Responsabilité de l’avocat dans une cession de fonds de commerce

Notez ce point juridique

Sur la responsabilité de l’avocat

La Cour a examiné la responsabilité de l’avocat dans cette affaire, concluant que l’avocat rédacteur n’avait pas commis de faute en ne fournissant pas d’informations supplémentaires sur l’état des installations électriques lors de la cession du fonds de commerce. La Cour a jugé que l’avocat avait rempli son obligation d’information au stade du compromis et que les éléments nécessaires étaient disponibles pour l’acheteur. De plus, la Cour a estimé que l’annexion du rapport technique n’aurait pas modifié les conditions de la cession et que la liquidation de la société n’était pas directement liée aux problèmes électriques.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La Cour a confirmé les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles, condamnant l’appelant aux dépens et le déboutant de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. De plus, l’appelant a été condamné à verser une somme de 4.000 euros à la Selarl Lexpro pour les frais de procédure.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

1ère Chambre

ARRÊT N°408/2022

N° RG 21/03885 – N° Portalis DBVL-V-B7F-RYVK

M. [P] [Y]

C/

S.A.R.L. LEXPRO

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 DÉCEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère entendue en son rapport,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 27 Septembre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 13 décembre 2022 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 22 novembre 2022 à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [P] [Y]

né le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 5] (29)

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Arnaud GAONAC’H, avocat au barreau de QUIMPER

INTIMÉE :

La SELARL LEXPRO, immatriculée au RCS de Brest sous le n° 440.300.788 agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Benjamin ENGLISH de la SCP MARION-LEROUX-SIBILLOTTE-ENGLISH-COURCOUX, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé du 12 septembre 2014, rédigé par la société d’avocats [B]-Le Rest (devenue par changement de dénomination la Selarl Lexpro), la Sarl Mameli, dont M.'[P] [Y] était gérant associé, a acquis de la Sarl Le 29, un fonds de commerce de discothèque exploité sur la commune de [Localité 6].

Suite au rapport de vérification des installations de l’établissement réalisé par l’Apave en mai 2015 ayant mis en évidence un risque d’incendie très élevé notamment du fait d’une installation électrique dangereuse, la Sarl Mameli a décidé de fermer son établissement. Elle a ensuite été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Quimper rendu le 18 septembre 2015. La selarl Ep et Associés a été désignée en qualité de mandataire liquidateur.

Un expert judiciaire, désigné par ordonnance de référé du 26 octobre 2015, a confirmé la non conformité de l’installation, mettant également en avant des manquements de la société [K], en charge de leur contrôle depuis 1996.

Par acte d’huissier du 12 février 2018, la Selarl Ep & Associés, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Mameli, a fait assigner la société [K] et son assureur, la société Groupama, devant le tribunal de commerce de Quimper afin de voir reconnaître les manquements de l’entreprise et obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 600 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par jugement du 28 septembre 2018, le tribunal de commerce s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Quimper.

Parallèlement, M. [Y] a recherché la responsabilité de la société d’avocats [B]-Le Rest en tant que rédacteur de l’acte de cession du fonds de commerce, aux fins d’être indemnisé de ses préjudices personnels.

Suivant acte d’huissier du 29 octobre 2018 M. [P] [Y] a donc fait assigner la Selarl [B]-Le Rest, devant le tribunal de grande instance de Quimper sur le fondement de l’article 1382 du code civil aux fins d’obtenir la somme de 183 000 euros à titre de dommages-et-intérêts.

Une ordonnance de sursis à statuer a été rendue le 7 juin 2019 par le juge de la mise en état, jusqu’à l’issue de l’instance engagée par la Selarl Ep & Associés contre la société [K].

Par jugement du 17 mars 2019, le tribunal judiciaire de Quimper a rejeté l’action en responsabilité dirigée contre le contrôleur des installations électriques. Ce jugement n’a pas été frappé d’appel.

M. [Y] a repris l’action engagée contre la société d’avocats [B]-Le Rest et par jugement du 13 avril 2021, le tribunal judiciaire de Quimper a :

– débouté M. [Y] de l’intégralité de ses demandes dirigées à l’encontre de la Selarl [B]- Le Rest,

– condamné M. [Y] aux dépens ainsi qu’ à payer à la Selarl [B]-Le Rest une indemnité de 3’000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Suivant déclaration du 25 juin 2021, M. [Y] a interjeté appel de tous les chefs de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises et notifiées au greffe le 20 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens et prétentions, M. [P] [Y] demande à la cour d’infirmer le jugement et statuant à nouveau de :

– dire et juger que la société Lexpro a engagé sa responsabilité délictuelle à l’égard de M. [Y],

– condamner la société Lexpro à verser à M. [Y] une somme de 183’000 euros au titre de la perte de chance subie,

en tout état de cause :

– condamner la société Lexpro à verser à M. [Y] une indemnité de 3’500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner l’intimé aux entiers dépens de première instance et d’appel.

À l’appui de sa demande, il rappelle qu’un avocat rédigeant un acte peut voir sa responsabilité engagée à l’égard d’un tiers, sur le fondement de la responsabilité délictuelle. Il relève que Me [B] a certes fait référence dans son acte au procès-verbal de contrôle électrique de l’entreprise [K] du 22 février 2013 mais sans en vérifier le contenu et sans l’annexer à l’acte de cession, induisant ainsi la société Mameli en erreur sur la conformité de l’installation. Il souligne que dans son jugement du 17 mars 2020 (instance contre l’électricien), le tribunal avait admis que la société Mameli n’avait pas eu connaissance du rapport litigieux. Il conteste ainsi le jugement déféré en ce qu’il a constaté que «’la SARL Mameli en formation, était parfaitement informé de l’existence et du contenu du rapport de la société [K] réalisé en février 2013’», ce dont il a déduit sa propre connaissance de ce rapport.

Il prétend que l’avocat rédacteur doit s’assurer de la validité de l’acte mais aussi de son efficacité. Il soutient que tel n’est pas le cas en l’espèce puisque le rapport [K] n’était pas annexé et qu’en tout état de cause, il ne pouvait plus y être fait référence, celui-ci n’étant plus valable. Il considère que l’avocat a commis une faute en s’abstenant de l’alerter du défaut de rapport valide sur la conformité de l’installation électrique. En réplique aux intimés, il conteste que les conditions de l’estoppel soient réunies en rappelant que la Cour de cassation admet cette fin de non-recevoir seulement lorsque la contradiction du plaideur affecte des actions de même nature, entre les mêmes parties et au cours d’une même instance. Il rappelle avoir toujours soutenu, dans le cadre de la présente instance, ne pas avoir eu connaissance du rapport [K] et souligne que dans le cadre de l’action intentée contre l’électricien, la société Mameli était alors représentée par le mandataire judiciaire dont il n’est pas responsable des stratégies procédurales. Il ajoute que si l’expert judiciaire désigné dans le cadre de l’instance contre l’électricien avait certes souligné un manque de vigilance de la société Mameli, il reconnaissait toutefois que celle-ci était profane en matière électrique et que ce manque d’attention ne pouvait exonérer l’avocat rédacteur de sa responsabilité au regard de ses obligations d’information et de conseil. Il en déduit que si la cour reconnaissait une faute de la société Mameli, cela ne pourrait conduire qu’à un partage de responsabilité.

S’agissant de son préjudice, il fait valoir que s’il avait été informé de la non-conformité de l’installation électrique de l’immeuble que sa société projetait d’acquérir, il n’aurait pas financé cette acquisition et n’aurait donc subi aucun préjudice personnel. Il ajoute qu’il ne peut rien espérer de la procédure collective quant au remboursement de son compte courant, le mandataire ayant été débouté de sa demande contre la société [K] et la clôture pour insuffisance d’actif ayant été prononcée le 22 janvier 2021. Le préjudice financier subi, résultant de la perte de son apport (4 990 euros) et de son compte courant (182 160 euros) est donc certain.

Sur le lien de causalité, il soutient que si l’avocat rédacteur avait annexé à l’acte de cession le procès-verbal de contrôle de la société [K], le vente n’aurait pas eu lieu ou du moins, pas aux mêmes conditions, puisque la société Mameli cessionnaire aurait exigé du cédant que celui-ci exécute les travaux de conformité ce qui aurait évité la liquidation judiciaire de la société et les pertes financières consécutives pour les associés. Il soutient que la non conformité des installations est à l’origine des difficultés de la société car sans les travaux de reprise, l’établissement ne pouvait pas être exploité. Il conteste la moindre faute de sa part et indique à ce titre que la société Lexpro ne fournit aucune preuve au soutien de ses allégations.

Au termes de ses dernières conclusions transmises et notifiées au greffe le 18 décembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens et prétentions, la Selarl Lexpro anciennement Selarl [B]-Le Rest demande à la cour de :

à titre principal :

– confirmer purement et simplement le jugement dont appel,

– débouter purement et simplement M. [Y] de l’ensemble de ses demandes dirigées à l’encontre de la société Lexpro,

à titre infiniment subsidiaire, si la cour devait estimer établies les conditions d’engagement de la responsabilité du cabinet d’avocats :

– réformer le jugement dont appel,

– dire et juger que le préjudice ne pourrait reposer que sur une perte de chance, particulièrement minime voire parfaitement symbolique, dont l’appréciation sera laissée à l’appréciation de la cour,

en tout état de cause :

– condamner M. [Y] à payer à la société Lexpro la somme de 7’000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel,

– condamner M. [Y] aux entiers dépens de l’instance.

En premier lieu, elle relève que l’action de M. [Y] ne peut reposer que sur un fondement délictuel, celui-ci n’ayant jamais personnellement mandaté le cabinet d’avocats. Elle rappelle également que l’appelant n’était pas réellement un tiers mais l’autre partie au contrat, assisté par son propre conseil qui était donc chargé de veiller sur ses intérêts. Enfin, elle relève que l’autre associé de la société Mameli ne formule aucun reproche à son encontre, de même que le liquidateur judiciaire qui ne s’est pas joint à l’action.

En second lieu, sur les fautes qui lui sont reprochées, elle rappelle d’abord qu’un compromis de cession du fonds de commerce a été régularisé le 30 juillet 2014 entre la Sarl Le 29 et M. [Y], avec faculté de substitution par la société Mameli qui était alors en cours de constitution. Elle ajoute que le rapport de la société [K] est évoqué et commenté dans ce compromis en page 10 mais également en page 9 de l’acte de cession. Ce dernier fait également référence aux travaux réalisés en 2014 par la société Semelec à la suite de ce rapport.

L’intimée entend également se prévaloir du principe de l’estoppel en expliquant que dans le cadre du procès dirigé contre la société [K], la société Mameli, dont le gérant est M. [Y], plaidait avoir été induite en erreur sur l’état de l’installation électrique du bien cédé par le contenu du rapport de l’électricien alors que dans le cadre de l’action en responsabilité contre les avocats, M. [Y] argue ne pas avoir eu connaissance dudit rapport.

S’agissant du préjudice et du lien de causalité, elle souligne tout d’abord que le préjudice de M. [Y] n’est ni direct (M. [Y] n’étant pas client du cabinet ni partie à l’acte de cession), ni certain (la procédure de liquidation judiciaire étant toujours en cours). Elle conteste surtout l’existence d’un lien de causalité entre le préjudice allégué et la faute reprochée à l’avocat dans la mesure où le rapport de l’Apave n’est pas encore définitivement connu au moment où il a été décidé d’arrêter le projet d’entreprise par le dépôt de bilan. De surcroît, le passif social était déjà très important à la date de la découverte des anomalies électriques. Surtout, elle soutient que si l’entreprise était rentable M. [Y] aurait fait réaliser les travaux pour permettre l’ouverture de l’établissement. Elle termine en indiquant que l’indemnisation d’un préjudice purement théorique n’est pas possible et que, la perte de chance, si elle venait à être établie, ne pourrait être que purement symbolique.

MOTIVATION DE LA COUR

1°/ Sur la responsabilité de l’avocat

A titre liminaire, il est constant qu’il n’existe aucun lien contractuel entre M. [Y] personnellement et la société d’avocat [B]-Le Rest.

Il est admis que le tiers à un contrat peut invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle un manquement contractuel lorsque ce manquement lui cause un préjudice.

En l’occurrence, c’est donc bien sur le fondement de l’article 1382 (ancien) du code civil que l’action en responsabilité du cabinet d’avocat est engagée, ce qui impose à M. [Y] de démontrer l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux.

Il ressort des échanges de courriels produits par la société d’avocats que lors de la négociation de la cession de fonds de commerce, chacune des parties était assistée de son propre conseil.

Pour autant, contrairement à ce que soutient l’intimée, il ne peut être considéré que la Selarl [B]-Le Rest n’aurait été que co-rédactrice des actes de cession (à savoir le compromis du 30 juillet 2014 et l’acte réitératif du 12 septembre 2014) et à ce titre, dispensée de tout devoir de conseil à l’égard du cessionnaire assisté de son avocat.

En effet, d’après la facture n°141038 datée du 9 octobre 2014, la Selarl [B]-Le Rest a facturé à la Sarl Mameli les prestations suivantes pour la somme de 14.478 euros TTC, sans qu’il ne soit justifié d’aucune rétrocession d’honoraires à la Selarl Michel Peters’:

«’- Constitution de la société,

– Mise en activité de la société,

– Acquisition du fonds de commerce de la société Le 29 (rédaction compromis de cession et de l’acte réitératif de cession),

Formalités consécutives’».

La Selarl [B]-Le Rest doit donc être considérée comme rédacteur unique du compromis régularisé le 30 juillet 2014 entre la Sarl Le 29 d’une part, et M. [Y] et la Sas Océanique Groupe d’autre part, avec faculté de substitution au profit de la société Mameli en cours de formation ainsi que de l’acte de cession définitif signé le 12 septembre 2014 entre la Sarl Le 29 et la Sarl Mameli, représentée par M. [Y] en qualité d’associé-gérant.

À ce titre, la Selarl [B]-Le Rest était tenue d’assurer la validité et l’efficacité de son acte et par prolongement, elle avait à l’égard de toutes les parties, une obligation de conseil et d’information.

En l’espèce, il est constant que la cession du fonds de commerce est bien intervenue et que sa validité n’a pas été remise en cause. Il ne peut donc être reproché à l’avocat rédacteur aucun manquement à son obligation d’assurer la validité et l’efficacité de son acte.

En réalité, c’est essentiellement un manquement à son devoir d’information que reproche M. [Y] à la Selarl [B]-Le Rest, pour ne pas avoir annexé à l’acte définitif de cession le rapport de M. [K] du 22 février 2013 et ne pas l’avoir alerté sur le fait que la cession s’opérait sur la base d’un rapport non valide comme étant périmé, s’agissant de la conformité des installations électriques.

En premier lieu, il doit toutefois être considéré que M. [Y] ne peut se prévaloir d’aucun manquement de l’avocat rédacteur à son devoir d’information dès lors que le rapport de M. [K] du 22 février 2013 était annexé au compromis du 30 juillet 2014, qu’il a lui-même signé en son nom personnel et qui constitue le siège de l’engagement des parties.

Étaient par ailleurs annexées à ce compromis, toutes les pièces nécessaires pour appréhender l’état de l’installation électrique du fonds cédé. L’obligation d’information était donc remplie au stade du compromis, ce pourquoi ont été insérées dans l’acte définitif de cession et signées par M. [Y] en qualité de représentant de la société Mameli, les clauses selon lesquelles le cessionnaire déclare’:

– accepter le fonds de commerce «’tel qu’il existe en son état actuel’ en déclarant parfaitement le connaître tant pour l’avoir visiter plusieurs fois que pour en avoir apprécier la rentabilité’»’ ( acte de cession page 2),

– avoir également pris connaissance du registre de sécurité (page 9),

– reconnaître expressément avoir pu apprécier l’état de l’ensemble des éléments corporels et aménagements composant ledit fonds et s’être déterminé sur le prix en conséquence.

La connaissance préalable par M. [Y] du contenu du rapport de M. [K] se déduit par ailleurs des mentions insérées en page 9 de l’acte de cession aux termes desquelles :’«’la société cédante a fait procéder par la société [K] à une vérification des installations électriques’» et que «’La société Simelec a effectué le 14 janvier 2014 les travaux de mise en conformité des installations électriques suite au rapport du bureau de contrôle [K]’».

Au surplus, M. [Y] ne peut de bonne foi soutenir dans le cadre de la présente instance ne pas avoir eu connaissance du rapport [K] de février 2013 et de sa non conformité (sans quoi, il n’aurait pas acheté le fonds de commerce, du moins pas aux même conditions) alors que la société Mameli, certes représentée par son liquidateur, soutenait dans l’instance contre l’électricien que les éléments dudit rapport l’avaient faussement rassurée et induite en erreur, ce qui supposait que son gérant en avait eu pleinement connaissance. S’il n’y a pas lieu de retenir un estoppel, les instances étant différentes et la cour n’étant saisie d’aucune fin de non-recevoir à ce titre, cette contradiction manifeste ne fait que renforcer la conviction de la cour s’agissant de la parfaite connaissance que pouvait avoir M. [Y] du rapport litigieux.

En second lieu, il est exact que le rapport de visite périodique annuelle de M. [K] daté de février 2013 était périmé depuis quelques mois lors de la signature du compromis le 30 juillet 2014.

Il doit toutefois être considéré que M. [Y], auquel tous les éléments d’information avaient été communiqués, ne pouvait que se rendre compte que la visite annuelle pour l’année 2014 n’avait pas été réalisée.

En outre, il ne peut être reproché à l’avocat rédacteur, qui est un professionnel du droit et non un technicien, de ne pas avoir attiré l’attention de l’acquéreur sur le contenu d’un rapport technique dont ce dernier avait eu préalablement connaissance.

M. [Y] est d’autant moins fondé à reprocher à l’avocat rédacteur de ne pas avoir attiré son attention sur des éléments qui auraient pu lui permettre de se convaincre de la non conformité des installations électriques dès lors que contrairement à Me [B], il avait visité les lieux où d’après l’expert judiciaire, de nombreuses anomalies étaient décelables même pour un profane, ce qui avait d’ailleurs conduit l’expert à souligner le défaut de vigilance de l’acquéreur.

En tout état de cause, la faute de l’avocat rédacteur doit s’apprécier au regard de l’objectif poursuivi par l’acquéreur, lequel était en l’occurrence d’exploiter la discothèque. Or, l’avocat rédacteur ne disposait au jour de la vente d’aucun élément laissant soupçonner un défaut majeur de conformité du système électrique rendant l’installation dangereuse et pouvant compromettre l’exploitation du fonds de commerce cédé, le rapport de l’Apave n’étant intervenu que deux ans plus tard. Au contraire, dans la mesure où était annexé au compromis l’avis favorable à la poursuite de l’activité émis le 27 février 2014 par la commission départementale de sécurité et d’accessibilité (C.C.D.S.A) après avoir vérifié notamment les installations électriques, l’exploitation du fonds de commerce ne présentait aucune difficulté apparente. Il s’en déduit qu’il ne peut être fait grief à l’avocat rédacteur de la cession de ne pas avoir attiré spécifiquement l’attention du cessionnaire sur la date du rapport de la société [K] et le défaut de réalisation de la visite périodique annuelle à la date de la cession.

Non seulement la faute de l’avocat rédacteur n’est pas établie, mais au surplus, ainsi que l’a justement retenu le tribunal, la faute du notaire ne pouvait en toute hypothèse être retenue comme fait générateur du préjudice allégué.

En effet, M. [Y] soutient vainement que s’il avait été mieux informé de la non conformité de l’installation électrique, notamment par l’annexion à l’acte de vente du rapport établi en février 2013 par la société [K], la cession n’aurait pas eu lieu ou du moins qu’elle ne se serait faite qu’en exigeant du cédant les travaux de mise en conformité, ce qui aurait évité la liquidation de la société et la perte financière subséquente subie en tant qu’associé.

D’une part, il est évident que l’annexion à l’acte définitif de vente du rapport de la société [K] n’aurait eu aucune incidence sur la cession : non seulement le contenu de ce rapport était parfaitement connu avant la cession ainsi que l’état global des installations de la discothèque mais surtout, ce rapport de visite annuelle ne révélait que trois anomalies mineures lesquelles ont été ensuite en partie corrigées par l’intervention de l’entreprise Simelec en janvier 2014. Les graves non conformités de l’installation électrique et de sécurité incendie n’ont été révélées que postérieurement à la cession.

Il est tout aussi évident que si l’avocat rédacteur avait attiré l’attention de M. [Y] sur la date du rapport de la société [K] (2013) et l’absence de visite de contrôle au titre de l’année 2014, la cession aurait eu lieu exactement dans les mêmes conditions, dans la mesure où le rapport [K] ne contenait en définitive aucune information déterminante sur l’état de l’installation électrique et que la commission départementale de sécurité et d’accessibilité (C.C.D.S.A) avait émis un avis favorable à la poursuite de l’activité le 27 février 2014, après avoir vérifié notamment les installations électriques.

D’autre part, il n’est pas établi que la liquidation de la société ait eu pour cause exclusive et directe les problèmes liés à l’installation électriques et la fermeture de l’établissement tant que les travaux n’étaient pas réalisés.

En effet, lorsqu’il a été décidé le 22 mai 2015 de fermer la discothèque (page 6 du rapport d’expertise), le rapport de l’APAVE n’était ni achevé ni connu (comme l’avait d’ailleurs déjà relevé le tribunal dans le cadre de l’instance contre l’électricien) puisque le rapport a été émis le 29 mai 2015 et mentionne que les interventions ont été menées du 21 au 28 mai 2015.

Il est, en outre, observé que le contrôle de l’Apave ne se limitait pas aux seules installations électriques et que sur les 33 non-conformités relevées, certaines étaient électriques tandis que les autres relevaient plus largement de la sécurité incendie et de la non-conformité aux normes et règlements applicables dans un établissement accueillant du public.

Enfin, il résulte du jugement rendu le 1er juillet 2016 par le tribunal de commerce de Quimper qu’il n’existe aucun lien de causalité entre la question des travaux électriques et l’origine du dépôt de bilan.

De fait, pour reporter la date de cessation des paiements au 1er janvier 2015, la juridiction commerciale avait relevé que la société Mameli se trouvait dès le 1er janvier 2015 dans une situation irrémédiablement compromise, le résultat net comptable au 31 décembre 2014 étant déficitaire de 140 174 euros, que les cotisations sociales Klesia et Ursaff étaient impayées depuis le 3ème trimestre 2014 et que les salaires n’étaient plus payés depuis avril 2015.

Par conséquent, aucun lien de causalité ne peut être retenu entre la faute de l’avocat et la perte de chance alléguée d’éviter en tant qu’associé les pertes financières consécutives à la liquidation de la société.

Les conditions de la responsabilité délictuelle de l’avocat rédacteur n’étant pas réunies, c’est à juste titre que le tribunal a débouté M. [Y] de ses demandes indemnitaires.

2°/ Sur les dépens et les frais irrépétibles

Il convient de confirmer les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Succombant de nouveau en appel, M. [Y] sera condamné aux dépens d’appel et débouté de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’est en outre pas inéquitable de le condamner à payer à la Selarl Lexpro anciennement Selarl [B]-Le Rest la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Quimper’;

Y ajoutant’:

Déboute M. [P] [Y] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;

Condamne M. [P] [Y] à payer à la Selarl Lexpro anciennement Selarl [B]-Le Rest la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;

Condamne M. [P] [Y] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 

 

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