des prud’hommes de Valence, en date du 19 juin 2019 afin de demander la requalification de sa relation contractuelle avec le GAEC DE [Adresse 5] en contrat de travail à durée indéterminée, dire qu’il a été licencié sans cause réelle et sérieuse, se faire remettre par son employeur les documents de fin de contrat et obtenir les indemnités afférentes.
Par jugement du 04 mars 2020, le Conseil des prud’hommes de Valence a :
Dit et jugé que l’ensemble des demandes de M. [E] sont irrecevables car prescrites.
– Condamné M. [E] à verser au GAEC DE [Adresse 5] les sommes nettes suivantes:
‘ Deux cents euros ( 200 euros ) à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
‘ Trois cents euros ( 300 euros ) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
– Condamné M. [E] aux dépens de l’instance.
La décision a été notifiée aux parties et M. [E] en a interjeté appel.
Par conclusions du 25 juin 2020, M. [E] demande à la cour d’appel de :
Infirmer le jugement dont appel ;
Déclarer M. [E] recevable en toutes ses demandes ;
Requalifier en contrat de travail à durée indéterminée la relation de travail ayant lié M. [E] au GAEC DE [Adresse 5] depuis le 4 mai 2009, qui a pris fin le 1er juillet 2017 ;
Constater que la rupture du contrat de travail par le GAEC DE [Adresse 5] n’est pas motivée et s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamner le GAEC DE [Adresse 5] à payer à M. [E] les sommes suivantes:
3 721,8 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
372,18 euros à titre de congés payés afférents ;
3 871,70 euros nets à titre d’indemnité de licenciement ;
15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse préjudice ;
Remise de bulletins de salaires rectifiés, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle emploi conforme sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de 15 jours après la notification de la décision à intervenir
Intérêts au taux légal à compter de la saisine ;
Condamner le GAEC DE [Adresse 5] à payer à la SCP BREUILLOT & VARO, avocat du bénéficiaire de l’aide, la somme de 3 000 euros.
La condamner aux dépens
Par conclusions en réponse du 7 avril 2022, le GAEC DE [Adresse 5] demande à la cour d’appel de :
A titre principal
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a retenu la prescription de l’action engagée par M. [E] pour en tirer toutes les conséquences juridiques sur l’irrecevabilité de ses prétentions et leur rejet ;
Réformer le jugement entrepris sur le quantum des dommages intérêts alloués au GAEC DE LA GRANDE TUILLIERE en raison du caractère manifestement abusif de l’action engagée pour voir porter ce montant à la somme de 2 500 euros et statuer à nouveau en ce sens ;
A titre subsidiaire
Débouter M. [E] de l’ensemble de ses prétentions
En tout état de cause
Condamner M. [E] à verser au GAEC de [Adresse 5] une somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du CPC
Condamner M. [E] aux entiers dépens
L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 avril 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.
Sur les fins de non-recevoir tirées de la prescription :
Moyens des parties :
Le GAEC DE [Adresse 5] soutient d’une part que l’action en requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée de M. [E] se heurte à la prescription de deux ans et que l’action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par une année à compter de la notification de cette rupture en application des dispositions de l’article L.1471-1 du code du travail.
M. [E] fait valoir, s’agissant de la prescription d’un an relative à l’action portant sur la rupture du contrat de travail, qu’il avait déposé une demande d’aide juridictionnelle pour engager la procédure devant le conseil des prud’hommes le 6 juin 2018, soit moins d’un an après la rupture de son contrat de travail, aide juridictionnelle obtenue le 20 juin 2018, disposant par conséquent d’un nouveau délai d’un an pour contester le motif de la rupture de son contrat de travail et qu’au moment de la saisine du Conseil des prud’hommes le 19 juin 2019, sa demande n’était donc pas prescrite.
M. [E] soutient par ailleurs s’agissant de la prescription biennale de l’action en requalification des contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, qu’aucun contrat à l’exception de celui signé le 7 octobre 2010, ne lui a jamais été remis jusqu’au 30 juin 2017, date de fin de son activité au sein du GAEC DE [Adresse 5]. Il fait valoir qu’en matière de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée , la prescription de deux ans de L’article L. 1245-1 du code du travail ne court de la date de conclusion du contrat de travail que lorsque l’action est fondée sur l’absence d’une mention au contrat de travail susceptible d’entrainer sa requalification mais que lorsque l’action est fondée sur le fait que le recours aux contrats à durée déterminée permet de pourvoir un emploi lié à l’activité permanente de l’entreprise, comme c’est le cas en l’espèce, le délai de prescription ne court qu’à compter du terme du dernier contrat à durée déterminée en cas de succession de contrats à durée déterminée. La demande de requalification n’est pas le fait d’une irrégularité des contrats signés mais de l’existence d’une relation de travail à durée déterminée.
En outre, le bureau d’aide juridictionnelle a été saisi moins de deux ans après la signature du contrat à durée déterminée du 2 novembre 2016.
Sur ce,
Il résulte des dispositions de l’article L.1471-1 du code du travail, issues de la loi du 14 juin 2013 applicable aux faits d’espèce, que toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit et que toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.
Il est de principe que l’action fondée sur la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée constitue une action portant sur l’exécution du contrat de travail, soumise à la prescription biennale susvisée.
Il est de jurisprudence constante que si l’action en requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée est fondée sur la réalité du motif du recours au contrat à durée déterminée indiqué sur le contrat de travail, le point de départ du délai de prescription est le terme du contrat de travail ou en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat à durée déterminée.
En l’espèce, M. [E] fonde son action en requalification sur le motif du recours aux contrats à durée déterminée, contestant le caractère saisonnier des contrats à durée déterminée et estimant avoir occupé un emploi permanent et durable dans l’entreprise.
Il est constant que son dernier contrat de travail s’est terminé le 30 juin 2017. Ayant saisi le conseil des prud’hommes le 19 juin 2019, son action en requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée n’est par conséquent pas prescrite. Il convient de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée à ce titre par le GAEC DE [Adresse 5].
S’agissant de l’action relative à la rupture du contrat de travail, il ressort des dispositions de l’article L. 1471-1 alinéa 2 du code du travail que toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.
Lorsqu’une action en justice ou un recours doit être intenté avant l’expiration d’un délai devant les juridictions de première instance ou d’appel, l’action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai, si la demande d’aide juridictionnelle s’y rapportant est adressée au bureau d’aide juridictionnelle avant l’expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter :
a) De la notification de la décision d’admission provisoire ;
b) De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ;
c) De la date à laquelle le demandeur à l’aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d’admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l’article 56 et de l’article 160 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ;
d) Ou, en cas d’admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné.
En l’espèce, il n’est pas contesté que le dernier contrat à durée déterminée de M. [E] s’est terminé le 30 juin 2017. Il disposait d’un délai d’un an, soit jusqu’au 30 juin 2018, pour introduire son action en contestation de la rupture de son contrat de travail. M. [E] justifie du dépôt d’une demande d’aide juridictionnelle devant le Conseil de prud’hommes de Valence en date du 6 juin 2018, soit avant l’expiration du délai d’un an susvisé. Il a obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par décision du 20 juin 2018 faisant de nouveau courir le délai initial d’un an à compter de cette date, soit jusqu’au 20 juin 2019. Ayant saisi le Conseil des prud’hommes de Valence le 19 juin 2019, l’action de M. [E] relative à la rupture de son contrat de travail n’est pas prescrite. Il convient de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée à ce titre par le GAEC DE [Adresse 5].
Le jugement déféré doit être infirmé à ces titres.
Sur la requalification des contrats à durée déterminée :
Moyens des parties :
M. [E] soutient que le simple constat qu’il ait travaillé sans discontinuer, à l’exception de la saison estivale, entre mai 2009 et juin 2016 démontre qu’il occupait un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
M. [E] ajoute que son travail ne se limitait pas à la réalisation de tâches saisonnières, mais impliquait la réalisation des travaux nécessaires au fonctionnement permanent de l’exploitation.
De plus, M. [E] fait valoir que le fait qu’il ait été, à l’origine, embauché sans avoir signé de contrat de travail et ait travaillé sans contrat plusieurs années suffit à justifier que sa relation de travail soit requalifiée en relation de travail à durée indéterminée.
De surcroît, il déclare que tout contrat de travail à durée déterminée conclu pendant une relation de travail à durée indéterminée est privé d’effet.
Au surplus, M. [E] fait valoir que tout contrat saisonnier se prolongeant au-delà de la saison doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée. Il déclare que la saison de la taille de la vigne se déroule sur une période qui va au plus large, du mois d’octobre au mois de mars. Or, son contrat de travail s’est poursuivi en avril, mai et juin.
Le GAEC DE [Adresse 5] fait valoir qu’elle est une entreprise dont l’activité saisonnièrelui permet d’embaucher du personnel saisonnier. Ainsi, les embauches sont ponctuelles et pour la saison. Elle soutient que M. [E] a ainsi bénéficié d’un premier CDD saisonnier le 4 mai 2009 et que le bulletin de salaire du 4 mai au 31 mai 2009 établit clairement que M. [E] était un « employé occasionnel ». Par la suite, des contrats de même nature ont été conclus entre les parties jusqu’au 30 juin 2017 avec une période d’interruption entre chaque contrat pour assurer le travail de la vigne. L’exécution de ces tâches, a un rapport direct avec le rythme des saisons et elles surviennent à peu près aux mêmes dates et de façon prévisible. M. [E] étant par conséquent affecté à des tâches en corrélation avec le rythme des saisons. A chque nouvelle saison, il effectuait notamment ce travail de taille de la vigne et d’ébourgeonnage en vertu d’un nouveau contrat à durée déterminée comme référencé à l’article 20 de la Convention collective des exploitations agricoles de la Drôme du 22 janvier 1970.
De surcroît, l’employeur fait valoir que les dispositions de l’article L. 1243-11 du code du travail ne font pas obstacle à la conclusion de contrats de travail à durée déterminée successifs avec le même salarié lorsque le contrat est conclu dans l’un des cas suivants: emplois à caractère saisonnier définis au 3° de l’article L. 1242-2 ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois. Ainsi, l’emploi assigné à M. [E] était par nature une activité saisonnière et non permanente de travail sur la vigne.
Au surplus, l’employeur soutient que le contrat de travail à durée déterminée cesse de plein droit à l’échéance du terme, cette règle s’appliquant même si le contrat est sans terme précis. Il ajoute que les travaux de taille de la vigne ont une durée qui peut fluctuer en fonction des conditions climatiques et de la région. En outre, la taille, l’attache, l’ébourgeonnage et le palissage de la vigne sont des activités saisonnières et se déroulent de novembre à juillet.
Par ailleurs, l’employeur fait valoir que:
M. [E] n’a pas travaillé durant des périodes de plus de 4 mois entre deux périodes d’activités et qu’il a été rémunéré par pôle emploi.
qu’il s’est acquitté d’indemnités compensatrices de congés payés tous les mois travaillés
qu’à chaque fin de contrat, il a remis les documents de fin de contrat de contrat à M. [E], lequel ne les a jamais contestés
M. [E] a signé plusieurs contrats à durée déterminée
Par ailleurs, l’employeur soutient que M. [E] n’a jamais participé aux vendanges ni à la vinification de sorte qu’il ne peut prétendre participer à l’activité permanente de l’entreprise. Enfin il explique que M. [E] a bien signé ses contrats de travail.
Sur ce,
En application des dispositions de l’article L. 1242-2 code du travail, sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et notamment dans le cas suivants : emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
Le recours au contrat à durée déterminée est autorisé pour pourvoir un emploi à caractère saisonnier, dès lors qu’il est conclu pour la réalisation de travaux qui sont appelés à se répéter chaque année, à date à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs, et qui sont effectués pour le compte d’une entreprise dont l’activité obéit aux mêmes variations.
Pour pouvoir être qualifiées de saisonnières, les variations d’activité doivent être régulières, prévisibles, cycliques et indépendantes de la volonté de l’employeur ou des salariés.
Il ressort des dispositions de la Convention collective des exploitations agricoles de la Drôme du 22 janvier 1970 que le salarié saisonnier est celui qui est embauché pour effectuer des travaux spécifiques se renouvelant chaque année aux mêmes époques en fonction du rythme des saisons. La relation de travail ne peut se poursuivre au-delà des tâches saisonnières pour lequel le contrat a &t& conclu.
En l’espèce, il ressort des contrats de travail, certificats de travail, des bulletins de salaires et DUE de M. [E] produits aux débats, qu’il était employé en qualité d’ouvrier agricole :
Un certificat de travail mentionnant « travail en vert dans la vigne » du 4 mai 2009 au 30 juillet 2009,
Le 20 octobre 2009 en contrat à durée déterminée de saison à terme certain ou incertain pour « tirer les racines » pour une semaine,
Le 7 octobre 2010 en contrat de travail « sans termes précis » dans le cadre de la saison de taille et ébourgeonnage de la vigne pour l’hiver 2010/2011, le certificat de travail mentionnant une débauche le 10 juillet 2011,
Le 15 octobre 2011 en contrat à durée déterminée pour 180 jours pour des travaux de taille et ébourgeonnage et une attestation pôle emploi précisant une embauche de M. [E] du 7 octobre 2010 au 31 juillet 2011, une attestation pôle emploi précisant une embauche de M. [E] du 19 novembre 2012 au 30 juin 2013, le certificat de travail mentionnant en revanche une débauche le 17 juillet 2013.
Un certificat de travail mentionnant une embauche du 26 septembre 2013 au 30 septembre 2013,
Une attestation pôle emploi précisant une embauche de M. [E] du 22 octobre 2013 au 30 juin 2014, le certificat de travail mentionnant une débauche le 18 juillet 2014,
Le 20 octobre 2014 en contrat à durée déterminée pour l’exécution d’une tâche saisonnière pour l’arrachage des vignes pour ne période minimale de 15 jours l’attestation pôle emploi précisant un dernier jour travaillé le 30 juin 2015. (idem certificat de travail),
Le 19 octobre 2015 en contrat à durée déterminée pour l’exécution d’une tâche saisonnière pour la taille des vignes pour une période minimale d’un mois et jusqu’à la fin des travaux ; l’attestation pôle emploi précisant un dernier jour travaillé le 30 juin 2016 (idem certificat de travail),
Le 2 novembre 2016 en contrat à durée déterminée de saison pour la taille des vignes pour une période minimale de 6 mois jusqu’à l’expiration des travaux ; l’attestation pôle emploi précisant un dernier jour travaillé le 30 juin 2017(idem certificat de travail).
Les bulletins de salaires versés aux débats par M. [E] précisent depuis 2009, soit dans l’emploi « travail en vert dans la vigne », catégorie « occasionnels », soit « ouvrier agricole », « occasionnel », soit « taille de la vigne » « occasionnel ».
Il ressort des éléments susvisés que M. [E] était employé en qualité d’ouvrier agricole chaque année pour effectuer « la taille de la vigne » et que son emploi se répétait chaque année pour une durée quasi identique en raison de variations d’activité régulières, prévisibles et cycliques indépendante de la volonté le GAEC DE [Adresse 5], certains contrats à durée déterminée démarrant ou se poursuivant d’une semaine à 15 jours en fonction des caprices de la nature sur la vigne mais non au-delà. Le terme de « taille de la vigne » étant jugé suffisamment précis pour qualifier cette activité de saisonnière et M. [E] ne démontrant pas qu’il était affecté à d’autres tâches que celle-ci durant l’exécution de son contrat de travail.
Le seul fait qu’il ait pu être embauché à deux reprises pour quelques jours hors de la saison habituelle (en septembre au lieu d’octobre ou novembre) ne vient pas valablement contredire le caractère saisonnier de son activité d’ouvrier agricole au sein de le GAEC DE [Adresse 5].
Les dits-contrats de travail à durée déterminée conclus peuvent ainsi être valablement qualifiés de saisonniers conformément à la législation susvisée et il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de requalification des contrats à durée déterminée saisonniers en contrat à durée indéterminée à ce titre.
S’agissant du défaut allégué de signatures des contrats à durée déterminée, le GAEC DE [Adresse 5] verse aux débats la copie de la plupart des contrats de travail signés par les parties, les DPE et les certificats de travail associés sauf celui d’une semaine en 2009, certains contrats n’ayant pas pu être retrouvés dans les archives de l’employeur et la relation de travail étant reconstituée grâce aux certificats de travail et déclarations préalables à l’embauche systématiques de le GAEC DE [Adresse 5].
Il y a lieu par conséquent de rejeter la demande de requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée de M. [E] et les demandes en découlant s’agissant de la rupture de son contrat de travail.
Sur les demandes accessoires :
Il convient de confirmer la décision de première instance s’agissant des dépens et des frais irrépétibles.
M. [E] partie perdante sera condamnée aux dépens.
L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
DECLARE M. [E] recevable en son appel,
INFIRME le jugement déféré excepté en ce qu’il a :
– Condamné M. [E] à verser au GAEC DE [Adresse 5] les sommes nettes suivantes:
‘ Deux cents euros (200 euros) à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
‘ Trois cents euros (300 euros) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
– Condamné M. [E] aux dépens de l’instance.
STATUANT à nouveau sur les chefs d’infirmation,
Y ajoutant,
REJETTE les exceptions d’irrecevabilité fondées sur la prescription soulevées par le GAEC DE [Adresse 5],
DEBOUTE M. [E] de l’ensemble de ses demandes,
DIT n’ y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
CONDAMNE M. [E] aux dépens.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La Greffière, La Présidente,