Rétractation d’ordonnances de saisie

Notez ce point juridique

Le juge, saisi d’une demande de rétractation d’une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile doit s’assurer de l’existence d’un motif légitime, au jour du dépôt de la requête initiale, à ordonner la mesure probatoire, des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement et de la nature légalement admissible de la mesure sollicitée.

La régularité de la saisine du juge des requêtes étant une condition préalable à l’examen de la recevabilité et du bien fondé de la mesure probatoire sollicitée, il convient d’abord de s’assurer que la requête ou l’ordonnance y faisant droit a justifié de manière circonstanciée qu’il soit dérogé au principe de la contradiction, avant de statuer sur l’existence du motif légitime et sur le contenu de la mesure sollicitée.r

Le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits qu’il invoque au soutien de sa demande de mesure in futurum puisque celle-ci est destinée à les établir, l’application de l’article 145 du code de procédure civile n’impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d’être ultérieurement engagé.

Il lui incombe toutefois de justifier d’indices rendant crédibles les griefs allégués, étant précisé que l’existence du motif légitime s’apprécie à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la requête initiale et de ceux produits ultérieurement devant le juge des référés et la cour à sa suite. Il appartient au requérant de justifier de ce que sa requête était fondée, et non au demandeur à la rétractation de rapporter la preuve qu’elle ne l’est pas.

_______________________________________________________________________

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

14e chambre

ARRET DU 10 JUIN 2021

N° RG 20/04921 – N° Portalis DBV3-V-B7E-UC7B

AFFAIRE :

V D-O

C/

SASU PARRESIA

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 14 Septembre 2020 par le Président du TJ de NANTERRE

N° chambre :

N° Section :

N° RG : 20/00664

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Stéphanie ARENA

Me Mandine BLONDIN

TJ NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX JUIN DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame V D-O

[…]

[…]

Monsieur H Y

La Linais en Monthorin

[…]

SAS GROUPE MEDIA PRO agissant poursuites et diligences au nom de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentés par Me Stéphanie ARENA de la SELEURL ARENA AVOCAT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 637

Assistés de Me Stéphanie LEVY substituant Me Eric COHEN, avocat au barreau de PARIS

APPELANTS

****************

SASU PARRESIA prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 837 734 318

[…]

[…]

Représentée par Me Mandine BLONDIN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 689

Assistée de Me Bérengère PLIQUE substituant Me Magaly LHOTEL, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 Avril 2021, Madame Marie LE BRAS, conseiller

ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Nicolette P, Président,

Madame Marie LE BRAS, Conseiller,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sophie CHERCHEVE

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SAS Parresia dont le dirigeant est M. X, a été créée en mars 2018. Elle exerce dans le

secteur de l’édition d’ouvrages et de revues de presse dédiés aux professionnels de santé.

Pour débuter son activité, elle a acquis le 1er mars 2018 le fonds de commerce de la société EDP

Santé qui avait une activité similaire et a ainsi repris l’ensemble des revues éditées par celle-ci, dont

Audio K et J K.

Mme V D-O et M. H Y, tous deux journalistes, ont été respectivement directrice de la rédaction et rédacteur en chef adjoint de ces deux titres au sein de la société EDP santé. A la suite du rachat de celle-ci par la société Parresia, ils ont manifesté leur volonté de quitter l’entreprise. Le contrat de travail de M. Y a ainsi pris fin le 31 janvier 2019 et celui de Mme

D-O le 8 février 2019.

La SAS Groupe Media Pro qui a été immatriculée en mai 2019, est dirigée par M. L Z

qui est aussi à la tête d’autres sociétés d’édition également spécialisées dans le domaine médical.

En septembre 2019, la société Groupe Media Pro a édité une nouvelle revue M N

dont Mme D-O et M. Y qui avaient rejoint ses effectifs, sont respectivement devenus

directrice de rédaction et rédacteur en chef.

Se plaignant d’actes de concurrence déloyale et parasitaires, la société Parresia a mis en demeure la société Groupe Media Pro par courrier du 2 octobre 2019 de cesser la publication de la revue

M N. Par courrier en réponse du 16 octobre 2019, cette dernière a réfuté les griefs

allégués.

C’est dans ce contexte que par 3 ordonnances sur requête rendues le 6 décembre 2019, le président du tribunal de grande instance de Nanterre a autorisé la société Parresia à faire procéder à une mesure de constat informatique dans les locaux de la société Groupe Media Pro et dans les lieux

d’activité professionnelle de Mme D-O et M. Y pour notamment :

— rechercher tous dossiers, fichiers, documents, correspondances, situés dans lesdits locaux ou

annexes quel qu’en soit le support, informatique ou autre, en rapport avec les faits litigieux

précédemment exposés, et notamment :

— échanges (courriers, emails, SMS, MMS etc.) entre M. Z, dirigeant de la société Groupe

Media Pro, avec Mme D-O et/ou M. Y relatif et/ou évoquant :

— la société Parresia,

— M. X, ès qualités de dirigeant de la société Parresia ;

— les revues Audio K et/ou J K ;

— les méthodes, articles, thèmes, interviews et toute autres informations relatives au savoir-faire et

mode de fonctionnement de Parresia et/ou EDP Santé avant sa cession ;

— fichiers (clients, annonceurs etc.) provenant et/ou appartenant à la société Parresia et/ou relatifs aux

revues Audio K et/ou J K édités par la société Parresia ;

— factures et correspondances (courriers, email etc.) à compter du mois de janvier 2019 et jusqu’à la

date des opérations de saisie, entre la société Groupe Media Pro et les principaux annonceur clients

de la société Parresia suivants :

— Acuitis France

[…]

— Amplifon Spa

— Audio 200

— J Consulting

— Audition Conseil

— Audition Conseil France

— Biotone Technologies Sas

— Cda

— Chelles Surdite

[…]

[…]

[…]

[…]

— Otometrics Sas

[…]

— Ideal Audition

— Laboratoires Unisson

— Macon Surdite

— Medel

— Oticon Espana Sa

[…]

— Prodition

— Sivantos Sas

— Starkey France

— Widex Sas

— correspondances portant sur le ou les thèmes(s) suivants :

— Parresia

— M. X, ès qualités de dirigeant de la société Parresia ;

— les revues Audio K et/ou J K ;

— rechercher tous dossiers, fichiers, documents, correspondances situés dans lesdits locaux ou

annexes quel qu’en soit le support, informatique ou autre, en rapport avec les faits litigieux

précédemment exposés, comportant les mots clés suivants : Parresia / Patrick X / Audio K /

J K / Concurrence Deloyale / Clause de Cession / V D-O / H

Y / P A.

Les opérations de constat ont été réalisées par les huissiers instrumentaires le 19 décembre 2019.

Par ordonnance rendue le 23 décembre 2019, sur requête de la société Groupe Media Pro, de Mme

D-O et de M. Y, le président du tribunal de grande instance de Nanterre a ordonné la

mise sous séquestre des éléments appréhendés lors des opérations de constat.

Par acte du 17 janvier 2020, la société Groupe Media Pro, Mme D-O et M. Y ont fait

assigner en référé la société Parresia aux fins d’obtenir la rétractation des trois ordonnances rendues

le 6 décembre 2019.

Par ordonnance contradictoire rendue le 14 septembre 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire

de Nanterre a :

— débouté la société Groupe Media Pro, Mme D-O et M. Y de leur demande de

rétractation des trois ordonnances en date du 6 décembre 2019 prononcées sur requête de la société

Parresia,

— déclaré irrecevables les demandes des parties relatives à la mesure de séquestre ordonnée par

ordonnance sur requête rendue le 23 décembre 2019,

— rejeté le surplus des demandes des parties plus amples ou contraires,

— condamné in solidum la société Groupe Media Pro, Mme D-O et M. Y à payer à la

société Parresia la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné in solidum la société Groupe Media Pro, Mme D-O et M. Y aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 9 octobre 2020, la société Groupe Media Pro, Mme

D-O et M. Y ont interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition,

à l’exception de ce qu’elle a déclaré irrecevables les demandes des parties relatives à la mesure de

séquestre ordonnée par ordonnance sur requête rendue le 23 décembre 2019 et rejeté le surplus des

demandes des parties plus amples ou contraires.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 6 avril 2021 auxquelles il convient de se reporter pour

un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, la société Groupe Media Pro, Mme

D-O et M. Y demandent, au visa des articles 122, 145 et 493 du code de procédure

civile, de :

— infirmer l’ordonnance de référé rendue le 14 septembre 2020 en ce qu’elle les a déboutés de leur

demande de rétractation des ordonnances rendues le 6 décembre 2019 et les a condamnés in solidum

à payer à la société Parresia la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure

civile et aux dépens ;

statuant à nouveau,

— rétracter les ordonnances rendues le 6 décembre 2019 l’encontre de Mme D-O et M.

Y pour défaut de droit à agir en justice de la société Parresia compte tenu des transactions

conclues, en application de l’article 2052 du code de procédure civile ;

en tout état de cause :

— rétracter les trois ordonnances sur requêtes rendues le 6 décembre 2019 ;

— annuler les opérations de constat réalisées le 19 décembre 2019 à la demande de la société Parresia

;

— ordonner aux huissiers instrumentaires de leur restituer l’ensemble des éléments appréhendés à

l’occasion des mesures pratiquées ;

— annuler les procès-verbaux de constat établis par la SELARL AY et Maître Christophe Perry ;

— débouter la société Parresia de l’ensemble de ses demandes ;

— condamner la société Parresia à leur verser une somme de 10 000 euros chacun, au titre de l’article

700 du code de procédure civile ;

— la condamner aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées le 31 mars 2021 auxquelles il convient de se reporter pour

un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Parresia demande, au visa des articles

123, 145, 493, 564, 700 du code de procédure civile et 2048 du code civil, de :

— confirmer l’ordonnance de référé rendue le 14 septembre 2020 déférée dans toutes ses dispositions ;

— débouter la société Groupe Media Pro, Mme D-O et M. Y de l’ensemble de leurs

demandes tendant à la rétractation des ordonnances rendues le 6 décembre 2019 ;

— valider les opérations de constat réalisées le 19 décembre 2019 ;

— condamner in solidum la société Groupe Media Pro, Mme D-O et M. Y à lui verser

la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner in solidum la société Groupe Media Pro, Mme D-O et M. Y aux entiers

dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 avril 2021.

En cours de délibéré, la cour a demandé :

— à la société Parresia de lui communiquer ses pièces 17, 18 et 19 telles qu’annoncées dans le

bordereau de communication de pièces, consistant en un exemplaire des revues Audio K,

J K et M N, son dossier de plaidoirie ne contenant que la 1re page de

chacune de ces revues,

— aux appelants de confirmer qu’ils en avaient bien eu communication.

La société Parresia a transmis un exemplaire original de chacune de ces revues, les appelants faisant

en parallèle observer par message RPVA du 15 avril 2021 qu’ils n’avaient pour leur part été

destinataires que de la 1re page de chacune d’entre elles.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

– observations liminaires sur la communication des pièces 17 à 19 de la société Parresia :

Comme souligné par la société Parresia, il sera relevé que les appelants n’ont soulevé aucun incident

avant la clôture des débats concernant la communication des pièces 17 à 19, alors pourtant que le

bordereau de communication joint aux conclusions de l’intimée fait état en pièces 17 à 19 ‘des revues

Audio K, J K et M N’ et non simplement de la première page de

chacune d’entre elles.

En outre, aux termes de leurs conclusions, les appelants ont largement discuté du contenu desdites

revues, de sorte qu’il sera retenu qu’elles ont régulièrement été soumises à la libre discussion des

parties.

* * * *

Le juge, saisi d’une demande de rétractation d’une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure

sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile doit s’assurer de l’existence d’un motif

légitime, au jour du dépôt de la requête initiale, à ordonner la mesure probatoire, des circonstances

justifiant de ne pas y procéder contradictoirement et de la nature légalement admissible de la mesure

sollicitée.

La régularité de la saisine du juge des requêtes étant une condition préalable à l’examen de la

recevabilité et du bien fondé de la mesure probatoire sollicitée, il convient d’abord de s’assurer que la

requête ou l’ordonnance y faisant droit a justifié de manière circonstanciée qu’il soit dérogé au

principe de la contradiction, avant de statuer sur l’existence du motif légitime et sur le contenu de la

mesure sollicitée.

– sur la dérogation au principe du contradictoire :

Les appelants soutiennent que dans sa requête, la société Parresia n’a pas caractérisé les

circonstances propres au litige justifiant de déroger au contradictoire, se bornant à reprendre des

formules de style relatives à ‘la nécessité de préserver les preuves’, ‘l’effet de surprise’ et ‘le risque de

destruction des preuves’.

Ils ajoutent que les 3 ordonnances se limitent à renvoyer à la requête et aux pièces de la requérante,

sans motivation particulière sur l’absence de contradictoire, faisant par ailleurs observer qu’elles ne

visent pas l’article 493 du code de procédure civile.

Ils font également valoir qu’aucun élément du dossier ne permet de les suspecter d’une quelconque

intention de dissimuler et détruire d’éventuelles preuves susceptibles de leur être réclamées dans le

cadre d’un débat contradictoire, rappelant en outre qu’ils étaient informés des griefs allégués par la

société Parresia dès la mise en demeure que celle-ci leur a adressée le 26 septembre 2019, de sorte

que l’allégation d’un effet de surprise et d’un risque de dépérissement des preuves au jour de la

requête, soit le 6 décembre 2019, n’apparaît pas pertinente pour justifier de la dérogation au

contradictoire.

Enfin, les appelants prétendent qu’il est inexact de dire que la mesure de saisie concernerait ‘quasi

exclusivement’ des données informatiques alors que la société Parresia vise la recherche de

documents sur tout type de support.

En réponse, la société Parresia affirme avoir justifié en pages 9 et 10 de sa requête, de manière

circonstanciée et sans usage de formule de style, des raisons du recours à une procédure non

contradictoire.

Elle met en avant le fait que les pièces recherchées sont principalement des données informatiques

par nature faciles à détruire et qu’au regard du contexte de concurrence déloyale précisément exposé

dans sa requête, le risque de suppression des éléments de preuve est d’autant plus important.

L’intimée précise que c’est la réception du courriel du 4 décembre 2019, soit plus de 2 mois après la

mise en demeure adressée aux appelants, qui l’a décidée à déposer cette requête pour rechercher les

preuves de ce qui a pu précéder ce courriel.

Enfin, elle fait valoir que l’absence dans les ordonnances de motivation spécifique et de visa de

l’article 493 du code de procédure civile ne peut justifier leur rétractation dès lors que les 3 décisions

renvoient à la requête, aux motifs qui y sont exposés et aux pièces à l’appui.

Sur ce,

En application des articles 493 et 495 du code de procédure civile, l’ordonnance sur requête rendue

non contradictoirement doit être motivée de façon précise, le cas échéant par l’adoption des motifs de

la requête, s’agissant des circonstances qui exigent que la mesure d’instruction sollicitée ne soit pas

prise contradictoirement.

Le juge saisi d’une demande de rétractation ne peut suppléer la carence de la requête ou de

l’ordonnance sur ce point et n’a pas à rechercher ces circonstances dans les pièces produites ou les

déduire du contexte de l’affaire.

Il statue donc, au besoin d’office, sur la seule motivation de la requête ou de l’ordonnance justifiant

qu’il soit dérogé au principe de la contradiction, motivation qui doit s’opérer in concreto et ne peut

pas consister en une simple formule de style.

Une requête ou l’ordonnance qui y fait droit ne peut ainsi rester muette sur les circonstances propres

à l’affaire susceptibles de justifier qu’il soit procédé non contradictoirement et se contenter d’énoncer

que, pour être efficace et éviter tout dépérissement des preuves, la mesure ne peut être sollicitée

contradictoirement.

Si en l’espèce, les 3 ordonnances rendues le 6 décembre 2019 par le juge des requêtes n’énoncent pas

de motivation spécifique pour justifier de la dérogation au principe du contradictoire, elles renvoient

cependant à la requête commune déposée par la société Parresia et aux pièces qui y sont jointes, de

sorte qu’il sera retenu qu’elles en adoptent implicitement ses motifs.

Dans sa requête, la société Parresia expose en premier lieu les indices susceptibles selon elle de

caractériser la commission par les appelants d’actes de concurrence déloyale et d’actes parasitaires

qu’elle décrit.

Elle poursuit en soutenant que compte tenu de ce faisceau d’indices déjà établis, il existe un motif

légitime à obtenir la communication de tous éléments susceptibles de caractériser les actes suspectés,

et conclut sa requête comme suit :

‘La présente requête fondée sur l’article 145 du code de procédure civile, par nature non

contradictoire, se justifie parfaitement en l’espèce par la nécessité de préserver les preuves. L’effet

de surprise des mesures sollicitées est en effet indispensable afin de prémunir la requérante de toute

déperdition et/ou destruction des preuves pouvant être recueillies. Le recours à une procédure

contradictoire offrirait à Mme V D O, à M. H Y ainsi qu’à la société

Média Pro le temps nécessaire pour détruire l’ensemble des preuves et notamment informatiques,

qui permettraient à la requérante d’attester des actes de concurrence déloyale’.

Par ce renvoi au contexte de concurrence déloyale et à la nature immatérielle de la plupart des

documents recherchés, la société Parresia a justifié de manière suffisamment circonstanciée la

nécessité de procéder aux mesures sollicitées sans appeler les appelants à la cause, au regard

notamment du risque de disparition des éléments de preuve numériques telles des emails, SMS,

MMS, des fichiers (clients et annonceurs) dont il ne peut être contesté qu’ils sont effectivement des

données immatérielles facilement destructibles.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, le moyen de rétractation tiré du défaut de motivation de la

dérogation au principe du contradictoire ne peut être retenu.

– sur le moyen de rétractation tiré du défaut du droit à agir en justice de la société Parresia à

l’égard de Mme D O et de M. Y :

Se prévalant des accords transactionnels en date du 28 janvier et du 11 avril 2019 ayant mis fin aux

litiges qui les ont chacun opposés à leur ancien employeur concernant la mise en oeuvre de la clause

de cession des journalistes insérée à leur contrat de travail, Mme D O et M. Y

soutiennent que la société Parresia ne peut plus intenter d’action à leur encontre concernant

d’éventuels manquements à leur obligation de loyauté contractuelle qui auraient été commis avant la

fin de leur contrat.

En réplique à l’argumentation adverse, ils soutiennent être recevables à soulever ce moyen de

rétractation pour la première fois en cause d’appel dès lors qu’il tend aux même fins que ceux

développés en première instance.

Ils précisent également en invoquant la jurisprudence constante de la Cour de cassation qu’au regard

de leur formulation générale et de leur portée extinctive, ces 2 accords mettent fin à tout litige né ou

à naître portant sur l’exécution du contrat de travail et ce quel qu’en soit l’objet et même si

l’employeur ignorait les faits au moment de la transaction.

Les faits dénoncés consistant en une prétendue collusion ainsi qu’en un détournement des fichiers

clients et annonceurs et d’une maquette des revues, actes déloyaux qui, aux dires mêmes de l’intimée,

auraient été commis avant leur départ et la signature des protocoles transactionnels, ces derniers font

selon les appelants obstacle à toute nouvelle action à leur encontre.

En réponse, la société Parresia fait d’abord valoir que le moyen tiré de son supposé défaut de droit

d’agir ne concerne pas la société Média Pro et qu’il n’avait pas été avancé devant le premier juge, de

sorte que les appelants sont irrecevables à le soulever pour la première fois en cause d’appel.

Si la cour admet que la fin de non-recevoir invoquée par les appelants est recevable, la société

Parresia sollicite qu’en application de l’article 123 du code de procédure civile, il soit retenu que les

appelants se sont abusivement abstenus de la soulever en première instance et que la cour les

condamne in solidum à lui verser une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Elle soutient au visa de l’article 2048 du code civil que les protocoles transactionnels n’ont aucune

incidence sur son droit d’agir à l’égard de Mme D O et M. Y dans la mesure où les

faits de concurrence déloyale qu’elle dénonce sont distincts de la question de l’exercice de la clause

de cession de journaliste abordée lors des discussions ayant abouti auxdits accords et qu’elle n’a

nullement renoncé à travers ces transactions à agir pour dénoncer des actes déloyaux commis

postérieurement à la fin du contrat de travail.

Sur ce,

Selon l’article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Le défaut du droit d’agir opposé par Mme D O et M. Y à la société Parresia étant

aussi un moyen de rétractation des ordonnances du 6 décembre 2019, les intéressés sont recevables à

le présenter pour la première fois devant cette cour.

L’article 2048 du code civil dispose que les transactions se renferment dans leur objet : la

renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s’entend que de ce qui est relatif

au différend qui y a donné lieu.

L’article 2049 qui suit précise que les transactions ne règlent que les différends qui s’y trouvent

compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou

générales, soit qu’on reconnaissance cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé.

En application de ces dispositions, la renonciation par une partie à la transaction à ses droits nés ou à

naître et à toute instance relative à la conclusion, l’exécution ou la rupture d’un contrat de travail,

nonobstant le caractère général de la clause de renonciation, ne rend toutefois pas irrecevable une

demande portant sur des faits et un fondement nés postérieurement à la transaction.

Il résulte des pièces produites par Mme D O et M. Y que l’accord transactionnel

qu’ils ont chacun conclu avec la société Parresia respectivement le 11 avril 2019 et le 28 janvier 2019

comprend effectivement une clause de renonciation à toute instance et actions nées ou à naître

relative ‘à la conclusions, l’exécution et la cessation du contrat de travail’. (pièces 61 et 62 des

appelants).

Il sera cependant relevé que dans sa requête, la société Parresia évoque s’agissant des intéressés, des

faits de parasitisme et de concurrence déloyale tirés notamment de leur participation à la publication

en septembre 2019 du 1er numéro de la revue M N et d’un détournement de clientèle

illustré notamment selon elle par un courriel du 4 décembre 2019.

Les agissements déloyaux ainsi dénoncés sont à la fois postérieurs à la conclusion des transactions

susvisées et ne trouvent pas leur fondement dans l’exécution de leur contrat de travail dont il sera

rappelé qu’il ne comprenait aucune clause de non-concurrence.

Il n’est dès lors pas établi par Mme D O et M. Y que la société Parresia serait

nécessairement irrecevable à agir en justice à leur encontre sur le fondement de l’article 1240 du code

civil, de sorte que les transactions invoquées ne privent pas d’intérêt sa demande de mesure

probatoire.

Le moyen de rétractation tiré du défaut du droit d’agir en justice ne peut en conséquence être retenu,

étant en tout état de cause relevé que le droit d’agir de la société Parresia à l’encontre de la société

Media Pro sur les faits antérieurs à la conclusion des transactions litigieuses n’est pas contesté.

Il n’y a pas lieu non plus à faire application de l’article 123 du code de procédure civile dès lors que

son allégation étant demeurée vaine, ce moyen n’a pas porté préjudice à la société Parresia.

– sur l’existence d’un motif légitime à la mesure probatoire sollicitée :

Les appelants soutiennent que les pièces invoquées par la société Parresia ne constituent pas des

indices suffisants des agissements déloyaux dénoncés, de sorte que l’intimée ne peut se prévaloir

d’aucun motif légitime au soutien de la mesure d’instruction sollicitée.

Sur le prétendu débauchage par la société Média Pro de Mme D O et de M. Y, ils

relèvent qu’aucune des pièces produites par la société Parresia ne laisse présumer une démarche

active de la part de la première pour débaucher les 2 autres, ainsi que M. A, faisant valoir que

leur mise en relation est intervenue postérieurement à leur démission.

Les appelants expliquent aussi que Mme D O et de M. Y ont en fait quitté la société

Parresia, comme d’autres salariés, en raison de la baisse de qualité des prestations réalisées et de la

dégradation des conditions de travail depuis le rachat du fonds de commerce de EDP Santé le 1er

mars 2018.

S’agissant du détournement de clientèle, les appelants exposent que les clients cités par la société

Parresia dans sa requête étaient déjà tous des clients de la société OCEP dirigée par M. Z, à

laquelle ils confient depuis plusieurs années leur budget publicitaire pour des parutions dans

l’annuaire de l’audition, ce qui explique la mise en relation facilitée avec la société Média Pro.

Rappelant le principe de la liberté du commerce qui confère à un commerçant la liberté d’attirer la

clientèle de ses concurrents dès lors qu’il n’utilise pas pour y parvenir des moyens déloyaux, les

appelants considèrent qu’en l’espèce, les éléments dont la société Parresia se prévaut ne peuvent

constituer des indices de telles manoeuvres illicites.

Evoquant plus particulièrement le courriel du 4 décembre 2019 invoqué par la société Parresia dans

lequel Mme B, représentante de la société Amplifon, client de la société Parresia et de la

société OCEP, fait état, sous le sceau de la confidence, de la reprise par Mme D O de

leur journal F, ils prétendent justifier que c’est Mme B qui a pris l’initiative dès mars 2019

de solliciter Mme D O après l’information de son départ, pour reprendre la coordination

de leurs revues.

Concernant enfin le grief tiré de la reprise déloyale des choix éditoriaux et du contenu des revues de

la société Parresia, les appelants font en substance valoir que :

— le choix fait de proposer un contenu éditorial pluridisciplinaire dans le domaine de l’M est

déjà adopté par d’autres revues que celles de la société Parresia et répond aux besoins des

professionnels et clients figurant dans l’annuaire du groupe OCEP,

— la société Parresia ne détient aucun monopole dans le domaine de l’M,

— la revue M N se distingue de celles de la société Parresia en ce qui concerne le choix

de la charte graphique, l’élaboration de la maquette et son format,

— les thèmes abordés dans le numéro de septembre/octobre 2019 sont des sujets d’actualité de libre

parcours aussi évoqués dans des revues concurrentes, prétendant notamment justifier de la

préparation de ces dossiers thématiques d’actualité avant même que la partie adverse ne communique

ou ne publie sur ces mêmes sujets, de sorte qu’il ne peut leur être reproché ‘d’avoir copié des idées’.

Ils émettent enfin des réserves sur l’objectivité de l’attestation de Mme C qui postérieurement à

son attestation, dans un courriel du 3 février 2020, a d’ailleurs pris contact avec Mme D

O et M. Y pour ‘dissiper les malentendus’ et préciser que ‘l’incident est clos’.

En réponse, la société Parresia affirme au contraire avoir fourni au soutien de sa requête un ensemble

suffisant de preuves rendant tangibles les actes de concurrence déloyale et de parasitisme qu’elle y

dénonce, mettant en avant :

— l’analyse comparative des revues respectives des parties pour démontrer la reprise de certaines

thématiques, et le fait que Mme D O et M. Y ont quitté la société avec une copie des

fichiers clients et annonceurs et une maquette des revues,

— le courriel du 4 décembre 2019 dont elle a eu connaissance de manière fortuite, et qui vient

contredire le motif officiel donné par la société Amplifon pour résilier les contrats la liant à la société

Parresia,

— la concomitance des départs de Mme D O et M. Y mais aussi de M. A, avec la

création de la société Média Pro, et de la revue M N, affirmant qu’il n’est pas possible

d’éditer une nouvelle revue en à peine 3 mois comme les appelants prétendent l’avoir fait.

Reprenant à son compte la motivation du premier juge, la société Parresia fait observer que les

arguments adverses relèvent le cas échéant du débat qui devra intervenir devant le juge du fond mais

ne suffisent pas à écarter l’existence d’un motif légitime à solliciter une mesure probatoire afin

d’établir la preuve des faits dénoncés, et ainsi déterminer l’opportunité des poursuites à envisager et

l’étendue de son préjudice.

Sur ce,

Selon l’article 145 du code de procédure civile, ‘s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir

avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures

d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur

requête ou en référé’.

Comme rappelé en liminaire, le juge, saisi d’une demande de rétractation d’une ordonnance sur

requête ayant ordonné une mesure sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile doit

s’assurer de l’existence d’un motif légitime, au jour du dépôt de la requête initiale.

Le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits qu’il invoque au

soutien de sa demande de mesure in futurum puisque celle-ci est destinée à les établir, l’application

de l’article 145 du code de procédure civile n’impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des

parties appelées à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d’être

ultérieurement engagé.

Il lui incombe toutefois de justifier d’indices rendant crédibles les griefs allégués, étant précisé que

l’existence du motif légitime s’apprécie à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la

requête initiale et de ceux produits ultérieurement devant le juge des référés et la cour à sa suite.

Il sera enfin rappelé qu’il appartient au requérant de justifier de ce que sa requête était fondée, et non

au demandeur à la rétractation de rapporter la preuve qu’elle ne l’est pas.

En l’espèce, la société Parresia dénonce dans sa requête et dans ses conclusions :

— le débauchage par la société Média Pro de Mme D O et de M. Y afin de diriger en

qualité de directrice de rédaction et de rédacteur en chef sa nouvelle revue, M N,

consacrée aussi à l’M,

— ’l’impression de collusion’ entre les 3 appelants illustrée par la mise en oeuvre à 6 jours d’intervalle

par les intéressés de leur clause de cession de journaliste pour quitter la société Parresia, par la

création de la société Média Pro dès mai 2019 et enfin par la publication en un temps record de la

nouvelle revue, M N,

— l’utilisation également par la société Média Pro des services d’un ancien collaborateur journaliste,

M. P A, qui a aussi exercé sa clause de cession à la même période,

— le fait que Mme D O et M. Y l’aient quittée ‘avec une copie du fichier clients et

annonceurs ainsi qu’avec la maquette et les travaux préparatoires des revues Audio K et

J K dont ils étaient les rédacteurs en chef’, procédant ainsi au pillage ‘du savoir faire, du

travail et des contacts de la société Parresia’ pour parvenir à publier la nouvelle revue avec une

reprise des mêmes choix éditoriaux et contenus de ses revues,

— le détournement de ses partenaires et clients, tels la Société Française d’M (SFA), ou

encore la société Amplifon, un de ses principaux annonceurs, qui en parallèle a procédé à la

résiliation des contrats la liant à la société Parresia.

De tels faits, s’ils étaient avérés, sont de nature à caractériser des actes de concurrence déloyale et de

parasitisme, de sorte qu’il sera retenu que l’intimée justifie de l’existence d’un procès en germe à

l’égard des appelants.

Pour conforter ses soupçons et rendre plausibles les griefs allégués, la société Parresia s’appuie sur :

— les lettres des 6 et 12 décembre 2018 aux termes desquelles Mme D O et M. Y ont

respectivement mis en oeuvre la clause de cession propre aux journalistes et les pièces relatives à la

fin de leur contrat de travail,

— l’Ours du 1er numéro de la revue M N publié en septembre 2019 sur lequel figurent

les noms de Mme D O et de M. Y en qualité de directrice de rédaction et de

rédacteur en chef,

— une attestation établie le 19 novembre 2019 par Mme C, rédactrice en chef des revues Audio

K et J K depuis janvier 2019, aux termes de laquelle celle-ci exprime ‘avoir ressenti

un fort sentiment de vol intellectuel’ après avoir découvert les sujets traités dans le 1er numéro de

M N, évoquant une proximité de la ligne éditoriale, du titre, des contenus et aussi du

choix similaire de la personne constituant l’interview principal du numéro,

— l’analyse comparative du numéro d’août/septembre 2019 de ses 2 revues Audio K et J

K, avec le 1er numéro de la revue M N de septembre/octobre 2019,

— le courrier de la société Amplifon en date du 19 novembre 2019 annonçant la résiliation des

contrats les liant pour la publication de leur ‘journal F’,

— des courriels du 4 et 30 décembre 2019 émanant de responsables de la société Amplifon (Mme

B et Mme E) évoquant la reprise ‘encore confidentielle’ de sa revue F par Mme

D O.

Contrairement à ce qui est soutenu par la société Parresia, aucune des pièces qu’elle produit ne suffit

à constituer un indice d’un supposé débauchage de Mme D O et M. Y par la société

Média Pro avant la fin de leur contrat de travail dès lors qu’il en ressort simplement que les intéressés

sont les salariés de cette dernière, ce qui n’est pas contesté, sachant qu’ils ont notifié leur intention de

quitter la société Parresia dès le mois de décembre 2018 et en sont partis depuis le 30 janvier 2019 et

le 8 février 2019, libres de tout engagement et sans s’être vus imposer une éventuelle clause de

non-concurrence.

Aucune de ces pièces ne tend à établir un quelconque contact entre la société Média Pro et ceux-ci

avant qu’ils aient fait valoir leur clause de cession et même avant leur départ définitif de la société

Parresia.

De plus, pour contredire ces allégations, les appelants produisent une attestation datée du 14 janvier

2020 de M. Q R, directeur marketing de la société Starkey France, qui explique être à

l’origine du rapprochement de M. Z, dirigeant de la société Média Pro avec Mme D

O, dans les termes qui suivent :

‘ Fin janvier 2019, à l’occasion des assises d’F, j’ai croisé M. Z qui m’avait fait part au

cours de nos échanges de ses intentions d’acheter une revue en vente à l’époque et de créer un titre

de presse sur le secteur de l’M. Je lui ai appris qu’il venait d’y avoir un départ massif au

sein de Parresia et que toute l’équipe de rédaction d’Audio Info était partie. Je lui ai recommandé de

prendre contact avec Mme D O considérant que les circonstances étaient opportunes

pour un rapprochement entre 2 professionnels que j’apprécie. J’ai en parallèle appelé cette dernière

pour lui demander si je pouvais communiquer ses coordonnées à M. Z et le recommander

auprès d’elle’.

De même, la simple mention du nom de M. A, journaliste, en page 46 du numéro de M

N de septembre 2019, sans autre élément corroborant l’existence d’un lien avec la société

Média Pro avant la fin de son contrat chez la société Parresia, ne peut constituer un indice de ce qu’il

aurait fait l’objet d’un débauchage par cette dernière, sachant qu’il a lui aussi activé sa clause de

cession de journaliste dès le mois de décembre 2018.

La concomitance des départs de ces 3 journalistes en début d’année 2019 ne peut également suffire à

rendre crédible une collusion entre eux et la société Média Pro, à défaut d’autres éléments pour

étayer cette affirmation.

Il sera d’ailleurs observé que ces départs sont intervenus dans un contexte de tensions vives ayant

opposé la direction de la société Parresia à l’ensemble de ses salariés, illustrées notamment par les

procès-verbaux de réunion du CSE de la société qui se sont tenues en octobre et décembre 2018,

dont il ressort que les élus ont notamment dénoncé la dégradation des conditions de travail des

salariés, et des épisodes de violences ‘verbales ou physiques émanant de la direction’ qui leur ont été

rapportés, une copie des questions posées par les élus à ce sujet ayant été adressée à l’Inspection du

travail. (Pièces 63,64 des appelants)

Sans avoir à juger les accusations relatées par les représentants du personnel, ces éléments de

contexte sont de nature à expliquer les départs des salariés de la société Parresia en ce compris Mme

D O, M. Y et M. A, qui ont fait jouer leur clause de cession à cette même

époque.

Il ressort d’ailleurs d’un courrier de l’Inspection du travail du 30 janvier 2019 que 2 autres

journalistes ont entendu faire valoir leur clause de cession à la même période, la société Parresia ne

contestant pas dans ses conclusions que plusieurs autres salariés apparaissant sur les extraits du site

Linkedln produits par les appelants ont aussi quitté la société entre mai 2018 et fin 2019.(pièce 65)

Au regard de l’absence d’élément présenté par la société Parresia pour conforter ses soupçons de

débauchage et de collusion entre Mme D O et M. Y pour la quitter et rejoindre la

société Média Pro, la vraisemblance de ces griefs par ailleurs contredits par les pièces des appelants,

n’est ainsi pas établie.

Il en est de même du reproche fait à Mme D O et à M. Y d’avoir quitté la société

Parresia en emportant la copie des fichiers clients/annonceurs, de la maquette de la revue et des

dossiers préparatoires, ces allégations de détournements matériels ou informatiques de données et de

documents, l’intimée ne précisant pas ce point, n’étant sous-tendues par aucune pièce.

S’agissant des soupçons de détournement de clients et d’annonceurs tels que la société Amplifon, il

sera effectivement relevé que dans son courriel du 4 décembre 2019, Mme B, salariée de

ladite société, sollicitée par Mme S, médecin F, auteure de différents articles dans la

revue F, a confirmé à cette dernière qu’elle poursuivrait ses publications, en lui faisant cependant

savoir ‘encore 1 ou 2 numéros avec Parresia, puis c’est V D qui reprendra le journal

F (encore confidentiel). Elle a crée sa boîte et ses propres revues.’

Toutefois, les appelants produisent un courriel adressé par Mme B à Mme D O

dès le 19 mars 2019, soit 9 mois plus tôt, aux termes duquel elle lui indique être très ennuyée depuis

son départ de la société Parresia et ‘souhaiterait savoir si vous (elle) pouviez reprendre la

coordination de nos revues’.(pièce 35 des appelants)

S’il apparaît vraisemblable que Mme D O a favorablement répondu à la sollicitation de

Mme B et que le projet devait demeurer confidentiel jusqu’à son officialisation, ce courriel

montre que l’initiative de ce projet a été prise par la représentante de la société Amplifon, ce qui

contredit et suffit à combattre les soupçons de détournement de clientèle la concernant.

Dans une attestation du 2 janvier 2020, Mme B a d’ailleurs confirmé le contenu de ce

courriel ainsi que le fait que Mme D O était étrangère à la décision de la société

Amplifon de résilier son contrat avec la société Parresia.

La société Parresia s’appuie également sur des extraits du premier numéro de la revue M

N pour soutenir que 2 autres partenaires, à savoir la Société Française d’M (la SFA) et

l’association ‘Audition Solidarité’, ont été détournés par la société Média Pro avec la complicité de

ses 2 anciens salariés, affirmant qu’ils n’avaient jusqu’à présent aucun lien partenarial entre eux.

Or le fait de figurer dans la revue de la société Média Pro ne suffit pas à caractériser un indice de

manoeuvre déloyale visant à détourner les partenaires de la société Parresia, les appelants soulignant

à juste titre que Mme D O et M. Y n’ont été soumis à aucune interdiction de

travailler avec les partenaires de leur ancien employeur et que le principe de la liberté du commerce

confère à tout opérateur, tel la société Média Pro, la liberté de tenter d’attirer la clientèle d’un

concurrent.

Il sera en outre observé que la société Parresia ne prétend pas que ces 2 partenaires auraient, à

l’image de la société Amplifon, mis fin à leurs relations contractuelles et que notamment la SFA

aurait cessé de contribuer aux 2 revues de l’intimée, de sorte qu’il ne peut être question de

détournement de clientèle.

Par ailleurs, la société Média Pro justifie des relations qui existaient déjà entre la société OCEP,

également dirigée par M. Z, et l’association ‘Audition solidarité’, l’Annuaire Français

d’audiophonologie animée par cette société étant un des mécènes de l’association et un interview d’un

des responsables de l’association ayant été diffusé sur son site internet dès mai 2019 (pièces 32 et 33

des appelants).

Il n’est ainsi rapporté aucun indice tangible d’un quelconque détournement frauduleux par la société

Média Pro, Mme D O et M. Y des partenaires de la société Parresia.

Enfin, à travers l’analyse comparative de ses 2 revues (J K juillet-août-septembre 2019 ;

Audio K Août-septembre 2019) et du premier numéro du magazine M N diffusé

en septembre 2019 (ses pièces 17 à 19), la société Parresia prétend détenir des indices suffisants de

parasitisme, reprochant aux appelants d’avoir, au-delà d’un simple suivisme, copié les dossiers et les

thèmes abordés, et repris ses choix éditoriaux et ses contenus.

Elle évoque à ce titre :

— l’interview de M. T G, président de la société Amplifon France qu’elle aurait pour sa

part annoncé dès le 10 juillet 2019 pour le numéro de septembre 2019 de la revue J K,

et qui a fait la couverture de la revue Audio Info d’août-septembre,

— la reprise du dossier thématique ‘Musique et Audition’ qui se trouvait déjà dans le numéro de juillet

2019 de l’édition anglaise de sa revue ‘Audio K’, et dont Mme D O et M. Y

savaient qu’il serait nécessairement repris dans le numéro de septembre de la revue J K,

— le reportage sur l’association ‘Audition Solidarité’ précitée.

Il sera toutefois relevé que l’intimée ne produit ni la version britannique du numéro de juillet 2019 de

sa revue ‘Audio K’, ni d’élément confirmant l’annonce dès le 10 juillet 2019 de l’interview

litigieux pour étayer ses dires.

Par ailleurs, à supposer ces affirmations établies, les sujets abordés relevaient ainsi que le soulignent

les appelants d’une actualité certaine.

M. G a en effet été nommé président de la société Amplifon en mars 2019, et un centre dédié

aux mélomanes et musiciens souffrant de troubles auditifs, auquel la société Média Pro a consacré un

article dans son dossier thématique, a été inauguré par la société Audika, le 6 juin 2019 (Courriel

d’invitation de M. Z pour l’inauguration en pièce 29 des appelants).

Comme le soulignent les appelants, ces événements ont d’ailleurs également été abordés dans une

autre revue, l’Ouïe magazine, dans ses numéros d’avril-mai 2019 et de juin-juillet 2019 (Pièce 36,37

et 42 des appelants), antérieurs à ceux des revues de la société Parresia.

Enfin, les appelants produisent en leurs pièces 23, 27, 28, 30 et 31 les échanges de courriels entre

Mme D O et M. Y d’une part, et les personnes interrogées en vue de la préparation

des articles litigieux d’autre part, qui sont tous antérieurs à juillet 2019.

Le contact pris avec M. G date du 26 juin 2019 et les demandes de rendez-vous concernant le

dossier ‘Musique et Audition’ ont été faites les 21 et 22 mai 2019 par M. Y, soit à des dates où les

revues de la société Parresia n’étaient pas encore publiées.

Il a en outre déjà été évoqué le partenariat entre M. Z à travers sa société OCEP et l’association

‘Audition Solidarité’ qui venait d’accomplir en avril-mai 2019 une mission humanitaire en

République Dominicaine.

Il sera enfin observé que si dans son attestation du 19 novembre 2019, Mme C, rédactrice en

chef des 2 revues de la société Parresia, a exprimé avoir ‘ressenti un fort sentiment de vol intellectuel’

en découvrant le premier numéro de la revue M N qui selon elle présentait ‘au delà de

la proximité de la ligne éditoriale et du titre, une proximité en terme de contenu’, celle-ci est

contre-balancée par le courriel que Mme C a ensuite adressé à Mme D O et M.

Y (leur pièce 38) le 3 février 2020 en ces termes :’ En ce qui me concerne, j’ai estimé que vos

articles étaient beaucoup trop proches des nôtres sur votre premier numéro et que cela nuisait à

mon travail à titre personnel en le dévalorisant, alors que je n’étais en rien responsable du conflit

qui vous opposait à ma direction.’

Ce courriel ne fait ainsi plus référence à une quelconque suspicion de vol, même intellectuel, ni

d’ailleurs à aucun détournement de dossier préparatoire ou de maquette comme prétendu par la

société Parresia.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, l’attestation de Mme C et l’analyse comparative des thèmes

et contenus de certains articles des revues respectives des parties, contredites par ailleurs par les

pièces des appelants, ne peuvent constituer des indices suffisants à étayer les soupçons de la société

Parresia concernant la prétendue récupération frauduleuse des sujets d’actualité et dossiers

thématiques abordés dans ses revues.

Si comme l’a justement rappelé le premier juge, le juge de la rétractation n’a pas à apprécier le bien

fondé des faits invoqués, il n’en demeure pas moins au vu de ce qui précède, que la société Parresia

échoue à caractériser l’existence d’un motif légitime à la mesure de saisie sollicitée, à défaut de

justifier d’indices rendant crédibles les différents griefs allégués.

Il convient dès lors d’infirmer l’ordonnance entreprise et de rétracter les 3 ordonnances sur requête

rendues le 6 décembre 2019.

Les mesures pratiquées en exécution des ordonnances ainsi rétractées ayant perdu tout fondement

juridique, il convient de faire droit aux demandes subséquentes des appelants et de constater la

nullité des opérations de constat réalisées le 19 décembre 2019 et d’annuler les procès-verbaux de

constat établis ce même jour en exécution de ces ordonnances.

Il sera également ordonné la restitution aux appelants de l’intégralité des documents, fichiers, pièces

et supports appréhendés par les huissiers instrumentaires à la suite des constats établis le 19

décembre 2019.

Il sera enfin rappelé que la rétractation interdit à la partie bénéficiaire de la mesure d’instruction de se

prévaloir de procès-verbaux de constat et des pièces qui ont été appréhendées par l’huissier de justice

instrumentaire.

– sur les demandes accessoires :

Au vu de ce qui précède, l’ordonnance sera infirmée en ses dispositions relatives aux frais

irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, la société Parresia ne saurait prétendre à l’allocation de frais irrépétibles. Elle devra

en outre supporter les dépens de première instance et d’appel.

Il est également inéquitable de laisser aux appelants la charge de ses frais irrépétibles. La société

Parresia sera en conséquence condamnée à leur verser à chacun une somme de 3 000 euros sur le

fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME l’ordonnance entreprise en date du 14 septembre 2020 en ses dispositions critiquées ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

RÉTRACTE les 3 ordonnances du président du tribunal judiciaire de Nanterre en date du 6 décembre

2019 rendues sur requête de la société Parresia à l’encontre de la société Média Pro, de Mme

V D O et de M. H Y ;

ANNULE en conséquence les procès-verbaux de constat établis le 19 décembre 2019 par la

SELARL AY et Maître Christophe Perry, huissiers de justice, en exécution de ces ordonnances, ainsi

que leurs annexes éventuelles ;

ORDONNE la restitution à la société Média Pro, à Mme V D O et à M. H

Y de l’intégralité des documents, fichiers, pièces et supports appréhendés par les huissiers

instrumentaires à la suite des constats établis le 19 décembre 2019 en exécution des ordonnances

rétractées ;

DÉBOUTE la société Parresia de sa demande indemnitaire sur le fondement de l’article 123 du code

de procédure civile ;

CONDAMNE la société Parresia à payer à la société Média Pro, à Mme V D O

et à M. H Y la somme à chacun de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de

procédure civile ;

DIT que la société Parresia devra supporter les dépens de première instance et d’appel.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en

ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du

code de procédure civile et signé par Madame Nicolette P, Président et par Monsieur

Alexandre GAVACHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat

signataire.

Le greffier, Le président,

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