L’Essentiel : En date du 27 octobre 2011, une usufruitière et une représentante d’une société de gestion ont conclu un bail commercial avec une société locataire pour des locaux. Ce bail, d’une durée de 9 ans, a été établi pour un loyer annuel de 17 000 euros. Le 12 février 2021, la société locataire a demandé le renouvellement du bail, accepté par la société foncière avec une proposition de loyer de 48 000 euros. Le tribunal a finalement fixé le loyer du bail renouvelé à 18 691,77 euros par an, déboutant la société foncière de sa demande de déplafonnement.
|
Contexte de l’AffaireEn date du 27 octobre 2011, une usufruitière et une représentante d’une société de gestion ont conclu un bail commercial avec une société locataire pour des locaux situés dans un immeuble. Ce bail, d’une durée de 9 ans, a été établi pour un loyer annuel de 17 000 euros, avec des charges trimestrielles. Cession du Bail CommercialLe 7 février 2012, la société locataire a cédé son fonds de commerce à une autre société, incluant le droit au bail des locaux. Par la suite, le 21 janvier 2021, une société foncière a acquis les lieux loués. Demande de Renouvellement de BailLe 12 février 2021, la société locataire a demandé le renouvellement du bail commercial, ce qui a été accepté par la société foncière, mais avec une proposition de nouveau loyer de 48 000 euros. Litige sur le Montant du LoyerLe 18 janvier 2022, la société foncière a demandé la fixation du loyer du bail renouvelé à 48 000 euros. En réponse, la société locataire a assigné la société foncière devant le tribunal pour établir la date d’effet du renouvellement et le montant du loyer. Jugement InitialLe 13 janvier 2023, le juge a constaté le renouvellement du bail à compter du 1er avril 2021 et a ordonné une expertise pour déterminer la valeur locative du renouvellement. Rapport d’ExpertiseLe rapport d’expertise, déposé le 18 juillet 2024, a évalué le loyer de renouvellement à 18 691,77 euros par an, en concluant qu’il n’y avait pas eu de modification notable des facteurs locaux de commercialité durant la période du bail expiré. Demandes des PartiesLa société foncière a demandé que le loyer soit fixé à 30 200 euros, tandis que la société locataire a demandé à ce que le loyer soit maintenu au montant plafonné de 18 691,77 euros. Décision du TribunalLe tribunal a débouté la société foncière de sa demande de déplafonnement du loyer, fixant le loyer du bail renouvelé à 18 691,77 euros par an. Il a également statué que les intérêts sur le différentiel de loyer ne pouvaient pas être capitalisés et a débouté la société locataire de sa demande de remboursement des loyers trop-perçus. ConclusionLe jugement a été rendu exécutoire de droit par provision, et la société foncière a été condamnée aux dépens, tandis que chaque partie a conservé la charge de ses frais irrépétibles. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la base légale pour le déplafonnement du loyer dans le cadre d’un bail commercial ?Le déplafonnement du loyer dans le cadre d’un bail commercial est régi par les articles L. 145-33 et L. 145-34 du Code de commerce. L’article L. 145-33 stipule que : « Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. À défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués dans le voisinage. » L’article L. 145-34 précise que : « Le loyer peut être déplafonné en cas de modification notable des caractéristiques des locaux ou des facteurs locaux de commercialité survenus au cours du bail expiré. » Dans cette affaire, la société BSD FONCIERE a demandé le déplafonnement du loyer en raison de modifications des caractéristiques des locaux et des facteurs locaux de commercialité. Cependant, l’expert judiciaire a conclu qu’il n’y avait pas eu de modification notable durant le bail expiré, ce qui a conduit à débouter la société BSD FONCIERE de sa demande. Comment est déterminé le montant du loyer renouvelé en l’absence de déplafonnement ?En l’absence de déplafonnement, le montant du loyer renouvelé est déterminé selon l’article L. 145-33 du Code de commerce, qui stipule que le loyer doit correspondre à la valeur locative. L’article L. 145-33 indique que : « Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. À défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués dans le voisinage. » Dans cette affaire, l’expert judiciaire a évalué le loyer de renouvellement à 18 691,77 euros par an hors taxes et hors charges. Les parties n’ont pas contesté les critères d’évaluation retenus par l’expert, ce qui a conduit à fixer le loyer du bail renouvelé à cette somme. Quelles sont les implications des intérêts sur le différentiel de loyer ?Les intérêts sur le différentiel de loyer sont régis par l’article 1231-6 du Code civil, qui stipule que des intérêts courent sur les sommes dues à compter de la saisine de la juridiction. L’article 1231-6 précise que : « Les intérêts moratoires sont dus de plein droit à compter de la mise en demeure, sauf disposition contraire. » Dans cette affaire, des intérêts ont couru sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer finalement dû, à compter de la saisine de la juridiction, soit le 31 octobre 2022. Cependant, le juge des loyers commerciaux n’est pas compétent pour condamner le paiement de ces intérêts, ce qui a conduit à débouter la société BSD FONCIERE de sa demande à ce titre. Quelle est la compétence du juge des loyers commerciaux concernant les demandes de remboursement de loyers trop-perçus ?La compétence du juge des loyers commerciaux est définie par l’article R. 145-23 du Code de commerce, qui précise que les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé doivent être portées devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. L’article R. 145-23 indique que : « Les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. » Dans cette affaire, la société D&S MODE a demandé le remboursement des loyers trop-perçus, mais le juge des loyers commerciaux n’a pas compétence pour se prononcer sur cette demande, ce qui a conduit à débouter la société D&S MODE de sa demande de remboursement. Quelles sont les conséquences des dépens et des frais irrépétibles dans cette affaire ?Les dépens sont régis par l’article 696 du Code de procédure civile, qui stipule que la partie perdante est condamnée aux dépens, sauf décision motivée du juge. L’article 696 précise que : « La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. » Dans cette affaire, la société BSD FONCIERE, déboutée de sa demande de déplafonnement, a été condamnée à supporter les dépens, y compris les frais d’expertise. Concernant les frais irrépétibles, l’article 700 du Code de procédure civile dispose que le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme pour les frais exposés et non compris dans les dépens. Cependant, le juge a décidé de laisser à la charge de chaque partie ses propres frais irrépétibles, déboutant ainsi les deux sociétés de leurs demandes sur ce fondement. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY
JUGEMENT DU 04 FEVRIER 2025
Greffe des loyers commerciaux
Affaire: N° RG 22/11072 – N° Portalis DB3S-W-B7G-WZGM
Chambre 5/Section 4-LC
Minute n° : 25/00199
DEMANDEUR
BSD FONCIERE
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Chantal TEBOUL ASTRUC, avocat au barreau de PARIS,
vestiaire : A0235
C/
DEFENDEUR
S.A.R.L. D&S MODE
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Gilles HITTINGER ROUX de la SCP HB & ASSOCIES-HITTINGER-ROUX BOUILLOT & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0497
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Géraldine HIRIART, juge, statuant par délégation du Président du Tribunal et dans les conditions prévues aux articles R145-23 et suivants du code de commerce, assistée de Madame Sakina HAFFOU, greffier lors des débats.
DÉBATS
Audience publique du 19 Novembre 2024
JUGEMENT
Prononcée publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement réputé non contradictoire et en premier ressort, par Madame Géraldine HIRIART,Juge des loyers commerciaux assistée de Madame Sakina HAFFOU, greffier.
Par acte sous signature privée du 27 octobre 2011, Mme [E] [N], usufruitière, et Mme [L] [N], représentées par la société FONCIA [Localité 5] GESTION, ont conclu avec la société HW un bail commercial portant sur des locaux constitués par les lots 25 (boutique), n°28 (appartement) et n° 39 (cave) au sein de l’immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 7] pour une durée de 9 ans à compter du 1er janvier 2021 et moyennant un loyer annuel de 17 000 euros outre une provision trimestrielle sur charges d’un montant de 526 euros.
Par acte sous signature privée du 07 février 2012, la société HW a cédé à la société D&S MODE son fonds de commerce sis [Adresse 2] à [Localité 7] en ce compris le droit au bail des lieux où le fonds de commerce est exploité.
Par acte authentique du 21 janvier 2021, la société BSD FONCIERE a acquis de Mme [L] [N] les lieux loués à la société D&S MODE et sis [Adresse 2] à [Localité 7].
Par acte d’huissier de justice du 12 février 2021, la société D&S MODE a sollicité de la société BSD FONCIERE le renouvellement du bail commercial du 27 octobre 2011 conclu entre la société FONCIA [Localité 5] GESTION et la société HW aux droits de laquelle elle vient, avec effet au 1er avril 2021.
Par acte d’huissier de justice du 29 mars 2021 signifié la société D&S MODE, la société BSD FONCIERE l’a informé de son acceptation du principe du renouvellement du bail moyennant un nouveau loyer de 48 000 euros hors charges et hors taxes, toutes les clauses et conditions du bail antérieur demeurant inchangées.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 18 janvier 2022, la société BSD FONCIERE a adressé à la société D&S MODE un mémoire préalable aux fins à titre principal de fixation du loyer du bail renouvelé à la somme annuelle de 48 000 euros HT / HC.
Par acte d’huissier de justice du 31 octobre 2022, la société BSD FONCIERE a assigné la société D&S MODE devant le juge des loyers commerciaux du Tribunal judiciaire de BOBIGNY aux fins à titre principal de fixation de la date d’effet du renouvellement au 1er avril 2021 et fixation du loyer de renouvellement à la somme de 48 000 euros HT / HC à compter du 1er avril 2021.
Par jugement du 13 janvier 2023, le Juge des loyers commerciaux du Tribunal judiciaire de BOBIGNY a :
– constaté le renouvellement du bail commercial entre la SCI BSD FONCIERE et la société SARL D&S MODE à compter du 1er avril 2021 ;
– avant dire droit sur le prix du bail de renouvellement ordonné une expertise confiée à M. [K] [O] aux fins notamment de déterminer la valeur locative du renouvellement au 1er avril 2021.
Le 18 juillet 2024, M. [K] [O] a déposé son rapport.
Par dernier mémoire notifié par le RPVA le 1er octobre 2024 et par lettre recommandée avec avis de réception du 1er octobre 2024 réceptionnée le 03 octobre 2024, la société BSD FONCIERE demande au Juge des loyers commerciaux de :
– fixer le prix du bail renouvelé à compter du 1er avril 2021 à la somme de 30 200 euros par an HT / HC correspondant à la valeur locative, toutes autres clauses du bail restant inchangées sauf les effets de la loi PINEL ;
– déclarer que le loyer fixé portera intérêts au taux légal de plein droit à compter de la date d’effet du nouveau loyer avec capitalisation annuelle des intérêts conformément aux article 1231-6 et 1343-6 du code civil ;
– condamner la société D&S MODE à payer à la société BDS FONCIERE la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens.
A l’appui de ses demandes, la société BSD FONCIERE fait valoir que le montant du loyer renouvelé doit être déplafonné en raison d’une modification notable des caractéristiques des locaux et des facteurs locaux de commercialité durant la durée du bail expiré. Elle explique que la société D&S MODE utilise une partie de l’appartement situé au-dessus du magasin pour entreposer des marchandises (2 pièces au moins et une partie de l’escalier), que cet espace de stockage permet au preneur d’augmenter sa capacité de vente.
La société BSD FONCIERE ajoute que le changement d’usage de cette partie des locaux loués, soit l’appartement situé au-dessus du magasin, constitue une modification des caractéristiques du local de nature à entrainer le déplafonnement sans qu’il soit nécessaire qu’il y ait eu une modification contractuelle de la destination des lieux contrairement à ce qu’a retenu l’expert judiciaire.
En outre, la société BSD FONCIERE fait valoir qu’il y a eu une modification notable des facteurs locaux de commercialité durant le bail expiré en raison des projets urbains développés par la ville de [Localité 7] (aménagement des berges du canal de [Localité 7], création de pistes cyclables depuis 2011 et création d’un parcours d’art urbain le long du canal en 2016, création de l’écoquartier fluvial sur l’île [Localité 7]). Elle ajoute qu’il y a également eu l’arrivée d’une nouvelle population avec des revenus plus élevés et une légère baisse du chômage. De plus, la société BSD FONCIERE explique qu’il y a eu une amélioration de la desserte des lieux loués en transport en communs par la mise en service du tramway 8 et du tramway 5 qui se situent dans un rayon de chalandise de 350 mètres et 650 mètres des lieux loués ainsi que le prolongement du tramway 1. Elle ajoute que depuis 2014 le chiffre d’affaires de la société D&S MODE a augmenté.
Enfin, la société BSD FONCIERE fait valoir qu’il y a lieu de retenir comme valeur locative des locaux loués après correctifs la somme de 30 200 euros.
Par dernier mémoire notifié par le RPVA le 31 juillet 2024 et par lettre recommandée avec avis de réception du 31 juillet 2024 réceptionnée le 04 août 2024, la société D&S MODE demande au Juge des loyers commerciaux de :
– à titre principal :
* débouter la société BSD FONCIERE de sa demande tendant au déplafonnement et en fixation du loyer de renouvellement à la valeur locative ;
* débouter la société BSD FONCIERE de sa demande tendant à voir fixer le loyer annuel à la somme de 31 215 euros hors taxes et hors charges ;
* juger que le loyer de renouvellement dû par la société D&S MODE à compter du 1er avril 2021 devra correspondre au loyer plafonné ;
* fixer le loyer annuel plafonné hors taxes et hors charges à la somme de 18 691,77 euros HC / HT par an en principal à compter du 1er avril 2021 ;
* condamner la société BSD FONCIERE à rembourser à la société D&S MODE le trop-perçu de loyer encaissé par elle par rapport au loyer de renouvellement plafonné outre le paiement des intérêts légaux sur lesdits trop-perçus de loyers ;
– à titre subsidiaire, si par extraordinaire le loyer de renouvellement devait être fixé à un montant supérieur au loyer plafonné :
* juger que la variation qui découle du déplafonnement en vertu de l’article L. 145-34 du code de commerce, ne pourra conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente ;
* juger que le lissage du montant du loyer de renouvellement édicté par l’article L. 145-34 du code de commerce, est applicable au montant du loyer tel que fixé à l’occasion du renouvellement ;
– en tout état de cause :
* condamner la société BSD FONCIERE au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Gilles HITTINGER-ROUX, Avocat au Barreau de Paris, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
A l’appui de ses demandes, la société D&S MODE fait valoir qu’il n’y a pas lieu de déplafonner le loyer de renouvellement en l’absence de changement de la destination des lieux prévue par le bail soit « confection, bonneterie, lingerie, tissus, vente de chaussures » et en l’absence de modification notable des facteurs locaux de commercialité comme l’a retenu l’expert judiciaire. Elle ajoute que l’expert a constaté l’absence d’évolution notable de la population de la ville de [Localité 7], l’absence d’impact sur les commerces de la fréquentation de la station [Localité 8] et des lignes de tramway et l’absence d’évolution du nombre de logements. La société D&S MODE en déduit que le loyer de renouvellement doit être fixé à hauteur du loyer plafonné.
Il est expressément renvoyé aux mémoires susvisés pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
L’affaire a été fixée à l’audience du 19 novembre 2024.
A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 21 janvier 2025 par mise à disposition au greffe et le délibéré a été prorogé au 04 février 2025 en raison d’une surcharge de travail du juge des loyers commerciaux.
A titre liminaire, il sera rappelé que par jugement rendu le 13 janvier 2023, le Juge des loyers commerciaux du Tribunal judiciaire de BOBIGNY a constaté le renouvellement du bail commercial entre la SCI BSD FONCIERE et la société SARL D&S MODE à compter du 1er avril 2021.
Sur la demande de déplafonnement du loyer du bail renouvelé
Il résulte des articles L. 145-33, L. 145-34 et R. 145-6 du code de commerce qu’une modification des facteurs locaux de commercialité peut constituer un motif de déplafonnement du nouveau loyer si elle est notable, survenue au cours du bail expiré et de nature à avoir un incidence favorable sur l’activité commerciale exercée par le preneur. Les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l’intérêt que présente, pour le commerce considéré, l’importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l’attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l’emplacement pour l’activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d’une manière durable ou provisoire.
En l’espèce, dans son rapport d’expertise daté du 11 juillet 2024 déposé le 18 juillet 2024, M. [K] [O] a conclu qu’il n’y a pas eu de modification notable des facteurs locaux de commercialité durant le bail expiré compte tenu de l’évolution de la population, de celle du pouvoir d’achat (étude de l’évolution des catégories socio-professionnelles), de celle des transports en commun, de celle du nombre de logements et de celle de la commercialité du secteur.
Il a évalué la surface utile des locaux loués à 32,20 m² pondérés, en prenant en compte l’accord des parties pour une évaluation de la surface de la cave non visitée à 1m² pondéré, et à 37 m² la surface habitable du logement situé au 1er étage.
L’expert judiciaire a évalué le loyer de renouvellement plafonné au 1er avril 2021 à la somme de 18 691,77 euros par an hors taxes et hors charges et la valeur locative de renouvellement à la même date à la somme de 25 200 euros par an hors taxes et hors charges. Il a préconisé de retenir le loyer de renouvellement plafonné.
L’expert judiciaire a répondu aux dires des parties concernant notamment les caractéristiques des locaux loués et l’existence ou non d’une modification notable des facteurs locaux de commercialité durant le bail et a maintenu ses conclusions quant à l’absence d’une telle modification notable.
Ainsi, l’expert a maintenu son évaluation de la valeur locative de renouvellement des lieux loués à la somme de 600 euros hors taxes et hors charges par m² utiles pondérés, en précisant qu’il avait étudié les biens qui sont implantés sur le tronçon 3 de la [Adresse 6], qui est un tronçon ouvert à la circulation automobile offrant une meilleure commercialité et une moindre fluidité piétonne.
Concernant les caractéristiques des locaux du 1er étage, l’expert a rappelé qu’il a constaté la présence de marchandises (vêtements), que la consistance des lieux correspond à un logement avec une salle d’eau, des WC et une cuisine, que l’entreposage de vêtements dans les lieux n’a pas entraîné une modification « physique » de l’appartement qui conserve les caractéristiques d’un usage d’habitation et qu’il n’a pas constaté la réalisation d’aménagements ou modifications visant à transformer le logement en réserve, d’autant que l’usage commercial de cet appartement est interdit par le règlement de copropriété.
Concernant l’évolution du paysage urbain invoquée par la société BSD FONCIERE dans ses dires, l’expert a indiqué que :
– les projets urbains évoqués sont éloignés des lieux loués,
– le dynamisme du tourisme concerne l’ensemble du département et non l’environnement proche des lieux loués ;
– la fréquentation de la basilique de [Localité 7] a baissé de 20,33% entre 2013 et 2019 ;
– les créations d’entreprises évoquées dans le département de la SEINE-SAINT-DENIS ne concernent pas directement les lieux loués ;
– l’évolution des catégories socio-professionnelles de la population de [Localité 7] a été plus marquée dans les catégories supérieures ainsi que pour les personnes sans activité professionnelle ;
– le développement de tramway n’a pas augmenté de telle manière à modifier notablement les facteurs locaux de commercialité compte tenu de l’éloignement de la ligne 8 (700 mètres lieux loués) et du phénomènes des vases communicants entre les transports en commun qui conduit à modérer l’évolution de la fréquentation.
Enfin, concernant le droit d’étalage justifiant une majoration de la valeur locative alléguée par la société BSD FONCIERE, l’expert a indiqué qu’il a constaté la présence externe de supports sur lesquels étaient exposés quelques vêtements aux deux extrémités de la vitrine et qu’il ne lui a été communiqué aucun élément attestant du fait que le preneur bénéficie d’une autorisation d’occupation du domaine public valant droit d’étalage. L’expert en a déduit que cet étalage très minimaliste peut justifier une majoration maximale de 2% de la valeur locative de renouvellement.
La société BSD FONCIERE ne verse aux débats aucun élément de preuve permettant de remettre en cause les conclusions de l’expert et les réponses qu’il a apportées aux dires de cette société.
Dès lors, la société BSD FONCIERE ne rapporte pas la preuve d’une modification notable des caractéristiques des locaux loués et des facteurs locaux de commercialité.
En conséquence, il y a lieu de la débouter de sa demande de déplafonnement du montant du loyer du bail renouvelé.
Sur le montant du loyer du bail renouvelé
En application de l’article L. 145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative et qu’à défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
L’expert judiciaire a évalué le loyer du bail renouvelé au 1er avril 2021 à la somme de 18 691,77 euros par an hors taxes et hors charges.
Les parties ne contestent pas les critères d’évaluation retenus par l’expert judiciaire, indépendamment de la demande de la société BSD FONCIERE de voir constater un déplafonnement du loyer.
En l’absence de déplafonnement, il a lieu de fixer le loyer du bail renouvelé à compter du 1er avril 2021 à la somme de 18 691,77 euros par an hors taxes et hors charges.
Sur la demande de capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1243-6 du code civil
En application de l’article 1231-6 du code civil, des intérêts ont couru sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer finalement dû, à compter de la saisine de la présente juridiction, soit le 31 octobre 2022 puis au fur et à mesure des échéances échues.
En application de l’article R. 145-23 du code de commerce, la compétence du juge des loyers qui lui permet, après avoir fixé le prix du bail révisé ou renouvelé, d’arrêter le compte que les parties sont obligées de faire est exclusive du prononcé d’une condamnation.
Dès lors, le juge des loyers commerciaux n’est donc pas compétent pour condamner la société D&S MODE au paiement de ces intérêts et la société BSD FONCIERE sera déboutée de sa demande à ce titre et au titre de la capitalisation de ces intérêts.
Sur la demande de remboursement de trop-perçus de loyers de la société D&S MODE
En application de l’article R. 145-23 du code de commerce, les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace et les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé.
Dès lors, le juge des loyers commerciaux n’a pas compétence pour se prononcer sur la demande de restitution de loyers trop-perçus formulée par la société D&S MODE.
Elle sera donc déboutée de sa demande de ce chef.
Sur les autres demandes
Sur l’exécution provisoire
Conformément à l’article 514 du code de procédure civile, le présent jugement est exécutoire de droit par provision et cette exécution provisoire n’est pas incompatible avec la nature de l’affaire.
Sur les dépens
En application de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, la société BSD FONCIERE, déboutée de sa demande de déplafonnement du loyer du bail commercial renouvelé, a la qualité de partie perdante et sera condamnée à supporter les dépens de la présente instance, en ce compris les frais d’expertise, avec distraction au profit de Maître Gilles HITTINGER-ROUX, Avocat au Barreau de PARIS, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Sur les frais irrépétibles
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
En l’espèce, l’équité commande de laisser à la charge que chacune des parties ses frais irrépétibles et de débouter la société BSD FONCIERE et la société D&S MODE de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le juge des loyers commerciaux, statuant publiquement par jugement contradictoire en premier ressort et par mise à disposition au greffe,
Déboute la société BSD FONCIERE de sa demande de déplafonnement du loyer du bail commercial renouvelé à compter du 1er avril 2021 entre la société BSD FONCIERE et la société D&S MODE, portant sur les locaux situés [Adresse 2] à [Localité 7] ;
Fixe à la somme de 18 691,77 euros par an hors taxes et hors charges le loyer du bail commercial renouvelé à compter du 1er avril 2021 entre la société BSD FONCIERE et la société D&S MODE et portant sur les locaux situés [Adresse 2] à [Localité 7] ;
Dit des intérêts ont couru sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer finalement dû, à compter de la saisine de la présente juridiction, soit le 31 octobre 2022 puis au fur et à mesure des échéances échues ;
Déboute la société BSD FONCIERE de sa demande de capitalisation des intérêts ;
Déboute la société D&S MODE de sa demande de remboursement des loyers trop-perçus soit la différence en les loyers perçus et le loyer du bail renouvelé plafonné ;
Rappelle que le présent jugement est exécutoire de droit par provision ;
Condamne la société BSD FONCIERE aux dépens, en ce compris les frais d’expertise, avec distraction au profit de Maître Gilles HITTINGER-ROUX, Avocat au Barreau de PARIS, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Déboute la société BSD FONCIERE et la société BSD FONCIERE de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles.
La minute de la présente décision a été signée par Madame Géraldine HIRIART, Juge des loyers commerciaux, assistée de Madame Sakina HAFFOU, greffière.
Fait au Palais de Justice, le 04 février 2025
LE GREFFIERE LE JUGE DE LOYERS COMMERCIAUX
Madame S. HAFFOU Madame G. HIRIART
Laisser un commentaire