Responsabilité du locataire et usage anormal du véhicule

Notez ce point juridique

Sur la responsabilité du locataire

La société Rent a car invoque la responsabilité du locataire et les dispositions de l’article 1732 du code civil aux termes desquels le locataire répond des dégradations survenues pendant sa jouissance à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu sans sa faute. Elle se prévaut également des stipulations du contrat et notamment du guide des conditions générales de location qui exclut les compléments de protection souscrits en cas de non-respect des dispositions qui y sont édictées. Or elle affirme que la société SND a fait un usage anormal du véhicule excluant le bénéfice de la protection complémentaire souscrite. Elle soutient qu’il appartient à la société SND de rapporter la preuve de son absence de faute dans l’accident, ce qu’elle ne fait pas. Elle dénie la valeur probante des attestations versées par la société SND pour justifier de son absence de faute.

La société SND dément être responsable de l’accident et avoir fait un usage anormal du véhicule. Elle prétend que le véhicule a sans doute connu un problème mécanique et que l’expertise diligentée par la société Rent a car a été réalisée hors sa présence de sorte qu’il est impossible désormais de connaître l’origine exacte de l’accident.

Les conditions générales annexées au contrat de location conclu le 21 juillet 2016 prévoient, dans un paragraphe intitulé « Les assurances complémentaires et compléments de protection », que : « Certaines Agences proposent des assurances complémentaires et compléments de protection, qui peuvent réduire le montant de votre responsabilité financière. Les modalités figurent dans le Guide des conditions générales de location et aux conditions tarifaires. »

Sur le préjudice

Selon le guide des conditions générales de location, il est prévu que : « En cas d’usage anormal du Véhicule, les assurances complémentaires ou les compléments de protection éventuellement souscrits sont inapplicables et vous êtes responsable de l’intégralité des dommages qui vous sont imputables (notamment ceux subis par le Véhicule dans la limite de la Valeur du Véhicule augmentée des frais et coûts liés à son immobilisation). »

La société Rent a car produit aux débats un rapport d’expertise du cabinet O.D.E.A.M., qui a estimé les réparations à effectuer sur le véhicule à la suite de l’accident à la somme de 9.839,73 euros HT soit 11.807,68 euros TTC et le montant de la valeur du remplacement du véhicule à la somme de 10.146,67 euros HT, soit 12.500 euros TTC. Le montant des réparations à effectuer sur le véhicule ainsi estimé n’est pas discuté par la société SND.

Sur la responsabilité du bailleur

La société SND réclame à titre reconventionnel l’engagement de la responsabilité de la société Rent a car pour défaut d’information et manquement à son obligation de loyauté. Elle explique que la société Rent a car lui a loué le véhicule en parfaite connaissance de l’usage qui en serait fait pour la réalisation de prestations de déménagement à titre onéreux, et l’a laissée souscrire un complément de protection contractuelle inapplicable dans ce cas. Elle prétend ainsi subir un préjudice dès lors que quand bien même elle aurait pu rapporter la preuve de son absence de faute, la société Rent a car lui aurait opposé l’exclusion de garantie du seul fait de l’usage du véhicule pour une activité professionnelle de déménagement.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Il résulte de ce qui précède qu’aucune procédure abusive ne peut être retenue à l’encontre de la société Rent a car. La demande de ce chef sera écartée.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société SND succombe à l’instance. Les dispositions du jugement relatives aux dépens de première instance et aux frais irrépétibles seront confirmées. La société SND sera condamnée à supporter les dépens de l’instance d’appel. Elle sera également condamnée à payer à la société Rent a car une somme supplémentaire de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Sa demande sur ce point sera écartée.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2022

(n° / 2022 , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/16332 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CARTE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juillet 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2017055856

APPELANTE

SARL SND, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NICE sous le numéro 438 711 491,

Ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Philippe JEAN PIMOR de la SELEURL SELARL JEAN-PIMOR, avocat au barreau de PARIS, toque : P0017, avocat postulant,

Assistée de Me Christophe DUPONT de la SELARL SELARL CHRISTOPHE DUPONT, avocat au barreau de NICE, toque : 230, avocat plaidant,

INTIMÉE

SA RENT A CAR, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 310 591 649,

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Clarisse DUHAU de la SELARL BERGER, THIRY Associés (BTA), avocate au barreau de PARIS, toque A0072, avocate postulante,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Christine SOUDRY, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Annick PRIGENT, Présidente de chambre,

Madame Nathalie RENARD, Présidente de chambre,

Madame Christine SOUDRY, conseillère.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Marie-Annick PRIGENT, Présidente de chambre, et par Sonia JHALLI, greffière, présente lors de la mise à disposition.

Faits et procédure :

La société SND, exerçant sous l’enseigne Démé-Azur, a une activité de transports, déménagements, garde-meubles, emballage et toutes activités connexes.

La société Rent a car est spécialisée dans l’achat, la vente et la location de voitures et de tous véhicules de livraison.

Par contrat du 21 juillet 2016, la société SND a loué auprès de la société Rent a car un véhicule utilitaire modèle « Mercedes Sprinter 10/12 m3 », immatriculé [Immatriculation 5], pour la journée. Elle a souscrit l’option « réduction de franchise accident » pour un montant de 1.500 euros. Elle a également versé une somme de 1.500 euros à titre de dépôt de garantie.

La camionnette louée devait être utilisée par la société SND pour effectuer un déménagement au profit de M. [V] [S]. Lors de cette prestation, un accident est survenu, causant des dégâts importants à l’arrière du véhicule.

Le 25 juillet 2016, la société Rent a car a fait procéder à une expertise technique du véhicule par le cabinet O.D.E.A.M., en vue d’estimer le coût des réparations. L’expert a conclu, dans un rapport du 26 juillet 2016, que le véhicule était économiquement irréparable.

Le 15 septembre 2016, la société Rent a car a émis à l’encontre de la société SND une facture d’un montant de de 11.807,68 euros TTC correspondant aux frais de remise en état du véhicule.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 22 novembre 2016, la société Rent a car a mis la société SND en demeure de lui payer le montant de cette facture.

Par lettre du 28 novembre 2016, la société SND a, par l’intermédiaire de son conseil, contesté être redevable du montant réclamé en invoquant la franchise d’un montant de 1.500 euros prévue au contrat de location en cas d’accident.

Le 17 mars 2017, la société Rent a car a encaissé une somme de 1.500 euros au titre du chèque de garantie.

Par acte du 13 septembre 2017, la société Rent a car a assigné la société SND devant le tribunal de commerce de Paris en paiement de la somme de 10.407,68 euros de dommages et intérêts au titre de la remise en état du véhicule.

Par jugement du 4 juillet 2019, le tribunal de commerce de Paris a :

condamné la société SND au paiement à la société Rent a car des sinistres, limité à la valeur du remplacement du véhicule à dire d’expert, soit la somme de 10.407,68 euros, augmentée des frais d’immobilisation à compter de la date de délivrance de l’assignation et des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 22 novembre 2016.

débouté la société SND de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

condamné la société SND à verser à la société Rent a car la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure,

débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

ordonné l’exécution provisoire,

condamné la société SND aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 77,84 euros dont 12,76 euros de TVA.

Par déclaration du 6 août 2019, la société SND a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il a :

condamné la société SND au paiement à la société Rent a car des sinistres, limité à la valeur de remplacement du véhicule à dire d’expert, soit la somme de 10.407,68 euros, augmentée des frais d’immobilisation à compter de la date de délivrance de l’assignation et les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 22 novembre 2016,

débouté la société SND de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions et notamment la condamnation de la société Rent a car au paiement de la somme de 10.407,68 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la société SND, de sa demande de compensation judiciaire, ainsi que de la somme de 3.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et mauvaise foi particulièrement caractérisée, outre la condamnation de la société Rent a car au paiement de la somme de 3.000,00 euros au titre de l’article 700 du CPC,

condamné la société SND à la somme de 2.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 77,84 euros, dont 12,76 euros de T.V.A.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 26 octobre 2021, la société SND demande à la cour de :

Vu les articles 1134, 1147 et 1315 du code civil,

Vu l’article L 110-3 du code de commerce,

déclarer recevable l’appel diligenté par la société SND à l’encontre de la 4e chambre du jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 4 juillet 2019 ;

réformer le jugement querellé en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

dire et juger que la société SND n’a pas fait un usage anormal du véhicule loué ;

dire et juger que la société SND a parfaitement exécuté le contrat liant les parties en réglant la franchise contractuelle de 1.500 euros pour l’accident survenu à l’occasion de la location du véhicule Mercedes modèle Sprinter immatriculé [Immatriculation 5] ;

Par voie de conséquence,

débouter la société Rent a car de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire et reconventionnel,

Si par impossible la cour de céans jugeait que la société appelante a fait un usage anormal du véhicule,

dire et juger que la société Rent a car a manqué à son obligation contractuelle d’information et de loyauté en contractant avec la société SND, en omettant de lui préciser que l’usage d’un véhicule au titre de l’activité de déménagement constituait un usage anormal, exclusif de toute garantie en cas d’accident ;

dire et juger que la société Rent a car a commis une faute contractuelle ‘agrante ;

condamner la société Rent a car au paiement d’une somme de 10.407, 68 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la société SND par l’exclusion de garantie ;

ordonner la compensation judiciaire ;

condamner la société Rent a car au paiement d’une somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et mauvaise foi particulièrement caractérisée ;

débouter la société Rent a car de toutes ses autres demandes financières,

En tout état de cause,

condamner la société Rent a car au paiement d’une somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 29 janvier 2020, la société Rent a car demande à la cour de :

Vu les articles 1134, 1142 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016,

Vu les articles 1728, 1730 et 1732 du code civil,

Vu l’article 202 du code de procédure civile,

dire et juger que la société SND a fait un usage anormal du véhicule au sens des dispositions des conditions générales de location Rent a car ;

dire et juger que la franchise souscrite est inapplicable en l’espèce ;

En conséquence,

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Et y ajoutant,

condamner la société SND au paiement de la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société SND aux entiers dépens.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 4 novembre 2021.

MOTIFS

Sur la responsabilité du locataire

La société Rent a car invoque la responsabilité du locataire et les dispositions de l’article 1732 du code civil aux termes desquels le locataire répond des dégradations survenues pendant sa jouissance à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu sans sa faute. Elle se prévaut également des stipulations du contrat et notamment du guide des conditions générales de location qui exclut les compléments de protection souscrits en cas de non-respect des dispositions qui y sont édictées. Or elle affirme que la société SND a fait un usage anormal du véhicule excluant le bénéfice de la protection complémentaire souscrite. Elle soutient qu’il appartient à la société SND de rapporter la preuve de son absence de faute dans l’accident, ce qu’elle ne fait pas. Elle dénie la valeur probante des attestations versées par la société SND pour justifier de son absence de faute.

La société SND dément être responsable de l’accident et avoir fait un usage anormal du véhicule. Elle prétend que le véhicule a sans doute connu un problème mécanique et que l’expertise diligentée par la société Rent a car a été réalisée hors sa présence de sorte qu’il est impossible désormais de connaître l’origine exacte de l’accident.

Les conditions générales annexées au contrat de location conclu le 21 juillet 2016 prévoient, dans un paragraphe intitulé « Les assurances complémentaires et compléments de protection », que : « Certaines Agences proposent des assurances complémentaires et compléments de protection, qui peuvent réduire le montant de votre responsabilité financière. Les modalités figurent dans le Guide des conditions générales de location et aux conditions tarifaires. »

Le Guide des conditions générales de location versé aux débats indique, en page 11, dans un paragraphe intitulé « Conduite », que :

« Vous avez la garde juridique du Véhicule à compter de sa livraison et pendant toute la durée du Contrat de location ; vous en êtes dès lors responsable.

Vous vous engagez à en prendre soin et à en faire un usage normal et prudent.

Sont notamment considérés comme des usages anormaux du Véhicule :

l’utilisation du Véhicule pour fournir à titre onéreux un service de transport (‘) de marchandises (ex : déménagements ou livraisons payants)

lorsque l’Accident ou le Vol résulte d’une négligence ou d’une faute caractérisée de votre part dans la conduite (par exemple manquement à une obligation de sécurité ou de prudence) ou la garde du Véhicule et/ou des systèmes de verrouillage ou de démarrage/arrêt,

l’accident dont vous êtes pleinement ou partiellement responsable et qui aurait pour effet de rendre le Véhicule définitivement inexploitable et/ou économiquement irréparable ou encore impropre à la circulation (VGE) ou encore qui aurait causé une atteinte grave à l’environnement.

En cas d’usage anormal du Véhicule, les assurances complémentaires ou les compléments de protection éventuellement souscrits sont inapplicables et vous êtes responsable de l’intégralité des dommages qui vous sont imputables (notamment ceux subis par le Véhicule dans la limite de la Valeur du Véhicule augmentée des frais et coûts liés à son immobilisation). »

Il est également précisé en page 22 du guide, dans un paragraphe relatif aux « Compléments de protection », que :

« A défaut de souscrire à ces compléments de protection, vous êtes responsable des conséquences de l’Accident qui vous sont imputables dans la limite de la Franchise « sans complément de protection » dont les modalités figurent aux Conditions tarifaires. Les montants de la responsabilité maximale restant à votre charge figurent aux Conditions tarifaires.

En cas de non-respect des Conditions générales de location, les compléments de protection éventuellement souscrits sont inapplicables.

Dans ce cas, vous êtes responsable de l’intégralité des conséquences de l’Accident qui vous sont imputables (notamment celles subies par le Véhicule dans la limite de la Valeur du Véhicule augmentée des frais et coûts liés à son immobilisation). »

Par ailleurs, l’article 1732 du code civil dispose que le locataire répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu sans sa faute.

Il résulte de ces dispositions que le locataire est responsable des dégradations occasionnées à la chose louée pendant sa jouissance sauf à rapporter la preuve de son absence de faute.

La charge de la preuve de l’absence de faute incombe ainsi au locataire.

En l’espèce, il est constant que le véhicule loué a été endommagé pendant la durée de la location. La société SND est donc responsable de ces dégradations sauf à rapporter la preuve de son absence de faute. Or les pièces qu’elle produit ne permettent pas d’établir son absence de faute.

En effet, elle verse tout d’abord aux débats une lettre du 22 juillet 2016 de M. [V] [S], témoin de l’accident, dans laquelle il indique que : « lors du départ de votre camionnette, celle-ci pour une raison indéterminée a heurté violemment en reculant et patinant un mur de ma propriété » ainsi qu’une attestation du même auteur en date du 18 septembre 2017 selon laquelle il précise que : « Une fois le déménagement terminé, M. [D] [T] a repris le véhicule en marche avant pour repartir.

Arrivé juste avant le portail de ma propriété (photo 3), le véhicule pour aucune raison a patiné, reculé et a heurté violemment le bandeau blanc du mur de ma propriété (photo 2,1,5). Le chauffeur, M. [D], était dans le véhicule mais n’a pas pu le maîtriser. Je précise que M. [D] était fortement bousculé par cet accident indépendant de sa volonté. »

Il est ensuite produit aux débats le témoignage de M. [T] [D], préposé de la société SND, qui explique que : « A la fin du dernier déchargement, le véhicule étant vide, M. [S] nous a accompagné devant le véhicule pour nous saluer et pour ouvrir le portail de sortie à l’aide d’un émetteur et nous a regardés partir.

J’ai donc démarré le véhicule et emprunté la petite portion de voie qui mène au portail de sortie de la propriété, au cours de la montée, le véhicule est parti subitement en arrière totalement incontrôlable.

Au final, le véhicule a heurté le mur de la propriété de M. [S]. (‘) »

Si les attestations produites ne répondent pas aux conditions posées par l’article 202 du code de procédure civile, il appartient néanmoins à la cour d’en apprécier la valeur probante.

Il ressort de ces témoignages que M. [D] était au volant du véhicule au moment de la survenance de l’accident et en avait donc la garde et le contrôle. En revanche, les témoignages sont insuffisamment précis sur l’origine de la perte de contrôle du véhicule par le chauffeur. M. [S], qui n’était pas dans le véhicule, ne peut pas témoigner au sujet des man’uvres qu’auraient pu faire ou non le chauffeur pour expliquer cette perte de contrôle. M. [D], dont le témoignage est sujet à caution puisqu’il est directement impliqué dans l’accident et préposé de la société SND, se contente de relater que le véhicule est devenu incontrôlable sans détailler ce qui a caractérisé sa perte de contrôle.

Il sera encore relevé qu’à la suite de l’accident, la société SND, qui invoque dans le cadre du présent litige un problème technique du véhicule, n’a aucunement sollicité une expertise pour déterminer la cause de cette perte de contrôle de la part de son chauffeur même après avoir reçu la demande de réparation de la part de la société Rent a car.

En conséquence, à défaut de rapporter la preuve de son absence de faute, la responsabilité de la société SND doit être retenue au titre des dégradations de la chose louée.

Il convient dès lors de déterminer si les conditions de la protection complémentaire souscrite par la société SND, limitant sa responsabilité à une somme de 1.500 euros en cas d’accident, sont réunies ou s’il existe un cas d’exclusion de ce plafond de responsabilité tenant à un usage anormal du véhicule.

Selon le guide des conditions générales de location, constitue un usage anormal du véhicule « l’accident dont (le locataire est) pleinement ou partiellement responsable et qui aurait pour effet de rendre le Véhicule définitivement inexploitable et/ou économiquement irréparable (‘) ».

Or la société Rent a car verse aux débats un rapport d’expertise de M. [R] [X] du cabinet ODEAM en date du 26 juillet 2016 selon lequel le véhicule de marque Mercedes, immatriculé [Immatriculation 5], est économiquement non réparable. Ce rapport, bien que non contradictoire, est corroboré par la photographie du véhicule après l’accident produite aux débats.

En outre, aucune responsabilité tierce que celle de la société SND dans l’accident n’étant caractérisée, celle-ci doit en être tenue pour pleinement responsable.

En conséquence, il sera constaté que l’accident, dont la société SND est pleinement responsable et qui a eu pour effet de rendre le véhicule économiquement irréparable, constitue, aux termes des stipulations contractuelles, un usage anormal du véhicule loué exclusif de l’application du plafond de responsabilité contractuellement prévu. La société SND devra en conséquence réparer l’intégralité des dommages résultant de ces dégradations.

Sur le préjudice

Selon le guide des conditions générales de location, il est prévu que : « En cas d’usage anormal du Véhicule, les assurances complémentaires ou les compléments de protection éventuellement souscrits sont inapplicables et vous êtes responsable de l’intégralité des dommages qui vous sont imputables (notamment ceux subis par le Véhicule dans la limite de la Valeur du Véhicule augmentée des frais et coûts liés à son immobilisation). »

La société Rent a car produit aux débats un rapport d’expertise du cabinet O.D.E.A.M., qui a estimé les réparations à effectuer sur le véhicule à la suite de l’accident à la somme de 9.839,73 euros HT soit 11.807,68 euros TTC et le montant de la valeur du remplacement du véhicule à la somme de 10.146,67 euros HT, soit 12.500 euros TTC. Le montant des réparations à effectuer sur le véhicule ainsi estimé n’est pas discuté par la société SND.

Par ailleurs, la société Rent a car dénie formellement dans ses conclusions avoir été indemnisée du sinistre par son assureur.

Les premiers juges ont donc estimé à juste titre le préjudice matériel de la société Rent a car à la somme de 11.807,68 euros TTC, correspondant aux frais de réparation, déduction faite de la somme de 1.500 euros déjà payée au titre du dépôt de garantie. En revanche, à défaut de justifier de la durée d’immobilisation du véhicule, la demande de réparation de ce chef sera écartée.

Par ailleurs, les conditions tarifaires de location produites aux débats prévoient un supplément de 100 euros au titre du traitement administratif des accidents. Il convient donc de faire droit à la demande en paiement sur ce point.

Par conséquent, le jugement entrepris sera infirmé partiellement en ce qu’il a alloué une indemnisation à la société Rent a car au titre des frais d’immobilisation.

En outre, s’agissant d’une créance indemnitaire, les intérêts ne peuvent courir qu’à compter du jugement en application de l’article 1231-7 du code civil. Le jugement entrepris sera également infirmé de ce chef.

Sur la responsabilité du bailleur

La société SND réclame à titre reconventionnel l’engagement de la responsabilité de la société Rent a car pour défaut d’information et manquement à son obligation de loyauté. Elle explique que la société Rent a car lui a loué le véhicule en parfaite connaissance de l’usage qui en serait fait pour la réalisation de prestations de déménagement à titre onéreux, et l’a laissée souscrire un complément de protection contractuelle inapplicable dans ce cas. Elle prétend ainsi subir un préjudice dès lors que quand bien même elle aurait pu rapporter la preuve de son absence de faute, la société Rent a car lui aurait opposé l’exclusion de garantie du seul fait de l’usage du véhicule pour une activité professionnelle de déménagement.

Toutefois la cour constate que le préjudice allégué n’est qu’hypothétique et donc insusceptible de réparation. En effet, il résulte de ce qui précède que la condamnation ci-dessus prononcée à l’encontre de la société SND résulte d’une autre cause d’exclusion de la protection complémentaire souscrite que celle liée à la réalisation de prestations de déménagement à titre onéreux. Aucun préjudice actuel résultant d’un défaut d’information ou d’un manquement à l’obligation de bonne foi ne saurait donc être reproché à la société Rent a car susceptible d’engager sa responsabilité.

La demande reconventionnelle en responsabilité de la société SND sera en conséquence rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Il résulte de ce qui précède qu’aucune procédure abusive ne peut être retenue à l’encontre de la société Rent a car. La demande de ce chef sera écartée.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société SND succombe à l’instance. Les dispositions du jugement relatives aux dépens de première instance et aux frais irrépétibles seront confirmées. La société SND sera condamnée à supporter les dépens de l’instance d’appel. Elle sera également condamnée à payer à la société Rent a car une somme supplémentaire de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Sa demande sur ce point sera écartée.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a condamné la société SND au paiement des frais d’immobilisation à compter de la date de délivrance de l’assignation et des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 22 novembre 2016 ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Rejette la demande de la société Rent a car au titre des frais d’immobilisation à compter de la date de délivrance de l’assignation ;

Condamne la société SND à payer à la société Rent a car les intérêts au taux légal portant sur les condamnations prononcées à son encontre à compter du jugement et rejette le surplus de la demande de la société Rent a car au titre des intérêts moratoires ;

Y ajoutant,

Rejette les demandes reconventionnelles de la société SND ;

Condamne la société SND à payer à la société Rent a car une somme supplémentaire de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de la société SND au titre de ses frais irrépétibles ;

Condamne la société SND aux dépens de l’instance d’appel.

La Greffière La Présidente

 

 

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