Madame [E] [T]-[J] a été licenciée par la société FILMOLUX pour violation de ses obligations de confidentialité et de loyauté. Le Conseil de Prud’hommes de Paris a déclaré le licenciement nul en raison de la violation des règles de procédure relatives à son statut de salariée protégée. La Cour d’appel de Paris a confirmé la nullité du licenciement mais a réduit le montant des condamnations pécuniaires. La société FILMOLUX reproche à Maître [W] [P] un manquement à son devoir de conseil et d’information, l’accusant d’avoir conseillé un licenciement irrégulier. Elle demande des dommages et intérêts ainsi que le remboursement des frais engagés. Maître [W] [P] et les sociétés MMA IARD contestent les accusations de la société FILMOLUX, affirmant qu’aucune faute n’a été commise et que le licenciement aurait été refusé par l’inspecteur du travail de toute façon. L’affaire est en attente de jugement.
Responsabilité de Maître [W] [P]
En application des dispositions du code civil, la responsabilité de l’avocat doit être examinée au regard de l’obligation qui pèse sur celui-ci, tenu d’accomplir toutes les diligences utiles à la défense des intérêts de son client.
La société FILMOLUX reproche à Maître [W] [P] de ne pas l’avoir informée de l’obligation de solliciter l’autorisation préalable de l’inspection du travail alors que sa salariée bénéficiait d’un statut protecteur, ni de l’avoir conseillée de manière adaptée dans le cadre du licenciement de la salariée.
Il est établi que Maître [W] [P] n’a pas pris l’initiative de se renseigner sur le statut de la salariée et que le licenciement a été notifié sans avis du comité d’entreprise ni autorisation préalable de l’inspection du travail, en méconnaissance des règles spécifiques concernant la procédure de licenciement du salarié protégé.
Demande de réparation du préjudice
Le préjudice résultant d’un manquement par un avocat à ses obligations s’évalue en termes de perte de chance. La société FILMOLUX a perdu la chance de voir valider le licenciement pour cause réelle et sérieuse de sa salariée en raison d’une faute professionnelle de Maître [W] [P]. La perte de chance est évaluée à 80% compte tenu de la forte probabilité de ne pas avoir pu licencier la salariée, et une indemnisation de 103.900,74 euros est allouée à la société FILMOLUX en réparation de cette perte de chance.
Autres demandes
Maître [W] [P], la société MMA IARD et la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES sont condamnées in solidum au paiement des dépens de l’instance. Ils sont également condamnés à payer à la société FILMOLUX la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Conseils juridiques :
1. Il est essentiel pour un avocat d’accomplir toutes les diligences utiles à la défense des intérêts de son client, notamment en se renseignant sur la situation spécifique de ce dernier, comme le statut de salarié protégé. Il est donc recommandé de toujours vérifier et prendre en compte les règles spécifiques applicables à chaque cas.
2. L’avocat doit agir avec prudence et diligence dans le cadre de ses missions, en particulier en matière de licenciement de salariés protégés. Il est primordial de respecter les procédures légales et de conseiller correctement son client pour éviter tout litige ultérieur.
3. En cas de manquement à ses obligations, l’avocat peut engager sa responsabilité civile professionnelle et être tenu de réparer le préjudice subi par son client. Il est donc recommandé de toujours agir avec professionnalisme et de fournir un conseil adapté à la situation de chaque client pour éviter tout contentieux.
Responsabilité de Maître [W] [P]
En l’espèce, Maître [W] [P] est tenu à une obligation de résultat pour le respect des règles de procédure et à une obligation de moyen pour ses autres diligences et son devoir de conseil. La société FILMOLUX reproche à l’avocat de ne pas l’avoir informée de l’obligation de solliciter l’autorisation préalable de l’inspection du travail pour le licenciement d’une salariée protégée.
Il est établi que Maître [W] [P] n’a pas pris l’initiative de se renseigner sur le statut de la salariée et n’a pas adapté sa stratégie de conseil en conséquence. La société FILMOLUX a donc engagé sa responsabilité civile professionnelle pour ce manquement.
Demande de réparation du préjudice
Le préjudice résultant du manquement de l’avocat s’évalue en termes de perte de chance. Il convient de reconstituer fictivement l’issue de la procédure prud’homale si les règles spécifiques du licenciement du salarié protégé avaient été respectées pour évaluer le préjudice subi par la société FILMOLUX.
La société FILMOLUX a perdu une chance sérieuse de voir valider le licenciement pour cause réelle et sérieuse de la salariée protégée en raison de la faute professionnelle de Maître [W] [P]. Cette perte de chance est estimée à 80% des sommes allouées à la salariée dans le cadre de la procédure prud’homale.
Autres demandes
Maître [W] [P], la société MMA IARD et la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES sont condamnées in solidum au paiement des dépens de l’instance. Ils sont également condamnés à verser à la société FILMOLUX une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Réglementation applicable
– Article 1231 du code civil
– Article L.2411-1 du code du travail
– Article L.2411-8 du code du travail
– Article L.2421-3 du code du travail
– Article 700 du code de procédure civile
– Article 699 du code de procédure civile
Avocats
– Me Julie GOURION-RICHARD
– Me Alexandre GAUDIN
– Me Laurence HERMAN-GLANGEAUD
– Me Bruno MARGUET
Mots clefs
– Responsabilité de l’avocat
– Obligation de diligences
– Obligation de compétence
– Obligation de résultat
– Salarié protégé
– Autorisation de l’inspection du travail
– Licenciement nul de plein droit
– Obligation de moyen
– Devoir de conseil
– Négligence fautive
– Perte de chance
– Préjudice
– Réparation du préjudice
– Licenciement pour cause réelle et sérieuse
– Procédure prud’homale
– Manquement aux obligations
– Perte de chance de succès
– Indemnités
– Honoraires
– Dépens
– Frais irrépétibles
– Jugement exécutoire
Définitions juridiques
– Responsabilité de l’avocat: devoir de répondre des conséquences de ses actes professionnels
– Obligation de diligences: devoir de mener une action avec soin et diligence
– Obligation de compétence: devoir de posséder les compétences nécessaires pour mener une action
– Obligation de résultat: devoir de parvenir à un résultat spécifique
– Salarié protégé: employé bénéficiant d’une protection particulière en raison de sa situation
– Autorisation de l’inspection du travail: permission accordée par l’inspection du travail pour réaliser certaines actions
– Licenciement nul de plein droit: licenciement considéré comme invalide dès sa notification
– Obligation de moyen: devoir de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour atteindre un objectif
– Devoir de conseil: obligation de fournir des conseils avisés à un client
– Négligence fautive: manquement à un devoir de prudence et de diligence
– Perte de chance: privation d’une opportunité de succès
– Préjudice: dommage subi par une personne
– Réparation du préjudice: action visant à compenser un dommage subi
– Licenciement pour cause réelle et sérieuse: licenciement justifié par des motifs réels et sérieux
– Procédure prud’homale: procédure devant le conseil de prud’hommes pour régler un litige entre un employeur et un salarié
– Manquement aux obligations: non-respect des devoirs imposés par la loi ou un contrat
– Perte de chance de succès: privation d’une possibilité de réussite
– Indemnités: sommes versées pour compenser un préjudice subi
– Honoraires: rémunération perçue par un professionnel pour ses services
– Dépens: frais engagés lors d’une procédure judiciaire
– Frais irrépétibles: frais non récupérables lors d’une procédure judiciaire
– Jugement exécutoire: décision de justice pouvant être mise en œuvre par la force publique
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Minute n°
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Première Chambre
JUGEMENT
08 FEVRIER 2024
N° RG 22/00710 – N° Portalis DB22-W-B7G-QM5O
Code NAC : 63B
DEMANDERESSE :
La société FILMOLUX, S.A.R.L. immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de CRETEIL sous le numéro 612 021 741, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Julie GOURION-RICHARD, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant et Me Alexandre GAUDIN de la SELARL GCA, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
DEFENDEURS :
Maître [W] [P]
demeurant [Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Laurence HERMAN-GLANGEAUD, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant et Me Bruno MARGUET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
MMA IARD, SA immatriculée au 440 048 882, prise en lapersonne de son représentnat légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Laurence HERMAN-GLANGEAUD, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant et Me Bruno MARGUET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, société d’assurance mutuelle à cotisations fixes, filiale de la Société MMA IARD, prise en la personne de son représentant légal en cette qualité audit siège, enleur qualités d’assureurs de la responsabilité civile professionnelle des avocats inscrits au barreau de PARIS,
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Laurence HERMAN-GLANGEAUD, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant et Me Bruno MARGUET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
ACTE INITIAL du 25 Janvier 2022 reçu au greffe le 07 Février 2022.
DÉBATS : A l’audience publique tenue le 11 Décembre 2023, Madame DURIGON, Vice-Présidente, et Madame MARNAT, Juge, siégeant en qualité de juges rapporteurs avec l’accord des parties en application de l’article 805 du Code de procédure civile, assistée de Madame BEAUVALLET, Greffier, a indiqué que l’affaire sera mise en délibéré au 08 Février 2024.
MAGISTRATS AYANT DÉLIBÉRÉ :
Madame DURIGON, Vice-Présidente
Madame DAUCE, Vice-Présidente
Madame MARNAT, Juge
EXPOSE DU LITIGE
Madame [E] [T]-[J] a été engagée, selon contrat à durée indéterminée du 12 novembre 1991, par la société à responsabilité limitée FILMOLUX en qualité de secrétaire commerciale.
En juin 2017, la société FILMOLUX a initié une procédure de licenciement à l’encontre de Madame [E] [T]-[J] lui reprochant d’avoir violé ses obligations de confidentialité et de loyauté, et a sollicité à cette fin l’assistance de Maître [W] [P], avocat.
Le 3 juillet 2017, Madame [E] [T]-[J] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement ayant eu lieu le 24 juillet 2017 et le 1er août 2017, la société FILMOLUX lui notifiait par courrier recommandé son licenciement pour faute simple.
Le 3 août 2017, Madame [E] [T]-[J] a adressé un courrier recommandé à la société FILMOLUX pour contester son licenciement, lui reprochant l’absence de caractère réel et sérieux des reproches faits par son employeur et la violation des règles procédurales du licenciement.
Elle a ensuite saisi le Conseil de Prud’hommes de Paris afin d’obtenir la nullité de son licenciement et sa réintégration avec paiement de tous les salaires échus et les congés payés afférents.
Par jugement du 25 juin 2019, le Conseil de Prud’hommes a déclaré nul le licenciement de Madame [E] [T]-[J], considérant que les règles de procédure relatives au statut de salariée protégée, en sa qualité de membre du comité d’entreprise et de déléguée du personnel, n’avaient pas été respectées par l’employeur, et a en conséquence condamné la société FILMOLUX au paiement de la somme totale de 193.389,27 euros.
La société FILMOLUX a interjeté appel et par arrêt du 3 juin 2021, la Cour d’appel de Paris a confirmé le jugement en ce qu’il a déclaré nul le licenciement de Madame [E] [T]-[J] pour violation de son statut de salariée protégée, mais l’a infirmé sur le montant des condamnations pécuniaires, condamnant la société FILMOLUX au paiement de la somme totale de 99.294,46 euros.
Reprochant à Maître [W] [P] un manquement à son devoir de conseil et d’information en ne lui ayant pas préconisé une mesure de licenciement adaptée au statut de salariée protégée ni l’avoir informée de la procédure obligatoire à respecter, la société FILMOLUX l’a, par courrier du 6 juillet 2021, mis en demeure de lui verser la somme de 125.404,40 euros en réparation des manquements allégués, correspondant au remboursement des frais de condamnation, de procédure et des honoraires des conseils engagés pour la recherche de sa responsabilité civile professionnelle.
C’est dans ce contexte que, par actes d’huissier de justice en date des 25 et 27 janvier 2022, la société FILMOLUX a fait assigner Maître [W] [P], la société MMA IARD et la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES devant le présent tribunal aux fins de voir engager la responsabilité civile professionnelle de l’avocat.
Par dernières conclusions signifiées le 10 novembre 2022, la société FILMOLUX formule les demandes suivantes :
« Vu les articles 26 et 27 de la Loi du 31 décembre 1971,
Vu les articles 1231-1 et suivant du Code civil,
Vu les articles L2411-1, L2411-8 et L2421-3 du Code du travail en vigueur au moment des faits,
Vu la jurisprudence,
Il est demandé au Tribunal de céans de :
− JUGER que Maître [W] [P] a manqué à son obligation de conseil et d’information envers la Société Filmolux en lui préconisant une mesure de licenciement irrégulière et inadaptée et en omettant de l’informer de la procédure obligatoire à suivre.
En conséquence :
− CONDAMNER Maître [W] [P] et les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à la Société Filmolux :
– la somme de 99.294,46 au titre des condamnations prononcées par l’arrêt d’appel du 3 juin 2021 augmentés des intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 6 avril 2021;
– la somme de 23.109,94 euros au titre des frais exposés par la Société Filmolux pour la défense de ses intérêts dans le litige l’opposant à Madame [E] [T]-[J] augmentés des intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 6 avril 2021 ;
– la somme de 3.000 euros d’honoraires versés pour engager la responsabilité civile de Maître [W] [P] augmentés des intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 6 avril 2021 ;
– la somme de 5.470,92 euros au titre du remboursement des indemnités de chômage à Pôle Emploi tel qu’ordonné par l’arrêt d’appel du 3 juin 2021 ;
– la somme de 2.000,60 euros pour les honoraires versés à Maître [W] [P] au titre du licenciement de Madame [E] [T] [J] ;
− DEBOUTER les défendeurs de leurs demandes, fins et prétentions ;
En tout état de cause :
− CONDAMNER Maître [W] [P] et les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à verser la somme de 4.000 euros à la société Filmolux au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
− CONDAMNER Maître [W] [P] et les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles aux entiers frais et dépens de la procédure.
− DIRE qu’ils pourront être directement recouvrés par Maître Julie GOURION, Avocat au Barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile. »
La société FILMOLUX expose que l’attention de Maître [W] [P] avait été attirée sur le statut de salariée protégé de Madame [E] [T]-[J] avant que la procédure de licenciement n’ait été engagée, lui ayant adressé un courriel le 21 juin 2017 pour lui indiquer que la salariée faisait partie du comité d’entreprise de la société. Elle considère ainsi qu’il était informé qu’une procédure spécifique en matière de licenciement s’appliquait nécessitant notamment l’autorisation préalable de l’inspection du travail, à défaut de laquelle le licenciement est nul de plein droit. Elle considère qu’il a commis une faute consistant en un manquement à son obligation d’information et de conseil en lui ayant conseillé de procéder à l’entretien préalable puis au licenciement de Madame [E] [T]-[J] pour faute simple sans mettre en œuvre les règles applicables aux salariés protégés, alors qu’il était tenu de s’assurer de la régularité et de l’efficacité de la procédure de licenciement à mettre en œuvre, ce d’autant plus en sa qualité de conseil en droit social, et compte-tenu de l’ancienneté de la salariée. Elle fait valoir que le licenciement n’a pas pu être régularisé puisqu’elle n’a découvert l’irrégularité procédurale qu’après réception de la lettre de la salariée qui contestait la validité du licenciement, et que Maître [W] [P] aurait dû s’informer de la situation de la salariée en cause pour proposer à sa cliente une stratégie adaptée.
Elle soutient que Maître [W] [P] doit être condamné à l’indemniser de la totalité du préjudice subi causé par la violation de son devoir de conseil qui est à l’origine de la nullité du licenciement prononcée par le Conseil des Prud’hommes de Paris et confirmée par la Cour d’appel de Paris, outre le remboursement des honoraires qu’il a perçus en contrepartie de diligences qu’elle estime vaines et inefficaces, et fait valoir sur le fond que la procédure de licenciement aurait abouti favorablement si la réglementation applicable aux salariés protégés avait été respectée.
Par dernières conclusions signifiées le 19 septembre 2022, Maître [W] [P], la société MMA IARD et la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES demandent au tribunal de :
« – A titre principal, juger que la preuve de la « faute » de Me [P] n’est pas rapportée,
– A titre subsidiaire, juger que le préjudice « direct, actuel et certain » n’est pas démontré,
– En conséquence, débouter la requérante de ses demandes, fins et conclusions,
– Condamner la société FILMOLUX à payer à Me [P] et aux sociétés MMA 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC et la condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Laurence HERMAN-GLANGEAUD, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC. »
Maître [W] [P], la société MMA IARD et la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES exposent que la société FILMOLUX ne rapporte par la preuve de l’existence d’une faute commise par Maître [P], aucun élément de permettant de prouver que le mail sur lequel s’appuie la demanderesse pour justifier le fait qu’elle l’ait interrogé sur la situation de Madame [E] [T]-[J] ait été envoyé par la société et reçu par son conseil. Elle souligne le fait que la société FILMOLUX, de par l’importance de sa structure, ne pouvait ignorer la réglementation spécifique applicable aux salariés protégés. Ils contestent le fait que Maître [W] [P] ait reconnu une erreur et soutiennent que la demanderesse ne rapporte pas la preuve d’avoir informé son conseil du statut protecteur de la salariée.
Subsidiairement, les défendeurs font valoir que la faute de Maître [W] [P] n’a entraîné aucun préjudice, soulignant le fait qu’il avait alerté sa cliente sur la fragilité des motifs du licenciement et des griefs reprochés à la salariée qui auraient selon eux conduit l’inspecteur du travail à refuser d’accorder à l’employeur l’autorisation de procéder au licenciement. Ils considèrent ainsi que la société aurait alors été contrainte de maintenir la salariée dans ses effectifs, ce qui aurait entraîné un coût supérieur aux condamnations prononcées et que certaines condamnations ne résultent pas des fautes reprochées.
Le tribunal renvoie expressément aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 31 janvier 2023.
L’affaire, appelée à l’audience du 11 décembre 2023, a été mise en délibéré au 8 février 2024.
MOTIFS
Sur la responsabilité de Maître [W] [P]
Sur le principe de responsabilité
En application des dispositions des articles 1231 et suivants du code civil, la responsabilité de l’avocat doit être examinée au regard de l’obligation qui pèse sur celui-ci, tenu d’accomplir toutes les diligences utiles à la défense des intérêts de son client. Il est rappelé à cet égard qu’en sa qualité d’avocat, en tant que tel investi d’un devoir de compétence et supposé connaître les règles de procédure, il est tenu à une obligation de résultat pour ce qui concerne le respect des règles de procédure.
Par ailleurs, l’avocat est tenu à une obligation de moyen concernant ses autres diligences et son devoir de conseil.
La société FILMOLUX reproche à Maître [W] [P] de ne pas l’avoir informée de l’obligation de solliciter l’autorisation préalable de l’inspection du travail alors que sa salariée bénéficiait d’un statut protecteur, ni de l’avoir conseillée de manière adaptée dans le cadre du licenciement de la salariée.
Il résulte de l’article L.2411-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, que : « Bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, y compris lors d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le salarié investi de l’un des mandats suivants :
1° Délégué syndical ;
2° Délégué du personnel ;
3° Membre élu du comité d’entreprise […] »
L’article L.2411-8 du code du travail dispose dans sa version applicable au litige que : « Le licenciement d’un membre élu du comité d’entreprise, titulaire ou suppléant, ou d’un représentant syndical au comité d’entreprise, ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail.
L’ancien membre élu du comité d’entreprise ainsi que l’ancien représentant syndical qui, désigné depuis deux ans, n’est pas reconduit dans ses fonctions lors du renouvellement du comité bénéficient également de cette protection pendant les six premiers mois suivant l’expiration de leur mandat ou la disparition de l’institution. »
L’article L.2421-3 du code du travail dans sa version applicable au litige ajoute : « Le licenciement envisagé par l’employeur d’un délégué du personnel ou d’un membre élu du comité d’entreprise titulaire ou suppléant, d’un représentant syndical au comité d’entreprise ou d’un représentant des salariés au comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail est soumis au comité d’entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement.
Lorsqu’il n’existe pas de comité d’entreprise dans l’établissement, l’inspecteur du travail est saisi directement.
La demande d’autorisation de licenciement est adressée à l’inspecteur du travail dont dépend l’établissement dans lequel le salarié est employé.
En cas de faute grave, l’employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l’intéressé dans l’attente de la décision définitive.
Si le licenciement est refusé, la mise à pied est annulée et ses effets supprimés de plein droit. »
Il est constant que le licenciement d’un salarié en violation du statut protecteur est nul de plein droit.
En l’espèce, il est établi que Maître [W] [P], avocat, est intervenu en qualité de conseil dans le cadre de la procédure de licenciement que souhaitait initier la société FILMOLUX à l’encontre de sa salariée, Madame [E] [T]-[J], la facture d’honoraires du 29 septembre 2017 versée aux débats (pièce n°17) détaillant à cet égard les prestations réalisées pour la période du 1er janvier au 30 juin 2017, notamment :
DATE
AVOCAT
TEMPS
PRESTATION
20/06/2017
HE
0:45
Téléphone M. [H] et Téléphone M. [B] concernant Mme [J]
21/06/2017
HE
1:30
Préparation lettre de convocation [J] ; téléphone M. [B] ; revue projet de note d’information aux salariés sur mise à pied de Mme [J], courriels
22/06/2017
HE
1:00
Analyse des documents concernant Mme [J], courriel M. [B], téléphone M. [H]
23/06/2017
HE
1:45
[…] email M. [B] concernant les démarches auprès de la CNIL en lien avec dossier [J]
26/06/2017
HE
1:15
[…] email pour projet de lettre modifiée Mme [J]
27/06/2017
HE
2:00
Finition lettre Mme [J], courriel […] téléphone M. [B] concernant adresse Mme [J] […]
Il n’est pas contesté par les parties que Madame [E] [T]-[J] était déléguée du personnel et secrétaire du comité d’entreprise de la société FILMOLUX, ce qui lui conférait la qualité de salariée protégée en application des dispositions de l’article L.2411-1 du code du travail précité.
Il n’est pas davantage contesté que la procédure de licenciement a été menée par la société FILMOLUX sans recueillir l’avis du comité d’entreprise et sans avoir obtenu l’autorisation préalable de l’inspection du travail, en méconnaissance des règles spécifiques concernant la procédure de licenciement du salarié protégé.
Il résulte des débats qu’à aucun moment, Maître [W] [P] ne s’est enquis de la qualité de salariée protégée, que ce soit au cours de leurs très nombreux échanges comme il l’indique lui-même dans ses écritures, lors des multiples prestations réalisées dans le cadre de la préparation du dossier ou lors de la mise en œuvre de la procédure de licenciement.
Plus encore, la société FILMOLUX produit un courriel de Monsieur [X] [B], responsable administratif et financier de la société adressé à Maître [W] [P] le 21 juin 2017, soit avant la notification de la lettre de licenciement du 1er août 2017, lui demandant spécifiquement (dans sa version traduite) :
« […] Autre question : est-il nécessaire d’informer en priorité le comité d’entreprise étant donné de Madame [E] [T] en fait partie ? Je pense que nous devrons en informer l’IDT (inspection du travail) »
Elle produit un second courriel adressé par Monsieur [X] [B] à Maître [W] [P] le 4 août 2017 rédigé en ces termes :
« Vous avez peut-être déjà répondu à ma question (veuillez trouver ci-dessous mon courriel daté du 2017/06/21 en jaune) :
Autre question est-il nécessaire d’informer en priorité le comité d’entreprise étant donné que Madame [E] [T] en fait partie ? Je pense que nous devrons en informer l’IDT (l’inspecteur du travail).
Pourriez-vous revenir vers nous à ce sujet (devrions-nous informer notre comité d’entreprise 10 jours après l’entretien c’est-à-dire le 14 juillet ?
Plus informer l’inspecteur du travail ?)
Merci par avance pour votre réponse. »
Puis la réponse (dans sa version traduite) de Maître [W] [P] du 6 août 2017 indiquant :
« J’ai effectivement découvert dans votre courriel du 4 août cette référence à votre courriel du 21 juin 2017. Je regrette sincèrement que ce point n’ait malheureusement jamais été abordé lors de nos différents échanges concernant la décision sur et les questions liées au licenciement.
En effet, je n’étais pas au courant que Mme [T] était une salariée protégée ce qui implique une procédure de licenciement différente. Le licenciement d’un salarié protégé nécessite un avis du comité d’entreprise et l’autorisation expresse de l’inspecteur du travail, représentant local du ministère du travail.
Sans ces formalités, en particulier sans l’autorisation expresse de l’inspecteur du travail, le licenciement est par principe et en droit nul et non avenu. […] »
Si les défendeurs soutiennent qu’il n’est pas justifié que le courriel du 21 juin 2017 ait été envoyé par la société et reçu par son conseil, il convient toutefois de constater que dans son courriel de 6 août 2017 en réponse à la relance de son client, Maître [W] [P] ne soutient pas ne pas avoir reçu le premier mail mais simplement découvrir la référence à celui du 21 juin 2017 concernant le statut particulier de la salariée.
L’absence de réception du courriel litigieux est peu crédible, d’autant moins qu’il ressort de la facture d’honoraires précitée qu’il a facturé à son client différentes prestations réalisées le 21 juin 2017 à la société FILMOLUX dans le cadre de la préparation du dossier de Madame [T]-[J], notamment le traitement de « courriels ».
Il ressort des éléments produits aux débats que Maître [W] [P], dans le cadre de la mission d’assistance et d’accompagnement de la société FILMOLUX, ne s’est pas renseigné sur le statut de la salariée dont la mesure de licenciement était envisagée et que le licenciement a été notifié sans avis du comité d’entreprise ni autorisation préalable de l’inspection du travail et en méconnaissance des règles spécifiques concernant le licenciement du salarié protégé, ce qui est constitutif d’une négligence fautive de sa part.
En effet, investi d’un devoir d’information et de conseil de sa cliente s’agissant d’une obligation de moyen, Maître [W] [P] a commis une négligence fautive en ne prenant pas l’initiative de se renseigner et de s’informer de la situation de la salariée et des mandats dont elle aurait pu être investie, n’ayant demandé aucune précision à sa cliente sur ce point. Bien que questionné sur l’incidence du mandat électif de Madame [E] [T]-[J], Maître [W] [P] n’a pas réagi. Il en résulte que la stratégie concernant le licenciement envisagé puis poursuivi n’était pas adaptée à la situation, étant précisé que la société FILMOLUX a fait appel à un professionnel du droit pour précisément être conseillé utilement dans le cadre d’une procédure de droit social.
Le fait que la société FILMOLUX soit une « structure de taille importante » comme les défendeurs le soutiennent, faisant ainsi valoir une compétence supposée du client dans le domaine du droit social, n’est pas de nature à dispenser à elle seule l’avocat de toute obligation de conseil.
Maître [W] [P] a donc engagé sa responsabilité civile professionnelle du fait de ce manquement à l’égard de la société FILMOLUX.
Sur la demande de réparation du préjudice
Le préjudice résultant d’un manquement par un avocat à ses obligations s’évalue en termes de perte de chance. Il est à cet égard de principe que la perte de chance répare de manière générale la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable. S’agissant plus précisément de la chance de réussite d’une action en justice, le caractère réel et sérieux s’apprécie au regard de la probabilité de succès de cette action.
C’est pourquoi, il convient de reconstituer fictivement, au vu des conclusions des parties et des pièces produites aux débats l’issue de la procédure prud’homale si la procédure applicable au salarié protégé avait été respectée pour déterminer les chances de succès de l’action qui n’a pas été exercée et évaluer le bénéfice que cette action aurait pu rapporter et dont la perte constitue le préjudice. Il appartient à celui qui demande la réparation d’une perte de chance de rapporter la preuve de ce que la chance de survenance de cet événement n’était pas seulement raisonnable mais incontestable et inconditionnelle, de sorte que la survenance de l’évènement futur n’était affectée d’aucun aléa.
Il y a donc lieu d’apprécier la chance qu’avait la société FILMOLUX de voir aboutir la procédure de licenciement pour cause réelle et sérieuse initiée à l’encontre de Madame [E] [T]-[J] si les règles spécifiques du licenciement du salarié protégé avaient été respectées afin de déterminer si la faute commise par Maître [W] [P] a réellement causé un préjudice à la société FILMOLUX.
Il est acquis que Maître [W] [P] avait été chargé par la société FILMOLUX de la conseiller et de l’assister dans le cadre de la procédure de licenciement envisagée à l’encontre de sa salariée Madame [E] [T]-[J], lui reprochant d’avoir violé ses obligations de confidentialité et de loyauté.
Aucune information n’était donnée par l’avocat concernant le régime spécifique du licenciement des salariés protégés, et aucune recherche ni demande n’était faite par ce dernier pour savoir si la salariée bénéficiait d’un mandat électif de sorte que la société FILMOLUX, sur les conseils de son avocat, lui notifiait son licenciement pour cause réelle et sérieuse sans avoir préalablement requis l’autorisation de l’inspection du travail.
Madame [E] [T]-[J] a alors saisi le conseil de Prud’hommes de Paris pour contester la validité du licenciement et par jugement du 25 juin 2019, confirmé le 3 juin 2021 par la Cour d’appel de Paris, le licenciement a été déclaré nul et diverses indemnités ont été allouées.
Il s’en déduit que la chance pour la société FILMOLUX de voir valider le licenciement pour cause réelle et sérieuse a été perdue en raison d’une faute professionnelle commise par Maître [W] [P].
Les défendeurs considèrent que le licenciement pour cause réelle et sérieuse n’aurait eu aucune chance de prospérer, ce que conteste la société FILMOLUX.
A cet égard, si la lettre de licenciement du 1er août 2012 fait état d’un certain nombre de griefs concernant des manquements graves de Madame [E] [T]-[J] dans le cadre de son activité professionnelle, il convient toutefois de relever que ces manquements ne sont étayés par aucune pièce, et si la société FILMOLUX se prévaut d’éléments objectifs tels que des mails ou des SMS, ceux-ci ne sont pas versés aux débats. Le conseil de Prud’hommes a d’ailleurs considéré que : « il n’est pas clairement démontré que Madame [T]-[J] a manqué à son obligation de loyauté en divulguant des informations supposées confidentielles ».
Il sera également relevé que les parties font valoir que la salariée avait plus de 25 ans d’ancienneté dans la société.
Il se déduit de ces éléments que la demanderesse avait une très forte probabilité que l’inspecteur du travail, saisi d’une demande d’autorisation du licenciement de Madame [E] [T]-[J] en sa qualité de salariée protégée de la société FILMOLUX, n’autorise pas son licenciement en considération des éléments exposés, et que dans ce contexte, aucune procédure en contestation n’ait été diligentée devant le conseil de Prud’hommes et que la société FILMOLUX ne soit ainsi condamnée dans le cadre de la procédure prud’homale.
La société FILMOLUX justifie donc d’une perte de chance très sérieuse de ne pas avoir à payer l’ensemble des sommes auxquelles elle a été condamnée par le conseil des Prud’hommes de Paris en partie confirmées par la cour d’appel de Paris, dans la mesure où il résulte des éléments exposés qu’il existait une très forte probabilité de ne pas avoir pu licencier la salariée. Il sera rappelé à cet égard que la cour d’appel de Paris a, par arrêt du 3 juin 2021 condamné la société FILMOLUX à verser à Madame [E] [T]-[J] la somme totale de 99.294,46 euros soit :
8.470,45 € bruts au titre des heures supplémentaires effectuées, outre celles de 847,04 € bruts au titre des congés payés afférents,29.419,35 € bruts à titre d’indemnité pour violation du statut protecteur, 57.600 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,1.957,62 € au titre du solde de l’indemnité légale de licenciement,1.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La perte de chance doit être fixée à 80% compte-tenu de la forte probabilité de ne pas avoir pu licencier la salariée, étant précisé que la réparation d’une perte de chance ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.
Il sera ainsi alloué à la société FILMOLUX une indemnisation d’un montant de 103.900,74 euros en réparation de la perte de chance correspondant aux sommes suivantes :
79.435,57 € (99.294,46 € x 80%),18.487,95 € (23.109.94 € x 80%),4.376,74 € (5.470,92 € x 80%),1.600,48 € (2.000,60 € x 80%).
S’agissant par ailleurs de la somme de 3.000 euros sollicitée au titre des honoraires versés pour engager la responsabilité civile de Maître [W] [P], la demanderesse ne justifie toutefois pas du bien-fondé de sa demande, alors qu’elle réclame par ailleurs une condamnation des défendeurs au titre des frais irrépétibles.
L’indemnisation de ce montant sera par conséquent rejetée.
Sur les autres demandes
Maître [W] [P], la société MMA IARD et la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, qui succombent, seront condamnées in solidum au paiement des dépens de la présente instance avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Les circonstances d’équité tendent à justifier de condamner in solidum Maître [W] [P], la société MMA IARD et la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES à payer à la société FILMOLUX la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le présent jugement est exécutoire par provision.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort par mise à disposition au greffe,
CONDAMNE in solidum Maître [W] [P], la société MMA IARD et la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES à payer à la société à responsabilité limitée FILMOLUX la somme de 103.900,74 euros en réparation de la perte de chance subie avec intérêts à taux légal à compter du 6 juillet 2021, date de la mise en demeure,
DEBOUTE Maître [W] [P], la société MMA IARD et la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES de l’ensemble de leurs demandes,
CONDAMNE in solidum Maître [W] [P], la société MMA IARD et la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES à payer à la société à responsabilité limitée FILMOLUX la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum Maître [W] [P], la société MMA IARD et la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES aux dépens, avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
CONSTATE l’exécution provisoire du présent jugement.
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 FEVRIER 2024 par Madame DURIGON, Vice-Présidente, assistée de Madame BEAUVALLET, greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT