1. Attention à la Preuve des Manquements de l’Employeur :
Lorsqu’un salarié souhaite demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail, il doit être en mesure de prouver les manquements graves de l’employeur à ses obligations. Il est recommandé de rassembler toutes les preuves nécessaires, telles que des courriels, des témoignages ou des documents officiels, qui démontrent clairement ces manquements. Sans preuves solides, la demande risque d’être rejetée par le juge. 2. Il est recommandé de Documenter les Conditions de Travail : 3. Attention à la Communication avec l’Employeur : |
→ Résumé de l’affaireRésumé des faits de l’affaire
Contexte et historique de l’emploi : Retour à la CNAM et missions : Problèmes de santé et actions judiciaires : Licenciement et jugement initial : Appel et demandes actuelles : L’ordonnance de clôture est intervenue le 16 janvier 2024. |
→ Les points essentielsDemande de résiliation judiciaire du contrat de travailLa résiliation judiciaire du contrat de travail peut être prononcée aux torts de l’employeur en cas de manquements graves à ses obligations. M. [M] reproche à son employeur, la CNAM, de ne pas lui avoir fourni le travail convenu et de l’avoir laissé sans mission concrète, ce qui aurait dégradé sa santé. Cependant, la cour a constaté que les missions confiées à M. [M] étaient bien définies et que la CNAM avait pris les mesures nécessaires pour lui fournir les outils et conditions de travail adéquats. En outre, le contexte de la pandémie de Covid-19 a été pris en compte pour expliquer certains délais. Aucun manquement de l’employeur n’a été caractérisé, et la demande de résiliation judiciaire a été rejetée. Reconnaissance du caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciementM. [M] soutenait que son licenciement pour inaptitude était sans cause réelle et sérieuse, arguant que son état de santé dégradé était dû aux fautes de son employeur. Cependant, la cour a retenu qu’aucun manquement de la CNAM à ses obligations n’avait été démontré. Par conséquent, M. [M] ne pouvait valablement soutenir que son inaptitude était consécutive à des fautes de son employeur. Le jugement a donc été confirmé, rejetant la demande de reconnaissance du caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement. Pretentions annexesLe jugement a été confirmé en ce qui concerne les dépens et l’article 700 du code de procédure civile. M. [M], ayant succombé dans ses demandes, a été condamné aux dépens d’appel. En équité, il n’a pas été fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Les montants alloués dans cette affaire:
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→ Réglementation applicableArticles des Codes cités et leur texte
– Article L.4121-1 du Code du travail : L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. – Article 700 du Code de procédure civile : Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. Résumé des points de motivation 1. Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail : 2. Sur la demande de reconnaissance du caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement : 3. Sur les prétentions annexes : Ces points résument les conclusions de la cour et les articles de loi pertinents cités dans le jugement. |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Caroline ARNOUX, avocat au barreau de LILLE
– Me Guillaume DESMOULIN, avocat au barreau de PARIS – Me Rachida ZAHNOUN, avocat au barreau de PARIS |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Douai
RG n°
22/01784
29 Mars 2024
N° 292/24
N° RG 22/01784 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UVBK
CV/AL
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Lannoy
en date du
14 Décembre 2022
(RG 21/00013 -section )
GROSSE :
Aux avocats
le 29 Mars 2024
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANT :
M. [I] [M]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Caroline ARNOUX, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉ :
Etablissement Public CAISSE DE L’ASSURANCE MALADIE
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Guillaume DESMOULIN, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Rachida ZAHNOUN, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Marie LE BRAS
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Patrick SENDRAL
: CONSEILLER
[N] [B]
: CONSEILLER
GREFFIER lors des débats : Cindy LEPERRE
DÉBATS : à l’audience publique du 30 Janvier 2024
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Mars 2024,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 16 Janvier 2024
La Caisse Nationale d’Assurance Maladie (ci-après dénommée la CNAM) est un établissement public administratif en charge du service médical qui est composé de 16 directions régionales du service médical (DRSM). Ces DRSM sont indépendantes des CPAM, elles sont sous la hiérarchie de la CNAM et en constituent une branche mais ont une activité autonome. Elles emploient notamment des praticiens conseils.
M. [I] [M] a été embauché au sein de la CNAM le 1er mars 1992 en qualité de médecin-conseil.
Il était rattaché à la DRSM Nord. Il a évolué au sein de la structure et a été nommé à compter du mois de novembre 2017 médecin-conseil chef de service.
Au cours de la relation de travail, M. [M] a exercé différents mandats syndicaux.
Suivant avenant du 17 février 2017, M. [M] a été détaché en qualité de médecin-conseil régional au sein du RSI (régime social des indépendants) pour une durée de 5 ans.
Suite à la loi de financement de la sécurité sociale du 30 décembre 2017 qui a prévu l’intégration du RSI au sein du régime général de la sécurité sociale, M. [M] a réintégré la CNAM.
Dans le cadre de son transfert, il a été proposé à M. [M] d’exercer une mission nationale, qu’il a acceptée. Le 31 décembre 2019, une convention d’affectation temporaire relative à cette mission a été conclue par les parties pour une prise de fonction à partir du 2 janvier 2020.
Par courrier du 4 mars 2020, M. [M] a mis fin à la mission de façon anticipée, cette mission se terminant le 6 mai 2020 suite à un préavis de deux mois.
Le 17 juin 2020, une nouvelle mission a été proposée au salarié, qu’il a refusée par l’intermédiaire de son conseil.
M. [M] a été placé arrêt de travail à compter du 29 juin 2020.
Le 21 janvier 2021, M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Lannoy pour voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail dénonçant principalement le fait de l’avoir mis à l’écart, d’avoir refusé de lui attribuer un poste correspondant à sa qualification et de l’avoir laissé sans nouvelles ni affectation pendant des mois.
En parallèle, le 16 septembre 2021, M. [M] a rencontré le médecin du travail dans le cadre d’une visite de pré-reprise. Après une étude poste et des conditions de travail, le médecin du travail a déclaré le 4 novembre 2021 M. [M] inapte à son poste et a précisé que le maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.
Le 10 janvier 2022, la CNAM a notifié à M. [M] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, licenciement qu’il a également contesté devant la juridiction prud’homale.
Par jugement contradictoire du 14 décembre 2022, le conseil de prud’hommes de Lannoy a :
– jugé que M. [M] n’apporte pas suffisamment d’éléments pour caractériser une exécution fautive du contrat de travail par la CNAM,
– jugé que l’inaptitude de M. [M] n’est pas liée à un manquement de la caisse nationale d’assurance maladie à son encontre,
– jugé que le licenciement de M. [M] suite à une inaptitude d’origine non professionnelle est régulier et fondé sur une cause réelle et sérieuse,
en conséquence,
– débouté M. [M] de sa demande de résiliation judiciaire produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– débouté M. [M] de sa demande de requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– débouté M. [M] de ses autres demandes,
– débouté la caisse nationale d’assurance maladie de ses autres demandes,
– débouté les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires,
– condamné M. [M] aux dépens de l’instance.
Par déclaration reçue au greffe le 21 décembre 2022, M. [M] a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté la CNAM de ses autres demandes.
Dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 16 mars 2023, M. [M] demande à la cour de réformer le jugement et de :
– constater que la CNAM n’a pas exécuté le contrat de travail loyalement et qu’elle a manqué à son obligation de protéger sa santé et sa sécurité,
– prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la CNAM et juger que cette rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– subsidiairement, juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
En tout état de cause,
– condamner la CNAM à lui payer les sommes suivantes :
*49 817,94 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
*150 000 euros nets à titre d’indemnité pour défaut de cause réelle et sérieuse,
*50 000 euros à titre d’indemnité pour exécution fautive du contrat,
*4 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 15 juin 2023, la CNAM demande à la cour de :
* à titre principal, confirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions,
* à titre subsidiaire, s’il était jugé que la résiliation judiciaire devait produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou subsidiairement que le licenciement était considéré comme étant sans cause réelle et sérieuse, il sera fait application du barème d’indemnisation prévu à l’article L. 1235-3 du code du travail :
– limiter sa condamnation à 3 mois de salaire conformément au barème d’indemnisation, soit 24 908,97 euros bruts,
– débouter M. [M] de ses autres demandes,
* en tout état de cause,
– juger que les autres demandes de M. [M] sont injustifiées et en conséquence le débouter de ses demandes d’indemnité compensatrice de préavis et d’indemnité pour une prétendue exécution fautive du contrat de travail,
– condamner M. [M] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l’exposé de leurs moyens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 16 janvier 2024.
1) Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail
La résiliation judiciaire du contrat de travail peut être prononcée aux torts de l’employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.
C’est au moment où il statue que le juge examine la gravité des manquements invoqués et il appartient au salarié d’en rapporter la preuve.
La résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse avec toutes conséquences de droit.
L’employeur est tenu de fournir au salarié le travail convenu, dans les conditions prévues et moyennant le salaire convenu dans le cadre du contrat de travail. Il est également tenu d’un devoir de loyauté dans l’exécution du contrat de travail.
Aux termes de l’article L.4121-1 du code du travail, l’employeur a également l’obligation de tout mettre en ‘uvre pour que le salarié exécute son travail dans des conditions préservant sa santé et sa sécurité.
Au soutien de sa demande de prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail, M. [M] reproche à son employeur les manquements suivants aux obligations précitées :
– alors qu’il devait pouvoir exercer les fonctions de médecin conseil régional adjoint suite à la fin de son détachement, la CNAM l’a affecté ou a tenté de l’affecter sur des missions différentes, d’abord par la convention du 31 décembre 2019, soit la veille de son transfert, il a été affecté à une mission très abstraite sans aucune concertation et était affecté partiellement à Paris et partiellement à la CPAM de [Localité 5], sans que les moyens d’accès au locaux parisiens ne soient mis à sa disposition ni qu’il lui soit expliqué en quoi consistait concrètement sa mission, se retrouvant par suite isolé et sans travail,
– après qu’il a mis fin à cette mission comme la convention l’y autorisait et alors qu’il devait être réintégré à la DRSM au terme de son préavis le 6 mai 2020, rien n’a été prévu aux termes du confinement pour sa réintégration, une nouvelle mission nationale lui étant finalement proposée le 17 juin 2020, plus d’un mois après le terme de la mission précédente, qu’il a refusée souhaitant reprendre ses fonctions contractuelles de médecin conseil régional adjoint,
– il n’a ensuite plus eu de nouvelles alors que bien qu’étant en arrêt de travail, il était disponible pour échanger sur sa situation professionnelle, jusqu’au 15 janvier 2021, soit sept mois après le courrier de son avocat refusant la nouvelle mission, date à laquelle il a été informé de son positionnement au sein de la DRSM des Hauts-de-France,
– il a été placé en arrêt de travail en raison d’un état anxio-dépressif le 29 juin 2020 et cet état est, sans aucun doute possible, en lien avec les conditions de travail qui ont été les siennes et dès lors que les fautes de l’employeur ont eu pour effet de dégrader sa santé, leur gravité est suffisante pour justifier la rupture du contrat de travail.
Il indique n’avoir jamais compris le traitement qui lui a été réservé, étant compétent et ayant toujours donné satisfaction, mais a supposé que la directrice de la DRSM refusait de le voir dans son service, sans en connaître les raisons.
Les manquements reprochés à l’employeur doivent être examinés successivement, étant rappelé que le juge doit examiner l’ensemble des griefs invoqués au soutien de la demande de résiliation judiciaire, quelle que soit leur ancienneté.
Il résulte des pièces produites que suite à l’intégration du RSI au régime général, le détachement de M. [M] prenait fin à compter du 31 décembre 2019. En mars 2019, la CNAM l’informait de son positionnement à compter du transfert de son contrat le 1er janvier 2020 comme médecin-conseil régional adjoint au sein de la DRSAM du Nord-Pas-de-Calais à l’échelon régional de [Localité 5].
Il est également établi que M. [M] a sollicité la rupture conventionnelle de son contrat de travail le 18 décembre 2019, demande à laquelle la CNAM n’a pas donné suite et que fin décembre 2019, une mission nationale a été proposée à M. [M], qu’il a acceptée. Cette mission était formalisée par une convention d’acceptation temporaire signée le 30 décembre 2019 pour une prise de fonctions le 2 janvier 2020. Le seul fait que cette convention soit intervenue quelques jours avant la prise de fonctions de M. [M] ne saurait suffire à caractériser un manquement de l’employeur à son obligation de fournir à son salarié le travail convenu ou à son obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail.
En outre, le fait que M. [M] ait pu être laissé un temps sans nouvelle de sa hiérarchie à compter de mars 2019 avant que ne lui soit proposée cette mission ne saurait être considéré comme fautif, la CNAM rappelant à raison le contexte de l’intégration du RSI, qui nécessitait de gérer les nombreux transferts de contrats de travail des anciens salariés du RSI. M. [M] ne démontre d’ailleurs pas que ses collègues se trouvant dans la même situation que lui auraient assisté à des réunions et comités de direction en vue de leur arrivée dans les DRSM comme il le soutient.
La convention définissait ainsi les missions confiées à M. [M] :
« – piloter le comité de pilotage travailleurs indépendants tel que constitué dans le schéma d’organisation de la réforme RSI
– contribuer aux travaux du CPSTI en préparant les notes présentées en Assemblée Générale et en participant aux commissions tel que prévu dans le protocole signé entre la CNAM et la CPSTI
– assurer le rôle de conseiller médical en cas de besoin auprès du CPSTI
– réaliser un état des lieux et un diagnostic sur la polyactivité
– proposer une rénovation des procédures métier liées à la polyactivité en lien avec les équipes métier et MOA de la CNAM
– assurer les liens transversaux avec les services experts de la CNAM dans le domaine des polyactifs notamment de la réglementation et proposer des évolutions argumentées
– contribuer aux réflexions de toilettage des textes sur la polyactivité
– faire le lien avec la CCMSA sur la partie opérationnelle de gestion des polyactifs ».
Compte tenu de cette mission détaillée, la cour ne peut que constater que M. [M] n’apporte aucun élément pour démontrer comme il le soutient qu’il s’agissait d’une mission vide. Il établit d’ailleurs par la production d’un courriel qu’il a adressé le 7 janvier 2020 à Mme [A] de la CNAM qu’il « avait programmé dès novembre en accord avec [L] [O] une intervention de formation sur les TI auprès des médecins conseils et ISM de la DRSM. Cette formation est prévue le 13 janvier et est en cours de préparation ». M. [M] ne peut se contenter d’affirmer qu’il s’agissait d’une mission très abstraite et pour laquelle il n’était pas informé de ce en quoi consistait sa mission et qu’il se serait retrouvé sans travail alors même que la convention définissait les grandes lignes de la mission qui était la sienne.
Le fait que son contrat de travail prévoit qu’il est médecin conseil régional adjoint n’empêche pas que lui soit confiée une mission nationale sur un sujet particulier, étant rappelé qu’il a accepté cette mission.
Par ailleurs, la convention d’affectation temporaire prévoyait concernant le lieu d’exercice de sa mission qu’il soit affecté 4 jours par semaine sur le site de la CPAM de [Localité 5] et 1 jour par semaine sur le site du Frontalis à la CNAM. La CNAM démontre par la production de plusieurs courriels datant de fin 2019 et début 2020 que le nécessaire a été fait afin de lui octroyer un bureau et les outils nécessaires à l’exercice de sa mission (outils informatique, téléphone, accès réseau etc.). Il n’est aucunement démontré, contrairement à ce que soutient M. [M], que le choix du lieu d’exercice de sa mission relève d’une volonté de le mettre de côté en raison du fait qu’il était indésirable dans les locaux de la DRSM. Il n’est pas plus démontré que M. [M] ne disposait pas des moyens d’accès aux locaux parisiens. Il n’est ainsi pas caractérisé de manquement de l’employeur à ses obligations concernant les outils et conditions de travail de M. [M].
Si M. [M] soutient qu’avant que ne lui soit proposée la mission nationale aucun bureau n’était prévu pour lui au sein de la DRSM et qu’il n’a donc jamais été prévu de l’y accueillir, cette affirmation est contredite par le courriel du 21 décembre 2019 avec pour objet « arrivée du dr [M] » que produit la CNAM par lequel la directrice du service médical indique à deux collaborateurs « j’ai appris tardivement hier soir qu’à ce jour [I] [M] arrivait à la Drsm le 1er janvier. Il faut lui prévoir un bureau d’où ce message, [R] et ses équipes procédant ce jour au déménagement. Dans l’attente de l’évolution de la situation et de trouver une solution plus durable, il faudrait que [P] partage le bureau de son adjointe [Y] et libère le bureau contigu à celui de [K] [Z]. Merci à [R] de faire les aménagements en conséquence ». Il s’en déduit qu’avant que ne soit actée sa mission nationale, un bureau était prévu pour accueillir M. [M] au sein de la DRSM. Si cela n’a pas été fait dès le mois de mars 2019 lors du positionnement de M. [M] comme médecin conseil régional adjoint, cela a néanmoins été fait avant son arrivée, pour lui permettre d’avoir un bureau lors de sa prise de fonctions alors que n’était pas encore prévue sa mission nationale. M. [M] ne peut en conséquence soutenir qu’il n’a jamais été prévu de l’accueillir au sein de la DRSM et qu’il y était indésirable.
En outre, il ne peut être tiré aucune conséquence en termes de manquement de l’employeur à ses obligations, du fait que la directrice régionale du service médical dans un mail du 2 janvier 2020 adressé à ses collaborateurs, évoquant la préparation du bureau de M. [M] au sein de la CPAM, la gestion de son arrivée le jour même pour les formalités RH et la mise à disposition du matériel informatique, conclut en adressant ses remerciements à ses collaboratrices « pour leur disponibilité et leur efficacité dans la gestion, en cette période compliquée de congés, de ce dossier sensible ». Le terme de dossier sensible pouvant s’interpréter de différentes façons selon le contexte et ne pouvant suffire à caractériser un manquement de l’employeur à ses obligations.
Il résulte également des pièces produites que par courrier du 4 mars 2020, reçu le 6 mars 2020, M. [M] a informé la CNAM, comme le lui permettait la convention d’affectation temporaire, de ce qu’il souhaitait mettre fin à la mission, ouvrant ainsi une période de préavis de deux mois, la mission s’étant effectivement terminée le 6 mai 2020.
Suite à son courrier reçu le 6 mars, il est exact que M. [M] n’a pas eu immédiatement de nouvelles de son employeur pour envisager la suite de son contrat de travail à la fin du préavis, mais la CNAM relève pertinemment qu’il ne peut être fait abstraction du contexte de cette période puisqu’est intervenu le premier confinement imposé en France en raison de la pandémie de Covid-19, période complexe et d’autant plus pour la CNAM, eu égard aux nombreux impacts de cette crise sanitaire pour l’établissement public administratif en charge du service médical. Dans un tel contexte, le fait que la CNAM n’ait contacté M. [M] que le 17 juin 2020, soit un peu plus d’un mois après la fin de sa mission précédente, pour lui proposer une nouvelle mission ne saurait être considéré comme un manquement à son obligation de fournir au salarié le travail convenu pas plus qu’à son obligation d’exécuter loyalement le contrat. La CNAM souligne à raison que cela correspond au moment où, après la sortie du confinement, elle a eu de la visibilité sur la reprise de ses activités à la normale.
M. [M] a refusé cette nouvelle mission par courrier de son avocat daté du 24 juin 2020 et s’est trouvé en arrêt maladie à compter du 29 juin 2020, de sorte qu’il ne peut être reproché à son employeur de ne pas avoir dans l’intervalle contacté M. [M]. Compte tenu ensuite de la suspension de son contrat de travail en raison de son arrêt maladie, qui s’est prolongé jusqu’à son licenciement, il ne peut être reproché à la CNAM de ne l’avoir contacté que sept mois plus tard par courrier daté du 15 janvier 2021 pour lui indiquer que conformément au courrier du 11 mars 2019, il était positionné au sein de la DRSM des Hauts-de-France sur l’emploi de médecin conseil régional adjoint et lui préciser « dès que vous serez en mesure de reprendre votre activité professionnelle, M. le Docteur [J] [H], Directeur Régional, vous précisera, après concertation avec vous, le champ d’activité qui vous sera confié au sein de la Direction Régionale du Service Médical des Hauts de France ».
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que M. [M] ne rapporte par la preuve de manquements de son employeur à ses obligations de lui fournir le travail convenu et d’exécuter loyalement le contrat.
S’agissant de l’obligation de l’employeur de préserver la santé et la sécurité du salarié, la cour constate que M. [M] se prévaut du fait que les fautes qu’il invoque de la part de son employeur ont eu pour effet de dégrader sa santé, ce qui selon lui aurait pour conséquence de conférer à ces fautes un caractère de gravité justifiant le prononcé de la résiliation. Mais en l’absence de reconnaissance de l’existence d’une faute commise par l’employeur, la dégradation de l’état de santé de M. [M] ne peut être considérée comme imputable à l’employeur, sans qu’il ne soit nécessaire de reprendre les éléments médicaux produits par M. [M].
Aucun manquement de l’employeur à ses obligations n’étant caractérisé, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a débouté M. [M] de sa demande de prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail et des demandes indemnitaires qui en découlaient.
2) Sur la demande de reconnaissance du caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement
L’employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, de sorte que le licenciement d’un salarié pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu’il est démontré que l’inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l’employeur à l’une de ses obligations.
M. [M] invoque les mêmes raisons que celles qu’il invoquait au soutien de sa demande de résiliation judiciaire pour soutenir que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse : les fautes de son employeur à l’origine de la dégradation de son état de santé et de l’inaptitude qui s’en est suivie.
Il a cependant précédemment été retenu qu’il n’est pas démontré de manquements de la CNAM à ses obligations en tant qu’employeur.
M. [M] ne peut donc valablement soutenir que ce sont les fautes de son employeur qui sont à l’origine de la dégradation de son état de santé et de l’inaptitude qui s’en est suivie.
Le jugement doit en conséquence être confirmé en ce qu’il a débouté M. [M] de sa demande de reconnaissance du caractère sans cause réelle et sérieuse de son licenciement et des demandes indemnitaires qui en découlaient.
3) Sur les prétentions annexes
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile.
M. [M], qui succombe, sera condamné aux dépens d’appel. En équité, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne M. [M] aux dépens d’appel ;
Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Serge LAWECKI Marie LE BRAS