1. Respectez les délais de signification des conclusions prévus par le code de procédure civile pour éviter l’irrecevabilité de vos écritures. Assurez-vous de bien calculer le délai à partir de la notification des conclusions de l’appelant.
2. Vérifiez la qualité à agir des parties avant d’engager une action en justice. Assurez-vous que vous avez légitimement le droit d’agir contre la partie adverse pour éviter une fin de non-recevoir.
3. En cas de litige impliquant un professionnel tel qu’un architecte, veillez à bien documenter les engagements pris par celui-ci et à agir en conséquence pour obtenir réparation en cas de faute professionnelle. Assurez-vous d’avoir qualité pour agir contre le professionnel en question.
L’affaire concerne un litige entre M. [S] et Mme [U] d’une part, et Mme [D] [F]-[P]-[Y], les époux [N] et la SCI LCP d’autre part, concernant un problème de raccordement des eaux usées d’une habitation à un réseau d’assainissement. Mme [F]-[P]-[Y] a réalisé un branchement illégal de ses eaux usées dans le réseau privatif de M. [S] et Mme [U], ce qui a entraîné des problèmes de saturation et de bouchage du réseau. M. [S] et Mme [U] ont donc demandé en justice la suppression de ce branchement sauvage et la réalisation des travaux nécessaires pour raccorder les eaux usées de Mme [F]-[P]-[Y] au réseau public. Après une série de démarches et de mises en demeure, l’affaire a été portée devant le tribunal judiciaire du Mans. Une ordonnance rendue par le juge de la mise en état a déclaré irrecevable l’action de M. [S] et Mme [U] contre M. [C] [B] et M. [T] [R], intervenant forcé, pour défaut de qualité pour agir. M. [S] et Mme [U] ont interjeté appel de cette décision, demandant à la cour de juger recevables et bien-fondés leur appel, d’infirmer l’ordonnance du juge de la mise en état et de statuer de nouveau sur leurs demandes. M. [R], quant à lui, demande à la cour de confirmer l’ordonnance du juge de la mise en état et de débouter M. [S] et Mme [U] de l’ensemble de leurs demandes.
Sur la recevabilité des conclusions et pièces de l’intimé constitué
Aux termes de ses dernières écritures, l’intimé constitué conclut à titre liminaire à la recevabilité de ses écritures, faisant valoir que dans la mesure où les parties ont reçu de la part du greffe, le 9 juin 2023, l’avis de fixation de l’affaire à bref délai, il a disposé d’un délai d’un mois à compter de la réception de cet avis pour signifier ses conclusions à l’appelant. Il affirme avoir répondu aux prescriptions de l’article 905-2 du code de procédure civile puisqu’après avoir reçu signification des conclusions de l’appelant le 12 juin 2023, il a lui-même signifié ses conclusions par message RPVA le 13 juin 2023.
Il résulte des dispositions de l’article 905 4° du code de procédure civile que sont fixés à bref délai les appels relatifs à une des ordonnances du juge de la mise en état énumérées aux 1° à 4° de l’article 795.
Par ailleurs, l’article 905-2 mentionne que l’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie, d’un délai d’un mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou provoqué.
Enfin, l’article 911 alinéa 2 dispose que la notification de conclusions au sens de l’article 910-1 faite à une partie dans le délai prévu à l’article 905-2 (s’agissant d’une fixation à bref délai) constitue le point de départ du délai dont cette partie dispose pour remettre ses conclusions au greffe.
En l’espèce, le 23 décembre 2022, M. [R] a adressé au greffe sa constitution d’avocat.
Le 21 janvier 2023, les appelants ont signifié par RPVA leurs conclusions et pièces au conseil de M. [R].
Le 30 janvier 2023, les appelants lui ont également signifié par RPVA l’acte d’huissier ayant signifié sa déclaration d’appel, ses conclusions et pièces aux intimés non constitués.
Le 3 avril 2023, l’intimé constitué signifiait ses conclusions aux appelants.
Le 9 juin 2023, le Président de chambre a émis un avis de fixation de l’affaire à bref délai.
Le 14 septembre 2023, le greffier a, suivant avis d’irrecevabilité des conclusions de l’intimé en application de l’article 905-2 du code de procédure civile, invité ce dernier à adresser au président de chambre ses observations écrites sur l’irrecevabilité de ses conclusions, susceptible d’être encourue.
En suite de cet avis, l’intimait adressait ses observations au président, suivant courrier du 18 septembre 2023, concluant à la recevabilité de ses conclusions.
Il importe de rappeler que l’interprétation des textes susvisés a pu conduire la Cour de cassation à décider, lorsque la procédure à bref délai est de droit, comme c’est le cas de l’appel d’une ordonnance du juge de la mise en état que, sans encourir de sanction, l’appelant peut remettre ses conclusions au greffe et les notifier à l’intimé avant la réception de l’avis de fixation, qu’il n’est pas obligé de les notifier à nouveau après réception de l’avis de fixation, le point de départ du délai pour conclure donné à l’intimé étant alors la date à laquelle il a reçu notification des conclusions de l’appelant (civ. 2ème 22 octobre 2020, pourvoi n°’18-25.769).
Cette interprétation a été confirmée dans un arrêt rendu par la 2ème chambre civile le 13 janvier 2022 (pourvoi n° 20-18.121).
Dès lors, en l’espèce, le délai d’un mois dont disposait l’intimé pour conclure, avait pour point de départ le 21 janvier 2023, correspondant à la date de signification par les appelants de leurs conclusions à l’intimé et expirait un mois plus tard, le 21 février 2023.
Il convient, en conséquence, de déclarer les conclusions de l’intimé, notifiées le 13 juin 2023, irrecev
– Déboute la S.A. [5] de sa demande : 0 €
– Condamne la S.A. [5] aux dépens : montant non spécifié (les dépens couvrent les frais de justice)
– Exécution provisoire du jugement : pas de montant monétaire directement alloué
Réglementation applicable
– Article 544 du code civil
– Article 1240 du code civil
– Article 700 du code de procédure civile
– Article 474 du code de procédure civile
– Articles 2, 30, 31, 122 et 789 du code de procédure civile
– Article 699 du code de procédure civile
– Articles 455 et 494 du code de procédure civile
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Pierre LANDRY de la SCP PIERRE LANDRY AVOCATS
– Me BERRY substituant Me Alain DUPUY de la SCP HAUTEMAINE AVOCATS
Mots clefs associés
– Recevabilité des conclusions et pièces de l’intimé constitué
– Délai d’un mois pour signifier les conclusions
– Fixation de l’affaire à bref délai
– Irrecevabilité des conclusions de l’intimé
– Notification des conclusions
– Article 905-2 du code de procédure civile
– Article 911 alinéa 2
– Article 906 du code de procédure civile
– Article 954 dernier alinéa du code de procédure civile
– Fin de non-recevoir
– Défaut de droit d’agir
– Qualité à agir
– Prescription
– Délai préfix
– Chose jugée
– Servitudes
– Trouble anormal de voisinage
– Réseau d’assainissement
– Canalisation d’eaux usées
– Raccordement
– Responsabilité
– Architecte
– Erreur professionnelle
– Réparation en nature
– Astreinte
– Frais irrépétibles
– Dépens
– Recevabilité des conclusions et pièces de l’intimé constitué : Critère juridique permettant de déterminer si les documents et arguments présentés par l’intimé (la partie qui répond à l’appel) sont acceptables pour être examinés par le tribunal.
– Délai d’un mois pour signifier les conclusions : Période légale accordée à une partie pour notifier officiellement ses conclusions à l’autre partie dans le cadre d’une procédure judiciaire.
– Fixation de l’affaire à bref délai : Procédure judiciaire accélérée où l’affaire est programmée pour être entendue rapidement par le tribunal.
– Irrecevabilité des conclusions de l’intimé : Situation où les conclusions présentées par l’intimé ne sont pas acceptées pour examen en raison de non-respect des critères formels ou substantiels.
– Notification des conclusions : Acte de communication officielle des conclusions d’une partie à l’autre partie dans le cadre d’une procédure judiciaire.
– Article 905-2 du code de procédure civile : Disposition spécifique régissant les procédures simplifiées ou les procédures sur requête dans certaines circonstances.
– Article 911 alinéa 2 : Texte législatif qui précise les modalités de gestion des appels dans le système judiciaire.
– Article 906 du code de procédure civile : Article définissant les règles relatives à la procédure d’appel et les obligations des parties.
– Article 954 dernier alinéa du code de procédure civile : Clause qui traite de la rédaction et de la présentation des conclusions en appel.
– Fin de non-recevoir : Objection légale qui peut être soulevée pour empêcher l’examen d’une demande ou d’une action en justice sur la base de défauts formels ou substantiels.
– Défaut de droit d’agir : Absence de capacité légale ou d’intérêt à agir en justice d’une partie.
– Qualité à agir : Capacité reconnue à une personne par la loi pour être partie dans un procès.
– Prescription : Extinction d’un droit résultant de l’inaction du titulaire pendant un délai fixé par la loi.
– Délai préfix : Délai impératif fixé par la loi ou par une décision judiciaire, à l’expiration duquel une action en justice ne peut plus être engagée ou poursuivie.
– Chose jugée : Autorité et force définitive d’une décision judiciaire qui n’est plus susceptible de recours ordinaire.
– Servitudes : Charge imposée sur un immeuble au bénéfice d’un autre immeuble appartenant à un propriétaire différent.
– Trouble anormal de voisinage : Désagrément causé par un voisin excédant les inconvénients normaux du voisinage.
– Réseau d’assainissement : Infrastructure destinée à collecter et traiter les eaux usées avant leur rejet dans l’environnement.
– Canalisation d’eaux usées : Conduits destinés à transporter les eaux usées vers les installations de traitement.
– Raccordement : Action de connecter un bâtiment ou une propriété à un réseau public, comme l’eau, l’électricité ou l’assainissement.
– Responsabilité : Obligation de réparer le dommage causé à autrui, que ce soit par négligence, imprudence ou non-respect des lois.
– Architecte : Professionnel chargé de la conception des plans et de la supervision de la construction des bâtiments.
– Erreur professionnelle : Faute commise par un professionnel dans l’exercice de ses fonctions, entraînant un préjudice pour son client.
– Réparation en nature : Restitution d’un état antérieur ou exécution forcée en nature d’une obligation.
– Astreinte : Somme d’argent qu’une partie doit payer pour chaque jour de retard dans l’exécution d’une décision de justice.
– Frais irrépétibles : Dépenses engagées par une partie dans le cadre d’un procès et qui ne sont pas couvertes par les dépens.
– Dépens : Frais de justice qui doivent être remboursés par la partie perdante à la partie gagnante, incluant les frais de procédure et autres dépenses judiciaires.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL
D’ANGERS
CHAMBRE A – CIVILE
IG/ILAF
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 22/02094 – N° Portalis DBVP-V-B7G-FC64
ordonnance du 20 Octobre 2022
Juge de la mise en état du MANS
n° d’inscription au RG de première instance 20/01545
ARRET DU 30 JANVIER 2024
APPELANTS :
Monsieur [K] [S]
né le 14 Décembre 1975 à [Localité 11]
[Adresse 8]
[Localité 11]
Madame [A] [U]
née le 24 Avril 1973 à [Localité 11]
[Adresse 8]
[Localité 11]
Représentés par Me Pierre LANDRY de la SCP PIERRE LANDRY AVOCATS, avocat au barreau du MANS
INTIMES :
Monsieur [T] [R]
né le 12 Novembre 1969 à [Localité 11]
[Adresse 10]
[Localité 11]
Représenté par Me BERRY substituant Me Alain DUPUY de la SCP HAUTEMAINE AVOCATS, avocat au barreau du MANS – N° du dossier 20221223
Monsieur [C] [B]
ayant droit de Madame [D] [F] – [P] [Y]
né le 30 Juin 1952 à [Localité 12] (94)
[Adresse 1]
[Localité 11]
Assigné n’ayant pas constitué avocat
Monsieur [C] [N]
né le 05 Septembre 1969 à LA FERTE BERNARD
[Adresse 2]
[Localité 9]
Assigné n’ayant pas constitué avocat
Madame [W] [X]
née le 26 Janvier 1973 à [Localité 11]
[Adresse 2]
[Localité 9]
Assignée n’ayant pas constitué avocat
S.C.I. LCP
prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège;
[Adresse 2]
[Localité 9]
Assignée n’ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 02 Octobre 2023 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme GANDAIS, conseillère qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
Mme GANDAIS, conseillère
Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée
Greffière lors des débats : Mme LEVEUF
Greffière lors du prononcé : Mme GNAKALE
ARRET : réputé contradictoire
Prononcé publiquement le 30 janvier 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Isabelle GANDAIS, conseillère, pour la présidente empêchée, et par Flora GNAKALE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
Suivant un acte authentique en date du 11 juin 2004, M. [K] [S] et Mme [A] [U] ont acquis un terrain pourvu d’un hangar avec garage, cadastré section AK n°[Cadastre 3], sur la commune de la Ferté-Bernard.
Ce bien immobilier, donnant sur la rue Gambetta, au n°7, n’étant pas raccordé au réseau du tout à l’égout, les propriétaires ont réhabilité ledit bien et ont fait réaliser en 2006 et 2010, les travaux nécessaires pour disposer d’un branchement individuel d’assainissement et de deux réseaux distincts, l’un pour les eaux usées et l’autre pour les eaux pluviales.
La parcelle voisine, cadastrée section AK n°[Cadastre 4] qui appartenait à M.'[C] [N] et à son épouse, Mme [W] [X], a été vendue en partie, le 26 janvier 2009. Ces derniers, après avoir scindé ladite parcelle en deux, sont restés propriétaires de la nouvelle parcelle cadastrée section AK n°[Cadastre 6] (numérotée ultérieurement [Cadastre 7]) et ont vendu l’autre nouvelle parcelle cadastrée section AK n°[Cadastre 5] à M. [Z] [R].
Ce dernier bénéficiait, aux termes de l’acte de vente, d’une servitude de passage sur le fonds des époux [N] afin de disposer d’un accès à la voie publique, en l’occurrence la rue Faidherbe.
Suivant un acte authentique du 29 septembre 2014, M. [R] vendait à son tour, la parcelle AK n°[Cadastre 5] à Mme [D] [F]-[P]-[Y].
Cette dernière a confié à M. [T] [R], architecte et frère de M.'[Z] [R], un projet de rénovation du garage situé sur la parcelle pour en faire une habitation individuelle sur deux niveaux, comprenant notamment la création d’un raccordement pour l’évacuation des eaux usées dudit bâtiment.
Suivant courrier recommandé du 25 août 2017, M. [S] et Mme [U] rappelaient aux époux [N] qu’en exécution de la convention de servitudes conclue entre eux le 16 novembre 2009, Mme [F]-[P]-[Y] ne pouvait se raccorder au branchement des eaux usées qu’ils mettaient à leur disposition, dans le cadre de la servitude d’évacuation des eaux usées. Ils demandaient en conséquence aux époux [N] de supprimer le ‘branchement sauvage’ réalisé par Mme [F]-[P]-[Y] sur leur parcelle.
Le 23 octobre 2017, les époux [N] ont vendu leur parcelle cadastrée section AK n°[Cadastre 7] à la SCI LCP, dont ils sont les co-gérants.
Suivant courrier recommandé du 6 novembre 2017, M. [S] et Mme'[U], par l’intermédiaire de leur conseil, mettaient en demeure Mme [F]-[P]-[Y] de retirer, sous 30 jours, le raccordement qu’elle a fait installer et qui s’écoule dans leur réseau privatif d’assainissement des eaux usées. Ils précisaient que depuis ce ‘raccordement sauvage’, un bouchement complet du réseau avait pu être constaté, en sa présence, le 24 septembre 2017.
Suivant courrier recommandé du 26 juin 2018, M. [S] et Mme [U] informaient les époux [N] de ce qu’un rapport de non-conformité a été établi par la SAUR, société déléguée par la commune de la Ferté-Bernard pour l’assainissement des eaux usées, s’agissant du branchement des eaux usées réalisé illégalement par Mme [F]-[P]-[Y] et que cette dernière est mise en demeure par la mairie de se raccorder au réseau collectif public d’assainissement.
Suivant courrier recommandé du 17 août 2018, M. [S] et Mme [U] alertaient la SCI LCP de ce que les eaux usées du bâtiment de Mme [F]-[P]-[Y] s’écoulaient dans le réseau des eaux pluviales et donc de la rivière, ce qui déterminait l’intervention de la police de l’eau. Ils rappelaient aux gérants de la SCI que faute d’avoir respecté leurs accords formalisés dans la convention de servitudes réciproques de 2009 et d’avoir permis le raccordement d’une nouvelle habitation non prévue et non autorisée, le réseau se trouvait depuis de longs mois saturé et bouché.
Après avoir déposé, le 10 septembre 2019, une requête aux fins de constat devant le Président du tribunal de grande instance du Mans, Mme [F]-[P]-[Y] obtenait une ordonnance en date du 13 septembre 2019, désignant un huissier pour notamment se rendre sur la propriété de M. [S] et de Mme [U], au niveau du/des regard(s) du réseau d’eaux usées, de retirer ou faire retirer tout élément recouvrant l’accès au(x) regard(s) d’eaux usées afin d’effectuer toutes constatations sur l’intérieur du/des regard(s), de démonter ou faire démonter tout élément, y compris couche de ciment, empêchant d’accéder aux tuyaux d’évacuation entrants et sortants dans le(s) regard(s), retirer ou faire retirer tout élément (tel qu’amas de gravats, briques, etc.) situés dans le(s) regard(s) d’eaux usées afin de pouvoir constater l’état des tuyaux d’évacuation entrants et sortants du/des regard(s).
Suivant acte d’huissier du 8 juillet 2020, M. [S] et Mme [U] ont fait assigner, devant le tribunal judiciaire du Mans, Mme [F]-[P]-[Y], les époux [N] et la SCI LCP aux fins de voir, au visa des articles 544’et 1240 du code civil et sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
– condamner Mme [D] [F]-[P]-[Y] à faire cesser toute circulation d’eaux usées en cheminant par leur propriété et la condamner à supprimer de manière définitive tout branchement à la canalisation de déversement des eaux usées installée sur la parcelle section AK numéro [Cadastre 7], elle-même raccordée à leur réseau privatif, la condamner à exécuter et/ou faire exécuter tous travaux nécessaires pour assurer le branchement des eaux usées, rejetées par son habitation, au réseau d’assainissement collectif public dédié, sur la rue Faidherbe, à la Ferté-Bernard,
– assortir ces condamnations d’une astreinte de 500 euros par jour de retard, passé un délai de trente jours après la signification du jugement à intervenir,
– condamner de même, solidairement et à défaut in solidum, M. et Mme [N] et la SCI LCP à rétablir les ouvrages d’assainissement leur permettant l’exercice de la servitude d’écoulement leur ayant été strictement consentie dans l’état antérieur au branchement sauvage fait par Mme [F]-[P]-[Y], sous une astreinte de 500 euros par jour de retard, passé un délai de 30 jours suivant le jugement à intervenir, sans préjudice de leur recours en garantie contre Mme'[D] [F]-[P]-[Y] et sauf à ce que le nécessaire ait été fait dans le délai donné par Mme [D] [F]-[P]-[Y],
– enjoindre aux époux [N] et à la SCI LCP d’entretenir parfaitement lesdits ouvrages d’assainissement,
– condamner Mme [D] [F]-[P]-[Y] in solidum avec les époux [N] à leur payer une somme de 8 000 euros en réparation des préjudices de désagrément occasionnés, des tracas et de sa résistance abusive à respecter les droits d’autrui,
– les condamner in solidum à leur verser une somme de 5 000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [D] [F]-[P]-[Y] étant décédée le 2 octobre 2020, M. [C] [B], son conjoint, venant à ses droits, est intervenu volontairement à la procédure.
Par acte d’huissier en date du 11 mars 2021, M. [B] a assigné en intervention forcée M. [T] [R] afin qu’il soit condamné à le garantir des éventuelles condamnations prononcées à son encontre.
Suivant ordonnance du 25 mars 2021, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des deux affaires.
Par conclusions d’incident, ainsi que cela est relaté aux termes de l’ordonnance entreprise, M. [B] a soulevé ‘l’irrecevabilité partielle de l’action pour défaut de qualité pour agir le concernant et concernant l’architecte M.'[T] [R], sur les demandes relatives à la suppression du branchement à la canalisation de déversement des eaux usées sur la parcelle section AK n°[Cadastre 7], propriété de la SCI LCP et celle portant sur la condamnation à faire exécuter tous travaux pour assurer le branchement des eaux usées au réseau d’assainissement collectif public dédié, sur la rue Faidherbe à la Ferté-Bernard et l’astreinte concomitante’.
Devant le juge de la mise en état, M. [B] faisait valoir que les demandeurs à l’action ne disposaient d’aucune qualité pour agir à faire ordonner à un tiers de supprimer un ouvrage situé sur le fonds d’un autre tiers. Il ajoutait que les défendeurs à l’incident, personnes privées, ne disposaient pas du droit de présenter une demande visant à réaliser un branchement sur un collecteur public, laquelle relèverait de l’autorité publique et des règles d’urbanisme. Le demandeur à l’incident précisait qu’il était actuellement branché sur les eaux usées et qu’il ne causait aucun trouble anormal de voisinage, lequel était sans lien avec une demande de branchement sur un réseau public.
Suivant ordonnance réputée contradictoire en date du 20 octobre 2022, le juge de la mise en état, devant lequel M. [R] n’a pas constitué avocat, a :
– déclaré irrecevable, pour défaut de qualité pour agir, l’action diligentée à l’encontre de M. [C] [B] et à l’encontre de M. [T] [R], intervenant forcé tenu de garantir ces condamnations, portant sur les demandes suivantes :
– faire cesser toute circulation des eaux usées installée sur la parcelle section AK n°[Cadastre 7] en cheminant par la propriété de M. [S] et Mme [U],
– supprimer de manière définitive tout branchement de canalisation de déversement des eaux usées installée sur la parcelle section AK n°[Cadastre 7], elle-même raccordée au réseau privatif de M. [S] et Mme [U],
– faire exécuter tous travaux nécessaires pour assurer le branchement des eaux usées, rejetées par son habitation, au réseau d’assainissement collectif public dédié, sur la [Adresse 13], sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé un délai de trente jours après la signification du jugement,
– débouté M. [S] et Mme [U] de leur demande de paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– réservé les dépens,
– renvoyé à la mise en état.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 22 décembre 2022, M. [S] et Mme [U] ont interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions à l’exception de celles réservant les dépens ; intimant M. [B], les époux [N], la SCI LCP et M. [R].
M. [B], les époux [N] et la SCI LCP ont reçu signification de la déclaration d’appel et des conclusions des appelants, suivant actes d’huissier du 25 janvier 2023 remis à personne habilitée pour la SCI LCP et à personne pour les autres. Ils n’ont pas constitué avocat.
L’arrêt rendu sera réputé contradictoire, conformément à l’article 474 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 septembre 2023 et l’affaire a été plaidée à l’audience du 2 octobre 2023, conformément à l’avis adressé par le greffe aux parties le 9 juin 2023.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de leurs dernières écritures déposées le 12 juin 2023, M.'[S] et Mme [U] demandent à la cour, au visa des dispositions des articles 2, 30, 31, 122 et 789 du code de procédure civile, de :
– les déclarer recevables et bien-fondés en leur appel,
– y faisant droit, infirmer l’ordonnance du 20 octobre 2022 du juge de la mise en état du tribunal judiciaire du Mans en ce que cette décision a déclaré irrecevable, pour défaut de qualité pour agir, leur action diligentée à l’encontre de M. [C] [B] et à l’encontre de M. [T] [R], intervenant forcé, tenu de garantir ces condamnations, portant sur Ies demandes suivantes :
– faire cesser toute circulation des eaux usées installée sur Ia parcelle section AK n °[Cadastre 7] en cheminant par Ia propriété de M. [S] et Mme'[U],
– supprimer de manière définitive tout branchement de canalisation de déversement des eaux usées installée sur la parcelle section AK n°[Cadastre 7], elle-même raccordée au réseau privatif de M. [S] et Mme [U],
– faire exécuter tous travaux nécessaires pour assurer le branchement des eaux usées, rejetées par son habitation, au réseau d’assainissement collectif public dédié, sur la [Adresse 13], sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé un délai de trente jours après la signification du jugement,
– infirmer l’ordonnance en ce que cette décision les a déboutés de leur demande de paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– statuant de nouveau, juger recevable leurs actions,
– juger recevables leurs demandes,
– rejeter toutes prétentions, fins et conclusions contraires,
– dire n’y avoir lieu à retenir une quelconque fin de non-recevoir,
– dire autant que de besoin I’arrêt à intervenir commun et opposable aux époux [N] et à leur SCI LCP,
– condamner M. [B] à leur payer une indemnité à hauteur de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 18 septembre 2023, M.'[R] demande à la cour, au visa des dispositions des articles 122 et 789 du code de procédure civile, de :
– à titre liminaire, déclarer recevables ses conclusions d’intimé,
– le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes,
– en conséquence, confirmer l’ordonnance de mise en état rendue le 20 octobre 2022 par le juge de la mise en état en ce qu’il a déclaré les demandes de M. [S] et Mme [U] irrecevables sur les actions portant sur :
– faire cesser toute circulation des eaux usées installée sur la parcelle section AK n°[Cadastre 7] en cheminant par la propriété de M. [S] et Mme [U],
– supprimer de manière définitive tout branchement de canalisation de déversement des eaux usées installée sur la parcelle section AK n°[Cadastre 7], elle-même raccordée au réseau privatif de M. [S] et Mme [U],
– faire exécuter tous travaux nécessaires pour assurer le branchement des eaux usées, rejetées par son habitation, au réseau d’assainissement collectif public dédié, sur la [Adresse 13], sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé un délai de trente jours après la signification du jugement
– débouter M. [S] et Mme [U] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à son encontre,
– condamner toute partie succombant à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner toute partie succombant aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Dupuy, Avocat membre de la SCP Hautemaine Avocats, Avocats aux offres de droit et ce, conformément aux dispositions de l’Article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 494 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions ci-dessus mentionnées.
MOTIFS DE LA DECISION :
I – Sur la recevabilité des conclusions et pièces de l’intimé constitué
Aux termes de ses dernières écritures, l’intimé constitué conclut à titre liminaire à la recevabilité de ses écritures, faisant valoir que dans la mesure où les parties ont reçu de la part du greffe, le 9 juin 2023, l’avis de fixation de l’affaire à bref délai, il a disposé d’un délai d’un mois à compter de la réception de cet avis pour signifier ses conclusions à l’appelant. Il affirme avoir répondu aux prescriptions de l’article 905-2 du code de procédure civile puisqu’après avoir reçu signification des conclusions de l’appelant le 12 juin 2023, il a lui-même signifié ses conclusions par message RPVA le 13 juin 2023.
Sur ce, la cour
Il résulte des dispositions de l’article 905 4° du code de procédure civile que sont fixés à bref délai les appels relatifs à une des ordonnances du juge de la mise en état énumérées aux 1° à 4° de l’article 795.
Par ailleurs, l’article 905-2 mentionne que l’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie, d’un délai d’un mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou provoqué.
Enfin, l’article 911 alinéa 2 dispose que la notification de conclusions au sens de l’article 910-1 faite à une partie dans le délai prévu à l’article 905-2 (s’agissant d’une fixation à bref délai) constitue le point de départ du délai dont cette partie dispose pour remettre ses conclusions au greffe.
En l’espèce, le 23 décembre 2022, M. [R] a adressé au greffe sa constitution d’avocat.
Le 21 janvier 2023, les appelants ont signifié par RPVA leurs conclusions et pièces au conseil de M. [R].
Le 30 janvier 2023, les appelants lui ont également signifié par RPVA l’acte d’huissier ayant signifié sa déclaration d’appel, ses conclusions et pièces aux intimés non constitués.
Le 3 avril 2023, l’intimé constitué signifiait ses conclusions aux appelants.
Le 9 juin 2023, le Président de chambre a émis un avis de fixation de l’affaire à bref délai.
Le 14 septembre 2023, le greffier a, suivant avis d’irrecevabilité des conclusions de l’intimé en application de l’article 905-2 du code de procédure civile, invité ce dernier à adresser au président de chambre ses observations écrites sur l’irrecevabilité de ses conclusions, susceptible d’être encourue.
En suite de cet avis, l’intimait adressait ses observations au président, suivant courrier du 18 septembre 2023, concluant à la recevabilité de ses conclusions.
Il importe de rappeler que l’interprétation des textes susvisés a pu conduire la Cour de cassation à décider, lorsque la procédure à bref délai est de droit, comme c’est le cas de l’appel d’une ordonnance du juge de la mise en état que, sans encourir de sanction, l’appelant peut remettre ses conclusions au greffe et les notifier à l’intimé avant la réception de l’avis de fixation, qu’il n’est pas obligé de les notifier à nouveau après réception de l’avis de fixation, le point de départ du délai pour conclure donné à l’intimé étant alors la date à laquelle il a reçu notification des conclusions de l’appelant (civ. 2ème 22 octobre 2020, pourvoi n°’18-25.769).
Cette interprétation a été confirmée dans un arrêt rendu par la 2ème chambre civile le 13 janvier 2022 (pourvoi n° 20-18.121).
Dès lors, en l’espèce, le délai d’un mois dont disposait l’intimé pour conclure, avait pour point de départ le 21 janvier 2023, correspondant à la date de signification par les appelants de leurs conclusions à l’intimé et expirait un mois plus tard, le 21 février 2023.
Il convient, en conséquence, de déclarer les conclusions de l’intimé, notifiées le 13 juin 2023, irrecevables, dans leur intégralité.
En outre, en application des dispositions de l’article 906 du code de procédure civile et au constat de l’irrecevabilité des conclusions, il convient d’écarter des débats les pièces communiquées au soutien desdites écritures.
Enfin, il résulte des dispositions de l’article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.
Il s’ensuit que la cour n’étant pas saisie régulièrement de conclusions de la part de l’intimé constitué, il y a lieu, pour statuer sur l’appel, de se reporter aux motifs de l’ordonnance ayant accueilli les prétentions de cette partie en première instance.
II- Sur la recevabilité des demandes formées par les appelants
Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée, constitue une fin de non-recevoir, étant admis que cette liste n’est pas limitative.
L’article 789 du code de procédure civile énonce que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : 6º Statuer sur les fins de non-recevoir.
Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s’y opposer. Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa, le juge de la mise en état renvoie l’affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l’instruction, pour qu’elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s’il l’estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d’administration judiciaire.
– à l’encontre de M. [B]
Pour retenir le défaut de qualité à agir des demandeurs à l’encontre de M.'[B], le juge de la mise en état a retenu que leurs prétentions portaient sur la suppression d’une canalisation qui ne se trouve pas en connexion directe avec leur propriété et qui obligerait M. [B] à intervenir sur la propriété d’un tiers, à savoir celle de la SCI LCP, laquelle est la seule à posséder un lien direct de raccordement avec la parcelle des demandeurs. Le juge a également relevé que les demandeurs à l’action ne pouvaient se substituer à l’autorité administrative pour exiger qu’un tiers agisse sur une propriété aux fins d’obtenir un raccordement à un réseau public d’assainissement.
Aux termes de leurs dernières écritures, les appelants exposent que leurs prétentions reposent sur la préservation de leurs intérêts attachés à leur propriété, à la convention de servitudes du 16 novembre 2009, à la protection de leur cadre de vie et à la défense faite à autrui de leur causer un trouble anormal de voisinage. Ils estiment que M. [B], venant aux droits de Mme [F]-[P]-[Y], a mis en jeu sa responsabilité, par les agissements contraires de cette dernière aux principes susmentionnés. Ils font grief au juge de la mise en état d’avoir raisonné par rapport au fond du droit et non par rapport à leur qualité de demandeurs. Les appelants ajoutent que le juge a faussement lu qu’ils demandaient à M. [B] de supprimer la canalisation installée sur la parcelle AK n°[Cadastre 7] de la SCI LCP alors que pour leur part, ils sollicitent de M. [B] qu’il enlève depuis chez lui son branchement greffé à la canalisation d’eaux usées appartenant à la SCI LCP et qui transite ensuite jusqu’à leur propre réseau privatif. Ils exposent qu’il suffit à M. [B] de boucher ou modifier sa propre évacuation d’eaux usées à partir de son immeuble de manière à ne plus les déverser sur leur propriété via le raccordement au niveau du regard de la propriété de la SCI LCP. Les appelants ajoutent que ce branchement sauvage fait par Mme [F]-[P]-[Y], en méconnaissance de la convention de servitudes entre eux-mêmes et les époux [N] (SCI LCP maintenant), engage la responsabilité de M. [B] venant aux droits de Mme [F]-[P]-[Y]. Ils estiment ainsi être parfaitement recevables à défendre leur droit de propriété et ainsi agir contre l’auteur du trouble et requérir la cessation dudit trouble. S’agissant de leur demande tendant à ce que M. [B] exécute tous les travaux nécessaires pour assurer le branchement de ses eaux usées au réseau d’assainissement collectif public dédié sur la rue Faidherbe, ils considèrent que celle-ci, qui porte sur le fond du droit, s’analyse en une réparation en nature ayant pour finalité non seulement de satisfaire à une règle du code de la santé publique mais aussi de mettre fin au trouble anormal qu’ils subissent. En tant que personnes privées, les appelants estiment qu’ils sont recevables à demander cette mise en conformité puisqu’il s’agit d’une mesure appropriée destinée à faire cesser le dommage ou le trouble illicite.
Sur ce, la cour
L’action des appelants est fondée sur les articles 544, 684 et 1240 du code civil en ce qu’ils invoquent subir un trouble anormal de voisinage tenant à l’évacuation des eaux usées de l’immeuble de M. [B] venant aux droits de Mme [F]-[P]-[Y], par leur propre réseau privatif d’assainissement et ce, au moyen d’un raccordement – qualifié d’illicite – à un regard installé sur le fonds voisin cadastré AK [Cadastre 7] appartenant à la SCI LCP, laquelle bénéficie, en tant que fonds dominant d’une servitude d’évacuation des eaux usées sur leur fonds servant cadastré AK [Cadastre 3].
Il résulte des pièces produites aux débats, notamment de l’acte de vente intervenu le 20 septembre 2014 entre M. [Z] [R], vendeur et Mme [D] [F]-[P]-[Y], acquéreur, que la parcelle cédée, cadastrée section AK n°[Cadastre 5] située au [Adresse 1], est issue de la division de la parcelle cadastrée AK n°[Cadastre 4], appartenant aux époux [N], lesquels, après avoir conservé la propriété de la parcelle AK n°[Cadastre 6] (devenue AK n°[Cadastre 7]), l’ont cédée en 2017 à la SCI LCP.
Il importe de relever que les époux [N] avaient régularisé avec leurs voisins, M. [S] et Mme [U], antérieurement à la vente précitée, un acte authentique en date du 16 novembre 2009, stipulant la constitution de servitudes réciproques sur leurs fonds respectifs. Ainsi, les parties ont convenu, en échange d’une création de servitude de passage sur la parcelle AK n°[Cadastre 6] (devenue AK n°[Cadastre 7]) appartenant aux époux [N] au bénéfice du fonds cadastré AK n°[Cadastre 3] de M. [S] et de Mme [U], de constituer une servitude d’évacuation des eaux usées sur le fonds de ces derniers, selon les modalités suivantes :
‘Le rez-de-chaussée de la partie de l’immeuble (…) désigné sous le terme ‘fonds dominant’ (…) appartenant à M. et Mme [N] étant situé en contrebas de la rue Faidherbe, ces derniers ont demandé à M. [S] et Mlle [U], l’autorisation d’établir sur le fonds leur appartenant désigné sous le terme le ‘fonds servant’, une canalisation de déversement des eaux usées découlant de leur propriété mais seulement en ce qu’elle concerne exclusivement le logement – studio – actuellement à usage locatif, pour rejoindre le réseau d’assainissement communal situé [Adresse 14].’
Au titre du règlement de servitude, les parties ont spécifié qu »aucun autre logement de ladite parcelle ne pourra être raccordé à ce réseau, ni même aucun nouveau bâtiment/construction. M. [S] et Mlle [U] ont construit un caniveau et autorisent dès à présent M. et Mme [N] de (sic) s’y raccorder ; lesquels caniveau et canalisation partant de la cour de l’immeuble de M. [S] et Mlle [U] et traversant en ligne droite le jardin de la propriété de ces derniers, pour aboutir au réseau d’assainissement communal se trouvant rue Gambetta. Ce caniveau est destiné à recevoir les eaux usées exclusivement des deux logements locatifs sus désignés appartenant à M. et Mme [N], à l’exclusion de tout autre. Les parties conviennent en outre qu’en cas de changement d’affectation desdits logements, il ne sera pas possible d’envisager le raccordement de nouvelles activités avec un rejet d’eaux usées autre que ‘domestique’, le réseau, les matériaux et le diamètre de la canalisation ne le permettant pas. Chacun des comparants s’engage expressément à conserver et à entretenir à perpétuité le caniveau et la canalisation se trouvant sur la propriété de M. [S] et Mlle'[U], de manière qu’il n’y ait jamais d’obstacle à l’écoulement normal de ces eaux. (…) Les parties rappellent en outre que les frais de création dudit réseau, mais uniquement en ce qui concerne la partie de ce réseau située sur la parcelle AK [Cadastre 3], sont à la charge exclusive du propriétaire du fonds servant et que les frais d’entretien dudit réseau seront à la charge par moitié des propriétaires du fonds servant et du fonds dominant (…) Tout aménagement de cette servitude ne pourra intervenir que d’un commun accord entre les propriétaires des deux fonds concernés’.
Il est établi par les pièces versées par les appelants et confirmé par les termes de la requête à fin de constat d’huissier déposée le 11 septembre 2019 par Mme [F]-[P]-[Y] auprès du Président du tribunal de grande instance du Mans, que cette dernière, propriétaire depuis le 29 septembre 2014, de la parcelle cadastrée AK n°[Cadastre 5], a fait procéder, le 18 avril 2017, au raccordement de son habitation, par l’intermédiaire du regard collecteur situé sur le bien cadastré AK n°[Cadastre 7] (anciennement numéroté [Cadastre 6]) des époux [N], au réseau privatif d’évacuation des eaux usées passant en tréfonds de la parcelle cadastrée AK n°[Cadastre 3] appartenant aux appelants.
Devant le juge de la mise en état, M. [B], venant aux droits de Mme'[F]-[P]-[Y] et demandeur à l’incident, a pu indiquer qu’il était actuellement branché sur les eaux usées et qu’il ne causerait aucun trouble anormal de voisinage, sans qu’il ait été précisé s’il s’agissait du réseau privatif des eaux usées des appelants donnant sur la rue Gambetta ou celui collectif d’assainissement donnant sur la rue Faidherbe.
Le débat qui sera soumis à l’examen du juge du fond porte sur la possibilité pour M. [B] de se servir de la servitude accordée par les appelants aux époux [N], pour évacuer les eaux usées de son fonds.
A cet égard, le titre de propriété de Mme [F]-[P]-[Y], en date du 29 septembre 2014, stipule que l’acquéreur bénéficie d’un droit de passage sur la parcelle cadastrée AK n°[Cadastre 6] (nouvellement AK n° [Cadastre 7]) appartenant aux époux [N] et ce, pour lui permettre d’accéder au bien acquis, lequel bien n’a aucun accès sur la voie publique. Au titre des servitudes, il est également mentionné ‘le vendeur déclare qu’une canalisation souterraine d’eaux pluviales traverse le bien cadastré sous la section AK numéro [Cadastre 5] ».
Au titre de l’assainissement, l’acte authentique prévoit : ‘le vendeur déclare que l’immeuble n’est pas desservi par le réseau d’assainissement et qu’il n’utilise pas un assainissement individuel. Il est précisé que lorsque l’immeuble est situé dans une zone où il n’existe pas de réseau d’assainissement collectif, il doit être doté d’une installation d’assainissement non collectif dont le propriétaire fait régulièrement assurer l’entretien et la vidange par une personne agréée par le représentant de l’État dans le département afin d’en garantir le bon fonctionnement. Le système d’écoulement des eaux pluviales doit être distinct de l’installation d’évacuation des eaux usées, étant précisé que le régime d’évacuation des eaux pluviales est fixé par le règlement sanitaire départemental. L’évacuation des eaux pluviales doit être assurée et maîtrisée en permanence, elles ne doivent pas être versées sur les fonds voisins et la voie publique. (…) L’acquéreur reconnaît en être parfaitement informé et en faire son affaire personnelle, sans recours contre le vendeur ni contre le notaire.’
De l’ensemble, il résulte que, contrairement à ce qui a été retenu par le juge de la mise en état, les appelants ne sollicitent pas une intervention de M. [B] sur le regard collecteur situé sur la parcelle AK n°[Cadastre 7] appartenant à la SCI LCP et sur laquelle il bénéficie d’une servitude de passage. Les appelants entendent que M. [B] agisse à partir de son propre fonds, cadastré AK n°[Cadastre 5], pour retirer le ‘raccordement sauvage’ qui lui permettrait de bénéficier, en dehors de tout cadre légal ou conventionnel, de la servitude d’évacuation des eaux usées accordée à la SCI LCP sur leur fonds.
Dans la mesure où les appelants sont propriétaires du fonds servant où s’exerce ladite servitude et qu’ils discutent le droit de M. [B] de bénéficier de celle-ci, ils ont qualité pour agir aux fins de ‘faire cesser toute circulation d’eaux usées en cheminant par [leur] propriété’ et de ‘le condamner à supprimer de manière définitive tout branchement à la canalisation de déversement des eaux usées installée sur la parcelle section AK n° [Cadastre 7], elle-même raccordée à [leur] réseau privatif’.
S’agissant de la demande tendant à obtenir la condamnation de M. [B] à exécuter ou faire exécuter tous travaux nécessaires pour assurer le branchement des eaux usées, rejetées par son habitation, au réseau d’assainissement collectif public dédié, sur la [Adresse 13], les appelants ont également qualité pour agir à ce titre, sans que puisse leur être opposée une substitution à l’autorité administrative, dès lors qu’il y a lieu pour eux de faire cesser définitivement le trouble de voisinage qu’ils invoquent.
En conséquence, il convient de rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir opposée aux appelants par M. [B].
L’ordonnance déférée sera réformée en ce sens.
– à l’encontre de M. [R]
Pour retenir le défaut de qualité à agir des demandeurs à l’encontre de M.'[R], le juge de la mise en état a considéré que l’action envers M. [B] étant irrecevable, celle engagée à l’encontre de l’architecte de la SCI LCP (sic), assigné en intervention forcée, l’est également sur ces chefs de demande.
Aux termes de leurs uniques écritures, les appelants exposent que l’intimé constitué engage sa responsabilité en ce qu’il a participé à un projet de construction dans la suite d’une vente faite par son frère, en réalisant l’esquisse d’un projet contraire au code de la santé publique, en vue de faciliter cette vente. Ils indiquent que l’intimé s’est engagé à prendre à sa charge les travaux nécessaires pour raccorder l’habitation de Mme [P], maintenant M. [B], au réseau public des eaux usées sur la rue Faidherbe. Ils relèvent que les engagements pris par l’architecte, à leur égard, recoupent les demandes dont il fait l’objet puisque le but est identique, à savoir faire cesser l’arrivée des eaux usées de l’immeuble [B] sur leur fonds. Les appelants observent que M.'[B] n’avait pas qualité pour soulever pour un co-défendeur, alors défaillant, une quelconque fin de non-recevoir et ce en outre dès lors que les demandes étaient portées directement contre M. [R], par voie de conclusions ce qui crée un lien d’instance entre ce dernier et eux-mêmes, indépendamment du fait qu’il ait été assigné à l’origine en intervention forcée par M. [B].
Sur ce, la cour
M. [R] ayant été appelé en garantie par M. [B], suivant acte d’huissier du 11 mars 2021 et cette procédure ayant été jointe avec l’action des appelants initiée par assignation du 8 juillet 2020, il convient de se rapporter aux demandes formées par ces derniers, aux termes de leurs conclusions au fond, à savoir la condamnation de M. [C] [B] aux droits de Mme [D] [F]-[P]-[Y], avec M. [T] [R], à faire cesser toute circulation d’eaux usées en cheminant par leur propriété, la condamnation des mêmes à supprimer de manière définitive tout branchement à la canalisation de déversement des eaux usées installée sur la parcelle section AK n° [Cadastre 7], elle-même raccordée à leur réseau privatif, la condamnation des mêmes à exécuter
et/ou faire exécuter tous travaux nécessaires pour assurer le branchement des eaux usées, rejetées par l’habitation anciennement de Mme [P], aux droits de qui vient M. [C] [B], au réseau d’assainissement collectif public dédié, sur la rue Faidherbe, à la Ferté-Bernard, la condamnation de M. [R] ainsi qu’il s’y est engagé à supporter les coûts des travaux de raccordement de l’habitation passée propriété de M. [C] [B] aux droits de Mme [P] jusqu’au réseau public d’assainissement de la rue Faidherbe, la condamnation solidaire et à défaut in solidum des époux [N], de la SCI LCP ainsi que M. [R] à rétablir les ouvrages d’assainissement leur permettant l’exercice de la servitude d’écoulement leur ayant été strictement consentie dans l’état antérieur au branchement sauvage fait par Mme [F]-[P]-[Y], sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé un délai de trente jours suivant le jugement à intervenir, sauf à ce que le nécessaire ait été fait dans le délai donné par M. [B] ou par M. [R] directement.
Ainsi, M. [S] et Mme [U] ont formé des demandes personnelles à l’encontre de M. [R], initialement appelé en intervention forcée par M.'[B].
Il résulte des pièces produites aux débats et plus particulièrement d’un courrier daté du 10 septembre 2020, rédigé par M. [R], que ce dernier a, en sa qualité d’architecte, travaillé pour le compte de Mme [F]-[P]-[Y] et notamment réalisé les plans annexés au dossier de permis de construire déposé en 2014. M. [R] reconnaît avoir commis ‘une très grossière erreur’ en dessinant le cheminement des eaux usées de la maison d’habitation de sa cliente, se raccordant sur le réseau privatif [N] (parcelle AK n°[Cadastre 7]) et se poursuivant sur celui de la propriété [S]-[U] (parcelle AK n°[Cadastre 3]).
L’intimé constitué s’engage, dans son courrier du 10 septembre 2020 adressé aux appelants, ‘conformément aux engagements officiels écrits (…) pris devant [ses] confrères du conseil régional de l’ordre des architectes’ à intervenir pour ‘corriger définitivement toutes les conséquences négatives et néfastes’ de son erreur professionnelle en dessinant un nouveau réseau d’eaux usées conforme, cheminant de la propriété de Mme [P] pour aller se raccorder au regard du branchement disponible sur la rue Faidherbe. L’architecte indique également qu’il prendra à sa charge l’ensemble des coûts des travaux nécessaires permettant de raccorder l’habitation de Mme [P] (parcelle AK n°[Cadastre 5]) au réseau public des eaux usées de la rue Faidherbe, en ce compris la pompe de relevage/refoulement des eaux usées.
Au regard de la mission qui a été confiée à l’architecte par Mme [F]-[P]-[Y] et des précisions qu’il a pu apporter, s’agissant des modalités d’évacuation des eaux usées du fonds appartenant désormais à M. [B], dans son courrier adressé aux appelants, il n’est pas discutable que ces derniers ont qualité à agir contre lui et à former des demandes tendant à ce qu’il répare un dommage auquel il aurait participé. La circonstance que cet intimé soit ou non en capacité de réaliser les actions demandées par les appelants en vue de faire cesser leur trouble, est indifférent au stade de l’examen de la recevabilité et relève de la compétence du juge du fond.
Il s’ensuit que l’ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu’elle a déclaré irrecevables M. [S] et Mme [U], pour défaut de qualité à agir, s’agissant de leur action diligentée à l’encontre de M. [R].
II- Sur les frais irrépétibles et les dépens
L’ordonnance entreprise sera infirmée en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et M. [B] sera condamné à payer aux appelants la somme globale de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.
Les dépens d’appel seront mis à la charge de M. [B], partie succombant majoritairement.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe,
DECLARE irrecevables les conclusions et pièces de M. [T] [R] signifiées le 13 juin 2023,
INFIRME l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire du Mans du 20 octobre 2022,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
REJETTE les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité à agir opposées à M. [K] [S] et Mme [A] [U] s’agissant de leurs demandes formées à l’encontre de M. [C] [B] et de M. [T] [R],
DECLARE le présent arrêt commun à M. [C] [N], Mme [W] [N] et à la SCI LCP,
CONDAMNE M. [C] [B] à payer à M. [K] [S] et Mme [A] [U] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, à raison des frais irrépétibles de première instance et d’appel,
CONDAMNE M. [C] [B] aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE P/LA PRESIDENTE empêchée
F. GNAKALE I. GANDAIS