Saint-Gobain Isover c/ Isocover

Notez ce point juridique

L’usage du terme ‘ISOCOVER’ utilisé seul ou avec son logo n’est pas constitutif de contrefaçon de la marque ‘ISOVER’ appartenant à SAINT-GOBIN, compte tenu de leurs différences et de l’absence de risque de confusion pour le public concerné par les produits visés au dépôt de la marque antérieure soit, comme déjà défini, des professionnels du bâtiment du second oeuvre ou des particuliers amateurs de bricolage.

Visuellement, la marque semi-figurative ‘ISOVER’ est constituée du terme verbal calligraphié en lettres minuscules noires avec le ‘O’ de la deuxième syllabe stylisé, constitué d’un rond jaune plein, entouré de deux demi-cercles en forme de croissants dont une des extrémités est hachurée. La marque ‘ISOCOVER’ se présente comme une marque semi-figurative complexe, composée de deux éléments verbaux situés sur deux lignes placées l’une en dessous de l’autre, ‘ISOCOVER’ en lettres majuscules noires pleines d’imprimerie, souligné de la locution verbale ‘O P Q R S T’ figurant en plus petits caractères d’imprimerie bleu , ainsi que d’un logo représentant un blason symbolisé en traits noirs et gris traversé par une forme de vague bleue et noire, suivi des deux lettres TM, logo qui dépasse en hauteur le terme ‘ISOCOVER’.

Par ailleurs, si visuellement les deux signes comportent tous deux en attaque le terme ‘ISO’ et se terminent par la même syllabe ‘VER’, la marque seconde comporte une troisième syllabe ‘CO’, venant les dissocier.

L’élément distinctif et dominant de la marque seconde est constitué du terme ‘ISOCOVER’ associé au logo très présent, tandis que l’élément distinctif de la marque première est le seul terme ‘ISOVER’.

Ainsi, les marques en litige sont visuellement différentes, en ce que l’une est essentiellement verbale et l’autre complexe et que leurs couleurs, leur agencement et leurs éléments distinctifs et dominants sont distincts.

Phonétiquement, la marque première est composée des deux syllabes ‘ISO’ et ‘VER’ et la marque seconde des trois syllabes ‘ISO’, ‘CO’ et ‘VER’ de sorte que si leur prononciation est proche, elle est néanmoins distincte, l’ajout de la syllabe [ko], amenant une sonorité et un rythme différents, en créant une césure entre le préfixe et le suffixe communs.

Conceptuellement, la marque première est un néologisme constitué du terme ‘ISO’ suivi du terme ‘VER’ tandis que la seconde est constituée des termes ‘ISO’ et ‘COVER’. Si toutes deux évoquent l’isolation par l’emploi du pré-fixe ‘ISO’, elles se distinguent néanmoins, en ce que ‘VER’ peut soit apparaître comme dépourvu de signification soit F référence au verre, tandis que ‘COVER’ fait référence nécessairement au mot anglais dont la signification est proche de sa traduction française et évoque un produit couvrant, une couverture, ce que confirme la locution anglaise ajoutée ‘O P…’, de la marque seconde, qui permet de préciser le domaine des produits commercialisés.

Ainsi, les marques produisent une impression d’ensemble différente.

Et au regard de ces différences, prépondérantes par rapport aux ressemblances, la notoriété alléguée de la marque antérieure, qui ne pourrait constituer qu’un facteur aggravant du risque de confusion qu’elle ne peut suffire à créer, est inopérante.

En outre, si la proximité des produits peut compenser de faibles similitude entre les signes, encore faut-il que ces similitudes soient suffisantes, ce qui n’est pas le cas en l’espèce et ce d’autant que la cour a relevé que la marque première ne présentait qu’un caractère faiblement distinctif, la société SAINT-GOBAIN ISOVER ne pouvant revendiquer un monopole sur l’exploitation du terme ‘ISO’ et de ses déclinaisons en matière d’isolation.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRÊT DU 08 JUIN 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : 18/28120 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B65M6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Octobre 2018 -Tribunal de Grande Instance de Paris – 3e chambre – 3e section – RG n° 17/07616

APPELANTE

SA SAINT-GOBAIN ISOVER

Société anonyme au capital de 45 750 000 euros

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 312 379 076

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

‘Les Miroirs’, […], […]

[…]

Représentée par Me H I, avocat au barreau de PARIS, toque : K0090

Assistée de Me Maxime CHAMINADE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1928

INTIMÉS

Monsieur X Y

[…]

[…]

Représenté et assisté de Me M N, avocat au barreau de PARIS, toque : R275

Monsieur Z A

[…]

[…]

Représenté et assisté de Me M N, avocat au barreau de PARIS, toque : R275

Monsieur B C

Demeurant au Lieu-dit ‘Poivre Chaud’

[…]

[…]

Représenté et assisté de Me M N, avocat au barreau de PARIS, toque : R275

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Avril 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Déborah BOHÉE, Conseillère, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, Présidente

Mme Françoise BARUTEL, Conseillère

Mme Déborah BOHÉE, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

• Contradictoire

• par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

• signé par Isabelle DOUILLET, présidente et par Karine ABELKALON, Greffière ,à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DU LITIGE

La société SAINT-GOBAIN ISOVER ayant pour activité la conception, la fabrication et la commercialisation principalement sous la marque ‘ISOVER’ enregistrée depuis 1937, de systèmes d’isolation, permettant de traiter les parties extérieures et intérieures des bâtiments, associant des laines minérales à performances thermiques, phoniques et ignifuges, des membranes assurant l’étanchéité à l’air des parois, ainsi que des ossatures et accessoires nécessaires à leur mise en oeuvre, se présente comme le leader mondial de l’isolation.

Elle est immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous la dénomination sociale SAINT-GOBAIN ISOVER depuis le 7 juillet 2006 pour exercer une activité de fabrication, d’achat et de vente de tous produits d’origine minérale, organique ou végétale destinés à l’isolation et exploite son activité sous le nom commercial et l’enseigne SAINT-GOBAIN ISOVER et E SAINT-GOBAIN et par le biais de plusieurs noms de domaine comportant le terme «ISOVER», notamment et pour les avoir enregistrés respectivement le 10 décembre 1996 et le 22 septembre 1999.

La société SAINT-GOBAIN ISOVER est titulaire:

— de la marque française semi-figurative en couleurs:

déposée le 19 février 1999 sous le n° 99776398, pour désigner les produits suivants en classes 17 et 19′: «Matières servant à calfeutrer, à étouper et à isoler ; matériaux isolants à base de laine minérale ou fibres minérales sous forme de laine en vrac, bandes, voiles, feutres, nappes, panneaux, plaques, bourrelets, coquilles, tuyaux, rouleaux et pièces moulées, destinés à l’isolation thermique et acoustique et à l’étanchéité. Matériaux isolants revêtus d’un surfaçage. Dispositifs de fixation en plastique pour matériaux de construction ; dispositifs de fixation en plastique pour produits d’isolation et d’étanchéité. Matériaux de construction non métalliques. Produits bitumineux, ossatures non métalliques pour la construction ; dispositifs de fixation non métalliques pour la construction ; panneaux, plaques, rouleaux, surfacés ou non, destinés à l’isolation thermique et acoustique et à la protection contre l’humidité et le feu utilisés dans la construction des murs, cloisons, plafonds, sous-plafonds, sols, toitures, sous-toitures, bardages et complexes d’isolation sous étanchéité».

— de la même marque semi-figurative en couleurs de l’Union européenne déposée le 7 juin 1999 sous le n° 1196948, et sous priorité de la marque française précitée, pour désigner les mêmes produits.

La société SAINT-GOBAIN ISOVER indique avoir constaté suivant procès-verbal du 7 juillet 2016, le dépôt le 5 avril 2016 par MM. B C, X Y et Z A, de la marque française semi-figurative en couleurs «’ ISOCOVER O WALLPAPERS Q R S T’» sous le n°4262247, pour désigner en classes 16, 17 et 27, les «produits de l’imprimerie; articles de papeterie; papier; feuilles métalliques isolantes; tentures murales non en matières textiles; papiers peints»

et l’exploitation de ce signe et de la dénomination «’ISOCOVER’», notamment sur le site internet https://isocover.fr (anciennement http://www.isocover.fr) dont le nom de domaine a été enregistré par M. Z A le 15 avril 2016, pour désigner des papiers peints isolants.

MM. B C, X Y et Z A indiquent commercialiser une solution innovante consistant en un complexe multi-couche en papier spécialement traité qui permet de filtrer les ondes RFID (R-S T), soit une méthode pour mémoriser et récupérer les données à distance, permettant aux commerces de détail de basculer du système de code barres vers la technologie RFID, de réaliser un inventaire automatique de leurs stocks sans avoir à scanner le code barre des articles et à les protéger du vol grâce à des portiques installés en sortie de magasin détectant les étiquettes à puce apposées sur chaque produit, activées par une onde R RFID. Ils précisent que le produit ‘ISOCOVER’ permet, en conséquence, aux commerces également de s’isoler des ondes RFID provenant de l’extérieur.

Après mises en demeure et échanges entre les parties, entre juillet et novembre 2016, la société SAINT-GOBAIN ISOVER a, par acte du 2 mai 2017, fait assigner MM. B C, X Y et Z A, en contrefaçon de marque, atteinte à la marque renommée, concurrence déloyale et nullité de la marque ‘ISOCOVER’, outre divers mesures accessoires.

La société ISOCOVER dont le président est M. X Y a été immatriculée le 7 février 2018 au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE et a pour objet d’éditer le site internet éponyme et de commercialiser le produit ‘ISOCOVER’.

Par jugement rendu le 19 octobre 2018 dont appel, le tribunal de grande instance de Paris a rendu la décision suivante :

— Déboute la société SAINT-GOBAIN ISOVER de son action en contrefaçon de marques française semi-figurative en couleurs n°99776398 et semi-figurative en couleurs de l’Union européenne n°1196948,

— Déboute la société SAINT-GOBAIN ISOVER de son action au titre de la marque renommée,

— Déboute la société SAINT-GOBAIN ISOVER de son action au titre de la concurrence déloyale,

— Rejette la demande en nullité de la marque française semi-figurative «’ISOCOVER O WALLPAPERS Q R S T’» n°4262247, dont les défendeurs sont les copropriétaires,

— Déboute Z A, X Y et B C de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

— Condamne la société SAINT-GOBAIN ISOVER aux dépens,

— Condamne la société SAINT-GOBAIN ISOVER à payer à Z A, X Y et B C, la somme globale de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

La société SAINT-GOBAIN ISOVER a interjeté appel de ce jugement le 16 décembre 2018.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 12 septembre 2019 par la société SAINT D E, appelante et intimée incidente, qui demande à la cour, de:

— DECLARER recevable et fondée la société SAINT-GOBAIN ISOVER en son appel,

— DIRE ET JUGER que les marques « E » n° 99776398 et n° 001196948 sont distinctives au sens de l’article L.711-2 b) du Code de la propriété intellectuelle et de l’article 7, paragraphe 1, point b) du règlement (UE) 40/94 du 20 décembre 1993 et répondent en outre à l’exigence autonome de distinctivité au sens de ces textes et de la jurisprudence française et européenne,

— REJETER la demande en nullité des marques « E » n° 99776398 et n° 001196948,

— INFIRMER le jugement du tribunal de grande instance de Paris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté MM. Z A, X Y et B C de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Statuant à nouveau :

— DIRE ET JUGER qu’en déposant la marque semi-figurative « ISOCOVER » n° 164262247 désignant des « Produits de l’imprimerie ; articles de papeterie ; papier ; feuilles métalliques isolantes ; tentures murales non en matières textiles ; papiers peints. », en exploitant cette marque ainsi que le terme « ISOCOVER », pour désigner des papiers peints isolants et en enregistrant et en exploitant le nom de domaine pour promouvoir ces produits, Messieurs Z A, X Y et B C ont commis des actes de contrefaçon des marques française et de l’Union européenne « E » n° 99776398 et n° 1196948 au sens des articles L.713-3, L.716-1 et L.717-1 du Code de la propriété intellectuelle et de l’article 9 du Règlement (UE) n°2017/1001 du 14 juin 2017 et ont porté atteinte à la marque de renommée «E» n° 99776398 au sens de l’article L.713-5 dudit code tel qu’interprété par la directive et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne,

— DIRE ET JUGER qu’en déposant la marque semi-figurative « ISOCOVER » n° 164262247, en exploitant cette marque ainsi que le terme « ISOCOVER » pour désigner des papiers peints isolants et en enregistrant et en exploitant le nom de domaine pour promouvoir ces produits,

Messieurs Z A, X Y et B C ont porté atteinte aux noms de domaine et ainsi qu’à la dénomination sociale, au nom commercial et à l’enseigne de la société SAINT-GOBAIN ISOVER et ont ainsi commis des actes de concurrence déloyale à son encontre en application de l’article 1240 du Code civil,

En conséquence :

— PRONONCER la nullité de la marque française « ISOCOVER » n° 164262247 pour tous les produits qu’elle vise,

— ORDONNER la transmission de la décision à intervenir, une fois définitive, à l’INPI pour inscription au Registre National des Marques sur réquisition du Greffier ou à l’initiative de la partie la plus diligente,

— F G à MM. Z A, X Y et B C de F usage de la dénomination « ISOCOVER » sur le territoire de l’Union européenne, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, sous astreinte de 2.000 € par infraction constatée et par jour de retard à l’expiration d’un délai de 8 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,

— CONDAMNER in solidum MM. Z A, X Y et B C à verser à la société SAINT-GOBAIN ISOVER la somme de 30.000 € en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de la marque française « E » n° 99776398 et du fait de l’atteinte à sa renommée,

— CONDAMNER in solidum MM. Z A, X Y et B C à verser à la société SAINT-GOBAIN ISOVER la somme de 20.000 € en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale,

— CONDAMNER in solidum MM. Z A, X Y et B C au paiement de la somme de 15.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, en ce compris notamment les frais d’huissiers relatifs au procès-verbal de constat précité,

— CONDAMNER in solidum MM. Z A, X Y et B C aux entiers dépens de la procédure dont distraction au profit de Maître H I, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 13 juin 2019 par MM. B C, X Y et Z A, intimés et appelants incidents, qui demandent à la cour de:

— Confirmer le jugement du 19 octobre 2018 en ce qu’il a :

— Débouté la société SAINT-GOBAIN ISOVER de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

— Débouté la société SAINT-GOBAIN ISOVER de son action en contrefaçon de marque française semi-figurative en couleurs n°99776398 et semi-figurative en couleur de l’Union européenne n°1196948,

— Débouté la société SAINT-GOBAIN ISOVER de son action au titre de la marque de renommée

— Débouté la société SAINT-GOBAIN ISOVER de son action au titre de la concurrence déloyale,

— Rejeté la demande en nullité de la marque française semi-figurative « ISOCOVER O WALLPAPERS Q R S T » n°4262247, dont les défendeurs

sont copropriétaires

— Condamné la société SAINT-GOBAIN ISOVER aux dépends,

— Condamné la société SAINT-GOBAIN ISOVER à payer à Z A, X Y et B C, la somme globale de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Y ajoutant et Statuant à nouveau,

— Prononcer la nullité des marques E au titre de l’article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle et 59 Vu l’article 7 1) b du Règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017, pour défaut de distinctivité,

— Ordonner la transcription de la décision auprès des offices concernés au fins de radiation des dites marques,

— Condamner la société SAINT-GOBAIN ISOVER à verser aux intimés la somme de 20.000 € au titre de la procédure abusive,

— Condamner la société SAINT-GOBAIN ISOVER à verser aux intimés la somme de 15.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamner la société SAINT-GOBAIN ISOVER aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître M N, Avocat au barreau de PARIS

L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2021.

MOTIFS DE L’ARRÊT

– Sur la nullité des marques ‘ISOVER’:

MM. B C, X Y et Z A soutiennent à hauteur d’appel que les termes ‘ISO’ et ‘VER’ sont descriptifs tant en eux mêmes que par leur combinaison, soit le préfixe ‘ISO’ renvoyant à l’isolation et ‘VER’ renvoyant au matériau utilisé à savoir la laine de verre, qui associés ont donné naissance au néologisme ‘ISOVER’, soit la destination et la nature des produits commercialisés sous cette marque, de sorte que celle-ci doit être annulée pour défaut de distinctivité. Ils estiment que la validation de cette marque reviendrait à interdire à quiconque l’usage du préfixe ‘ISO’ pour commercialiser des produits d’isolation et du suffixe ‘VER’ pour des produits contenant du verre en arrogeant un monopole de fait à la société SAINT-GOBAIN ISOVER. Ils ajoutent que si la marque devait être reconnue comme valable, la cour devra modérer la portée du monopole qui lui est conféré en reconnaissant sa faible distinctivité et la nécessaire cohabitation avec toute marque utilisant les préfixe et suffixe en cause.

La société SAINT-GOBAIN ISOVER rappelle que le caractère distinctif d’une marque s’apprécie toujours au regard du signe pris dans son ensemble et que rien n’interdit de choisir un signe qui, sans véritablement décrire la caractéristique d’un produit, l’évoque ou le suggère. Elle constate que si la marque ‘ISOVER’ est composée du préfixe ‘ISO’ faisant référence à l’action d’isoler, le terme ‘VER’ faisant référence au verre, elle ne décrit pas un produit isolant se présentant sous forme de laine de verre. Elle en déduit que le terme ‘ISOVER’ composé de deux éléments allusifs accolés, en dehors de toute règle grammaticale, forme une combinaison inhabituelle au regard des produits en cause, les intimés ne démontrant nullement selon elle que ce terme constitue la désignation usuelle des produits visés à l’enregistrement des marques ‘ISOVER’.

La cour rappelle qu’en vertu de l’article L.711-2 code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction applicable à la cause, ‘ Le caractère distinctif d’un signe de nature à constituer une marque s’apprécie à l’égard des produits ou services désignés. Sont dépourvus de caractère distinctif :(…)b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation de service (…).’

De même, l’article 7 paragraphe 1 point b) du règlement (UE) 40/94 du 20 décembre 1993 dispose que sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

La distinctivité s’apprécie au jour du dépôt.

Sur ce, la marque ‘ISOVER’ a été déposée en 1999 essentiellement pour des produits isolants relatifs au domaine de la construction. Si les intimés peuvent être suivis lorsqu’ils constatent que le terme ‘ISOVER’ est constitué du signe ‘ISO’ pouvant faire référence à l’action d’isoler, il ne peut pour autant être retenu que le terme ‘VER’ ferait nécessairement référence à la laine de verre, mais plutôt au verre, comme le suggère la société SAINT-GOBAIN ISOVER.

En outre, la cour rappelle que le caractère distinctif d’une marque s’appréciant toujours au regard du signe pris dans son ensemble, le terme ‘ISOVER’ composé de ces deux éléments allusifs accolés en dehors de toute règle grammaticale ou usage linguistique ne décrit nullement un produit isolant se présentant sous la forme de laine de verre, matériau à la consistance laineuse conçu et fabriqué à partir de laines minérales et de verre recyclé et dont les caractéristiques diffèrent ainsi du verre dans sa forme la plus habituellement connue. Il présente ainsi un caractère arbitraire.

Il doit encore être relevé que les marques ‘ISOVER’ désignent également tous types de produits isolants non limités à la laine de verre mais, aussi, d’autres matériaux relatifs à la construction, de sorte qu’il n’est nullement démontré que ce signe décrirait la nature et la destination des produits visés dans le libellé des marques en cause ou constituerait, à la date de son dépôt, la désignation usuelle de ces produits pour le consommateur d’attention moyenne des produits concernés.

Les intimés ne sont donc pas fondés à soutenir que la société SAINT-GOBAIN ISOVER s’arrogerait, par le dépôt de ces marques, un monopole sur les termes ‘ISO’ pour viser les produits d’isolation et ‘VER’ pour les produits contenant du verre.

La cour retient cependant que si les marques en cause ne désignent pas les produits visés à l’enregistrement, il n’est pas contesté que le signe ‘ISO’ fait référence à l’action d’isoler et que le signe ‘ISOVER’ évoque la notion d’isolation, de sorte que les marques ainsi revendiquées présentent un caractère faiblement distinctif, nonobstant l’usage ancien du signe.

Toutefois, une marque, même présentant un caractère distinctif faible bénéficie de la protection légale indépendamment du degré de distinctivité qui la caractérise, de sorte qu’il convient de dire que les marques ‘ISOVER’ n° 99776398 et n°001196948 ne peuvent encourir la nullité.

Les demandes formulées à ce titre par MM. B C, X Y et Z A doivent donc être rejetées.

– Sur les actes de contrefaçon:

La société SAINT-GOBAIN ISOVER soutient d’abord que, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, le public pertinent pour les deux marques en cause est identique, soit les professionnels du bâtiment et le grand public effectuant des travaux de construction, de rénovation ou d’aménagement intérieur.

Elle ajoute que les produits visés dans le dépôt des deux marques sont similaires comme couvrant tous les matériaux aux propriétés isolantes, présentant la même finalité, soit l’isolation et la même destination, soit des produits pour la construction, la rénovation et l’aménagement intérieur des bâtiments. Elle critique le raisonnement du tribunal qui a procédé à la comparaison avec des produits non mis en avant au titre de la contrefaçon mais au titre de l’atteinte à la marque renommée et en opérant une distinction artificielle entre la construction et l’aménagement du bâtiment.

S’agissant de la comparaison des signes, elle rappelle que l’INPI a déjà convenu de l’existence d’un risque de confusion entre le terme ‘ISOVER’ et le terme ‘ISOCOVER’, en refusant l’enregistrement de cette dernière. Elle critique le jugement rendu qui n’a pas examiné cette décision tout en procédant à une comparaison faussée, et qui a omis de prendre en compte le public pertinent et la notoriété des marques premières. À ce titre, elle insiste sur les éléments verbaux ‘ISO’ et ‘VER’ plus dominants dans les deux signes, l’ajout de la syllabe ‘CO’n’étant que peu perceptible selon elle, leur comparaison révélant de très fortes ressemblances susceptibles de générer un risque de confusion dans l’esprit du public, ou à tout le moins un risque d’association, ce risque étant aggravé par la grande notoriété des marques ‘ISOVER’ dans le secteur de l’isolation.

MM. B C, X Y et Z A invoquent l’absence de similitude entre les produits en cause, le produit ‘ISOCOVER’ ayant un usage très précis et très technique uniquement destiné à la création d’espaces d’isolation électromagnétique pour un bon fonctionnement de la technologie RFID en évitant les collisions de signaux, nécessitant une compétence particulière pour être utilement employé, et estiment que les premiers juges ont justement comparé les produits déposés dans leur globalité et non selon les seuls produits mis en avant par la société SAINT-GOBAIN ISOVER. Ils ajoutent que les signes se distinguent également en ce qu’ils ne visent pas le même public pertinent et qu’ils sont commercialisés par des réseaux de distribution différents, les clients de la société ISOCOVER étant des professionnels de l’installation de solutions RFID qui ont besoin d’équiper leurs boutiques pour séparer leur stock des produits présents dans le magasin notamment ou s’isoler des commerçants voisins.

Ils déduisent de la comparaison des signes, l’absence de similitudes retenant, comme le tribunal, que l’élément distinctif de leur marque est l’élément verbal associé au logo et rappellent que lors du contentieux devant l’INPI mis en avant par l’appelante, cette dernière n’avait pas de contradicteur.

– Sur la contrefaçon par usage de la marque ISOCOVER:

L’article L.713-3 du Code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable à la cause, dispose que : « Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public : b) L’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement. »

Et l’article 9 du règlement (UE) n° 2015/2424 du 16 décembre 2015, modifiant le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil sur la marque communautaire dispose que :

‘ 1. L’enregistrement d’une marque de l’Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif.

2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d’une marque de l’Union européenne, le titulaire de cette marque de l’Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de F usage dans la vie des affaires d’un signe pour des produits ou services lorsque:(…)

b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d’association entre le signe et la marque;’

A titre liminaire, la cour rappelle que le risque de confusion doit s’apprécier globalement par référence au contenu des enregistrements des marques vis à vis du public pertinent des produits tels que désignés par ces enregistrements et sans tenir compte de ceux effectivement exploités sous la marque. À cet égard, s’agissant de biens techniques et spécialisés, il convient de considérer que le public de référence est constitué, pour les produits visés par les marques déposées de la société SAINT-GOBAIN ISOVER, essentiellement de professionnels du bâtiment de second oeuvre et de particuliers entreprenant des travaux de construction et d’isolation et, pour les produits visés par la marque contestée, de professionnels de l’aménagement intérieur ou de solutions d’isolation très spécifique, à la différence des produits isolants traditionnels visés dans le dépôt de la marque première, ainsi que des particuliers amateurs de décoration intérieure. La société SAINT-GOBAIN ISOVER ne peut donc être suivie lorsqu’elle affirme que le public pertinent concerné par les deux marques est strictement identique.

Par ailleurs, en ce qui concerne la comparaison des produits en cause, leur similitude doit s’apprécier en tenant compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits, en particulier leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. Des produits peuvent être similaires notamment quand ils répondent aux mêmes besoins, qu’ils ont la même destination ou finalité, lorsqu’ils sont vendus dans les mêmes lieux ou sont utilisés en complément l’un de l’autre dans le cadre d’habitudes de consommation.

Ainsi, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, il convient de retenir que ‘les feuilles métalliques isolantes’, visées en classe 17 pour la marque contestée, appartiennent la catégorie générale des ‘matières servant à calfeutrer, à étouper et à isoler’ et ‘ aux matériaux isolants revêtus d’un surfaçage’ visés dans la même classe 17 par la marque ‘ISOVER’. En conséquence, même si elles constituent un matériau spécifique qui n’est pas commercialisé dans les mêmes surfaces de vente, ils doivent donc être considérés comme similaires.

En revanche, les ‘tentures murales non en matières textiles; papiers peints’ de la classe 27 visés par la marque ‘ISOCOVER’ ne peuvent être considérés comme identiques ou similaires aux produits opposés en classes 17 et 19 par la marque ‘ISOVER’, soit les ‘matières servant à calfeutrer, à étouper et à isoler ; Matériaux isolants revêtus d’un surfaçage; panneaux, plaques, rouleaux, surfacés ou non, destinés à l’isolation thermique et acoustique et à la protection contre l’humidité et le feu utilisés dans la construction des murs, cloisons, plafonds, sous-plafonds, sols, toitures, sous-toitures, bardages et complexes d’isolation sous étanchéité’, puisqu’ils constituent des matériaux destinés à la décoration et non à la construction ou à l’isolation et ne présentent aucune des fonctions utilitaires en lien avec le bâtiment offertes par les produits de la marque première, ne sont pas commercialisés par les mêmes structures ou dans des rayons totalement différents et ne sont pas posés par les mêmes professionnels, les produits de la marque première ayant vocation à être achetés et posés par des professionnels du second oeuvre, sur les conseils éventuels d’un architecte, tandis que les produits de la marque seconde l’étant par des professionnels de la décoration d’intérieur ou des particuliers amateurs de décoration intérieure. Ces produits n’ont ainsi ni la même nature, ni la même fonction, ni la même destination et le fait qu’ils aient vocation à être posés sur des murs de manière générale ne peut pour autant permettre de considérer qu’ils seraient complémentaires des produits visés, lors du dépôt des marques ‘ISOVER’.

En ce qui concerne la comparaison des signes, la marque contestée n’étant pas la reproduction à l’identique de la marque invoquée, faute de la reproduire sans modification ni ajout en tous les éléments la composant, il convient de rechercher s’il existe entre les signes en présence un risque de confusion, incluant le risque d’association, qui doit être apprécié globalement à la lumière de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte notamment des éléments distinctifs et dominants de celles-ci.

En l’espèce, il convient de relever que, visuellement, la marque semi-figurative ‘ISOVER’ est constituée du terme verbal calligraphié en lettres minuscules noires avec le ‘O’ de la deuxième syllabe stylisé, constitué d’un rond jaune plein, entouré de deux demi-cercles en forme de croissants dont une des extrémités est hachurée. La marque ‘ISOCOVER’ se présente comme une marque semi-figurative complexe, composée de deux éléments verbaux situés sur deux lignes placées l’une en dessous de l’autre, ‘ISOCOVER’ en lettres majuscules noires pleines d’imprimerie, souligné de la locution verbale ‘O P Q R S T’ figurant en plus petits caractères d’imprimerie bleu , ainsi que d’un logo représentant un blason symbolisé en traits noirs et gris traversé par une forme de vague bleue et noire, suivi des deux lettres TM, logo qui dépasse en hauteur le terme ‘ISOCOVER’.

Par ailleurs, si visuellement les deux signes comportent tous deux en attaque le terme ‘ISO’ et se terminent par la même syllabe ‘VER’, la marque seconde comporte une troisième syllabe ‘CO’, venant les dissocier.

L’élément distinctif et dominant de la marque seconde est constitué du terme ‘ISOCOVER’ associé au logo très présent, tandis que l’élément distinctif de la marque première est le seul terme ‘ISOVER’.

Ainsi, les marques en litige sont visuellement différentes, en ce que l’une est essentiellement verbale et l’autre complexe et que leurs couleurs, leur agencement et leurs éléments distinctifs et dominants sont distincts.

Phonétiquement, la marque première est composée des deux syllabes ‘ISO’ et ‘VER’ et la marque seconde des trois syllabes ‘ISO’, ‘CO’ et ‘VER’ de sorte que si leur prononciation est proche, elle est néanmoins distincte, l’ajout de la syllabe [ko], amenant une sonorité et un rythme différents, en créant une césure entre le préfixe et le suffixe communs.

Conceptuellement, la marque première est un néologisme constitué du terme ‘ISO’ suivi du terme ‘VER’ tandis que la seconde est constituée des termes ‘ISO’ et ‘COVER’. Si toutes deux évoquent l’isolation par l’emploi du pré-fixe ‘ISO’, elles se distinguent néanmoins, en ce que ‘VER’ peut soit apparaître comme dépourvu de signification soit F référence au verre, tandis que ‘COVER’ fait référence nécessairement au mot anglais dont la signification est proche de sa traduction française et évoque un produit couvrant, une couverture, ce que confirme la locution anglaise ajoutée ‘O P…’, de la marque seconde, qui permet de préciser le domaine des produits commercialisés.

Ainsi, les marques produisent une impression d’ensemble différente.

Et au regard de ces différences, prépondérantes par rapport aux ressemblances, la notoriété alléguée de la marque antérieure, qui ne pourrait constituer qu’un facteur aggravant du risque de confusion qu’elle ne peut suffire à créer, est inopérante.

En outre, si la proximité des produits peut compenser de faibles similitude entre les signes, encore faut-il que ces similitudes soient suffisantes, ce qui n’est pas le cas en l’espèce et ce d’autant que la cour a relevé que la marque première ne présentait qu’un caractère faiblement distinctif, la société SAINT-GOBAIN ISOVER ne pouvant revendiquer un monopole sur l’exploitation du terme ‘ISO’ et de ses déclinaisons en matière d’isolation.

Par ailleurs, si l’INPI, le 15 juillet 1999, dans la cadre d’un contentieux antérieur a pu être amené à refuser l’enregistrement de la seule marque verbale ‘ISOCOVER’ déposée par une société tierce, cette décision ne saurait être transposable, dès lors que la marque contestée n’était que verbale et ne visait pas les mêmes produits.

Ainsi, malgré la similitude d’un des produits en cause et la connaissance de la marque antérieure, en l’absence de similitude verbale, visuelle et conceptuelle entre les signes, il n’existe pas de risque de confusion ou d’association pour le consommateur moyennement attentif des produits en cause, normalement informé et raisonnablement avisé, tel que défini ci-dessus, soit un professionnel du bâtiment de second oeuvre ou un particulier amateur de bricolage, qui ne sera pas enclin à confondre les deux marques en leur attribuant une origine commune ou à les associer en prenant la marque seconde pour une déclinaison de la marque première.

Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé de ce chef, la contrefaçon de la marque ‘ISOVER’ par la marque ‘ISOCOVER’ n’étant pas établie.

– Sur la contrefaçon par usage du terme et du logo ISOCOVER:

La société SAINT-GOBAIN ISOVER reproche MM. B C, X Y et Z A d’utiliser la dénomination ISOCOVER et ce même signe accompagné du logo pour commercialiser leur papier isolant des ondes RFID.

À cet égard, il doit être rappelé que le produit commercialisé sous le nom ‘ISOCOVERTM’ consiste en un complexe multicouche en papier spécialement traité qui permet de filtrer les ondes ‘RFID’, sans altérer les ondes WI FI ou GSM, permettant la délimitation des zones de vente sans collisions de signaux entre commerces. La technologie RFID offre aux commerçants la faculté de gérer leur stock de marchandises, d’intégrer une fonction antivol ou de lire instantanément les achats en caisse, méthode destinée à supplanter le système de code-barre.

Le produit commercialisé sous le terme ‘ISOCOVER’ est donc destiné essentiellement à un public particulier, soit les commerçants, disposant de la technologie RFID et pour un usage professionnel précis et spécifique, l’amélioration de la gestion de leur magasin, et non, comme le soutient à tort la société SAINT-GOBAIN ISOVER à des professionnels de la construction ou à des particuliers amateurs de bricolage ou soucieux de se protéger des ondes en général.

En revanche, les produits ‘ISOVER’ désignent des matériaux de construction de second oeuvre destinés à une isolation thermique, phonique et ignifuge, comme définis par l’enregistrement.

Le fait qu’un cabinet d’architecte spécialisé dans l’agencement de magasin propose ce type de revêtement spécifique à ses clients commerçants ne peut en conséquence, comme le soutient la société SAINT-GOBAIN ISOVER, suffire à démontrer que le produit ‘ISOCOVER’ est destiné aux professionnels du bâtiment. En outre, le fait qu’il puisse être posé par des artisans tout corps de métier ou qu’il puisse être commercialisé dans des coloris différents ne permet pas davantage de le confondre avec les produits visés par la marque de la société SAINT-GOBAIN ISOVER.

Les signes se distinguent donc en ce que, pour la marque première, ils visent des produits d’isolation habituels et destinés aux travaux de second oeuvre et, pour la dénomination ISOCOVER incriminée, des produits très spécifiques d’isolation aux ondes et à l’usage très restreint et technique.

Le terme ‘ISOCOVER’ comme indiqué précédemment, présente des sonorités proches mais distinctes de la marque première, s’en distingue visuellement en ce qu’il figure exclusivement en noir et blanc quand il est utilisé seul, ou le plus souvent, avec son logo qui occupe alors la place centrale, à la différence de la marque opposée.

Il se différencie également intellectuellement, ainsi qu’il a déjà été dit.

Il convient, en conséquence, de retenir que l’usage du terme ‘ISOCOVER’ utilisé seul ou avec son logo n’est pas constitutif de contrefaçon de la marque ‘ISOVER’ appartenant à l’appelante, compte tenu de leurs différences et de l’absence de risque de confusion pour le public concerné par les produits visés au dépôt de la marque antérieure soit, comme déjà défini, des professionnels du bâtiment du second oeuvre ou des particuliers amateurs de bricolage.

Le jugement dont appel sera dès lors confirmé sur ce point.

—  Sur la contrefaçon par usage du nom de domaine ‘isocover.fr’

M. J A est réservataire du nom de domaine permettant d’accéder au site marchand distribuant les produits de la société ISOCOVER.

Pour les mêmes raisons que développées précédemment, compte tenu de l’usage très particulier des produits litigieux commercialisés sur le site et la dénomination incriminés, et en l’absence de similitudes visuelle, sonore et conceptuelle entre la marque opposée et les signes contestés, il n’existe pas de risque de confusion pour le public concerné, soit des professionnels du bâtiment du second oeuvre ou des particuliers amateurs de bricolage, tel que déjà défini, de sorte que les demandes formées au titre de la contrefaçon de la marque doivent être rejetées, et le jugement entrepris confirmé.

– Sur l’atteinte à la marque renommée ‘ISOVER’:

La société SAINT-GOBAIN ISOVER expose que sa marque ‘ISOVER’ jouit d’une renommée sur le territoire national comme le démontrent un sondage IFOP réalisé entre septembre 2014 et février 2017, une enquête de notoriété réalisée par K L en 2015, le classement des marques les plus puissantes sur internet dans le secteur de l’isolation en France de 2019, rappelant par ailleurs qu’elle est reconnue comme le leader mondial de l’isolation pour le bâtiment, la marque ‘ISOVER’ étant la marque la plus emblématique du marché de l’isolation et qu’elle investit des sommes considérables dans le développement de produits innovants et dans la publicité pour ses produits. Elle en déduit qu’en faisant usage du signe ‘ISOCOVER’ conduisant le public concerné à établir un lien avec la marque de renommée ‘ISOVER’ n°99776398, les intimés associent leur marque et leur activité commerciale récente à l’image de sa marque renommée ‘ISOVER’, connue pour ses produits de qualité, en tirant indûment profit de son pouvoir d’attraction et de sa réputation.

Les intimés estiment que la société SAINT-GOBAIN ISOVER ne démontre pas davantage qu’en première instance le caractère notoire de la marque ‘ISOVER’ et ajoutent qu’à le supposer démontré, il n’a aucune incidence sur la validité de leur propre marque au regard de son caractère faiblement distinctif pour les produits visés, de l’absence de risque de confusion, les produits couverts et le public visé n’étant pas les mêmes, les réseaux de distribution étant distincts et les marques présentant des différences objectives.

En application de l’article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction applicable à la cause, interprété à la lumière de l’article 5 § 3 de la Directive (UE) 2015/2536 du Parlement Européen et du Conseil du 16 décembre 2015 tel qu’interprété par la CJUE.

‘La reproduction ou l’imitation d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière.

Les dispositions de l’alinéa précédent sont applicables à la reproduction ou l’imitation d’une marque notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle précitée.’

En l’espèce, il convient de retenir, contrairement aux premiers juges, que la société SAINT-GOBAIN ISOVER justifie du caractère renommé de sa marque ‘ISOVER’ n°99776398 sur le territoire national auprès d’une partie significative du public concerné par les produits couverts par cette marque, en l’espèce notamment les professionnels du bâtiment, au sens de l’arrêt General Motors de la Cour de justice de l’Union européenne du 14 septembre 1999 tel que cela ressort d’un sondage en France, d’une enquête de notoriété en Europe visant la France, de l’ancienneté de la marque qui existe depuis 1937 et qui est enregistrée dans de très nombreux pays, de la connaissance de la société SAINT-GOBAIN ISOVER comme acteur majeur de l’isolation pour le bâtiment, de la grande visibilité de la marque ‘ISOVER’ sur internet, démontrée par une étude de 2019, mais aussi dans la presse générale et spécialisée, outre des investissements publicitaires conséquents déployés par l’appelante pour entretenir son image, dans le domaine de l’isolation thermique, acoustique, ignifuge et relative à l’étanchéité.

Il convient en conséquence de retenir que la marque ‘ISOVER’ est une marque de renommée et bénéficie en conséquence du régime spécial de protection édicté par l’article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle.

Par ailleurs, la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt Adidas-Salomon et Adidas Benelux du 23 octobre 2003 a dit pour droit :

‘1) Un État membre, lorsqu’il exerce l’option offerte par l’article 5, paragraphe 2, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, est tenu d’accorder la protection spécifique en cause en cas d’usage par un tiers d’une marque ou d’un signe postérieur, identique ou similaire à la marque renommée enregistrée, aussi bien pour des produits ou des services non similaires que pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux couverts par celle-ci.

2) La protection conférée par l’article 5, paragraphe 2 de la directive 89/104 n’est pas subordonnée à la constatation d’un degré de similitude tel entre la marque renommée et le signe qu’il existe, dans l’esprit du public concerné, un risque de confusion entre ceux-ci. Il suffit que le degré de similitude entre la marque renommée et le signe ait pour effet que le public concerné établit un lien entre le signe et la marque.’

Il s’ensuit, en particulier au vu des points 28 à 30 de l’arrêt, que pour l’appréciation d’une similitude du signe litigieux avec la marque renommée, il n’est pas nécessaire d’établir un risque de confusion mais seulement l’existence d’éléments de ressemblance visuelle, auditive ou conceptuelle et que les atteintes visées à l’article 5, §2, de la directive sont la conséquence d’un certain degré de similitude entre la marque et le signe, en raison duquel le public concerné établit un lien entre ceux-ci, alors même qu’il ne les confond pas.

Puis, dans son arrêt Intel du 27 novembre 2008, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que : ‘L’article 4, paragraphe 4, sous a), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques [dont les termes sont identiques à ceux de l’article 5, §2 de la directive 89/104], doit être interprété en ce sens que l’existence d’un lien, au sens de l’arrêt du 23 octobre 2003, Adidas-Salomon et Adidas Benelux (C-408/01), entre la marque antérieure renommée et la marque postérieure doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce’.

Au point 42 de son arrêt, la Cour de justice de l’Union européenne cite comme exemples de facteurs : le degré de similitude entre les marques en conflit, la nature des produits ou des services pour lesquels les marques en conflit sont respectivement enregistrées, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services ainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure, le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieure et l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public.

En outre aux points 27, 28, 30 à 32, la Cour de justice de l’Union européenne rappelle que la condition spécifique de la protection des marques renommées suppose l’existence non seulement d’un lien, dans l’esprit du public, entre la marque renommée et le signe mais également d’au moins un des trois types d’atteintes contre lesquelles l’article 5, §2 de la directive 89/104 (dont les termes sont identiques à ceux de l’article 4, §4) assure la dite protection, à savoir le préjudice porté au caractère distinctif de la marque antérieure, le préjudice porté à la renommée de cette marque et le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la dite marque.

En l’espèce, comme déjà indiqué précédemment, la comparaison réalisée entre la marque première et les marque et signes contestés ne permet nullement de caractériser un degré de similitude tel qu’il ait pour effet que le consommateur établisse un lien direct entre ces signes, nonobstant la proximité d’un des produits visés dans les deux marques, en tenant compte de tous les facteurs pertinents, à savoir un public concerné composé de spécialistes, une marque première renommée mais dans un secteur ciblé et faiblement distinctive et en présence de différences visuelle, sonore et conceptuelle prépondérantes au regard des ressemblances entre la marque opposée et les marque et signes contestés.

Au demeurant, la société SAINT-GOBAIN ISOVER n’apporte pas la preuve que l’usage du terme ‘ISOCOVER’ ait pu porter atteinte au caractère distinctif ou à la renommée de sa marque ‘ISOVER’ ni le profit indûment tiré par les intimés qui n’exploitent pas eux mêmes la marque.

En conséquence, il convient de débouter la société SAINT-GOBAIN ISOVER de ses demandes formées au titre de l’atteinte à la marque renommée, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.

– Sur les actes de concurrence déloyale:

La société SAINT-GOBAIN ISOVER dénonce l’existence d’actes de concurrence déloyale distincts commis par MM. B C, X Y et Z A qui ont réservé et exploité le nom de domaine et ainsi commis une faute génératrice d’un risque de confusion pour le public à son égard, puisqu’elle détient des droits sur le nom de domaine et outre ses dénomination sociale et nom commercial.

Les intimés estiment que dans la mesure où les signes ne sont pas similaires, il ne peut exister aucun risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, l’appelante ne démontrant pas davantage le profit qu’ils auraient tiré de l’utilisation du signe ‘ISOCOVER’.

Sur ce, la concurrence déloyale et le parasitisme sont pareillement fondés sur l’article 1240 du code civil mais sont caractérisés par l’application de critères distincts, la concurrence déloyale l’étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d’autrui individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-F, d’un travail intellectuel et d’investissements.

Ces deux notions doivent être appréciées au regard du principe de la liberté du commerce et de l’industrie qui implique qu’un produit ou un service qui ne fait pas l’objet d’un droit de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit ou par l’existence d’une captation parasitaire, circonstances attentatoires à l’exercice paisible et loyal du commerce.

La charge de la preuve incombe au cas présent à l’appelante.

La société SAINT-GOBAIN ISOVER est propriétaire notamment des noms de domaine et , enregistrés les 11 décembre 1996 et 22 septembre 1999. Sa dénomination sociale et son nom commercial désignés au Kbis sont SAINT-GOBAIN E et elle emploie la marque ‘ISOVER’ associée à SAINT-GOBAIN sur ces documents commerciaux.

Comme l’ont justement retenu les premiers juges, dès lors que les produits respectifs commercialisés par les parties sont différents, que le public visé est distinct et qu’est systématiquement accolé le terme ‘SAINT-D’ à celui d’ ‘ISOVER’, le risque de confusion pour le consommateur n’est pas établi, la société SAINT-GOBAIN ISOVER ne démontrant au demeurant nullement le préjudice subi suite à cet usage.

En conséquence, il convient de débouter la société SAINT-GOBAIN ISOVER de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et de confirmer le jugement dont appel de ce chef.

– Sur la nullité de la marque ‘ISOCOVER’:

La société SAINT-GOBAIN ISOVER soutient être bien fondée à poursuivre la nullité de la marque ‘ISOCOVER’ sur le fondement de l’article L.711-4 du code de la propriété intellectuelle, comme portant atteinte à ses marques et à ses autres signes distinctifs.

Sur ce, si la société SAINT-GOBAIN ISOVER est effectivement titulaire des marques ‘ISOVER’ depuis 1999, il n’en demeure pas moins que, comme indiqué précédemment, eu égard à l’absence de similitudes visuelles, sonores et conceptuelles entre les signes et de risque de confusion en conséquence pour le public concerné, l’atteinte à la marque ‘ISOVER’ par la marque seconde n’est pas constituée.

En outre, la dénomination sociale et le nom commercial de l’appelante étant constitués de l’ensemble verbal SAINT D E, signes distinctifs se distinguant nettement du fait de leur composition et de la renommée du groupe SAINT-D de la marque seconde critiquée, le risque de confusion est d’autant moins caractérisé.

En conséquence, il convient de débouter la société SAINT-GOBAIN ISOVER de sa demande en nullité de la marque ‘ISOCOVER’ et de confirmer le jugement rendu sur ce point.

– Sur la demande reconventionnelle pour procédure abusive:

MM. B C, X Y et Z A rappelant la multiplicité des termes existant sur le marché de l’isolation employant le terme ‘ISOCOVER’ en déduisent que l’action intentée par la société SAINT-GOBAIN ISOVER n’est pas légitime, cette dernière souhaitant en réalité obtenir l’exclusivité de l’usage du préfixe ‘ISO’ pour décrire des produits du bâtiment et de la construction et les évincer comme un potentiel concurrent dans un domaine dans lequel elle pourrait souhaiter se placer, soit l’isolation électromagnétique et non plus seulement l’isolation thermique et phonique.

La société SAINT-GOBAIN ISOVER conteste toute volonté de s’attribuer un monopole d’exploitation sur le terme ISO/VER ne s’attachant, selon elle, qu’à préserver la renommée acquise de son signe ‘ISOVER’ contre les usages de tiers à même de parasiter son image de marque référente dans le secteur du bâtiment et de l’isolation.

Sur ce, la cour rappelle que l’exercice d’une action en justice constitue par principe un droit, qui ne dégénère en abus, pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts, que lorsque la preuve d’une faute est rapportée.

En l’espèce, la présente procédure en appel intentée par la société SAINT-GOBAIN ISOVER est insuffisante à démontrer sa mauvaise foi ou son intention malveillante.

Ainsi, faute pour MM. B C, X Y et Z A de rapporter la preuve d’une faute de la part de la société SAINT-GOBAIN ISOVER, qui a pu légitimement se méprendre sur l’étendue de ses droits, et d’établir l’existence d’un préjudice autre que celui subi du

fait des frais exposés pour leur défense, leurs demandes fondées sur la procédure abusive seront rejetées.

– Sur les dépens et les frais irrépétibles:

La société SAINT-GOBAIN ISOVER, succombant, sera condamnée aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés par Maître M N conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

Enfin, l’équité et la situation des parties commandent de condamner la société SAINT-GOBAIN ISOVER à verser à MM. B C, X Y et Z A la somme globale de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Rejette la demande de nullité des marques ‘ISOVER’ n° 99776398 et 001196948 pour défaut de distinctivité formulée par MM. B C, X Y et Z A,

Condamne la société SAINT-GOBAIN ISOVER aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés par Maître M N conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société SAINT-GOBAIN ISOVER à verser à MM. B C, X Y et Z A une somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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