1. Attention à la force majeure invoquée par l’employeur : Lorsqu’un employeur invoque la force majeure pour justifier la rupture anticipée d’un contrat de travail à durée déterminée, il doit démontrer que l’événement en question rend impossible la poursuite du contrat. Si l’événement ne rend l’exécution du contrat impossible que temporairement, il ne peut être considéré comme une force majeure permettant la rupture anticipée du contrat. Dans le cas présent, l’employeur n’a pas réussi à prouver que la crise sanitaire liée à la Covid-19 rendait impossible la poursuite du contrat de travail jusqu’à son terme.
2. Il est recommandé de vérifier les obligations contractuelles de l’employeur : En cas de rupture anticipée d’un contrat de travail à durée déterminée, l’employeur doit respecter les dispositions légales, notamment l’article L1243-1 du code du travail, qui stipule que le contrat ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail, sauf accord des parties. Si l’employeur ne respecte pas ces conditions, il peut être condamné à verser des dommages et intérêts au salarié pour rupture abusive du contrat. 3. Attention à la précision des demandes en justice : Lorsqu’un salarié formule des demandes en justice, il est essentiel de les étayer avec des preuves et des arguments solides. Par exemple, dans ce cas, Monsieur [M] a obtenu des dommages et intérêts pour la rupture anticipée de son contrat, mais certaines de ses autres demandes ont été rejetées faute de preuves suffisantes. Il est donc crucial de bien préparer son dossier et de fournir toutes les pièces justificatives nécessaires pour appuyer ses revendications. |
→ Résumé de l’affaireRésumé des faits de l’affaire :
Monsieur [H] [M] a été employé par la S.A.R.L. Hotel de Porticcio sous divers contrats à durée déterminée entre le 6 mars 2017 et le 31 octobre 2019, occupant les postes de réceptionniste tournant et de voiturier bagagiste. Le 23 juin 2020, il a saisi le conseil de prud’hommes d’Ajaccio pour diverses demandes, notamment des salaires non versés et des indemnités. Le 2 septembre 2021, le conseil de prud’hommes d’Ajaccio a rendu un jugement reconnaissant un cas de force majeure empêchant la société de remplir ses obligations contractuelles envers Monsieur [M], et l’a débouté de toutes ses demandes. Monsieur [M] a été condamné aux dépens. Monsieur [M] a interjeté appel de ce jugement le 6 décembre 2021, contestant la reconnaissance du cas de force majeure et réitérant ses demandes de salaires non versés, de congés payés, de prime de transport, de dommages et intérêts pour préjudice subi, ainsi que des frais de procédure. La S.A.R.L. Hotel de Porticcio a demandé la confirmation du jugement initial, soutenant que la promesse d’embauche avait été rompue en raison d’un cas de force majeure, et a également demandé des frais de procédure. L’instruction a été clôturée le 6 septembre 2022, et l’affaire a été fixée pour plaidoirie le 11 octobre 2022, avec une décision mise en délibéré au 1er février 2023. |
→ Les points essentielsRecevabilité de l’appelLa recevabilité de l’appel n’est pas discutée et les éléments du dossier ne conduisent pas la cour à le faire d’office. L’appel de Monsieur [M] sera donc dit recevable en la forme, tel que sollicité. Rejet de la demande d’annulation du jugementMonsieur [M] ne développe pas de moyen à même de fonder sa demande d’annulation du jugement. En effet, contrairement à ce qu’il expose, le jugement entrepris est motivé, et son annulation ne peut découler du caractère mal fondé ou insuffisamment précis d’une motivation, ni d’une omission de statuer sur une demande au titre de l’indemnité de trajet (prime de transport). La demande d’annulation du jugement sera ainsi rejetée. Promesse unilatérale de contrat de travailL’écrit du 9 janvier 2020 émis par la S.A.R.L. Hôtel de Porticcio à l’égard de Monsieur [M] s’analyse comme une promesse unilatérale de contrat de travail, donnant à Monsieur [M] le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat de travail à durée déterminée saisonnier. Cette promesse, acceptée par Monsieur [M], valait contrat de travail. Les modifications ultérieures de la date d’effet du contrat ont été acceptées par Monsieur [M]. Rupture unilatérale de la promesse d’embaucheL’écrit du 29 mai 2020 adressé par l’employeur au salarié s’analyse comme une rupture unilatérale de la promesse d’embauche acceptée du 9 janvier 2020, valant contrat de travail à durée déterminée saisonnier, au motif de la force majeure. Il n’est pas démontré d’une rupture d’un commun accord, ni invoqué d’autre motif de rupture que la force majeure. Absence de force majeure justifiant la ruptureIl n’est pas démontré, au travers des éléments soumis à l’appréciation de la cour, de l’existence d’un événement irrésistible ayant pour effet de rendre impossible la poursuite du contrat de travail à durée déterminée saisonnier courant jusqu’au 31 octobre 2020. L’activité d’hôtellerie n’a pas été concernée par la fermeture des lieux publics non indispensables, et l’employeur ne justifie pas que les mesures de soutien et d’accompagnement spécifiques des employeurs n’ont pu s’appliquer ici. Condamnation de l’employeur pour rupture anticipéeLa rupture anticipée, non fondée et ainsi abusive, de la promesse valant contrat à durée déterminée pour force majeure appelle l’allocation de dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations que le salarié aurait perçues jusqu’au terme du contrat. La S.A.R.L. Hôtel de Porticcio sera condamnée à verser à Monsieur [M] une somme de 9.498,12 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée. Indemnité de congés payésL’employeur ne justifie pas avoir rempli le salarié de ses droits afférents à la période du 2 au 28 mai 2020, soit un montant de 168,72 euros. La S.A.R.L. Hôtel de Porticcio sera condamnée à verser à Monsieur [M] une somme de 168,72 euros brut à titre d’indemnité de congés payés. Prime de transportLe conseil de prud’hommes n’a pas statué sur la demande formée par Monsieur [M] au titre d’une prime de transport. La S.A.R.L. Hôtel de Porticcio sera condamnée à verser à Monsieur [M] une somme de 225 euros brut à titre de rappel sur indemnité de trajet (prime de transport) 2017-2018. Remise des documents de fin de contratIl sera ordonné à la S.A.R.L. Hôtel de Porticcio de remettre à Monsieur [M] un bulletin de paie pour le mois de mai 2020 et des documents de fin de contrat rectifiés conformément au présent arrêt, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, ce sans astreinte. Condamnation aux dépens et frais irrépétiblesLa S.A.R.L. Hôtel de Porticcio, succombant principalement, sera condamnée aux dépens de première instance et de l’instance d’appel. Elle sera également condamnée à verser à Monsieur [M] une somme totale de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel. Les montants alloués dans cette affaire:
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→ Réglementation applicableArticles des Codes cités et leur texte
– Article L1243-1 du Code du travail : – Article 564 du Code de procédure civile : – Article 566 du Code de procédure civile : Résumé des motifs Sur la recevabilité de l’appel Sur l’annulation du jugement Sur les demandes afférentes à une rupture de contrat de travail à durée déterminée et à ses conséquences Sur les demandes afférentes à la prime de transport Sur les autres demandes Les parties sont déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires. |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Stéphanie LAURENT, avocat au barreau d’AJACCIO
– Me Séverine ARTIERES, avocat au barreau de MARSEILLE – Me Anne-Joséphine LEANDRI, avocat au barreau de MARSEILLE |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Bastia
RG n°
21/00249
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01 Février 2023
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N° RG 21/00249 – N° Portalis DBVE-V-B7F-CCS6
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[H] [M]
C/
S.A.R.L. HOTEL DE PORTICCIO
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Décision déférée à la Cour du :
02 septembre 2021
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AJACCIO
20/00072
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Copie exécutoire délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE BASTIA
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU : PREMIER FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS
APPELANT :
Monsieur [H] [M]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par Me Stéphanie LAURENT, avocat au barreau d’AJACCIO
INTIMEE :
S.A.R.L. HOTEL DE PORTICCIO
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Séverine ARTIERES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Anne-Joséphine LEANDRI, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 octobre 2022 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame BETTELANI, conseillère chargée du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur JOUVE, Président de chambre,
Madame COLIN, Conseillère
Madame BETTELANI, Conseillère
GREFFIER :
Madame CARDONA, Greffière lors des débats.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2022 puis a été prorogé au 01 février 2023
ARRET
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
-Signé par Madame BETTELANI pour Monsieur JOUVE, Président de chambre empêché et par Madame CARDONA, Greffière présente lors de la mise à disposition de la décision.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [H] [M] a été embauché par la S.A.R.L. Hotel de Porticcio, suivant contrat à durée déterminée à effet du 6 mars 2017 au 30 avril 2017 en qualité de réceptionniste tournant, puis suivant divers contrats à durée déterminée, en qualité de voiturier bagagiste, à effet du 1er mai 2017 au 31 octobre 2017, du 15 avril 2018 au 31 octobre 2018, et du 26 avril 2019 au 31 octobre 2019.
Monsieur [H] [M] a saisi le conseil de prud’hommes d’Ajaccio par requête reçue le 23 juin 2020, de diverses demandes.
Selon jugement du 2 septembre 2021, le conseil de prud’hommes d’Ajaccio a :
-reconnu le cas de force majeure rendant impossible pour la société l’exécution des obligations contractuelles auxquelles elle s’était elle-même engagée à l’égard de Monsieur [M],
-en conséquence, débouté Monsieur [H] [M] de l’intégralité de ses demandes,
-dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamné Monsieur [H] [M] aux dépens.
Par déclaration du 6 décembre 2021 enregistrée au greffe, Monsieur [H] [M] a interjeté appel de ce jugement, en ce qu’il a : reconnu le cas de force majeure rendant impossible pour la société l’exécution des obligations contractuelles auxquelles elle s’était elle-même engagée à l’égard de Monsieur [M], débouté Monsieur [H] [M] des demandes suivantes : constater l’existence d’une promesse d’embauche au 9 janvier 2020, condamner la SARL Hotel [de] Porticcio, prise en la personne de son représentant légal, au paiement des sommes suivantes : 11.149,77 euros au titre des salaires non servis, 1.114,97 euros au titre des congés payés, 378 euros correspondant à la prime des transports non servie, 10.000 euros au titre du préjudice subi, 3.000 euros au titre de dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, condamné Monsieur [H] [M] aux dépens.
Aux termes des dernières écritures de son conseil, transmises au greffe en date du 24 août 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Monsieur [H] [M] a sollicité :
-de juger recevable et fondé l’appel formé,
-d’annuler et infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 2 septembre 2021 rendu par le conseil de prud’hommes d’Ajaccio, en ce qu’il a : reconnu le cas de force majeure rendant impossible pour la société l’exécution des obligations contractuelles auxquelles elle s’était engagée à l’égard de Monsieur [M], débouté Monsieur [H] [M] des demandes suivantes : constater l’existence d’une promesse d’embauche au 9 janvier 2020, condamner la SARL Hotel de Porticcio, prise en la personne de son représentant légal, au paiement des sommes suivantes : 11.149,77 euros au titre des salaires non servis, 1.114,97 euros au titre des congés payés, 378 euros correspondant à la prime des transports non servie, 10.000 euros au titre du préjudice subi, 3.000 euros au titre de dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, condamné Monsieur [H] [M] aux entiers dépens
-statuant à nouveau,
*de juger que la rupture unilatérale par la SARL Hotel [de] Porticcio du contrat de travail à durée déterminée en date du 9 janvier 2020 et de son avenant du 3 mars 2020 est abusive,
*en conséquence, de condamner la SARL Hotel [de] Porticcio, prise en la personne de son représentant légal, au paiement des sommes suivantes : 11.149,77 euros au titre des salaires non servis, 1.114,97 euros au titre des congés payés, 378 euros correspondant à la prime des transports non servie, 10.000 euros au titre du préjudice subi, 3.000 euros au titre de dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,
-de débouter la SARL Hotel [de] Porticcio de toutes ses demandes
-y ajoutant, d’ordonner à la SARL Hotel [de] Porticcio la remise à Monsieur [H] [M] de ses bulletins de paie, et de ses documents de fin de travail rectifiés, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la date de l’arrêt à intervenir.
Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 2 septembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, la S.A.R.L. Hotel de Porticcio a sollicité :
-à titre principal, de : confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Ajaccio le 2 septembre 2021, de dire et juger que la promesse d’embauche a été rompue du fait d’un cas de force majeure, de débouter Monsieur [M] de l’intégralité de ses demandes, et plus
particulièrement : rappel de salaire : 11.149,77 euros bruts, congés payés y afférant : 1.114,97 euros bruts, dommages et intérêts pour préjudice subi : 10.000 euros bruts, rappel prime de transport 378 euros bruts,
-en tout état de cause, de condamner Monsieur [M] à verser à la Société la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du CPC.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 6 septembre 2022, et l’affaire fixée à l’audience de plaidoirie du 11 octobre 2022, où la décision mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 21 décembre 2022, finalement prorogé au 1er février 2023.
Sur la recevabilité de l’appel
La recevabilité de l’appel n’est pas discutée et les éléments du dossier ne conduisent pas la cour à le faire d’office. L’appel de Monsieur [M] sera donc dit recevable en la forme, tel que sollicité.
Sur l’annulation du jugement
Monsieur [M] ne développe pas de moyen à même de fonder sa demande d’annulation du jugement. En effet, contrairement à ce qu’il expose, le jugement entrepris est motivé, et son annulation ne peut découler du caractère mal fondé ou insuffisamment précis d’une motivation, ni d’une omission de statuer sur une demande au titre de l’indemnité de trajet (prime de transport).
La demande d’annulation du jugement sera ainsi rejetée.
Sur les demandes afférentes à une rupture de contrat de travail à durée déterminée et à ses conséquences
Au vu des éléments du dossier, l’écrit du 9 janvier 2020 émis par la S.A.R.L. Hôtel de Porticcio à l’égard de Monsieur [M], s’analyse, non en une simple offre d’emploi, mais en une promesse unilatérale de contrat de travail, donnant à Monsieur [M] le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat de travail à durée déterminée saisonnier, dont les éléments essentiels étaient déterminés (à savoir un emploi en tant que voiturier bagagiste au sein du Sofitel Golfe d’Ajaccio Thalassa Sea & Spa, à effet du 15 avril au 31 octobre 2020, avec une rémunération de 1.715,35 euros brut pour 169 heures par mois hors avantages en nature [nourriture]), pour la formation duquel ne manquait que le consentement de Monsieur [M], consentement opéré par écrit transmis le même jour à la S.A.R.L. Hôtel de Porticcio.
Cette promesse unilatérale d’embauche, acceptée, valait contrat de travail.
Dans le même temps, il n’est pas mis en évidence que l’écrit du 3 mars 2020 adressé par l’employeur à Monsieur [M] constitue un nouveau contrat de travail, ni une renonciation d’un commun accord à la promesse d’embauche acceptée du 9 janvier 2020, cet écrit venant simplement ‘confirme[r] que votre contrat CDD saisonnier prendra effet à compter du 02 mai 2020 jusqu’au 31 octobre 2020. Les autres éléments indiqués initialement restent inchangés. Nous ne manquerons pas à faire appel à vos services plus tôt en fonction de l’activité’, et s’analysant ainsi comme une modification de la date d’effet du contrat, que Monsieur [M] admet sans difficulté avoir accepté, ce qui est attesté notamment par son écrit du 23 avril 2020 adressé à l’employeur.
Par écrit adressé le 17 mars 2020 au salarié, l’employeur a informé celui-ci d’un décalage à la première quinzaine de juin de la date d’effet du contrat de travail, avant, par écrit du 17 avril 2020 de solliciter son accord (vainement) par retour de courriel sur la nouvelle organisation.
Puis par écrit du 29 mai 2020, le salarié a été informé de l’absence de recrutement effectué au niveau de la réception/ loge ‘vu le cas de force majeur que nous subissons’, et d’une possibilité de lui proposer un poste d’équipier polyvalent dans l’équipe de gouvernance des étages pour une période allant du 1er juillet au 31 octobre 2020. Les échanges ultérieurs entre les parties n’ont pas donné lieu à une offre ou une promesse unilatérale de nouveau contrat de travail acceptée par Monsieur [M].
Compte tenu de ses mentions, l’écrit du 29 mai 2020 adressé par l’employeur au salarié s’analyse comme une rupture unilatérale de la promesse d’embauche acceptée du 9 janvier 2020, valant contrat de travail à durée déterminée saisonnier liant les parties, au motif de la force majeure. Il n’est pas démontré d’une rupture d’un commun accord, ni invoqué d’autre motif de rupture que la force majeure.
Il y a lieu de rappeler que suivant l’article L1243-1 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail, sauf accord des parties.
Il est admis, en matière de contrat de travail, que la force majeure, permettant à l’employeur de s’exonérer de tout ou partie de ses obligations nées de la rupture d’un contrat de travail, s’entend de la survenance d’un événement extérieur irrésistible ayant pour effet de rendre impossible la poursuite du contrat de travail. Si cet événement ne rend impossible l’exécution du contrat de travail que sur une période de temps limitée, il ne pourra être assimilé à un événement ayant le caractère de la force majeure permettant la rupture anticipée du contrat.
Or, en l’espèce, si ne sont pas contestables l’extériorité et l’imprévisibilité lors de l’acceptation de la promesse unilatérale d’embauche, le 9 janvier 2020, valant conclusion du contrat, de l’événement de crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 et des décisions gouvernementales consécutives, avec une décision de fermeture, par arrêté du 14 mars 2020, complété par un arrêté du 15 mars 2020, jusqu’à nouvel ordre de tous les lieux recevant du public non indispensables à la vie du pays, ainsi qu’avec une réglementation des déplacements (initialement par décret du 16 mars 2020) interdisant jusqu’au 31 mars 2020 le déplacement de toute population en dehors de son domicile sauf motifs limitativement prévus, interdiction qui a été ensuite prolongée jusqu’au 10 mai 2020, et avec un état d’urgence sanitaire décidé à compter du 24 mars 2020 pour une durée de deux mois prolongé jusqu’au 10 juillet inclus par la loi du 14 mai 2020, il n’est en revanche pas démontré, au travers des éléments soumis à l’appréciation de la cour, de l’existence d’événement irrésistible ayant pour effet de rendre impossible la poursuite du contrat de travail, à durée déterminée saisonnier courant jusqu’au 31 octobre 2020.
Il convient d’observer que :
-l’activité d’hôtellerie n’a pas été concernée par la fermeture des lieux publics non indispensables, l’employeur ayant, au cas d’espèce, décidé unilatéralement, sans mise en évidence d’une obligation administrative édictée en ce sens, de fermer l’établissement jusqu’au 15 mai 2020,
-en outre, la S.A.R.L. Hôtel de Porticcio ne justifie pas que les mesures de soutien et d’accompagnement spécifiques des employeurs mises en oeuvre rapidement, dès la fin mars 2020, outre des mesures d’activité partielle (chômage partiel) et de versement d’allocations compensatrices versées par l’Etat aux employeurs- qui, si elles ne concernaient pas encore les CDD saisonniers comme celui de Monsieur [M], permettaient néanmoins de diminuer les charges globales de personnel de l’employeur-, n’ont pu s’appliquer ici, ni qu’elles plaçaient l’employeur en situation irrégulière au plan légal.
Au surplus, il sera utilement noté que le registre unique du personnel fait apparaître, sur la période contractuelle de travail prévue entre les parties, comprise (après modification acceptée) entre le 2 mai 2020 et le 31 octobre 2020, plus de 40 entrées de personnel salariés (certes singulièrement intervenues sur la période courant du 1er juin au 13 juillet 2020) dans le cadre de contrats à durée déterminée, principalement saisonniers et à temps plein, outre divers extras, élément qui ne vient pas corroborer les affirmations de l’employeur sur une impossibilité absolue d’exécuter son obligation contractuelle à l’égard de Monsieur [M], sur la période courant jusqu’au 31 octobre 2020.
En l’absence de démonstration d’une force majeure ayant empêché de manière définitive l’employeur d’exécuter son obligation contractuelle de travail à l’égard de Monsieur [M], la rupture par l’employeur, le 29 mai 2020, pour force majeure de la promesse unilatérale d’embauche du 9 janvier 2020 valant contrat de travail à durée déterminée saisonnier liant Monsieur [M] et la S.A.R.L. Hôtel de Porticcio à effet initialement du 15 avril 2020 puis, selon modification acceptée du 3 mars 2020, à effet du 2 mai 2020 jusqu’au 31 octobre 2020, n’est pas fondée. Le jugement entrepris, utilement critiqué par Monsieur [M] contrairement à ce qu’énonce la S.A.R.L. Hôtel de Porticcio, sera infirmé en ce qu’il a reconnu le cas de force majeure rendant impossible pour la société l’exécution des obligations contractuelles auxquelles elle s’était elle-même engagée à l’égard de Monsieur [M]. Les demandes en sens contraire seront rejetées.
La demande de Monsieur [M], liée à la rupture anticipée non fondée du contrat, et afférente aux salaires sur la période courant jusqu’au terme initialement prévu du contrat, soit le 31 octobre 2020, ne peut s’analyser que comme une demande d’allocation de dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations que le salarié aurait perçues jusqu’au terme du contrat.
En effet, la rupture anticipée, non fondée et ainsi abusive, de la promesse valant contrat à durée déterminée pour force majeure appelle l’allocation de dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations que le salarié aurait perçues jusqu’au terme du contrat (soit le salaire de base et autre avantage), du 29 mai au 31 octobre 2018, soit 9.498,12 euros (et non 11.149,77 euros tel qu’exposé par l’appelant, qui ne justifie pas du bien fondé de sa demande au-delà de la somme précitée). Après infirmation du jugement entrepris à cet égard, la S.A.R.L. Hôtel de Porticcio sera condamnée à verser à Monsieur [M] une somme de 9.498,12 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée en violation des dispositions de l’article L1243-1 du code du travail, et Monsieur [M] débouté du surplus de sa demande, non fondé. Les demandes en sens contraire seront rejetées.
Monsieur [M] ne démontre pas parallèlement, au travers des pièces produites par ses soins, de préjudice distinct lié causalement à un comportement fautif de l’employeur dont il invoque l’existence, ni de la privation d’une potentialité, présentant un caractère de probabilité raisonnable, de survenance d’un événement positif ou de non survenance d’un événement négatif, au travers d’une perte de chance de bénéficier d’un contrat à durée indéterminée. Le jugement entrepris sera ainsi confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [M] de sa demande de ce chef et les demandes en sens contraire rejetées.
Concernant l’indemnité de congés payés, l’appelant critique de manière partiellement opérante le jugement, l’employeur, ne justifiant pas avoir rempli le salarié de ses droits afférents à la période du 2 au 28 mai 2020 -pour laquelle l’employeur ne démontre pas d’une absence de tenue à disposition du salarié ou d’un refus d’exécuter son travail-, soit un montant de 168,72 euros, somme exprimée nécessairement en brut. Pour la période courant à compter de la rupture contractuelle du 29 mai jusqu’au 31 octobre 2020, il n’est pas mis en évidence que l’indemnité de congés payés puisse lui être servie. Après infirmation du jugement sur ce point, la S.A.R.L. Hôtel de Porticcio sera condamnée à verser à Monsieur [M] une somme de 168,72 euros brut à titre d’indemnité de congés payés, et Monsieur [M] débouté du surplus de sa demande, non fondé. Les demandes en sens contraire seront rejetées.
Sur les demandes afférentes à la prime de transport
Il ressort des éléments du débat que le conseil de prud’hommes n’a pas statué dans les motifs de sa décision, sur la demande formée en première instance par Monsieur [M] au titre d’une prime de transport à hauteur de 378 euros, de sorte que la cour ne peut considérer que le chef du dispositif du jugement du conseil de prud’hommes relatif au débouté de Monsieur [M] de ses demandes concerne cet aspect. Il y a donc lieu, non d’infirmer ou de confirmer le jugement à cet égard, mais de réparer cette omission de statuer.
Il se déduit des écritures des parties que la prime de transport revendiquée correspond en réalité à l’indemnité de trajet prévue par accord régional interprofessionnel pour la région Corse.
L’employeur admet, dans ses écritures, ne pas avoir réglé le salarié de ses droits sur les périodes contractuelles de travail ayant lié les parties courant 2017 et 2018, contrairement à 2019, et expose rester devoir une somme de 225 euros à titre de rappel sur les années 2017 et 2018, montant qui est justifié au regard des données de l’espèce.
La S.A.R.L. Hôtel de Porticcio sera condamnée à verser à Monsieur [M] une somme de 225 euros brut à titre de rappel sur indemnité de trajet (prime de transport) 2017-2018, et Monsieur [M] débouté du surplus de sa demande, non fondé.
Sur les autres demandes
Monsieur [M] forme en cause d’appel une demande aux fins de d’ordonner à la S.A.R.L. Hotel de Porticcio la remise auprès de lui de ses bulletins de paie, et de ses documents de fin de travail rectifiés, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la date de l’arrêt à intervenir, demande dont la recevabilité n’est pas contestée au visa des articles 564 et suivants du code de procédure civile, notamment 566 dudit code.
Au regard des développements précédents, il sera ordonné à la S.A.R.L. Hôtel de Porticcio de remettre à Monsieur [M] un bulletin de paie pour le mois de mai 2020 et des documents de fin de contrat rectifiés conformément au présent arrêt, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, ce sans astreinte, inutile en l’espèce. Monsieur [M] sera débouté du surplus de sa demande, non justifié.
La S.A.R.L. Hôtel de Porticcio, succombant principalement, sera condamnée aux dépens de première instance (le jugement entrepris étant infirmé sur ce point) et de l’instance d’appel.
L’équité commande de prévoir la condamnation de la S.A.R.L. Hôtel de Porticcio à verser à Monsieur [M] une somme totale de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance (le jugement entrepris étant infirmé en ses dispositions querellées à cet égard) et d’appel.
Les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards.
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe le 1er février 2023,
DECLARE recevable en la forme l’appel de Monsieur [H] [M],
REJETTE la demande de Monsieur [H] [M] tendant à annuler en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Ajaccio le 2 septembre 2021
INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Ajaccio le 2 septembre 2021, tel que déféré, sauf :
-en ce qu’il a débouté Monsieur [H] [M] de sa demande de dommages et intérêts au titre de préjudice distinct,
Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT non fondée, et ainsi abusive, la rupture anticipée, le 29 mai 2020, pour force majeure de la promesse unilatérale d’embauche du 9 janvier 2020 valant contrat de travail à durée déterminée saisonnier liant Monsieur [M] et la S.A.R.L. Hôtel de Porticcio à effet initialement du 15 avril 2020 puis, selon modification acceptée du 3 mars 2020, à effet du 2 mai 2020 jusqu’au 31 octobre 2020,
CONDAMNE la S.A.R.L. Hôtel de Porticcio, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Monsieur [H] [M] les sommes suivantes:
– 9.498,12 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée en violation des dispositions de l’article L1243-1 du code du travail,
– 168,72 euros brut à titre d’indemnité de congés payés,
Réparant l’omission de statuer des premiers juges, CONDAMNE la S.A.R.L. Hôtel de Porticcio, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Monsieur [H] [M] la somme 225 euros brut à titre de rappel sur indemnité de trajet (prime de transport),
ORDONNE à la S.A.R.L. Hôtel de Porticcio de remettre à Monsieur [M] un bulletin de paie pour le mois de mai 2020 et des documents de fin de contrat rectifiés conformément au présent arrêt, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,
DEBOUTE la S.A.R.L. Hôtel de Porticcio de sa demande de condamnation au titre des frais irrépétibles d’appel,
CONDAMNE la S.A.R.L. Hôtel de Porticcio, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Monsieur [H] [M] une somme totale de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et de l’instance d’appel,
CONDAMNE la S.A.R.L. Hôtel de Porticcio, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens de première instance et d’appel,
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
LA GREFFIÈRE P/ LE PRÉSIDENT EMPECHE