Responsabilité contractuelle du constructeur: forclusion et faute dolosive

Notez ce point juridique

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Motifs :

A titre liminaire, il doit être observé que le constructeur est identifié sous différentes dénominations, que seule sera retenue celle mentionnée dans ses écritures, soit la SASU M.C dont l’immatriculation RCS 431 584 754 correspond à celle portée sur les conditions particulières du contrat de construction.

Sur la saisine de la cour :

En application de l’article 901 du code de procédure civile, la déclaration d’appel est faite par acte, comportant, le cas échéant une annexe, contenant outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, à peine de nullité selon le 4°, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Cette rédaction est issue du décret 2022-245 du 25 février 2022 qui a modifié l’article 901-4° du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable à la date de la déclaration d’appel de M. [X] et de son assureur en novembre 2021. A cette date, cet article prévoyait en effet que la déclaration d’appel était faite par un acte contenant à peine de nullité, les chefs expressément critiqués auxquels l’appel était limité sauf si l’appel tendait à l’annulation du jugement ou si son objet était indivisible. Le décret du 25 février 2022 y a ajouté après la mots « faite par un acte » les mots « comportant le cas échéant une annexe ». Son article 6 précise que cette disposition est applicable aux instances en cours, donc aux instances introduites par des actes d’appel qui lui sont nécessairement antérieurs, ce qui était le cas de la présente instance.

Il s’en déduit que la déclaration d’appel de M. [X] et de son assureur, à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués et qui renvoie à cette annexe constitue un acte d’appel conforme aux exigences de l’article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction et ce, même en l’absence d’empêchement technique. Par ailleurs, la communication de l’ensemble des documents (déclaration et annexe) apparaît bien dans le système électronique de gestion de la procédure. La cour est donc valablement saisie des chefs du jugement critiqués.

Sur la recevabilité de l’action contre la SASU M.C :

M. [X] et la société Groupama invoquent la responsabilité contractuelle et subsidiairement délictuelle du constructeur. Toutefois ainsi que le rappelle la société CAMCA, l’indemnisation demandée se rapporte à des dommages en lien avec l’exécution du contrat de construction conclu entre M. [X] et la société M.C, de sorte qu’en vertu du principe du non cumul des responsabilités, le constructeur ne peut être recherché au titre de sa responsabilité délictuelle.

L’action tendant à engager la responsabilité contractuelle du constructeur, à l’instar de celle recherchant sa responsabilité décennale doit être engagée par le maître de l’ouvrage dans le délai de forclusion de dix ans à compter de la réception de l’ouvrage conformément aux articles 1792-4-1 et 1792-4-3 du code civil.

En l’espèce, la réception de la maison est intervenue le 7 janvier 2009, de sorte que l’action en responsabilité contractuelle de M. [X] devait être engagée au plus tard le 7 janvier 2019. Ce délai n’a pas été utilement interrompu. En conséquence l’action sur ce fondement est forclose.

Cependant, nonobstant la forclusion décennale, une action contractuelle peut être engagée contre le constructeur à raison d’une faute dolosive, action soumise à la prescription de droit commun de l’article 2224 du code civil.

Selon cet article, l’action se prescrit à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

En l’espèce, le point de départ du délai d’action de M. [X] et de son assureur se situe à la date à laquelle ils ont eu connaissance des faits pert

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

4ème Chambre

ARRÊT N° 94

N° RG 21/07443

N°Portalis DBVL-V-B7F-SH6E

BD / FB

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 30 MARS 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère, désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d’Appel de Rennes en date du 31 janvier 2023

GREFFIER :

Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 02 Février 2023

devant Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE et Madame Nathalie MALARDEL, magistrates tenant seules l’audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties et qui ont rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 30 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [U] [X]

né le 11 Septembre 1974 à [Localité 8]

[Adresse 6]

[Localité 9]

Représenté par Me Caroline DUSSUD de la SCP LARMIER – TROMEUR-DUSSUD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

GROUPAMA LOIRE BRETAGNE – Caisse Régionale d’Assurances Mutuelles Agricoles Bretagne-Pays de Loire

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Caroline DUSSUD de la SCP LARMIER – TROMEUR-DUSSUD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

INTIMÉES :

S.A.S.U. M. C.

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Maud MULOT de la SELARL SELARL MAUD MULOT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

Mutualité CAMCA

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée par Me Thomas NAUDIN de la SELARL ARVOR AVOCATS ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Exposé du litige :

Suivant contrat en date du 13 mars 2007, M. [U] [X] a confié à la SASU M.C ( RCS 431584754) la construction d’une maison individuelle à [Localité 9].

Les travaux ont été réceptionnés selon procès-verbal du 7 janvier 2009.

Courant juin 2016, un dégât des eaux s’est produit au domicile de M. [X] entraînant divers désordres.

A l’initiative de son assureur habitation, la société Groupama Loire Bretagne, une expertise amiable a été diligentée à laquelle ont été appelés le constructeur et son assureur. Les travaux ont été évalués sur la base du rapport de la société Elex à 4214,81€. Un règlement a été effectué par l’assureur à hauteur de 1848,81€ outre 408€ montant de la facture de recherche de fuite.

Par acte d’huissier en date du 2 février 2021, M. [X] et la société Groupama ont fait assigner le constructeur et la société CAMCA son assureur devant le tribunal judiciaire de Quimper en indemnisation.

Par un jugement en date du 11 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Quimper a :

– déclaré irrecevables les demandes formées contre la CAMCA ;

– déclaré recevable l’action engagée le 2 février 2021 contre la société Maison Cariou ;

– déclaré l’expertise amiable du cabinet Elex en date du 5 avril 2017 inopposable à la société Maison Cariou ;

– débouté M. [X] et la société CRAMA Bretagne-Pays de Loire de l’ensemble de leurs demandes ;

– condamné solidairement M. [X] et la CRAMA Bretagne-Pays de Loire à verser 1 500 euros à la société CAMCA et 1 500 euros à la société Maison Cariou par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné solidairement M. [X] et CRAMA Bretagne-Pays de Loire aux dépens ;

-rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

M. [X] et la société Groupama Loire-Bretagne ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 29 novembre 2021 intimant la société Maisons Clés d’Or et la société CAMCA.

Dans leurs dernières conclusions transmises le 12 mai 2022, M. [X] et la société Groupama Loire Bretagne au visa des articles 1231-1 et suivants et 1240 et suivants du code civil, demandent à la cour de :

– réformer le jugement en toutes ses dispositions,

Et statuant de nouveau,

– condamner la SASU Maisons Clé d’Or et son assureur CAMCA solidairement à payer à M. [X] la somme de 1 958 euros ;

– condamner la SASU Maisons Clé d’Or et son assureur CAMCA solidairement à payer à la société Groupama la somme de 2 256,81 euros ;

– condamner la SASU Maisons Clé d’Or et son assureur CAMCA solidairement à payer une somme de 1 000 euros à titre de préjudice moral à M. [X] ;

– condamner la SASU Maisons Clé d’Or et son assureur CAMCA solidairement à payer une somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive à M. [X] ;

– débouter la SASU Maisons Clé d’Or et la société CAMCA de toutes leurs demandes, fins et conclusions, plus amples et contraire ;

– condamner la SASU Maisons Clé d’Or et son assureur CAMCA solidairement à verser à M. [X] une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner les mêmes sur la même solidarité en tous les dépens.

Les appelants soutiennent que le constructeur ne peut invoquer une absence d’effet dévolutif de l’appel, ni indiquer ne pas avoir reçu l’annexe de la déclaration d’appel contenant les chefs du jugement critiqués alors que ce document a été transmis avec la déclaration d’appel par voie électronique et que la déclaration d’appel y renvoyait. Elle ajoute que si la jurisprudence est venue restreindre la possibilité de joindre une annexe à la déclaration d’appel au cas où les 4080 prévus pour indiquer les chefs du jugement critiqués seraient atteints, elle n’est pas applicable à l’espèce puisque la déclaration d’appel lui est antérieure.

A titre principal, M. [X] et son assureur font observer que les désordres constatés par la société Elex, expert missionné par Groupama, à savoir un défaut de calage de la baignoire et des non conformités de pose à l’origine d’infiltrations d’eau dans les murs sont de nature à engager la responsabilité contractuelle du constructeur ; que ces manquements qui sont établis par le rapport d’expertise amiable et les attestations de MM [S] et [M] caractérisent une faute dolosive de celui-ci, même si aucune intention de nuire n’est établie.

A titre subsidiaire, les appelants invoquent la responsabilité délictuelle de la SASU M C compte tenu des conclusions de l’expertise amiable qui ont été communiquées aux intimés et qu’ils ont été en mesure de discuter.

Ils soutiennent que ne peut leur être opposée la prescription de l’action tant sur un fondement contractuel que délictuel, que le point de départ du délai de 5 ans prévu par l’article 2224 du code civil pour agir se situe à la date à laquelle les conclusions du rapport ont été déposées soit le 5 avril 2017.

La société Groupama ajoute qu’elle dispose d’une action subrogatoire contre le constructeur et son assureur à hauteur des sommes versées soit 2256,81€.

M. [X] s’estime fondé à obtenir l’indemnisation d’un préjudice lié à la privation d’utilisation normale de la seule salle de bains de la maison afin de ne pas accentuer les désordres et considère abusive la résistance de la société MC.

Dans ses dernières conclusions transmises le 18 avril 2022, la SASU M.C. demande à la cour de :

A titre liminaire,

– constater l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel de M. [X] et de la Compagnie Groupama Bretagne-Pays de Loire en date du 29 novembre 2021, faute de mention dans la déclaration, des chefs de jugement critiqués ;

– débouter la société Groupama et M. [X] de l’ensemble de leur demandes, fins et conclusions ;

– confirmer le jugement entrepris en toute ses dispositions ;

A titre principal,

– juger que l’action contractuelle et quasi délictuelle de la société Groupama Loire Bretagne et de M. [X] est irrecevable car prescrite ;

– débouter la compagnie Groupama Loire Bretagne et M. [X] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

– confirmer le jugement entrepris ;

A titre subsidiaire,

– juger que les demandeurs n’apportent pas la preuve de la responsabilité de la SASU M. C. en se fondant uniquement sur un rapport amiable ;

– débouter la société Groupama Loire-Bretagne et M. [X] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

– confirmer le jugement entrepris en toute ses dispositions ;

A titre infiniment subsidiaire,

– condamner la CAMCA à la garantir des condamnations qui pourraient intervenir à son encontre ;

En tout état de cause,

– condamner la Compagnie Groupama Loire Bretagne et M. [X] aux entiers dépens de l’instance et à lui payer la somme de 5 000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

A titre liminaire, la société soutient qu’en application de l’article 901-4° du code de procédure civile, la déclaration d’appel qui ne comporte pas mention des chefs du jugement critiqué n’a aucun effet dévolutif, de sorte que la cour n’est saisie d’aucun litige et ne peut confirmer le juge sans outrepasser ses pouvoirs.

A titre principal, l’intimée rappelle que l’assignation qui lui a été délivrée le 2 février 2021 visait uniquement l’article 1240 du code civil et donc sa responsabilité délictuelle, que seules les conclusions du 28 juin suivant ont invoqué sa responsabilité contractuelle. Elle estime que le délai de prescription de l’action à son encontre ne peut être la date de dépôt du rapport d’expertise amiable comme l’a considéré le tribunal, soit le 5 avril 2017, puisque ce rapport lui est inopposable et ne peut permettre de reporter le point de départ de l’action. Elle estime que l’action contractuelle aurait dû être engagée à son encontre au plus tard le 5 avril 2021 et est prescrite ; que l’action délictuelle l’est également puisque le dommage s’est produit en juin 2016.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur doit être engagée dans les 10 ans de la réception, qu’aucune assignation interruptive de forclusion ou de prescription n’est intervenue dans ce délai.

S’agissant des manquements qui lui sont reprochés, elle soutient que le rapport d’expertise amiable lui est inopposable n’étant pas contradictoire, qu’il n’est pas corroboré par les deux attestations d’artisan versées aux débats, témoignages qui ne présentent pas les garanties exigées par l’article 202 du code de procédure civile, puisqu’ils ne sont pas accompagnés de documents d’identité. Elle ajoute qu’ils sont imprécis sur les défauts d’exécution et les dégâts.

La société demande en cas de condamnation la garantie de la société CAMCA en qualité d’assureur décennal.

Elle conteste la résistance abusive qui lui est imputée s’estimant fondée à discuter l’argumentation de M. [X] et de son assureur et estime que le préjudice moral n’est pas démontré .

Dans ses dernières conclusions en date du 15 juillet 2022, la société CAMCA demande à la cour de :

A titre principal,

– constater l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel régularisée par M. [X] et la société Groupama ;

A titre subsidiaire,

– réformer le jugement en ce qu’il a déclaré recevable l’action engagée le 2 février 2021 contre la société Maison Cariou ;

Statuant à nouveau,

– prononcer l’irrecevabilité de l’action initiée par M. [X] et la société Groupama en raison de l’acquisition de la prescription ou de la forclusion décennale ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

* déclaré irrecevables les demandes formées contre la CAMCA ;

* déclaré l’expertise amiable du cabinet Elex en date du 5 avril 2017 inopposable à la société Maison Cariou ;

* débouté M. [X] et la société Groupama Loire-Bretagne de l’ensemble de leurs demandes

* condamné solidairement M. [X] et la société Groupama Loire-Bretagne à verser 1500 euros à la société CAMCA et 1 500 euros à la société Maison Cariou par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

* condamné solidairement M. [X] et la société Groupama Loire-Bretagne aux dépens ;

A titre infiniment subsidiaire,

– débouter la société Maison Clés d’or de sa demande de garantie à son encontre ;

A défaut,

– dire et juger que la société CAMCA ne pourra être condamnée au-delà des limites de garantie et de franchise prévue par le contrat d’assurance ;

– dire et juger qu’aucune condamnation solidaire ne pourra être prononcée à l’encontre de CAMCA ;

En tout état de cause,

-condamner in solidum M. [X] et la société CRAMA à verser à la société CAMCA la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

-condamner in solidum M. [X] et la société CRAMA aux entiers dépens.

A titre principal, la société CAMCA rejoint l’argumentation de la société M.C s’agissant de l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel . Elle soutient que selon la jurisprudence la possibilité de compléter la déclaration d’appel par une annexe est réservée à l’hypothèse dans laquelle l’énonciation des chefs de jugement critiqués n’était pas possible dans la seule déclaration d’appel du fait de l’insertion limitée de 4080 caractères. Elle estime que la modification de l’arrêté du 20 mai 2020 introduite par le décret du 25 février 2022 est sans effet sur cette situation, l’annexe ne pouvant suppléer la déclaration d’appel, mais seulement la compléter.

Subsidiairement, la société demande la réformation partielle du jugement en ce qu’elle a déclaré l’action recevable sur le fondement de l’article 1240 du code civil.

Elle rappelle que M. [X] était lié par un contrat avec le constructeur et ne peut donc poursuivre sa responsabilité délictuelle de ce dernier en raison de l’interdiction du cumul des régimes de responsabilités. Elle ajoute que la responsabilité contractuelle de la société est régie par l’article 1792-4-3 du code civil qui prévoit que l’action doit être engagée dans les 10 ans de la réception, sous peine de forclusion, qu’en l’espèce toute action découlant du contrat au delà du 7 janvier 2019 est prescrite ; qu’il en serait de même d’une action fondée sur la responsabilité décennale du constructeur.

Elle demande la confirmation du jugement pour le surplus. Elle soutient que les demandes à son encontre sont irrecevables puisqu’elle n’est pas l’assureur de la SASU M.C qui est une société luxembourgeoise, entité différente et indépendante d’elle-même.

Elle ajoute que le rapport d’expertise amiable ne peut permettre de fonder une condamnation et conteste que ce document soit corroboré par d’autres éléments. Elle estime sur ce point que le rapport de recherche de fuite fait partie intégrante de l’expertise amiable et que les attestations produites devant la cour sont dépourvues de valeur probante.

S’agissant de l’allégation d’une faute dolosive du constructeur, elle soutient que les conditions pour voir reconnaître une telle faute ne sont pas réunies à défaut de preuve d’une volonté consciente et délibérée de la société de méconnaître ses obligations contractuelles par dissimilation ou fraude.

Elle objecte que le contrat d’assurance avec la société Luxembourgeoise a été résilié fin 2010 que la garantie responsabilité civile ne pourrait être mobilisée pour un dommage survenu en 2016 et qu’en tout état de cause, l’assureur ne garantit pas les dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive.

L’instruction a été clôturée le 3 janvier 2023.

Motifs :

A titre liminaire, il doit être observé que le constructeur est identifié sous différentes dénominations, que seule sera retenue celle mentionnée dans ses écritures, soit la SASU M.C dont l’immatriculation RCS 431 584 754 correspond à celle portée sur les conditions particulières du contrat de construction.

– Sur la saisine de la cour :

En application de l’article 901 du code de procédure civile, la déclaration d’appel est faite par acte, comportant, le cas échéant une annexe, contenant outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, à peine de nullité selon le 4°, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Cette rédaction est issue du décret 2022-245 du 25 février 2022 qui a modifié l’article 901-4° du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable à la date de la déclaration d’appel de M. [X] et de son assureur en novembre 2021. A cette date, cet article prévoyait en effet que la déclaration d’appel était faite par un acte contenant à peine de nullité, les chefs expressément critiqués auxquels l’appel était limité sauf si l’appel tendait à l’annulation du jugement ou si son objet était indivisible. Le décret du 25 février 2022 y a ajouté après la mots « faite par un acte » les mots « comportant le cas échéant une annexe ». Son article 6 précise que cette disposition est applicable aux instances en cours, donc aux instances introduites par des actes d’appel qui lui sont nécessairement antérieurs, ce qui était le cas de la présente instance.

Il s’en déduit que la déclaration d’appel de M. [X] et de son assureur, à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués et qui renvoie à cette annexe constitue un acte d’appel conforme aux exigences de l’article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction et ce, même en l’absence d’empêchement technique. Par ailleurs, la communication de l’ensemble des documents (déclaration et annexe) apparaît bien dans le système électronique de gestion de la procédure. La cour est donc valablement saisie des chefs du jugement critiqués.

-Sur la recevabilité de l’action contre la SASU M.C :

M. [X] et la société Groupama invoquent la responsabilité contractuelle et subsidiairement délictuelle du constructeur. Toutefois ainsi que le rappelle la société CAMCA, l’indemnisation demandée se rapporte à des dommages en lien avec l’exécution du contrat de construction conclu entre M. [X] et la société M.C, de sorte qu’en vertu du principe du non cumul des responsabilités, le constructeur ne peut être recherché au titre de sa responsabilité délictuelle.

L’action tendant à engager la responsabilité contractuelle du constructeur, à l’instar de celle recherchant sa responsabilité décennale doit être engagée par le maître de l’ouvrage dans le délai de forclusion de dix ans à compter de la réception de l’ouvrage conformément aux articles 1792-4-1 et 1792-4-3 du code civil.

En l’espèce, la réception de la maison est intervenue le 7 janvier 2009, de sorte que l’action en responsabilité contractuelle de M. [X] devait être engagée au plus tard le 7 janvier 2019. Ce délai n’a pas été utilement interrompu. En conséquence l’action sur ce fondement est forclose.

Cependant, nonobstant la forclusion décennale, une action contractuelle peut être engagée contre le constructeur à raison d’une faute dolosive, action soumise à la prescription de droit commun de l’article 2224 du code civil.

Selon cet article, l’action se prescrit à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

En l’espèce, le point de départ du délai d’action de M. [X] et de son assureur se situe à la date à laquelle ils ont eu connaissance des faits pertinents leur permettant d’agir, soit à la date de la découverte des malfaçons à l’origine de l’humidité dans les murs et donc au plus tôt à la date de la visite de la maison le 27 mars 2017 lors de l’expertise amiable organisée par l’assureur. La circonstance que cette expertise n’ait pas été contradictoire à l’égard du constructeur, étant observé qu’il y a été convoqué, est indifférente. En effet, le point de départ du délai de prescription s’apprécie en la seule personne du titulaire de l’action et implique de déterminer le fait lui permettant de savoir qu’il pouvait agir. L’absence de caractère contradictoire d’un rapport amiable n’a de conséquence que sur la possibilité de l’utiliser pour obtenir une indemnisation dès lors qu’il n’est corroboré par aucune autre pièce, ce qui ne concerne pas la recevabilité de l’action, mais le fond du litige.

M. [X] et son assureur ont assigné la SASU M. C et la société CAMCA pour engager la responsabilité de la première le 2 février 2021, puis recherché expressément sa responsabilité contractuelle par conclusions du 28 juin 2021, soit avant l’expiration du délai de cinq ans, le 27 mars 2022. Le jugement qui a déclaré cette action recevable est confirmé.

Sur la responsabilité de la société M.C :

Le constructeur est contractuellement tenu à l’égard du maître de l’ouvrage de sa faute dolosive, lorsque de propos délibéré, même sans intention de nuire, il viole par dissimulation ou fraude ses obligations contractuelles.

Pour établir cette faute, M. [X] et Groupama se prévalent du rapport d’expertise amiable établi à la demande de l’assureur le 5 avril 2017, qui indique en se fondant sur le rapport de recherche de fuite dressé par la société Lead en août 2016, que le désordre trouve son origine dans un défaut de calage de la baignoire et dans des non conformités de la pose de cet équipement.

Comme le relève la société CAMCA, le rapport de recherche de fuite fait partie intégrante du rapport d’expertise amiable. Les deux attestations des artisans, plombier et peintre, ne fournissent, notamment celle du plombier, aucune indication précise sur les défauts d’exécution affectant la pose de la baignoire à l’origine des infiltrations dans les murs. Ces éléments ne peuvent donc corroborer utilement les constatations du rapport amiable.

En outre, le seul constat du non-respect de règles de l’art ou de documents et normes techniques ne peut suffire à caractériser une volonté délibérée du constructeur de méconnaître ses obligations contractuelles par dissimulation, ce d’autant qu’en raison du cadre juridique de l’opération de construction en cause, la société M.C n’ a pas exécuté personnellement les travaux relevant du lot plomberie-sanitaires, ce qui ne fait pas débat.

En conséquence, les demandes de M. [X] et de la société Groupama ne peuvent être accueillies. Le jugement est confirmé.

-Sur la demande contre la société CAMCA :

Le jugement en ce qu’il a déclaré la demande contre la société CAMCA irrecevable est confirmé. L’attestation produite concerne en effet une société Luxembourgeoise entité distincte de la société Française intimée et se rapporte à la responsabilité décennale du constructeur qui ne peut être engagée en raison du dépassement du délai d’épreuve de 10 ans.

-Sur les demandes annexes :

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont confirmées sauf à préciser que la condamnation est prononcée in solidum et non solidairement.

M.[X] et la société Groupama Loire Bretagne seront condamnés in solidum à verser à la SASU M.C ainsi qu’à la société CAMCA une indemnité de 1500€ au titre des frais irrépétibles d’appel. Elles seront condamnées in solidum aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure d’appel.

Par ces motifs :

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement,

Déclare la cour régulièrement saisie par la déclaration d’appel et l’annexe du 29 novembre 2021 des chefs du jugement critiqués,

Confirme le jugement sauf à préciser que les condamnations de M. [X] et de la société Groupama Loire-Bretagne sont prononcées in solidum,

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [X] et la société Groupama Loire-Bretagne à verser tant à la SASU M.C qu’à la société CAMCA une indemnité de 1500€ au titre des frais irrépétibles d’appel,

Les condamne in solidum aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

 

 

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