Responsabilité avocat: faute et causalité

Notez ce point juridique

Sur les limites de l’appel et à titre liminaire

Le jugement a été confirmé en ce qu’il a déclaré recevables les demandes des sociétés GDP Vendome et GDP Vendome Immobilier à l’encontre de Me [M] et a rejeté les demandes à son encontre et à l’encontre de son assureur, Me [M] n’ayant pas été intimé. La cour rappelle que les parties doivent énoncer leurs prétentions dans le dispositif de leurs conclusions et que la cour ne statue que sur celles-ci.

Sur les demandes à l’encontre de Me [D] et de ses assureurs

La cour a confirmé le jugement en rejetant la demande de mise hors de cause de Me [D]. Chaque associé membre d’une société d’exercice libéral répond sur son patrimoine des actes professionnels qu’il accomplit, selon l’article 16 de la loi n°90-1258 du 31 décembre 1990.

Sur la prescription de l’action en responsabilité

La cour a confirmé le jugement en retenant que l’action engagée à l’encontre de Me [D] n’était pas prescrite. Le point de départ de la prescription a été fixé à la date de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Lyon le 3 juillet 2014.

Sur les fautes reprochées à Me [D]

La cour a infirmé le jugement en reconnaissant que Me [D] avait commis une faute en donnant une publicité excessive à l’assignation. En tant que professionnelle du droit, elle aurait dû faire preuve de prudence et de modération.

Sur les demandes présentées à l’encontre de Me [V] et de Me [P]

La cour a confirmé le jugement en retenant une faute à l’encontre de Me [P] pour ne pas avoir conclu dans les délais légaux. Une faute a également été retenue à l’encontre de Me [V] pour ne pas avoir averti en temps utile les sociétés Vendome de la défaillance de Me [P].

Sur le préjudice et le lien de causalité

Les demandes indemnitaires des sociétés GDP Vendome ont été rejetées, la cour estimant qu’elles n’avaient pas démontré avoir perdu une chance d’obtenir le succès de leurs prétentions. Les fautes de Me [P] et Me [V] ont également été confirmées.

Sur les demandes accessoires

La cour a infirmé le jugement en condamnant les sociétés GDP Vendome à verser à Me [D] et ses assureurs la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Les sociétés GDP Vendome supporteront les dépens d’appel.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

7 mars 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n° 20/03110

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 63B

DU 07 MARS 2023

N° RG 20/03110

N° Portalis DBV3-V-B7E-T5ZS

AFFAIRE :

Société GDP VENDOME

Société GDP VENDOME IMMOBILIER

C/

[R] [D]

et autres…

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Mars 2020 par le Tribunal Judiciaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 16/14629

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-l’AARPI JRF AVOCATS,

-la SELARL SILLARD CORDIER & ASSOCIÉS,

-la SCP BOULAN KOERFER PERRAULT,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Société GDP VENDOME

agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

[Adresse 8]

[Localité 12]

Société GDP VENDOME IMMOBILIER venant aux droits de GDP VENDOME PROMOTION

agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social,

[Adresse 8]

[Localité 11]

représentées par Me Oriane DONTOT de l’AARPI JRF AVOCATS, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617

Me Arnaud GINOUX de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : R050

APPELANTES

****************

Madame [R] [D]

née le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 16] (MAROC)

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 13]

Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

N° SIRET : 775 65 2 1 26

[Adresse 3]

[Localité 10]

représentées par Me Marion CORDIER de la SELARL SILLARD CORDIER & ASSOCIÉS, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 189 – N° du dossier S200182

Me Jean-michel HOCQUARD, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : P0087

Madame [T] [V]

née le [Date naissance 4] 1975 à [Localité 15] (ESPAGNE)

de nationalité Française

[Adresse 14]

[Localité 7]

Compagnie d’assurance MMA IARD

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

N° SIRET : 440 048 482

[Adresse 3]

[Localité 10]

Compagnie d’assurance MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

N° SIRET : 775 650 226

[Adresse 3]

[Localité 10]

représentées par Me Nicolas PERRAULT de la SCP BOULAN KOERFER PERRAULT, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 31 – N° du dossier 20185133

Me Maïté ROCHE, Plaidant, avocat – barreau de LYON, vestiaire : 539

Maître [W], [X], [I] [P]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 18]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 9]

représentée par Me Hervé KEROUREDAN, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 40

Me Charlotte POIVRE substituant Me Catherine EGRET de la SELAS PORCHER & ASSOCIES, avocat – barreau de PARIS

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 09 Janvier 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente et Madame Pascale CARIOU, Conseiller chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

FAITS ET PROCÉDURE

Le groupe GDP Vendome a pour objet la commercialisation, le conseil, la promotion et la gestion d’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Il a notamment pour filiales les sociétés GDP Vendome et GDP Vendome immobilier (anciennement GDP Vendome promotion).

Courant 2007, le groupe GDP Vendome a sollicité l’intervention de Mme [D], avocate au Barreau de Paris, et de M. [M], notaire, afin de procéder à l’acquisition d’un ensemble de bâtiments à usage d’établissement de soins et de maison de retraite situé à [Localité 17] dans l’Ain comprenant un immeuble, appartenant à la SCI Villa Regina, et un fonds de commerce, appartenant à la société Les Valériannes.

Le 8 mars 2007, deux actes sous seing privé ont été conclus, à savoir :

– une promesse synallagmatique de cession de fonds de commerce sous conditions suspensives, moyennant le prix de 380 000 euros entre l’acquéreur la société GDP Vendome Promotion et le vendeur la société Les Valériannes ;

– un compromis de vente sous conditions suspensives portant sur l’immeuble situé à [Localité 17], moyennant le prix de 2 870 400 euros TTC, entre l’acquéreur la société GDP Vendome Promotion et le vendeur la SCI Villa Regina.

Aux termes de ce second compromis, la société GDP Vendome Promotion a versé un acompte de 300 000 euros entre les mains de M. [Z], notaire de la SCI Villa Regina.

Compte tenu des malfaçons présentes sur l’immeuble appartenant à la SCI Villa Regina, telles que décrites dans un rapport d’expertise du cabinet [E] en date du 16 juillet 2007, la société GDP Vendome Promotion a sollicité une réduction du prix de cession de l’immeuble à hauteur de 300 000 euros.

La SCI Villa Regina a refusé cette demande puis a finalement cédé l’immeuble à la société DRMB, filiale du groupe Auvence, par actes authentiques des 1er et 17 octobre 2007, au même prix de 2 870 400 euros.

L’acte a été reçu en participation par l’étude de M. [Z], pour le vendeur, et par celle de M. [S], notaire, pour l’acquéreur.

La société Résidence Regina [Localité 17] a, de son côté, fait l’acquisition du fonds de commerce.

Le groupe Vendome, souhaitant malgré tout la réalisation de la vente, a sommé la SCI Villa Regina d’avoir à se présenter en l’étude de M. [Z] le 24 octobre 2007. Cette dernière ne s’étant pas présentée, M. [M] a établi un procès-verbal de carence.

C’est dans ces circonstances que les sociétés GDP Vendome ont décidé de faire assigner la SCI Villa Regina, la société Les Valériannes, la société DRMB, la société Résidence Regina [Localité 17] et la société Gestorel en nullité des actes de vente du bien immobilier et du fonds de commerce.

Une première assignation, rédigée par Mme [D], délivrée par actes des 1er et 17 octobre 2017, n’a pas pu être publiée à la conservation des hypothèques en raison des erreurs cadastrales qu’elle comportait.

Une nouvelle assignation a alors été délivrée les 12, 13 et 14 décembre 2007 à la SCI Villa Regina, la société Les Valériannes, l’ASSTRA (association tutélaire de M. [A], gérant des sociétés Villa Regina et Les Valériannes), ainsi qu’aux sociétés DRMB, Résidence Regina [Localité 17] et Gestorel.

Le groupe Vendome sollicitait à titre principal le prononcé de la nullité des ventes intervenues d’une part entre la SCI Villa Regina et la société DRMB portant sur l’immeuble et d’autre part entre la société Les Valériannes et la société Résidence Regina [Localité 17] pour le fonds de commerce.

Reconventionnellement, les sociétés DRMB, Résidence Regina [Localité 17] et Gestorel sollicitaient l’annulation des actes de vente et de cession des biens nouvellement acquis et la condamnation solidaire des sociétés Villa Regina et Les Valériannes, toutes deux en liquidation judiciaire, ainsi que des sociétés GDP Vendome et GDP Vendome Promotion à leur verser des dommages et intérêts.

Par un jugement du 24 novembre 2011, le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a débouté les demanderesses et décidé que la SCI Villa Regina devait conserver les 300 000 euros versés par les sociétés GDP Vendome lors de la signature du compromis.

Les sociétés DRMB, Regina [Localité 17] et Gestorel ont relevé appel de ce jugement.

Lors de cette procédure, les sociétés DRMB, Résidence Regina [Localité 17] et Gestorel ont fait état du comportement de Mme [D] et de M. [P], leur reprochant d’avoir largement diffusé l’assignation introductive d’instance, accompagnée de commentaires, à leurs partenaires associés à la réalisation de l’opération envisagée, en concluant que cette publicité avait perturbé le déroulement de l’opération entraînant le retrait de leurs partenaires et leur causant des retards préjudiciables.

Ces sociétés ont sollicité, à titre reconventionnel, la condamnation in solidum des sociétés GDP Vendome et GDP Vendome Promotion au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 8 025 365 euros.

En réponse à ces écritures, les sociétés GDP Vendome et GDP Vendome Promotion, alors représentées par Me [P], avocat plaidant, et Me [V], avocat constitué, ont notifié leurs conclusions le 4 octobre 2012.

Par un arrêt du 3 juillet 2014, la cour d’appe1 de Lyon, constatant que ces dernières avaient été notifiées hors délais, les a déclarées irrecevables.

Elle a par ailleurs jugé que les sociétés Vendome étaient responsables à hauteur de 20 % de l’absence de réalisation de l’opération immobilière projetée par les sociétés DRMB, Résidence Regina [Localité 17] et Gestorel et les a condamnées in solidum à payer à la société DRMB, la somme de 1 000 000 euros et à la société Résidence Regina [Localité 17] la somme de 500 000 euros, ainsi que celle de 40 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le pourvoi formé par les sociétés GDP Vendome et GDP Vendome Promotion a été rejeté par arrêt du 10 décembre 2015.

Parallèlement à cette procédure, les sociétés Auvence et Coff, qui avaient été chargées de commercialiser les lots acquis, ont également fait assigner, par acte du 28 mai 2008, les sociétés GDP Vendome et GDP Vendome Promotion pour obtenir des dommages et intérêts.

Par jugement du 26 septembre 2016, le tribunal de commerce de Paris a considéré ces dernières comme responsables à hauteur de 20 % de l’échec de l’opération projetée par le groupe Auvence, en raison notamment de la publicité, jugée fautive, donnée à l’assignation et les a condamnées in solidum à payer à la société Coff la somme de 155 544 euros et à la société Auvence la somme de 9 823,50 euros à titre de dommages et intérêts, outre celle de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par actes introductifs d’instance des 23, 24, 25, et 28 novembre 2016 et 19 décembre 2016, les sociétés GDP Vendome et GDP Vendome Immobilier ont respectivement fait assigner Me [P], Me [D] et son assureur la société MMA Iard Assurances Mutuelles, Me [M], Me [V] et ses assureurs les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles aux fins notamment de voir engager leur responsabilité civile professionnelle.

Par jugement du 5 mars 2020, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

– Rejeté la demande de mise hors de cause de Me [R] [D] ;

– Déclaré recevables car non prescrites les demandes formées par les sociétés GDP Vendome Promotion et GDP Vendome Immobilier à l’encontre de Mme [R] [D] de M. [O] [M] et des sociétés MMA lard assurances mutuelles et MMA Iard ;

– Rejeté l’intégralité des demandes des sociétés GDP Vendome Promotion et GDP Vendome Immobilier contre Mme [R] [D] et M. [O] [M] et leurs assureurs en l’absence de faute de nature à engager leurs responsabilités civiles professionnelles ;

– Rejeté les demandes indemnitaires des sociétés GDP Vendome Promotion et GDP Vendome Immobilier à l’encontre de Me [W] [P] et Me [T] [V] et ses assureurs en l’absence de préjudice ;

-Rejeté les demandes des sociétés GDP Vendome Promotion et GDP Vendome Immobilier et de Me [W] [P] et Me [T] [V] et ses assureurs au titre des frais irrépétibles ;

– Condamné in solidum les sociétés GDP Vendome Promotion et GDP Vendome Immobilier à payer en application de l’article 700 du code de procédure civile la somme de QUATRE MILLE EUROS (4 000 €) chacun à Me [R] [D] et ses assureurs d’une part, et à Me [O] [M] et son assureur de l’autre ;

– Fait masse des dépens et Condamné les sociétés GDP Vendome Promotion et GDP Vendome Immobilier in solidum à les supporter par moitié, l’autre moitié étant mise à la charge de Me [W] [P] in solidum avec Me [T] [V] et ses assureurs, ces dépens étant directement recouvrés par DroitFil avocats et par la SCP Hocquard, chacun pour la part lui revenant ;

– Dit n’y avoir lieu a l’exécution provisoire du jugement.

Par déclaration au greffe du 8 juillet 2020, les sociétés GDP Vendome ont interjeté appel de cette décision à l’encontre de l’ensemble des parties à l’exception de Me [M] et de son assureur.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 1er décembre 2022, elles demandent à la cour de :

– Juger leur appel recevable et bien fondé,

– Confirmer le jugement en ce qu’il a :

– rejeté la demande de mise hors de cause de Me [D],

– déclaré recevable car non prescrites leurs demandes,

– L’infirmer en toutes ses autres dispositions.

En conséquence,

1) Sur les demandes de prise en charge des condamnations prononcées contre les concluantes :

– Condamner in solidum Me [D] et les sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et Assurances Mutuelles et MMA Iard SA à leur payer la somme de 1.735.367,5 euros au titre de leur préjudice matériel, outre :

– les intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2014 pour la somme de 1.540.000 euros correspondant aux condamnations prononcées par l’arrêt de la cour d’appel de Lyon le 3 juillet 2014 ;

– les intérêts au taux légal à compter de l’assignation délivrée le 24 novembre 2016 pour la somme de 195.367,5 euros correspondant aux condamnations prononcées par le tribunal de commerce de Paris le 26 septembre 2016 ;

Subsidiairement si par impossible la cour considérait leur action prescrite à l’égard de Me [D],

– Condamner Me [V], Me [P] et les sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard SA in solidum à leur payer la somme de 1.388.294 euros (1.735.367,50 x 80%) au titre de leur perte de chance de voir prospérer leur action en garantie à l’encontre de Me [D] en réparation de leur préjudice de ce chef, outre :

– les intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2014 pour la somme de 1.540.000 euros correspondant aux condamnations prononcées par l’arrêt de la cour d’appel de Lyon le 3 juillet 2014 ;

– les intérêts au taux légal à compter de l’assignation délivrée le 24 novembre 2016 pour la somme de 195.367,5 euros correspondant aux condamnations prononcées par le tribunal de commerce de Paris le 26 septembre 2016 qui s’est directement inspiré de l’arrêt de la cour d’appel de Lyon pour retenir la responsabilité des concluantes ;

Subsidiairement,

– Condamner Me [V], Me [P] et les sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard SA in solidum à leur payer la somme de 1.388.294 euros (1.735.367,50 x 80%) au titre de leur perte de chance de voir prospérer leurs moyens de défense visant à contester les préjudices allégués par les sociétés DRMB et Résidence Regina [Localité 17] outre :

– les intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2014 pour la somme de 1.540.000 euros correspondant aux condamnations prononcées par l’arrêt de la cour d’appel de Lyon le 3 juillet 2014 ;

– les intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 18 décembre 2016 pour la somme de 195.367,5 euros correspondant aux condamnations prononcées par le tribunal de commerce de Paris le 26 septembre 2016 qui s’est directement inspiré de l’arrêt de la cour d’appel de Lyon pour retenir la responsabilité des concluantes ;

2) Sur les autres demandes

– Condamner Me [V], Me [P] et les sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard SA in solidum à leur payer la somme de 1.543.717,10 euros (1.929.646,38 euros x 80%) au titre de leur perte de chance de voir leurs demandes prospérer en appel, outre les intérêts au taux légal à compter de l’assignation introductive d’instance ;

– Condamner in solidum Me [V], Me [P], Me [D] et les sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard SA à leur payer la somme de 100.000 euros au titre de l’atteinte à leur image, outre les intérêts au taux légal à compter de l’assignation délivrée les 23 et 24 novembre 2016 ;

– Condamner in solidum Me [V], Me [P], Me [D] et les sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard SA à leur payer la somme de 30.000 euros euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l’article 1154 du code civil ;

-Débouter Me [V], Me [P], Me [D] et les sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard SA de leurs demandes

plus amples ou contraires.

– Condamner Me [V], Me [P], Me [D] aux entiers dépens, dont distraction conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions comportant un appel incident notifiées par RPVA le 15 décembre 2022, Me [P] demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles 1147 (article ancien), 1231-1 (article nouveau), 1153-1 devenu 1231-7 du code civil,

– Déclarer mal fondées les sociétés GDP Vendome et GDP Vendome Immobilier en leur appel,

– Le déclarer recevable et bien fondé en son appel incident ;

– Infirmer le jugement rendu le 5 mars 2020 par le tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu’il l’a déclaré responsable de la tardiveté des conclusions d’intimées contenant appel incident ayant entraîné leur irrecevabilité ;

– Débouter les sociétés GDP Vendome et GDP Vendome Immobilier de toutes leurs demandes, fins et conclusions du moins en ce qu’elles sont dirigées à son encontre ;

Subsidiairement, en cas de déclaration de responsabilité in solidum entre lui-même et Me [V] au titre de la tardiveté des conclusions d’appel ayant entraîné leur irrecevabilité,

– Juger que dans les rapports entre les co-obligés, Me [V] supportera 90% des condamnations susceptibles d’être mises à la charge des co-obligés et lui-même 10%,

– Débouter Me [V] de sa demande contraire,

A titre très subsidiaire,

-Juger que les conditions de mise en ‘uvre de sa responsabilité civile professionnelle ne sont pas réunies, les sociétés GDP Vendome et GDP Vendome Immobilier n’établissant pas une quelconque perte de chance d’obtenir, en cause d’appel, le succès de leurs prétentions,

– Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 mars 2020 par le tribunal judiciaire de Nanterre et Débouter sociétés GDP Vendome et GDP Vendome Immobilier de toutes leurs demandes, fins et conclusions, du moins en ce qu’elles sont dirigées à son encontre,

A titre très infiniment subsidiaire,

– Apprécier le préjudice allégué par les sociétés GDP Vendome et GDP Vendome Immobilier à l’aune de la perte de chance et en réduire le montant à la plus simple expression,

– Juger que dans les rapports entre les co-obligés, Me [V] supportera 90% des condamnations susceptibles d’être mises à la charge des co-obligés, et lui-même 10%,

– Débouter Me [V] de sa demande contraire,

– Juger que le point de départ des intérêts au taux légal sera fixé à la date de l’arrêt à intervenir,

En tout état de cause,

– Débouter les sociétés GDP Vendome et GDP Vendome Immobilier de leurs demandes plus amples ou contraires,

– Rejeter l’ensemble des demandes formulées à son encontre,

– Condamner in solidum les sociétés GDP Vendome et GDP Vendome Immobilier au paiement de la somme de 6.000 euros à son profit en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 17 novembre 2022, Me [D] et la société MMA Iard Assurances Mutuelles demandent à la cour de :

– Infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre le 5 mars 2020 en ce qu’il a rejeté sa demande de mise hors de cause et par voie de conséquence, la mettre hors de cause,

A titre subsidiaire,

– Dire et juger l’action en responsabilité civile entreprise par les sociétés GDP Vendome prescrite et les débouter de toutes leurs demandes fins et conclusions à son encontre et à l’encontre de son assureur,

A titre plus subsidiaire,

– Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

– Condamner in solidum les sociétés Vendome aux entiers dépens, ainsi qu’au paiement de la somme de 6.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 8 décembre 2022, Me [V] et les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles demandent à la cour de :

A titre principal,

– Réformer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 5 mars 2020 en ce qu’il a retenu une faute de Me [V] pour ne pas avoir averti, quelques jours avant l’expiration du délai de l’article 909, les sociétés de Vendome Promotion et Vendome Immobilier que Me [P] n’avait pas encore conclu,

– Juger que Me [V] n’a commis aucune faute personnelle en qualité de postulant et n’est pas à l’origine de la notification tardive des conclusions et pièces des sociétés Vendome Promotion et Vendome Immobilier ;

– Débouter les sociétés Vendome Promotion et Vendome Immobilier de leurs demandes, en ce qu’elles sont dirigées contre Me [V] en l’absence d’une faute,

Subsidiairement. en cas de confirmation d’une condamnation in solidum entre Me [P] et Me [V],

– Juger que dans les rapports entre co-obligés, Me [P] supportera 90% des condamnations susceptibles d’être mises à la charge des co-obligés, et Me [V] en supportera 10%,

Très subsidiairement,

– Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 5 mars 2020 en ce qu’il a jugé que la perte de chance des sociétés Vendome Promotion et Vendome Immobilier de voir leurs adversaires condamnés à prendre en charge les condamnations prononcées par la cour d’appel de Lyon du 15 juillet 2014 et par le tribunal de commerce de Paris du 29 septembre 2016 était nulle,

– Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 5 mars 2020 en ce qu’il a jugé que la perte de chance des sociétés Vendome Promotion et Vendome Immobilier de voir leurs moyens de réformation du jugement prospérer devant la cour d’appel de Lyon était nulle,

– Juger que le préjudice d’atteinte à l’image des marques des sociétés Vendome Promotion et Vendome Immobilier est inexistant et en tout état de cause, sans lien de causalité avec la faute reprochée à Me [V],

En tout état de cause,

– Rejeter l’ensemble des demandes formulées à l’encontre de Me [V] et des sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles ,

– Condamner in solidum les sociétés Vendome Promotion et Vendome Immobilier à leur payer une indemnité à chacun de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, ces derniers distraits au profit de Me Perrault de la société BKP Avocat sur son affirmation de droit en, application des dispositions au titre de 1’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 15 décembre 2022.

SUR CE, LA COUR,

Sur les limites de l’appel et à titre liminaire,

Le jugement n’est pas critiqué en ce qu’il a déclaré recevables car non prescrites les demandes formées par les sociétés GDP Vendome et GDP Vendome Immobilier à l’encontre de Me [M] et rejeté l’ensemble des demandes formées à son encontre et à l’encontre de son assureur, Me [M] n’ayant du reste pas été intimé.

Par ailleurs, la cour rappelle que l’article 954 du code de procédure civile oblige les parties à énoncer leurs prétentions dans le dispositif de leurs conclusions et que la cour ne statue que sur celles-ci.

Par prétention, il faut entendre, au sens de l’article 4 du code de procédure civile, une demande en justice tendant à ce qu’il soit tranché un point litigieux.

Par voie de conséquence, les « dire et juger » ne constituent pas des prétentions, mais en réalité des moyens qui ont leur place dans le corps des écritures, plus précisément dans la partie consacrée à l’examen des griefs formulés contre le jugement et à la discussion des prétentions et moyens, pas dans le dispositif. La cour ne répondra de ce fait à de tels « dire et juger » qu’à condition qu’ils viennent au soutien de la prétention formulée en appel et énoncée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans le dispositif de son arrêt, mais dans ses motifs.

Sur les demandes à l’encontre de Me [D] et de ses assureurs

Sur la demande de mise hors de cause de Me [D]

Devant la cour, Me [D] fait de nouveau valoir qu’elle n’est jamais intervenue en son nom personnel mais toujours en tant que membre de la SELARL dont elle est associée.

Néanmoins, c’est de façon pertinente que le tribunal a rappelé qu’en application de l’article 16 de la loi n°90-1258 du 31 décembre 1990, chaque associé membre d’une société d’exercice libéral répond sur son patrimoine des actes professionnels qu’il accomplit, ce à quoi l’intéressée n’apporte aucune contradiction.

Le jugement sera confirmé par conséquent en ce qu’il a débouté Me [D] de sa demande de mise hors de cause.

Sur la prescription de l’action en responsabilité

Position du tribunal

Pour rejeter la fin de non recevoir tirée de la prescription, le tribunal a tout d’abord considéré que l’action en responsabilité étant fondée sur le dépassement du mandat, seule la prescription de droit commun de l’article 2224 était applicable. Ensuite, il a fixé le point de départ de cette prescription à l’arrêt rendu par la cour d’appel de Lyon le 3 juillet 2014, date à laquelle les sociétés GDP Vendome ont eu connaissance de la réalisation de leur dommage.

Moyens des parties

Me [D] soutient, au visa d’un arrêt rendu par la Cour de cassation, que le point de départ du délai de prescription en matière de responsabilité contractuelle d’un avocat correspond à la date de la fin de sa mission, en l’espèce la concernant le 7 janvier 2008, et non le jour de la réalisation du dommage, par application des dispositions de l’article 2225 du code civil. Elle ajoute qu’à supposer qu’il faille apprécier la prescription au regard de l’article 2224 de ce même code, cette prescription serait acquise, l’assignation des sociétés Auvence et Coff contre les sociétés GDP Vendome devant le tribunal de commerce ayant été délivrée le 28 mai 2008, soit largement plus de 5 ans avant l’engagement d’une action en responsabilité à son encontre.

Les sociétés GDP Vendome concluent à la confirmation du jugement sur ce point.

Solution retenue par la cour

C’est par des motifs pertinents et suffisants, adoptés par la cour, que le tribunal a estimé que l’action engagée à l’encontre de Me [D] n’était pas prescrite, en retenant notamment que fondée sur le dépassement du mandat, l’action était soumise à la prescription de l’article 2224 du code civil et que le point de départ devait être fixé à la date de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Lyon le 3 juillet 2014 ayant condamné les société Vendome à indemniser les sociétés du groupe Auvence.

Il sera ajouté que le préjudice revendiqué par les sociétés GDP Vendome découle des condamnations prononcées à leur encontre par la cour d’appel de Lyon dans son arrêt du 3 juillet 2014 et par le tribunal de commerce dans son jugement du 26 septembre 2016. Avant ces deux décisions, les sociétés GDP Vendome ne pouvaient pas agir en responsabilité à l’encontre de Me [D], sous peine de voir leur action échouer faute de pouvoir établir la réalité d’un préjudice.

L’action engagée par acte du 24 novembre 2016 ne peut donc manifestement pas être prescrite.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a déclaré recevables car non prescrites les demandes formées par les sociétés GDP Vendome à l’encontre de Me [D] et de la société MMA Iard Assurances Mutuelles.

Sur les fautes reprochées à Me [D]

Position du tribunal

Pour rejeter les demandes formées à l’encontre de Me [D], le tribunal a considéré que la communication faite par l’avocat autour de la procédure judiciaire engagée par ses mandantes l’avait été à leur demande et dans le but de servir leur intérêt, ce qui excluait toute faute de sa part.

Moyens des parties

Les sociétés Vendome soulignent tout d’abord que la cour d’appel de Lyon a bien retenu le caractère fautif de le publicité excessive donnée à l’assignation en nullité des ventes au profit des sociétés du groupe Auvence.

Elles critiquent ensuite la motivation adoptée par le tribunal en lui reprochant, pour l’essentiel, d’avoir retenu que Me [D] n’avait pu qu’agir sur leur ordre, alors qu’en réalité, elle n’aurait procédé à cette publicité excessive et tapageuse que pour remédier à l’erreur commise dans son assignation initiale, laquelle, compte tenu des erreurs cadastrales qu’elle contenait, n’avait pas pu être publiée.

Elles soutiennent qu’en tout état de cause, en donnant à l’assignation une telle publicité, Me [D] a manqué à ses obligations déontologiques et à supposer qu’elle ait agi dans le cadre de son mandat, elle aurait dû se montrer d’autant plus prudente qu’elle estimait que les chances d’obtenir l’annulation des ventes litigieuses étaient minces.

De son côté, Me [D] ré-affirme qu’elle a agit sur instructions de ses mandantes et que celles-ci ne lui ont pas demandé d’agir en exécution forcée des promesses de vente qui lui avaient été consenties, ce qui démontre qu’elles étaient animées par la seule intention de nuire à leurs concurrentes.

Appréciation de la cour

Ainsi que le soulignent les sociétés GDP Vendome, l’avocat est tenu à une obligation de conseil et de mise en garde envers ses clients.

En l’espèce, même en retenant comme l’a fait le tribunal par des motifs exacts et circonstanciés, que Me [D] n’avait pu agir auprès des partenaires des sociétés du groupe Auvence que sur instructions de ses mandantes, il est certain que l’avocate aurait dû faire preuve de davantage de prudence et de modération avant de donner à la procédure engagée la publicité excessive qui lui est reprochée.

D’une part en effet la publication de la seconde assignation à la conservation des hypothèques, même intervenue avec trois semaines de retard, était suffisante pour empêcher la revente des biens acquis par les sociétés du groupe Auvence, sans qu’il soit nécessaire d’aller en informer, de manière informelle mais insistante, les banquiers et notaires des sociétés du groupe Auvence.

D’autre part, Me [D] reconnaît dans ses écritures que cette publicité ‘tout azimut’ n’avait d’autre but que de nuire aux sociétés concurrentes des sociétés GDP Vendome et anéantir leur projet immobilier.

Or, en professionnel du droit, Me [D] ne pouvait ignorer que toute action fondée sur l’intention de nuire est de nature à engager la responsabilité de son auteur.

Elle ne pouvait donc pas exécuter aveuglément les ordres supposés de ses mandantes sans à tout le moins les mettre en garde contre les conséquences juridiques de tels agissements.

Elle ne peut pas non plus se retrancher derrière la connaissance qu’avaient ses mandantes des conséquences d’une telle publicité car si effectivement celles-ci, en tant que professionnelles de l’immobilier, avaient parfaitement conscience qu’elle allait anéantir le projet du groupe Auvence qui était de revendre très rapidement les biens nouvellement acquis, en revanche, elles pouvaient ignorer que tels agissements engageaient leur responsabilité civile.

C’est en outre de façon contradictoire que le tribunal indique que Me [D] ne pouvait qu’avoir conscience de dépasser les limites de son mandat et d’enfreindre ses devoirs de loyauté envers ses clients et de modération vis-à-vis des tiers, tout en excluant toute faute de sa part.

Le seul fait que Me [D] ait nécessairement agi sur ordre de ses mandantes ne peut donc l’exonérer de la faute commise, à savoir donner à l’assignation une publicité excessive, compte tenu de ses obligations déontologiques et notamment de ses devoirs de conseil et de modération.

Dès lors, le jugement sera infirmé en ce qu’il a dit que Me [D] n’avait pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité.

Sur les demandes présentées à l’encontre de Me [V] et de Me [P]

Sur les fautes reprochées aux deux avocats

Position du tribunal

Le tribunal a retenu une faute à l’encontre de Me [P] en ce qu’il a omis d’informer Me [V] de l’impossibilité dans laquelle il se trouvait, en raison de problèmes de santé, de conclure dans les délais légaux.

Il a également retenu une faute à l’encontre de Me [V] pour ne pas avoir averti en temps utile les sociétés Vendome de la défaillance de Me [P].

Moyens des parties

Me [P] sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il a retenu une faute à son encontre. Il ne conteste pas ne pas avoir conclu en temps utile, mais fait valoir que Me [V], tenue d’accomplir les actes de procédure, aurait dû agir pour régulariser des écritures dans le délai imparti, notamment en reprenant celles de première instance ou en allant solliciter des instructions directement auprès de ses clientes.

Me [V] poursuit pareillement l’infirmation du jugement, également en ce qu’il a retenu une faute à son encontre, en soulignant qu’elle ignorait les problèmes de santé de son confrère, qu’il ne lui incombait pas de se substituer à lui en concluant à sa place et qu’il est contraire aux usages de la profession qu’un avocat postulant contacte directement les clients.

Appréciation de la cour

C’est par des motifs exacts et circonstanciés, adoptés par la cour, que le tribunal a retenu une faute à l’encontre de Me [P] pour ne pas avoir conclu dans les délais légaux.

Il sera seulement ajouté, au surplus, que les délais dits Magendie sont d’application extrêmement stricte et que la loi n’a pas prévu de possibilité, sauf cas de force majeure qui ni allégué ni établi en l’espèce, de remédier au retard dans la notification des conclusions d’intimé, lequel est nécessairement sanctionné par leur irrecevabilité.

La communication tardive des écritures d’intimé est donc en soi constitutive d’une faute, quelles que soient les raisons qui ont présidé à ce retard.

S’agissant de Me [V], la cour confirmera la faute retenue à son encontre par le tribunal, au termes de motifs adoptés, pour ne pas avoir réagi à temps face à l’inertie de son confrère plaidant et n’avoir rien tenté pour sauver la procédure à l’égard des sociétés Vendome.

Il sera ajouté que l’inertie de Me [V] est d’autant plus fautive qu’elle avait nécessairement conscience de la rigueur des délais Magendie et des conséquences sur la suite de la procédure pour les sociétés GDP Vendome.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a retenu une faute à l’encontre de Me [P] et de Me [V].

Sur le préjudice et le lien de causalité

S’agissant de Me [P] et de Me [V]

Position du tribunal

Le tribunal a retenu que l’irrecevabilité de leurs conclusions avait fait perdre aux sociétés GDP Vendome une chance de voir leur appel examiné et les condamnations prononcées en première instance infirmées.

Le tribunal a néanmoins débouté les sociétés GDP Vendome de leurs demandes indemnitaires au motif que les chances de succès de leurs prétentions étaient nulles.

Moyens des parties

Comme en première instance, les sociétés GDP Vendome font valoir :

– sur la perte de chance de voir prononcer la nullité des actes de ventes litigieuses, qu’elles pouvaient démontrer la collusion frauduleuse entre les sociétés venderesses et les sociétés du groupe Auvence et contester utilement la renonciation au bénéfice des promesses de vente retenue par le tribunal de grande instance de Bourg en Bresse et confirmée par la cour d’appel de Lyon ;

– sur la perte de chance de voir prononcer la résolution judiciaire des actes intervenus le 8 mars 2007 aux torts exclusifs des sociétés venderesses, que le refus de ces dernières de réitérer la vente devant notaire constituait un manquement grave justifiant la résolution des ‘ventes’ intervenues le 8 mars 2007 ; que la somme de 300 000 euros ayant été versée à titre d’acompte et non de clause pénale, elles devaient en obtenir la restitution ;

– sur la perte de chance de pouvoir discuter les préjudices allégués par les sociétés du groupe Auvence, qu’elles auraient pu arguer de leur absence de responsabilité dans l’échec de l’opération de revente envisagée celles-ci, contester le lien de causalité entre la publicité donnée à l’assignation et les dommages allégués et discuter du quantum des préjudices ;

– enfin, qu’elles ont perdu une chance de voir examiner leur demande de dommages et intérêts au titre du préjudice découlant des frais engagés en vain et de la perte de chance de réaliser une opération immobilière.

Me [P] et Me [V] concluent à la confirmation du jugement entrepris.

Appréciation de la cour

A l’instar de ce qu’a fait le tribunal, il revient à la cour d’examiner quelles auraient été les chances de succès des prétentions des sociétés GDP Vendome si leurs conclusions avaient été admises devant la cour d’appel de Lyon.

Au terme d’une motivation particulièrement détaillée, le tribunal a rappelé le contenu de la promesse de vente de l’immeuble signée le 8 mars 2007, notamment les différentes conditions suspensives, et retracé la chronologie des événements, à savoir pour l’essentiel :

– les discussions qui se sont engagées entre les parties à la suite de la ‘découverte’ de désordres affectant l’immeuble objet de la promesse,

– les projets d’avenants comportant une réduction du prix de vente de 300 000 euros, adressés au vendeurs mais refusés par eux dans le courant de l’été 2007,

– les sommations délivrées aux sociétés venderesses d’avoir à se présenter devant le notaire des acquéreurs le 24 octobre 2007 aux fins de signature des actes authentiques de vente, objet de la promesse litigieuse et du compromis de vente, intervenues le 17 octobre 2007 au profit des sociétés DRMB (pour l’immeuble) et Résidence Regina [Localité 17] (pour le fonds de commerce), sociétés du groupe Auvence.

Les sociétés GDP Vendome reprennent devant cette cour les mêmes moyens et arguments que ceux développés devant les premiers juges.

S’agissant plus particulièrement de la collusion frauduleuse alléguée au soutien de la demande de nullité des ventes litigieuses, la cour constate que le tribunal a, par des motifs pertinents qu’elle adopte, rejeté ce moyen et que les sociétés GDP Vendome ne produisent en appel aucun nouvel élément de nature à remettre en cause l’appréciation des premiers juges.

Il sera par ailleurs confirmé, en dépit de la protestation des appelantes, que la demande de nullité des ventes intervenues n’avait pas pour corollaire une demande d’exécution des promesses consenties à leur profit, le dispositif des conclusions déposées devant la cour d’appel de Lyon ne contenant aucune disposition en ce sens et une telle demande ne pouvant pas être implicite.

Or, en ne demandant pas l’exécution des promesses à leur profit, la demande de nullité des ventes était vouée à l’échec faute pour les sociétés GDP Vendome de démontrer l’intérêt qu’elles pouvaient avoir à solliciter cette nullité.

En ce qui concerne la perte de chance de voir prononcer la résolution judiciaire des actes du 8 mars 2007 aux torts exclusifs des venderesses, les sociétés GDP Vendome reprochent en premier lieu au tribunal d’avoir considéré que les droits dont elles bénéficiaient n’avaient pas été prorogés au delà du 25 avril 2007, date initiale contractuellement prévue pour la réitération de la vente par acte authentique.

Cette circonstance est cependant indifférente à l’appréciation de la perte de chance examinée, puisque les sociétés GDP Vendome ne demandaient pas au juge de constater la caducité de la promesse mais d’en prononcer la résolution.

Les appelantes reprochent encore au tribunal d’avoir considéré qu’en demandant une réduction du prix en raison des désordres révélés après la signature de la promesse de vente par un rapport d’expertise demandé par la SCI Villa Regina venderesse, et non par elles-mêmes, elles avaient renoncé au bénéfice de la promesse de vente, alors que selon elles une telle renonciation doit être non équivoque, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

C’est pourtant par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le tribunal judiciaire de Nanterre a pu, comme l’avait fait en son temps le tribunal de grande instance de Bourg en Bresse, considérer qu’en remettant en cause le prix fixé librement entre les parties, toutes professionnelles de l’immobilier, les sociétés GDP Vendome étaient revenues sur leur engagement initial.

Il sera ajouté qu’en application de l’article 1134 ancien du code civil, applicable à l’espèce, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Ainsi, les sociétés GDP Vendome n’étaient pas fondées à tenter de négocier une réduction du prix de vente, alors que professionnelle de l’immobilier, elles avaient une exacte connaissance de l’état du bien qu’elles achetaient et que si une expertise était nécessaire pour évaluer la valeur des biens objets de la transaction, elle aurait dû être réalisée avant la signature de la promesse de vente.

D’autre part, les sociétés Vendome ont déclaré acquérir le bien dans l’état dans lequel il se trouvait et sans garantie des vices cachés.

Elles ne pouvaient donc pas ultérieurement, à la faveur d’une expertise dont il importe peu qu’elles n’en soient pas à l’origine, chercher à renégocier le prix sans que cela ne soit considéré comme une renonciation à la promesse.

A supposer même que cette tentative de renégociation ne puisse être qualifiée de renonciation au bénéfice des promesses, il est patent que c’est l’attitude fautive des sociétés GDP Vendome qui a conduit à l’échec de la transaction.

Elles n’avaient donc aucune chance que la cour d’appel accède à leur demande de résolution judiciaire des contrats signés le 8 mars 2007aux torts exclusifs des sociétés venderesses et d’obtenir la restitution de la somme de 300 000 euros versée lors de la signature de la promesse de vente de l’immeuble.

A cet égard, les sociétés GDP Vendome invoquent l’article 1183 ancien du code civil, aux termes duquel ‘ La condition résolutoire est celle qui, lorsqu’elle s’accomplit, opère la révocation de l’obligation, et qui remet les choses au même état que si l’obligation n’avait pas existé.

Elle ne suspend point l’exécution de l’obligation ; elle oblige seulement le créancier à restituer ce qu’il a reçu, dans le cas où l’événement prévu par la condition arrive ‘.

Cependant, cette disposition qui oblige le créancier à restituer les sommes qu’il a reçues ne s’applique à l’hypothèse dans laquelle la condition résolutoire ne survient pas sans faute des parties. Or en l’espèce, les sociétés Vendome entendaient solliciter la résolution judiciaire des contrats de vente et non le constat de l’acquisition d’une condition résolutoire.

Les sociétés Vendome n’étaient donc pas fondées à revendiquer la restitution de la somme de 300 000 euros sur ce fondement.

S’agissant ensuite de la perte de chance de pouvoir contester le principe et le quantum des préjudices allégués par les sociétés du groupe Auvence, pas plus qu’en première instance les sociétés GDP Vendome ne démontrent que leur part de responsabilité aurait pu être fixée à un taux moindre que celui de 20 % retenu par la cour d’appel de Lyon. En effet, les arguments mis en avant par la sociétés GDP Vendome pour minimiser leur responsabilité dans la réalisation des préjudices ont manifestement été pris en compte par la juridiction.

Par ailleurs, s’agissant du quantum des demandes, alors que les premiers juges ont relevé que les critiques portant sur l’évaluation des préjudices étaient vagues et dénuées d’éléments probants, les appelantes n’apportent devant la cour aucun élément nouveau de nature à préciser leurs critiques et à démontrer que le préjudice retenu par la cour d’appel de Lyon aurait pu être moindre.

Enfin, s’agissant de la perte de chance d’obtenir une indemnisation au titre des frais engagés en vain dans ce projet immobilier avorté et de la perte de chance de tirer un bénéfice de la re-commercialisation des biens convoités, c’est exactement que le tribunal l’a estimée nulle en considération des torts attribués aux sociétés GDP Vendome dans la non réalisation définitive des ventes. La cour confirmant la responsabilité des sociétés GDP Vendome dans cette non réalisation des ventes à leur profit, confirmera nécessairement le jugement sur ce dernier point.

Il résulte de ce qui précède que c’est donc à bon droit que le tribunal, estimant que les sociétés GDP Vendome ne démontraient pas avoir perdu une chance d’obtenir, en cause d’appel, le succès de leurs prétentions, les a déboutées de leurs demandes indemnitaires.

S’agissant de Me [D]

Il est rappelé que le tribunal n’ayant pas retenu de faute à l’encontre de Me [D], n’a pas statué sur les demandes indemnitaires formées à son encontre.

Moyens des parties

Les sociétés GDP Vendome soutiennent que les fautes commises par Me [D] sont en lien direct avec les condamnations prononcées à leur encontre par la cour d’appel de Lyon, en ce que sans la faute de Me [D], à savoir la publicité excessive donnée à l’assignation, les sociétés du groupe Auvence n’auraient formé aucune demande à leur encontre et aucune condamnation n’aurait été prononcée.

Elles sollicitent en conséquence la condamnation de Me [D] au paiement de la somme de 1 735 367,50 euros au titre de leur préjudice matériel.

Pour l’essentiel, Me [D] conteste tout lien de causalité entre la faute qui lui est reprochée et les préjudices allégués.

Appréciation de la cour

Il ressort de l’arrêt de la cour d’appel de Lyon que la publicité excessive donnée à l’assignation par Me [D] a incontestablement compliqué et retardé le projet des sociétés du groupe Auvence.

Néanmoins, ce qui a empêché ces dernières de finaliser leur projet initial, ce n’est pas cette publicité excessive donnée à l’assignation, mais l’existence d’une procédure en annulation des ventes litigieuses qui empêchait la revente des biens, la connaissance de cette procédure étant en outre et en tout état de cause assurée par la publication de la seconde assignation à la conservation des hypothèques.

De plus, paradoxalement, les sociétés GDP Vendome écrivent en page 75 de leurs conclusions ‘ Il a déjà été rappelé l’absence de tout lien de causalité entre cette publicité excessive du conseil des concluantes et les préjudices subis par les acquéreurs ‘ …

Et au contraire en page 47 ‘ La lecture de la motivation adoptée par la Cour d’appel de Lyon et le Tribunal de Commerce de PARIS démontre de manière incontestable que les condamnations prononcées à l’encontre des sociétés GDP VENDÔME et GDP VENDÔME PROMOTION ont pour origine les fautes de Maître [R] [D] ‘.

Cette contradiction de motivation au sein même des conclusions des appelantes démontre le peu de pertinence du moyen invoqué.

Par ailleurs, la cour d’appel de Lyon a, outre la publicité donnée à l’assignation, mis en exergue la rédaction agressive de l’assignation qui mettait en avant l’hypothèse d’une collusions frauduleuse de nature à porter le discrédit sur les parties défenderesses.

Elle a également considéré ‘ comme manifeste, de façon certaine, l’intention de créer aux concurrents de très sérieuses difficultés avec leurs partenaires, qu ‘ils soient banquiers ou, au travers des notaires intermédiaires, investisseurs potentiels.  »

Le lien de causalité entre la faute de Me [D] et le préjudice résultant des condamnations prononcées à l’encontre des sociétés Vendome n’est donc nullement établi.

Les sociétés GDP Vendome allèguent également avoir subi une atteinte à leur image, sans toutefois apporter le moindre élément probant au soutien de cette affirmation.

Les demandes indemnitaires présentées à l’encontre de Me [D] seront donc rejetées.

Sur les demandes accessoires

Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement en ce qu’il a condamné les sociétés GDP Vendome à verser à Me [D] et ses assureurs la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de le confirmer en ce qu’il les a condamnées aux dépens.

Les sociétés GDP Vendome, qui succombent, supporteront les dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Il apparaît équitable à hauteur d’appel de rejeter l’ensemble des demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, dans les limites de l’appel et par mise à disposition,

INFIRME le jugement en ce qu’il a :

– rejeté l’intégralité des demandes des sociétés GDP Vendome Promotion et GDP Vendome Immobilier contre Mme [R] [D] en l’absence de faute de nature à engager leurs responsabiliser civiles professionnelles ;

– condamné in solidum les sociétés GDP Vendome Promotion et GDP Vendome Immobilier à payer en application de l’article 700 du code de procédure civile la somme de QUATRE MILLE EUROS (4 000 €) à Me [R] [D] et ses assureurs ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que Me [D] a commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle à l’encontre des sociétés GDP Vendome ;

REJETTE les demandes indemnitaires des sociétés GDP Vendome Promotion et GDP Vendome Immobilier à l’encontre de Me [D] et ses assureurs ;

DÉBOUTE Me [D] et la société MMA Iard Assurances Mutuelles de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance ;

CONDAMNE in solidum les sociétés GDP Vendome et GDP Vendome Immobilier aux dépens de la procédure d’appel, lesquels pourront être recouvrés directement en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

REJETTE l’ensemble des demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile présentées en cause d’appel.

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,

 

 

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