COUR D’APPEL DE VERSAILLES Code nac : 80A Chambre sociale 4-2 (Anciennement 6e chambre) ARRET N° CONTRADICTOIRE DU 29 FEVRIER 2024 N° RG 23/02061 – N° Portalis DBV3-V-B7H-V7GF AFFAIRE : [S] [O] [I] C/ S.C.E.A. LA MAGDELEINE Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Juin 2023 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de RAMBOUILLET N° Section : E N° RG : F21/00182 Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à : Me Valérie BOULESTEIX Me Monique TARDY le : Copies certifiées conforme délivrées à : Monsieur [S] [I] la S.C.E.A. LA MAGDELEINE le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LE VINGT NEUF FEVRIER DEUX MILLE VINGT QUATRE, La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre : Monsieur [S] [I] [Adresse 1] [Localité 2] Représentant : Me Valérie BOULESTEIX, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 354 et Me Amar LASFER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS APPELANT **************** S.C.E.A. LA MAGDELEINE [Adresse 4] [Localité 3] Représentant : Me Monique TARDY de l’ASSOCIATION AVOCALYS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 et Me Guy ALFOSEA de la SCP LA GARANDERIE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0487 substitué par Me Gwladys DA SILVA, avocat au barreau de PARIS INTIMEE **************** Composition de la cour : L’affaire a été débattue à l’audience publique du 05 Décembre 2023, Madame Catherine BOLTEAU SERRE, présidente ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de : Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président, Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller, Madame Isabelle CHABAL, Conseiller, qui en ont délibéré, Greffier lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN en présence de Madame Mélaine THOMASSIN, greffier stagiaire. Vu le jugement rendu le 26 juin 2023 par le conseil de prud’hommes de Rambouillet, Vu la déclaration d’appel de M. [S] [O] [I] du 11 juillet 2023, Vu l’ordonnance du 28 juillet 2023 du délégataire du premier président autorisant M. [S] [O] [I] à assigner la SCEA La Magdeleine pour l’audience du 5 décembre 2023, Vu les dernières conclusions de M. [S] [O] [I] du 22 novembre 2023, Vu les conclusions la SCEA La Magdeleine du 27 octobre 2023. EXPOSE DU LITIGE La société civile d’exploitation agricole (SCEA) La Magdeleine, dont le siège social est Ferme de Morsang à [Localité 3], a pour objet l’exploitation de la ferme de Morsang et l’élevage de chevaux. Elle emploie moins de 11 salariés. La convention collective nationale applicable est celle du personnel des centres équestres du 11 juillet 1975. M. [S] [O] [I], né le 18 juillet 1977, a été nommé gérant de la société La Magdeleine le 21 mars 2018, M. [P] [C] demeurant gérant et associé. M. [I] a le statut d’agriculteur et est en outre joueur de polo professionnel. Le 1er octobre 2020, M. [I] a été révoqué de ses fonctions de gérant. Par requête reçue au greffe le 27 septembre 2021, M. [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Rambouillet des demandes suivantes : – dire et juger M. [I] recevable et bien fondé dans l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, – dire et juger que M. [I] était lié par un lien de subordination et donc un contrat de travail avec son employeur la société La Magdeleine, – dire et juger que M. [I] a été victime de travail dissimulé de la part de la société La Magdeleine, – dire et juger que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [I] est fondée et, en tout état de cause, que la rupture du contrat doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, En conséquence, – fixer le salaire mensuel de M. [I] à 19 150,24 euros brut, – condamner la société La Magdeleine à payer à M. [I] : 1. Rappel de salaire et frais professionnels – rappel de salaires : – au titre de la partie du salaire non versée en mai 2020 : 3 000 euros net, – au titre de la partie du salaire non versé en septembre 2020 : 6 000 euros net, – au titre du salaire non versé en octobre 2020 : 19 150,24 euros brut, – remboursement des frais de voyage et de déplacement correspondant aux séjours professionnels à St Tropez (été 2018, 2019, 2020) : 10 395 euros, – billets d’avion en 2019 : 212 euros, – location de voitures 2018, 2019, 2020 : 5 183 euros, – arrhes location maison 2018 : 5 000 euros, – frais kilométriques non remboursés par la société La Magdeleine : 41 512 euros, – calculs de mai 2017 à octobre 2020 : 30 000 km minimum par an selon les barèmes officiels à 12 150 euros par an, 2. Demandes indemnitaires – indemnité légale de licenciement (1 mois) : 19 150,24 euros, – préavis de licenciement (3 mois) : 57 450,72 euros, – indemnité de congés payés sur préavis : 5 745 euros, – rappel de salaire pour congés payés sur la période de trois ans (10% de la rémunération versée durant la période d’emploi) 3,6 mois : 68 940,86 euros, – indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (4 mois) : 76 600,96 euros, – indemnité pour travail dissimulé (défaut de bulletin de paie non conforme et versement en espèces non repris sur les bulletins de paie) 6 mois : 114 901,44 euros, – indemnité en réparation du préjudice lié à une absence d’affiliation au chômage (sur 3 ans) : 149 502,73 euros brut, – indemnité pour harcèlement moral (mise au placard, audit du travail effectué avec diverses menaces) 1 mois : 19 150,24 euros, – au titre de l’article 700 du code de procédure civile : 4 000 euros, – condamner la société à remettre le bulletin de salaire et les documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 100 euros net par jour de retard et par document à compter du prononcé de la décision à intervenir, – ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir (515 du code de procédure civile) avec intérêts légaux et capitalisation, – condamner la société aux entiers dépens. La société La Magdeleine avait, quant à elle, demandé au conseil de prud’hommes de Rambouillet de : – se déclarer incompétent au profit du tribunal judiciaire de Versailles, – condamner M. [I] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, A titre subsidiaire, – condamner M. [I] à restituer à la société La Magdeleine les sommes qu’il s’est indument octroyées soit 30 371,60 euros brut. Par jugement contradictoire rendu le 26 juin 2023, la section encadrement du conseil de prud’hommes de Rambouillet a : – déclaré être incompétent au profit du tribunal judiciaire de Versailles, – rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties, – condamné M. [I] aux dépens. Par déclaration du 11 juillet 2023, M. [I] a interjeté appel de ce jugement. Sur requête afin d’assigner à jour fixe de l’appelant du 13 juillet 2023, le délégataire du premier président de la cour d’appel de Versailles a autorisé M. [I] à assigner la société La Magdeleine pour l’audience du 5 décembre 2023. La société La Magdeleine a été assignée par acte du 9 août 2023. Aux termes de ses dernières conclusions en date du 22 novembre 2023, M. [S] [O] [I] demande à la cour de : – infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Rambouillet en ce qu’il se déclare matériellement incompétent et a débouté M. [I] de ses demandes, Statuant à nouveau, – qualifier la relation contractuelle entre M. [I] et la société La Magdeleine en contrat de travail à durée indéterminée et ce, depuis le 1er janvier 2017, – déclarer que la cour de céans est compétente pour apprécier le litige, – évoquer le fond de l’affaire afin de lui donner une solution définitive, – déclarer que M. [I] a été victime de travail dissimulé de la part de la société La Magdeleine, – déclarer que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [I] est fondée et en tout état de cause que la rupture du contrat doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, – déclarer à titre subsidiaire que M. [I] a fait l’objet d’un licenciement verbal et le qualifier de licenciement sans cause réelle et sérieuse, – déclarer que la société La Magdeleine n’a pas réglé l’ensemble des sommes dues à M. [I] concernant notamment l’exécution de la relation contractuelle, – par conséquent débouter la société La Magdeleine de l’exception d’incompétence soulevée, – débouter la société La Magdeleine de toutes ses demandes, fins et conclusions, – ordonner la fixation de la rémunération mensuelle de M. [I] à 19 150,24 euros brut, – condamner la société La Magdeleine à verser à M. [I] : – 41 512 euros au titre des frais kilométriques non pris en charge, – 10 395 euros au titre des frais de voyage et de déplacement correspondant aux séjours professionnels à [Localité 5] (à l’été 2018, 2019 et 2020) dont 212 euros de billets d’avion, – 5 183 euros en location de voitures et 5 000 euros en location de maison, – 3 000 euros net au titre de la partie du salaire non versée en mai 2020, – 6 000 euros net pour celle non versée en septembre 2020, – 19 150,24 euros brut au titre du salaire non versé en octobre 2020, – condamner la société La Magdeleine à verser à M. [I] la somme de 57 450,72 euros à titre de préavis de licenciement et 5 745 euros d’indemnité de congés payés sur préavis, – condamner la société La Magdeleine à verser à M. [I] la somme de 19 150,24 euros net au titre de l’indemnité légale de licenciement, – condamner la société La Magdeleine à verser à M. [I] la somme de 68 940,86 euros brut de rappel de salaire pour congés payés sur la période de trois ans, – condamner la société La Magdeleine à verser à M. [I] la somme de 76 600,96 euros net à ce titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse, – condamner la société La Magdeleine à verser à M. [I] la somme de 114 901,44 euros net au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé (défaut de bulletin de paie non conforme et versement en espèces non repris sur les bulletins de paie), – condamner la société La Magdeleine à payer à M. [I] la somme de 149 502,73 euros brut en réparation du préjudice lié à une absence d’affiliation au chômage (sur 3 ans), – condamner la société La Magdeleine à verser à M. [I] la somme de 19 150,24 euros pour harcèlement moral (mise au placard, audit du travail effectué avec diverses menaces), – condamner la société à remettre le bulletin de salaire et les documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 100 euros net par jour de retard et par document à compter du prononcé de la décision d’appel, – condamner la société La Magdeleine au paiement des sommes réclamées avec intérêts au taux légal à compter du jour de la saisine, A défaut d’évocation, – renvoyer l’affaire devant le conseil de prud’hommes de Rambouillet afin qu’il soit statué sur le fond, En tout état de cause, – condamner la société La Magdeleine à verser 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, – condamner la société aux entiers dépens. Aux termes de ses conclusions en date du 27 octobre 2023, la société La Magdeleine demande à la cour de : A titre principal, – confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Rambouillet, Et, statuant à nouveau, – condamner M. [I] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, A titre subsidiaire, et si par extraordinaire la cour de céans infirmait le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Rambouillet en ce qu’il s’est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Versailles : – renvoyer l’affaire devant le conseil de prud’hommes de Rambouillet pour qu’il soit statué au fond, A titre infiniment subsidiaire, et si la cour évoquait au fond : – fixer le salaire de référence à la somme de 7 693,69 euros brut, – débouter M. [I] de ses demandes relatives aux rappels de salaire et remboursements de frais, – constater que la rupture du contrat repose sur une cause réelle et sérieuse et, en conséquence, – débouter M. [I] de ses demandes relatives au licenciement, ou, à titre plus subsidiaire, – limiter l’indemnisation à la somme de 23 079 euros, – débouter M. [I] de sa demande relative aux congés payés ou, plus subsidiairement, – limiter le quantum à la somme de 27 694,80 euros, – débouter M. [I] de sa demande relative au travail dissimulé ou, plus subsidiairement, – limiter le montant de l’indemnité forfaitaire à la somme de 46 158 euros, – débouter M. [I] de sa demande relative aux allocations chômages, ou, à titre plus subsidiaire, – limiter l’indemnisation à de plus justes proportions, – débouter M. [I] de sa demande relative au harcèlement moral, – débouter M. [I] de sa demande relative à l’article 700 du code de procédure civile, – condamner M. [I] à restituer à la société La Magdeleine les sommes qu’il s’est indument octroyées soit 30 371,60 euros brut. Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l’audience et rappelées ci-dessus. A l’issue de l’audience de plaidoiries du 5 décembre 2023, il a été proposé aux conseils des parties d’interroger celles-ci sur l’éventualité d’une mesure de médiation, laquelle a été cependant refusée au cours du délibéré par l’une des parties. MOTIFS DE LA DÉCISION 1- sur la qualité revendiquée de salarié L’appelant soutient qu’il était en réalité lié à la société par un contrat de travail ; qu’il restait à la disposition de la société qui lui confiait des missions devant être accomplies en tant que polo manager, joueur professionnel et gestionnaire de site. Il expose qu’il a été engagé via sa Sasu [O] [I] en janvier 2017 en raison de son statut d’agriculteur avant d’être employé à compter de 2018 en tant que personne physique jusqu’en octobre 2020 ; que ses missions étaient plus larges que celle d’un mandat social de gérant ; que le lien de subordination est incontestable au regard des nombreux échanges avec la société et le co-gérant M. [P] [C], lequel était informé des missions qu’il effectuait et lui demandait divers rapports d’activité. L’intimée fait valoir que la requalification d’un mandat social en contrat de travail suppose la réunion de trois conditions, une prestation, une rémunération et un lien de subordination juridique. Elle indique que le lien de subordination n’est pas établi par l’appelant, alors même que l’actionnaire principal vit à l’étranger ; que les éléments de preuve produits par M. [I] ne démontrent pas l’existence d’un tel lien notamment le fait que M. [I] gérant non associé rémunéré au sens de la sécurité sociale était assimilé salarié ce qui nécessitait d’établir des bulletins de salaire et de soumettre à cotisations sociales la rémunération perçue au titre des fonctions de gérant, mais que n’étant pas salarié il n’était pas soumis à cotisations d’assurance chômage. Par application des dispositions de l’article L. 1411-1 du code du travail, la juridiction prud’homale est compétente pour statuer sur tout litige ayant pour objet un différend relatif à l’existence d’un contrat de travail opposant le salarié et l’employeur prétendus. L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur. Trois critères cumulatifs permettent de caractériser l’existence d’un contrat de travail : la réalisation d’une prestation de travail moyennant une rémunération sous la subordination d’un employeur. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail. En l’espèce, il sera observé préalablement que le 27 avril 2017, la Sasu [O] [I] créée en 2016, gérée et administrée par M. [I], a été nommée gérante de la SCEA La Magdeleine – à l’époque dénommée SCEA de Morsang -, le second gérant étant M. [P] [C] (pièces n°1 et 2 intimée). Lors de l’assemblée générale extraordinaire du 21 mars 2018, la Sasu [O] [I] a démissionné de ses fonctions de gérante de la SCEA La Magdeleine à compter du 1er mars 2018 et M. [I] a été nommé gérant à compter de la même date, pour une durée indéterminée avec une rémunération mensuelle de 6 000 euros net (pièce n°3 intimée), les associés étant M. [P] [C] également gérant et son épouse Mme [T] [M]. M. [I] revendiquant le statut de salarié à compter du 1er janvier 2017, il convient de distinguer les deux périodes, celle où la Sasu [O] [I] est gérante de la SCEA et où il se dit employé via sa Sasu, puis celle où il devient gérant non associé de la SCEA. – sur la période de janvier 2017 à mars 2018 M. [I], pour prétendre au statut de salarié pendant cette période, verse au débat un document intitulé ‘polo de Morsang’, ‘proposition de collaboration’ ‘projet du 2.12.16″, où il est fait mention qu'[P] [C] souhaite acquérir et rénover la ferme de Morsang pour y installer ‘un lieu de vie et de polo’. Il est indiqué ainsi que l’intervention de [O] [I] et de [X] [J] (seconde épouse de M. [I]) pourra se faire selon trois missions distinctes : celle d’intermédiation, d’assistance à la rénovation et ‘polo’, lesquelles sont décrites plus précisément dans le document. Il est mentionné des honoraires de transaction au profit de M. [I] intervenu pour l’achat de la ferme de 3% HT du prix de vente (3 millions d’euros), soit un montant prévisionnel de 90 000 euros de la transaction, des honoraires d’assistance au projet de rénovation de 4 000 euros HT par mois. S’agissant de la mission ‘polo’, il est indiqué qu’elle a pour objet le développement et la pratique du polo à Morsang ainsi que la gestion du site, avec constitution d’une équipe représentant le club dans différents tournois, M. [I] assurant les missions de joueur manager, d’enseignement et de gestion du site. Il était prévu que les honoraires de ce dernier pour cette mission ‘polo’ seraient fixés à 120 000 euros HT par an, le document faisant état à titre indicatif ‘qu’en tant que joueur de polo non exclusif pour un tournoi pendant toute la durée de la saison de polo (6 mois)’, les honoraires de M. [I] étaient de ’16 000 euros HT mensuel soit 96 000 euros HT.’ Le document prévoyait une prise d’effet au début de la saison de polo soit le 1er mars 2017 pour un an, renouvelable chaque année au 1er septembre de l’année en cours. Il était ajouté que M. [I] pourrait accepter de jouer un tournoi hors de l’organisation de Morsang durant la saison de polo. Cependant, cette proposition de collaboration dont il apparaît au regard de ses termes qu’elle a été rédigée par M. [I] ou à son initiative, n’a pas fait l’objet d’une confirmation par un document signé des parties. L’appelant affirme néanmoins avoir fourni ces prestations au bénéfice de la SCEA dès janvier 2017. En l’absence d’écrit ou d’apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d’en rapporter la preuve, par tous moyens. Le contrat d’entreprise ou de prestation de service est un contrat aux termes duquel un client confie à un entrepreneur, moyennant rémunération, la réalisation d’un ouvrage ou d’un service déterminé, que celui-ci se charge d’exécuter en toute indépendance. L’article L. 8221-6 du code du travail dispose que ‘I. – Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription : 1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales ; (…) II – L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci’. La présomption légale de non-salariat qui bénéficie aux personnes immatriculées au registre du commerce et des sociétés peut être détruite s’il est établi qu’elles fournissent des prestations au donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci. En l’espèce, pendant la période précitée, M. [I] était l’associé unique de la Sasu [O] [I], laquelle était à compter d’avril 2017, la co-gérante de la SCEA de Morsang devenue en août 2017 la SCEA La Magdeleine. M. [I] qui a la charge de la preuve de l’existence d’un statut salarié à l’égard de la SCEA produit une attestation d'[P] [C] datée du 29 janvier 2017 indiquant qu’il emploie M. [I] en tant que polo manager et joueur professionnel de polo, que ce dernier est en charge des écuries et de l’entraînement des chevaux (sa pièce n°12) ainsi qu’un second écrit de M. [C] du 20 juillet 2017, qui certifie que [O] [I] est embauché au sein de la SCEA de Morsang [ancienne dénomination de la SCEA La Magdeleine], en qualité de polo manager depuis le 1er avril 2017. L’intimée affirme sans être sérieusement contestée qu’il s’agissait d’attestations de complaisance [sic] afin d’une part de permettre à M. [I] d’obtenir la garde partagée de ses enfants issus d’une première union, dans le cadre de son divorce – ce que les termes de l’attestation suggèrent faisant mention du temps disponible de M. [I] pour s’occuper de ses enfants -, d’autre part de trouver un logement. L’appelant verse également au débat l’attestation de Mme [X] [J], qui rappelle les conditions dans lesquelles M. [C] et M. [I] se sont rencontrés – cours de polo prodigués au premier par le second en 2012 et 2013 -, mentionne que dès le début de l’année 2017, M. [I] était chef de projet en charge pour le compte de M. [C] de ‘développer le lieu et les infrastructures, la communication et l’événementiel, mission importante en termes de temps et d’implication’ (pièce n°30 appelant). Il est également indiqué qu’il avait ‘la charge de la gérance sans que celle-ci soit prise en compte dans la rémunération’. Mme [J] affirme que cette fonction n’était pas rémunérée, mais qu’il était nécessaire que son mari soit gérant grâce à son statut d’agriculteur, pour que le projet de M. [C] soit possible, ce dernier ne pouvant sans ce statut acquérir les terres à la SAFER. Elle affirme que dès le début de 2017, M. [I] était responsable d’écuries avec l’organisation des chevaux, comprenant le planning d’entraînement et celui du repos des chevaux, leur santé et leurs soins, les commandes de leur alimentation, des traitements phytosanitaires, le matériel agricole, la gestion des terrains de polo, des paddocks, carrière, piste et autres infrastructures. Il procédait également à l’entraînement des chevaux en tant que cavalier, était sportif professionnel avec un entraînement quotidien, le coaching de l’équipe et l’entraînement des joueurs et des chevaux. Il organisait et participait aux matchs d’entraînement 3 à 4 fois par semaine y compris le week-end, ainsi qu’aux compétitions nationales et internationales. Elle ajoute que pour ces fonctions M. [I] percevait une rémunération de 120 000 euros lissée sur 12 mois soit 10 000 euros par mois pour une saison de polo durant six mois et qu’il a perçu cette rémunération pour la première fois au printemps 2017. S’agissant du lien de subordination, l’attestation de Mme [J] est insuffisante pour démontrer que M. [C], basé à Moscou, donnait à M. [I] les directives, fixait les horaires, contrôlait l’exécution et sanctionnait les manquements, l’éloignement de M. [C] rendant en outre difficile voire impossible une telle attitude de ce dernier. Le fait que M. [I] soit en relation constante, selon les dires de son épouse, avec l’équipe -‘family office’- de M. [C] à Moscou, ne permet pas d’établir, en effet, que cette équipe ou directement M. [C], donnait des directives, un simple reporting du co-gérant au gérant ne pouvant être analysé en ce sens. De même, M. [I] fait valoir que des contrôles stricts étaient effectués sur le site, avec caméras, personnel de sécurité et contrôle des plaques d’immatriculation des véhicules entrants, suggérant que son activité était elle-même contrôlée. Cependant, l’intimée soutient que les mesures de sécurité ont été mises en place début 2020 en raison de la série de mutilations perpétrées sur les équidés en France en 2020 et 2021 (sa pièce n°11). M. [I] ne rapporte pas la preuve de ce que ces mesures ont été ordonnées bien avant cette période comme il l’affirme. En outre, M. [I] qui organisait les entraînements, gérait les joueurs et les chevaux possédait seul les compétences particulières du fait de son expérience de joueur professionnel de polo et percevait une rémunération à ce titre, outre des commissions comme les autres joueurs selon l’intimée qui s’appuie sur la pièce n°20 de l’appelant faisant état de commissions et de complément de salaire lors des tournois, ce que prévoyait la proposition de collaboration de décembre 2016 décrivant les missions de M. [I], sans une quelconque subordination de ce dernier à la société civile, puisqu’il conservait la possibilité de poursuivre son activité de joueur de polo de façon indépendante pour d’autres clubs que la SCEA. Il sera observé que les extraits de messages (sms et groupe WhatsApp) produits par l’appelant datent au plus tôt de 2019 (ses pièces n°7 à 9) et non de cette première période. En conséquence, pour la période de janvier 2017 à avril 2018, l’appelant ne démontre pas l’existence d’un lien de subordination ni pour les fonctions de gérant pour lesquelles ni lui ni sa société [O] [I] n’étaient rémunérés ou du moins n’en justifient pas, ni pour les autres fonctions (entraîneur, joueur) qu’il exerçait en toute autonomie, sans directives, ni contrôle de ses horaires, ni sanction disciplinaire pour d’éventuels manquements, fonctions pour lesquelles il percevait une rémunération et des commissions, étant observé que ne sont produits ni factures de la société [O] [I], ni avis d’imposition de M. [I]. – sur la période postérieure jusqu’à la révocation de M. [I] gérant L’existence d’un cumul d’un mandat social et d’un contrat de travail implique l’exercice de fonctions techniques distinctes, dans un lien (ou un état) de subordination, apprécié souverainement par les juges du fond. L’existence d’un contrat de travail est exclue lorsque les fonctions salariales invoquées se confondent avec l’exercice du mandat social. En l’espèce, à compter du 1er mars 2018, M. [I] est devenu lui-même co-gérant de la SCEA La Magdeleine, en lieu et place de sa société [O] [I], avec une rémunération nette de 6 000 euros prévue lors de sa nomination en cette qualité (pièce n°3 intimée). Il a poursuivi cependant ses missions de joueur-manager, d’enseignant en tant que coach de M. [C] et pour la mise en place d’une méthode d’enseignement, et de gestion du site pour la SCEA (site internet pololine, échanges de sms), ce qui démontre l’existence de fonctions techniques distinctes du mandat social. L’attestation de Mme [J] permet d’établir le contenu de ces missions et le fait qu’il a perçu pour ces fonctions une rémunération mensuelle de 10 000 euros (pièce n°30 précitée de l’appelant), ainsi que des commissions lors des tournois (sa pièce n°20). S’agissant d’un lien de subordination, comme précédemment, selon la même motivation, les éléments en présence ne permettent pas d’établir que pour cette seconde période, la SCEA, par l’intermédiaire de M. [C] et de son ‘family office’ tous deux basés à Moscou, donnait des directives à M. [I], fixait ses horaires, contrôlait l’exécution et sanctionnait les éventuels manquements. Concernant le pouvoir de sanction, la relation entre M. [I] et la SCEA a été rompue par cette dernière notamment du fait, selon l’intimée, de la décision du gérant d’augmenter unilatéralement sa rémunération en février 2020 et de la cession de deux chevaux appartenant à la SCEA sans comptabilisation de la transaction dans les livres de la société ni déclaration de contrôle de gestion, ni dépôt d’espèces sur le compte courant de la société. Les faits reprochés peuvent certes être invoqués pour le licenciement d’un salarié mais également pour la révocation du gérant de la société, de sorte qu’il ne peut en être déduit l’existence d’un pouvoir de sanction de la part de la SCEA. Ces faits découverts tardivement par le co-gérant démontrent en outre que M. [I] n’était pas contrôlé et agissait au nom de la société comme il l’entendait. Les pièces produites au soutien d’un lien de subordination pour la période d’avril 2018 à la révocation en 2020, sont les mêmes que celles à l’appui desquelles M. [I] affirme avoir été dans un lien de subordination à compter de 2017, à l’exception des échanges de messages datés de 2019 et 2020 (ses pièces n°7 à 9) qui, cependant, sont des échanges amicaux avec M. [C] sur les tournois ou les entraînements ou la santé de ce dernier, ainsi qu’avec la ‘team Magdeleine’, sans qu’il soit possible de les analyser comme des directives ou des ordres émanant de M. [C] ou un quelconque contrôle des activités de M. [I]. En outre, le site Internet ‘Pololine’ établit que sur la période 2018-2019, M. [I] participait à des tournois pour des écuries autres que celle de la SCEA (pièce n°6 appelant). Ce dernier soutient cependant que son statut de salarié résulte des bulletins de salaire, des mentions qui y sont portées et des échanges avec la MSA (Mutuelle sociale agricole). Selon les bulletins de salaire de M. [I] (pièces n°5 appelant), sa rémunération est de 6 000 euros net de janvier 2019 à janvier 2020, de 9 000 euros net de février à septembre 2020. Ces bulletins de salaire portent des indications différentes quant au statut professionnel : président, gérant minoritaire mais également cadre catégorie 5 coefficient 193, l’emploi étant toujours gérant avec la mention de l’entrée dans la société – 1er avril 2018 – et l’ancienneté. Ces documents ne portent que sur la rémunération du gérant (pièces n° 5 appelant). Les échanges entre la MSA et l’expert-comptable de la SCEA de mars et avril 2019 (pièces n°21 appelant) démontrent que depuis un an, les services juridiques de la mutuelle instruisent le dossier de M. [I], considèrent en définitive que ce dernier ‘ne peut être non salarié au sein de la SCEA car étant gérant non associé sans aucune part dans la société et avec une rémunération. Par principe les gérants non associés rémunérés dans une SCEA sont assimilés à des salariés car ils remplissent les conditions du salariat (travail, rémunération et lien de subordination). Nous sommes tenus d’enregistrer M. [I] en tant que gérant salarié’, invitant l’expert comptable à lui retourner la déclaration d’embauche et mettre à jour la DSN [Déclaration sociale nominative]. Il résulte du message adressé à M. [I] par l’expert comptable le 9 avril 2019 que ce dernier confirme que son service paie va se charger de faire la DSN suite à l’envoi d’une déclaration d’embauche. Le gérant non associé rémunéré d’une SCEA est considéré comme salarié agricole à la condition de répondre aux critères du salariat. En l’espèce, il n’a pas été établi supra que M. [I] remplissait les conditions du salariat quant à l’existence d’un lien de subordination. Il n’en demeure pas moins qu’il doit être assimilé à un salarié et être affilié aux assurances sociales du régime général, quels que soient le montant et la nature de sa rémunération, la forme, la nature ou la validité de son contrat, et ce conformément à l’article L. 311-2 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable à la présente espèce. Or, les bulletins de salaire produits pour les années 2019 à 2020 mentionnent effectivement les cotisations sociales, sauf en ce qui concerne les cotisations chômage, confirmant ainsi que M. [I] n’est qu’assimilé salarié. En revanche, malgré la position donnée par la MSA en avril 2019 sur la situation de M. [I] devenu gérant personne physique en avril 2018, il n’est pas allégué et encore moins démontré qu’une régularisation a été opérée pour l’année 2018 pour le paiement des cotisations sociales relatives à la rémunération du gérant, de sorte que M. [I] peut demander cette régularisation devant la juridiction compétente. Pour la période d’avril 2018 à septembre 2020, l’existence d’un lien de subordination n’est pas démontrée. Le jugement sera confirmé en ce que le conseil de prud’hommes s’est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Versailles. 2- sur les frais irrépétibles et les dépens Le jugement sera confirmé de ces chefs. M. [I] sera condamné à payer une somme de 800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d’appel. Il sera débouté de sa demande à ce titre et condamné aux dépens d’appel. PAR CES MOTIFS La cour, Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort, Confirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Rambouillet le 26 juin 2023, Y ajoutant, Condamne M. [S] [O] [I] à payer à la SCEA La Magdeleine la somme de 800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d’appel, Déboute M. [S] [O] [I] de sa demande à ce titre, Condamne M. [S] [O] [I] aux dépens d’appel. Dit que le greffier de la cour notifiera le présent arrêt aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception conformément à l’article 87 du code de procédure civile, Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Le greffier, Le président,
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