Renault Kadjar : le droit au patronyme

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Karim KADJAR, comédien professionnel, et petit-fils de Mohammad Hassan Mirza KADJAR (1899 — 1943) qui était le dernier Prince régent de la dynastie KADJAR et le frère du dernier roi KADJAR ayant régné sur la Perse, Soltan Ahmad Shah (1898-1930) n’a pas obtenu gain de cause contre la société Renault au titre de l’atteinte à son patronyme.

Action en nullité de la marque Kadjar

Invoquant la découverte de l’utilisation de son nom patronymique par la société Renault à titre de marque pour désigner son nouveau véhicule crossover ainsi que comme mot-clé de référencement sur les principaux moteurs de recherche qui ne comportaient de ce fait plus aucune référence à la dynastie Kadjar, Karim KADJAR a assigné RENAULT devant le tribunal de grande instance de Paris en nullité de marque.

En application de l’article 9 du code civil, chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé.

En vertu des dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

Et, conformément à l’article L 714-3 du code de la propriété intellectuelle, est déclaré nul par décision de justice l’enregistrement d’une marque qui n’est pas conforme aux dispositions des articles L 711-1 et à L 711-4, la décision d’annulation ayant un effet absolu et étant, une fois devenue définitive, transmise à l’INPI pour inscription sur ses registres par le greffe ou l’une des parties en application de l’article R 714-3 du même code.

En application de l’article L 711-4 g du code de propriété intellectuelle, ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment au droit de la personnalité d’un tiers, notamment à son nom patronymique, à son pseudonyme ou à son image.

Les conditions de validité d’une marque devant exister au jour du dépôt, la disponibilité du signe doit être appréciée à cette date soit en 2014.

Protection du patronyme KADJAR

Toute personne qui porte un nom de famille a un intérêt direct à agir pour le défendre seule et peut s’opposer à son utilisation à des fins commerciales sous des conditions tenant à l’existence d’une faute lui causant directement un préjudice en application de l’article 1382 du code civil et d’une atteinte à son nom conformément à l’article L 711-4 du code de la propriété intellectuelle. Or, tant les notions de faute et de préjudice que celle d’atteinte impliquent en elles-mêmes que le signe utilisé par un tiers à des fins de commerciales, et en particulier à titre de marque, soit susceptible d’être confondu, y compris par association directe ou indirecte, avec le nom patronymique : en l’absence de tout lien ou rattachement effectué par les tiers entre eux, ces éléments sont inexistants. Et, la confusion n’est envisageable que si le nom patronymique est suffisamment connu pour pouvoir être lié au signe postérieur. De ce fait, la notoriété de ce dernier est une condition de l’existence du risque de confusion, sa rareté, qui par elle-même ne permet aucun rattachement et induit au contraire son ignorance par les tiers, n’étant qu’un élément supplémentaire permettant de quantifier ce risque.

Par ailleurs, s’il est exact que le nom patronymique est protégé en tant que droit de la personnalité et que c’est ainsi la personne de son titulaire qui est protégée par son truchement, c’est également et exclusivement à travers le nom, qui est le vecteur et le support de la protection dont il définit les limites, que sont appréciées les conditions de mise en œuvre de cette dernière : seule la notoriété du nom patronymique, qui peut avoir été acquise sur un temps long par l’action des générations antérieures, et non celle de son porteur actuel, compte.

Enfin, le risque de confusion doit, comme la notoriété du nom, être apprécié, s’agissant d’une marque française, en considération du public visé par les produits désignés à l’enregistrement de la marque, soit le consommateur moyen français d’automobiles.

Dans ce cadre, il appartenait à Karim KADJAR, qui n’a pas qualité pour défendre la mémoire d’une dynastie déchue mais a exclusivement qualité et intérêt pour combattre une atteinte au nom patronymique qu’il porte, de démontrer la notoriété de ce dernier, éventuellement à travers celle de la dynastie dont il descend, et le risque de confusion qui la présuppose.

Or, la société RENAULT n’a jamais personnellement et spontanément signalé dans ses communications promotionnelles ou publicitaires l’origine du mot Kadjar et son lien avec une dynastie iranienne, les tweets opposés sur ce point étant des réponses à des questions d’internautes. A cet égard, le fait que la RENAULT ait personnellement connu cette dynastie et ait consciemment utilisé son nom n’est pas pertinent, seul important la connaissance effective du nom litigieux par le public français que celle des dirigeants de l’entreprise n’induit pas.

Les juges ont conclu au rayonnement limité du signe KADJAR, touchant un public spécifiquement intéressé à l’histoire de l’Iran et non à l’histoire de France, le nom KADJAR n’étant pas connu du public français. En conséquence, en l’absence de notoriété de son nom patronymique et partant de toute possibilité d’un risque de confusion, les demandes de Karim KADJAR ont été rejetées.

Marque trompeuse ?

En application de l’article L 711-3c du code de la propriété intellectuelle, ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service.

Ainsi que l’a précisé la Cour de justice de l’union européenne (arrêt Von Colson et Kamann c. Land Nordhein-Westfalen du 10 avril 1984), le juge judiciaire, juge communautaire de droit commun, est tenu d’interpréter dans toute la mesure du possible les dispositions internes conformément au texte des directives communautaires transposées ou non pour atteindre le résultat qu’elles visent.  Aux  termes de son arrêt du 30 mars 2006 Elizabeth Florence Emanuel c. Continental Shelf 128 Ltd rendu sur question préjudicielle sur l’interprétation de l’article3§1g de la directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques transposé à l’article L 711-3 du code de la propriété intellectuelle, la CJUE a indiqué que, s’agissant d’une marque correspondant au nom d’une personne, le motif d’ordre public qui justifie l’interdiction édictée par cette disposition d’enregistrer une marque susceptible de tromper le public, à savoir la protection du consommateur, doit conduire à s’interroger sur le risque de confusion qu’une telle marque risque de créer dans l’esprit d’un consommateur moyen, notamment quand la personne au nom de laquelle correspond la marque personnifiait à l’origine les produits portant cette marque. Elle ajoutait que ce cas de refus d’enregistrement suppose que l’on puisse retenir l’existence d’une tromperie effective ou d’un risque suffisamment grave de tromperie du consommateur.

Aussi, il incombait à Karim KADJAR de démontrer qu’au jour du dépôt non seulement le public français pouvait confondre le signe constituant la marque et le nom patronymique mais que la confusion ainsi produite générait une tromperie effective ou un risque suffisamment grave qu’elle se réalise. Cette preuve n’a pas non plus été apportée.

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