1. Attention à la Preuve de l’Existence d’un Contrat de Travail : Lorsqu’il n’existe pas de contrat de travail écrit, il est recommandé de rassembler des preuves tangibles démontrant l’existence d’une relation de travail. Cela inclut des témoignages, des échanges de messages, et des documents qui montrent que les tâches effectuées vont au-delà de celles d’une simple formation.
2. Attention à la Définition des Tâches dans le Cadre d’une Formation : Il est essentiel de bien distinguer les tâches effectuées dans le cadre d’une formation de celles relevant d’une prestation de travail. Les tâches de formation doivent être clairement définies et documentées pour éviter toute confusion avec des tâches salariées. 3. Attention au Lien de Subordination Juridique : Pour qu’un contrat de travail soit reconnu, il est nécessaire de prouver l’existence d’un lien de subordination juridique. Cela signifie que l’employeur doit avoir le pouvoir de donner des ordres, de contrôler l’exécution du travail et de sanctionner les manquements. Il est recommandé de documenter toute directive ou contrôle exercé par l’employeur pour établir ce lien. |
→ Résumé de l’affaireRésumé des faits et de la procédure
Faits : Procédure : Prétentions et moyens des parties Mme [T] [Y] : Arguments de Mme [T] [Y] : M. [A] [B] : Arguments de M. [A] [B] : Conclusion |
→ Les points essentielsLes critères de l’existence d’un contrat de travailL’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs. Trois critères doivent être réunis pour qu’un contrat de travail existe : une prestation de travail, une rémunération, et un lien de subordination juridique. Les parties s’opposent sur la qualification de leurs relationsMme [T] [Y] soutient qu’elle travaillait pour le compte de M. [A] [B] en contrepartie d’un hébergement et de la prise en charge de son cheval, tandis que M. [A] [B] affirme qu’elle était seulement présente aux écuries pour se former pour des examens professionnels. En l’absence de contrat de travail écrit, il revient à Mme [T] [Y] d’établir l’existence de celui-ci. Les attestations confirment la formation de Mme [T] [Y]Les attestations précises et détaillées confirment que Mme [T] [Y] se préparait à des examens et recevait une formation adéquate de M. [A] [B] pendant sa période de présence aux écuries. Plusieurs témoins ont attesté de son engagement dans cette formation et de l’encadrement fourni par M. [A] [B]. Comparaison des tâches confiées à la stagiaireLa cour doit identifier les tâches qui peuvent être confiées à une personne en préformation au BPJEPS et les comparer à celles qui incombaient à Mme [T] [Y]. Le programme de pré-formation BPJEPS énumère des tâches telles que nourrir les chevaux, assurer les soins courants, et participer à la vie de l’écurie, tâches qui coïncident majoritairement avec celles effectuées par Mme [T] [Y]. Les tâches de Mme [T] [Y] correspondent à une préformationMme [T] [Y] produisait un descriptif des tâches qui lui étaient demandées, lesquelles coïncidaient majoritairement avec celles d’une préformation BPJEPS. Les témoignages indiquent qu’elle accomplissait des tâches telles que nettoyer les box, nourrir les chevaux, et assurer les soins courants, sans prouver qu’elle réalisait une réelle prestation de travail au-delà de ses missions de formation. Absence de lien de subordination juridiqueLes pièces communiquées par Mme [T] [Y] n’établissent pas suffisamment qu’elle recevait des ordres de M. [A] [B], ni que ce dernier en contrôlait l’exécution ou avait le pouvoir de sanctionner les manquements. Les SMS échangés entre eux correspondaient aux tâches de formation et non à une relation de subordination. Rejet de la demande de requalification en contrat de travailEn l’absence de preuve d’une réelle prestation de travail et d’un lien de subordination, le contrat de travail ne peut pas exister. La cour rejette la demande de Mme [T] [Y] de requalification de la relation de travail en un contrat de travail à durée indéterminée et les demandes en lien avec la reconnaissance d’un contrat de travail. Rejet de la demande de remise de documents de fin de contratLa cour, ne reconnaissant pas l’existence d’un contrat de travail, rejette la demande de Mme [T] [Y] relative à la remise des documents de fin de contrat. Frais du procèsEn application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, les parties supporteront la charge de leurs dépens et seront déboutées de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Les montants alloués dans cette affaire:
|
→ Réglementation applicableArticles des Codes cités et leur texte
Code de procédure civile – Article 696 : « La partie perdante est condamnée aux dépens, sauf si le juge, par une décision motivée, met tout ou partie des dépens à la charge d’une autre partie. » – Article 700 : « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. » Résumé des motifs de la décision 1. Sur les demandes relatives à la formation du contrat de travail : 2. Sur la remise de documents : 3. Sur les frais du procès : Conclusion – La cour confirme le jugement rejetant la demande de requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée. |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
– Me Pierre ARNOUX, avocat au barreau de MARSEILLE – Me Patrick ROESCH, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
21/00823
Chambre 4-5
ARRÊT AU FOND
DU 15 JUIN 2023
N° 2023/
GM/KV
Rôle N° RG 21/00823 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BGZWR
[T] [Y]
C/
[A] [B]
Copie exécutoire délivrée
le : 15/06/23
à :
– Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
– Me Pierre ARNOUX, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ARLES en date du 15 Décembre 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 19/00280.
APPELANTE
Madame [T] [Y], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
et Me Patrick ROESCH, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
INTIME
Monsieur [A] [B], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Pierre ARNOUX, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre
Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller
Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Juin 2023.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Juin 2023.
Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [T] [Y] a exercé des tâches au profit de M. [A] [B] à compter du 23 janvier 2018 au sein des écuries de ce dernier, lesquelles disposent de chevaux et de paddocks.
Les activités de M. [A] [B] étaient la location de box à chevaux, la vente de chevaux et la formation professionnelle équestre.
Mme [T] [Y], qui était hébergée sur place et nourrie, souhaitait se préparer aux examens d’entrée de monitorat puis d’entraîneur.
Mme [T] [Y] a quitté les écuries en mars 2019 et la relation entre les parties a pris fin à cette date.
Le 6 novembre 2019, Mme [T] [Y] a saisi le conseil de prud’hommes d’Arles aux fins de reconnaissance d’un contrat de travail avec M. [A] [B] et en paiement de diverses sommes tant au titre de l’exécution que de la rupture du contrat de travail.
Par jugement du 15 décembre 2020, le conseil de prud’hommes d’Arles a :
-débouté Mme [Y] [T] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
-débouté M. [A] [B] de sa demande de paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-dit que les dépens seront à la charge des parties.
Le 18 janvier 2021, Mme [T] [Y] a interjeté appel dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.
L’appel tend à la réformation du jugement en toutes ses dispositions, en ce qu’il a débouté l’appelante de toutes ses demandes, en ce qu’il dit que les dépens seraient à la charge des parties.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 20 avril 2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 avril 2021 , Mme [T] [Y] demande à la cour de :
-réformer purement et simplement le jugement,
-faire droit à ses demandes,
– condamner Monsieur [A] [B] à payer et lui porter :
– 21 255, 08 euros au titre du paiement des salaires pour la période du 23 janvier 2018 au 23 mars 20189,
-2 125,50 euros à titre de congés payés afférents,
-19 280,97 euros au titre des heures supplémentaires effectuées sur la période travaillée,
-1 928,09 euros au titre des congés payés afférents,
– 9 109,32 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
– 1518,22 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 473, 14 euros à titre d’indemnité de licenciement ,
-3036, 44 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 6000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi résultant de l’absence de bénéfice du statut de salarié,
-condamner M. [A] [B] à lui remettre les documents de fin de contrat, à savoir :
-attestation du Pôle Emploi
-certificat de travail
le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard commençant à courir dans le mois suivant la signification du jugement à intervenir,
-condamner M. [A] [B] à lui payer et porter une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
-le condamner enfin aux entiers dépens, ceux d’appel distraits au profit de la société Lexavoué Aix En Provence, avocats aux offres de droit.
Sur sa demande tendant à voir qualifier ses rapports avec l’intimée en un contrat de travail à durée indéterminée, l’appelante fait valoir que :
-elle a eu une activité réelle et importante au sein des écuries de Monsieur [A]-[B],
-dès le début de leur relation de travail M. [A] [B] s’est comporté comme son employeur,
-elle avait des horaires de travail imposés qui se composaient de la manière suivante :
– de 7h30 à 12h et de 14h à 19h les mercredis, jeudis, vendredis, samedis et dimanches – de 14h à 19h les lundis et mardis,
-elle effectuait également de nombreux déplacements avec son véhicule et ce, afin de conduire M. [A] [B] sur ses lieux de stage notamment,
-ses missions étaient également imposées par Monsieur [A]-[B],
-elle exerçait ses tâches quotidiennes seule les après-midi,
-les matins elle était accompagnée d’une autre employée qui exerçait en qualité d’auto entrepreneur,
-M. [A]-[B] n’était jamais présent pour l’aider dans l’accomplissement des travaux, ce dernier dispensant très régulièrement des stages impliquant des absences de plusieurs jours,
-afin de rapporter une preuve supplémentaire du lien de subordination dans lequel elle se trouvait, Mme [T] [Y] verse aux débats une attestation d’embauche à un contrat à durée déterminée de 6 mois régularisée par M. [A]-[B] en décembre 2018.
Du fait de la reconnaissance d’un contrat de travail, la convention collective applicable serait alors la convention collective nationale concernant le personnel des centres équestres du 11 juillet 1975 étendue par arrêté du 14 juin 1976.
Sur sa demande de rappel de salaires, Mme [T] [Y] fait valoir qu’elle est bien fondée à solliciter la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et ce, sur la période du 23 janvier 2018 au 23 mars 2019. Elle ajoute qu’elle a travaillé pour le compte des écuries de Valjac durant une période d’un an et deux mois. Conformément à l’article 2 de l’avenant n°96 du 23 mars 2018 relatif aux salaires minimaux au 1 er avril 2018, elle aurait dû percevoir une rémunération mensuelle brute à hauteur de 1 518,22 euros. Ainsi, elle est bien fondée à solliciter un rappel de salaire à hauteur de 21 255,08 euros, outre 2125,5 euros de congés payés afférents.
Sur sa demande en rappel d’heures supplémentaires, la Mme [T] [Y] affirme qu’elle effectuait 22 heures 30 supplémentaires par semaine, à minima.
Sur sa demande tendant à voir qualifier la rupture du contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [T] [Y] fait valoir que ,courant mars 2019, M. [A]-[B] lui demandait subitement de quitter ses écuries.
Le 23 mars 2019 et sans respecter un quelconque préavis, il formalisait cette rupture par la signature d’un document au sein duquel il sollicitait de la demanderesse qu’elle indique que: « les comptes ont été soldés entre les parties et chacune s’estime remplie de ses droits ».
Cette rupture s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Partant, elle est bien fondée à solliciter outre le paiement de son préavis, une indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 18 avril 2023, M. [A] [B] demande à la cour de :
-confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [T] [Y] de l’ensemble de ses demandes,
-dire que Mme [T] [Y] ne bénéficiait pas de la qualité de salariée,
-constater l’absence d’existence de contrat de travail entre les parties,
-débouter Mme [T] [Y] de l’ensemble de ses demandes, fin et conclusions,
-condamner Mme [T] [Y] à lui 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Sur la confirmation du jugement en ce qu’il a constaté l’absence de tout contrat de travail entre les parties, M. [A] [B] fait valoir que :
-Mme [T] [Y] était en formation et en aucun cas dans le cadre d’une relation contractuelle,
-elle a bénéficié d’un hébergement gratuit, d’une pension gratuite pour son cheval, de cours gratuits, raisons pour lesquelles elle est restée au sein des écuries et n’a pas cherché à partir,
-elle devra rapporter la preuve des plannings qui lui auraient été fournis, ce qui n’est pas le cas,
-elle était logée au sein des écuries,
-il n’a jamais donné d’ordre à cette dernière et encore moins des plannings à respecter , elle était libre d’aller et venir au sein des écuries,
-s’il est vrai qu’elle pouvait nettoyer les box des chevaux ou les nourrir, ces tâches étaient liées à sa pré-formation,
-il avait proposé à Mme [T] [Y], qui souhaitait bénéficier d’une formation, de venir au sein de ses écuries afin de lui dispenser des cours et qu’elle soit au c’ur même d’une structure équestre. Ces quelques tâches entraient dans ce cadre-là,
-il faisait appel à une personne extérieure pour s’occuper des box, de la nourriture des chevaux etc’
-ainsi, les écuries étaient entretenues par Mme [M] et par lui-même,
-Mme [T] [Y] effectuait quelques tâches dans le cadre de sa préparation mais en aucun cas du lundi au dimanche au rythme de 57 heures hebdomadaires,
– le nombre de chevaux présents au sein des écuries, au cours de l’année est très fluctuant, ne nécessitant donc pas un travail égal de 57 heures.
-Mme [T] [Y] a intégré les écuries pour être formée par lui en vue de la préparation d’un concours (BPJES),
-cette pré-formation consiste à être un bon cavalier mais également avoir la capacité de s’occuper d’une écurie,
– les tâches demandées aux stagiaires de cette formation sont identiques à celles effectuées par Mme [T] [Y].
Sur les demandes relatives à la formation du contrat de travail
L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs.
Il appartient à celui qui se prévaut d’un contrat de travail d’en établir l’existence.
Trois critères doivent être réunis pour qu’un contrat de travail existe:
-une prestation de travail,
– une rémunération,
-un lien de subordination juridique.
Enfin, le lien de subordination est l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements.
Les parties s’opposent sur la qualification de leurs relations dans le cadre des activités qui ont été effectuées par Mme [T] [Y] au sein des écuries de M. [A] [B].
Mme [T] [Y] soutient en effet qu’elle travaillait pour le compte de ce dernier et qu’ils étaient donc liés par un contrat de travail. Selon elle, M. [A] [B] lui avait proposait de venir travailler pour lui en contrepartie d’un hébergement ainsi que son cheval. Elle reconnaît qu’elle se préparait également aux examens d’entrée au monitorat puis à ceux d’entraîneur mais seulement parallèlement à son contrat de travail.
M. [A]-[B] rétorque qu’elle n’était aucunement sa salariée et qu’elle était seulement présente aux écuries pour se former pour l’examen d’entrée du Brevet Professionnel de la Jeunesse, de l’Éducation Populaire et du Sport (BPJEPS) et, plus tard, pour le diplôme d’entraîneur, (DEJEPS).
En l’absence de tout contrat de travail écrit, il revient à Mme [T] [Y] d’établir l’existence de celui-ci.
La période en litige est de 14 mois, durée des activités de Mme [T] [Y] au sein de l’établissement de M. [A] [B].
Les attestations précises et détaillées confirment le fait que non seulement Mme [T] [Y] souhaitait effectivement se préparer à des examens mais également qu’elle recevait une formation adéquate de M. [A] [B] pendant sa période de présence au sein des écuries.
M. [P] indique : « j’ai coaché [T] car son entraîneurM. [G] était absent. A ce moment-là elle m’a fait part du fait qu’elle devait préparer son BPJEPS avec un entraîneur, M.[G] mais cela a été remis en question, ce dernier ne possédant qu’une écurie de propriétaire et non un centre équestre. »
Mme [M] confirme: « ne voulait plus rentrer en formation BPJEPS, qu’elle considérait comme peu qualifiante, préférant un diplôme d’entraîneur (DE), demandant des compétences supérieures que M. [A] [B] a tenté de lui faire atteindre. Mais la formation n’a pas été mise en place par le centre de formation prévu. »
Mme [O] déclare : « elle prétendait dans un premier temps vouloir passer le diplôme de moniteur puis finalement s’orienter vers une pratique plus soutenue du CSO et passer directement le DE. Malheureusement, la formation a été très retardée et [T] a quitté les écuries au printemps 2019. Lors de ma présence aux écuries elle était particulièrement focalisée sur son cheval et je peux témoigner du dévouement de M. [G] à travers le coaching aux écuries et en concours afin qu’elle puisse améliorer sa technique équestre et trouver une relation juste avec l’animal. Aussi l’entraînement pour pouvoir enchaîner à des hauteurs suffisantes sans danger nécessite une vraie préparation mentale afin de réussir à gérer le stress et la peur. »
Mme [H] [K] témoigne :’J’ai également constaté que [A][G] assurait l’instruction et le coaching de [T], qu’il montait son cheval , lorsqu’elle était en difficulté (…)’.
Mme [I] [S] ajoute : ‘[A] [B] lui donnait des cours, elle montait principalement son cheval mais aussi d’autres chevaux.’
Dés lors qu’il est admis que Mme [T] [Y] était en formation et dés lors qu’il est démontré que M. [A] [B] assurait bien cette formation, la cour devra déterminer si les tâches confiées à la première entraient uniquement dans le cadre de cette formation ou si elles étaient d’une importance telle qu’un contrat de travail liait également les parties.
La cour doit au préalable identifier les tâches qui peuvent être confiées à une personne en préformation à l’examen du BPJES afin de les comparer à celles qui incombaient dans la réalité à la stagiaire.
M. [A] [B] verse aux débats le programme d’une pré-formation BPJEPS énumérant les tâches demandées aux stagiaires, document sur lequel la cour s’appuiera pour procéder à cette comparaison. En effet, Mme [T] [Y] ne produit pas d’autres documents permettant de démontrer le contenu d’une préformation au BJEPS.
S’agissant des tâches et préparation confiées au stagiaire, ce programme indique :’cette préformation comporte :
-acquisitions techniques pratiques et théoriques (G1 au G7),
-acquisition du travail de cheval non monté,
-acquisition de connaissances globales : soin, entretien, travail, équilibre cheval/cavalier’.
Toujours s’agissant des tâches et préparations confiées au stagiaire, le programme de pré-formation BPJEPS fournit le schéma d’une semaine type de formation du lundi au vendredi.
Déjà, on peut noter que cette préformation occupe les cinq jours de la semaine, matin et après-midi (cours compris).
Les tâches demandées au stagiaire sont les suivantes :
-aider à nourrir les chevaux, abrever, pailler, distribuer du foin,
-assurer le curage et le paillage, faire les abords,
-lâcher et rentrer les chevaux de propriétaires et d »école au paddock (protections, couvertures, soins aux pieds,…),
-assurer les soins courants (toilettage, tonte), l’entretien du matériel (sellerie. . .)
-faire du travail individuel de positionnement et d’EDA,
-longe, liberté, longues rênes, avec ou sans enrênement,
-cours individuel : s’équi1ibrer, avancer,tourner, théorie, programme du galop 1 a 7,
-intégration dans une reprise à niveau de difficultés adaptées,
-nourrir, abreuver, fermeture des écuries.(roulement),
-aide à l’accueil, la préparation des équidés, à l’encadrement,
-travail à terre ou travail à cheval en autonomie, soins ou activité parallèles, repos,
-sorties des chevaux.
Au delà de ces tâches précisément énumérées, le programme de formation prévoit, de façon plus générale, que le stagiaire doit participer à la ‘vie de l’écurie’.
Il est ainsi mentionné que ce dernier doit aider à la réception et à la manutention de chevaux de commerce, aider en cas d’urgence, assurer le suivi de soins spécifiques (distribution de produits homéopathiques, soins de blessures) fournir une aide aux intervenants (maréchal, vétérinaire, ostéopathe, dentiste).
La personne en formation est également tenue d’assurer le ‘divers’, tel que ‘atteler, dételler le tracteur, le van’, faire des ‘petites réparations (clôtures, matériel d’entretien…).
Le contenu d’une préformation au BPJEPS étant identifié, il faut maintenant identifier les tâches qui étaient confiées à la stagiaire dans la réalité par M. [A] [B].
Mme [T] [Y] produit un descriptif des tâches qui lui étaient demandées, ces dernières coïncidant toutefois très majoritairement à celles relevant d’une préformation aux examens d’entrée souhaités (BJEPS et entraîneur).
Il s’agissait ainsi pour elle de nettoyer les box, nourrir les chevaux, assurer les soins courants, gérer le stock de foins, sortir les chevaux, transporter les chevaux, réparer les clôtures.
Toujours s’agissant des tâches qui avaient été confiées à Mme [T] [Y] par son formateur, l’attestation d'[X] [V] témoigne que Mme [T] [Y] donnait souvent des médicaments aux chevaux, les sortait, en couvrait certains en hiver et qu’elle encaissait parfois les pensions de celle-ci.
Concernant le fait de donner des médicaments et d’encaisser les pensions, elles ne sont pas un indicateur de l’existence d’une réelle relation salariale. En effet, Mme [T] [Y] a, à un moment donné, souhaité s’orienter vers le métier d’entraîneur, ce qui nécessitait une formation plus pointue encore (attestations de Mme [M] et de Mme [O]). En outre, il n’est pas possible de dire que Mme [T] [Y] a souvent et régulièrement accompli ces tâches.
L’attestation de Mme [V] est ainsi rédigée : : « J’ai toujours vu [T] [Y] s’occuper seule (les soirs et week-end) de tous les chevaux (il y en avait entre 15 et 20) donner l’eau, le foin, le grain, les médicaments si besoin, faire les box, sortir les chevaux (en carrière et au pré), les couvrir (certains) en hiver etc’ J’ai souvenir d’avoir vu [T] affairée à réparer une clôture ou encore soulever les trappes des canaux pour irriguer les prés’ Parfois encore, [A] s’absentant souvent, plusieurs jours par semaine, je confiais à [T] le règlement de la pension de la ma jument pour qu’elle lui remette à son retour’ ».
L’attestation de Mme [T] [D] témoigne seulement du fait que Mme [T] [Y] accomplissait des tâches reconnues par M. [A] [B] lui-même et qui font au demeurant partie d’une préformation telle que suivie par Mme [T] [Y] (nettoyage des box, nourrir les chevaux).
[T] [D] affirme ainsi : « Je l’ai vu donner à boire et du foin aux chevaux, remplir les bassines des chevaux d’eau, nettoyer leur litière et passer le balai dans les écuries».
L’attestation de Mme [L] [N] décrit également les tâches confiées à Mme [T] [Y], lesquelles entrent également toutefois dans le cadre d’une préformation BJEPS mais également dans le cadre d’une formation plus pointue encore pour le métier d’entraîneur.
Si Mme [L] [N] affirme également que la stagiaire ‘travaillait fort et pour cela elle venait son jour de repos le passer à la maison’, il convient de rappeler que le programme de préformation produit par M. [A] [B] témoigne que la formation se déroule au moins sur cinq journées.
En tout état de cause, les pièces produites de part et d’autre ne sont pas suffisamment précises pour attester que Mme [T] [Y] travaillait excessivement et en tout cas beaucoup plus que ce qui pouvait lui être demandé dans le cadre de ses formations aux métiers d’animateur ou d’entraîneur.
Toujours concernant le contenu des tâches qui étaient confiées à Mme [T] [Y], dans la réalité, celle-ci produit des pièces témoignant du fait qu’il est exact que M. [A] [B] s’absentait régulièrement des écuries pour participer à des stages.
Ainsi, il est communiqué un récapitulatif des stages pour 2018 et 2019 établi par Mme [T] [Y] corroboré par l’attestation de Mme [L] [N].
Cette dernière indique ainsi que M. [A] [B] : ‘ partait régulièrement faire des stages comme en Corse, [Localité 3] et autres. Et même des fois plus longtemps, en vacances’.
Toutefois, rien ne permet de dire qu’au cours des absence du formateur, la stagiaire était tenue de faire fonctionner entièrement les écuries seule et de travailler autant qu’une salariée. Au contraire, il est démontré qu’une partie des tâches décrites par Mme [T] [Y] était en réalité effectuée par un autre personne, payée à cet effet par M. [A] [B], à savoir Mme [C] [F], autoentrepreneur.
Celle-ci atteste :’ déclare avoir été responsable des écuries (…), alimentation et soins des équidés, ainsi que que le travail de la cavalerie (représentant deux heures par jour) ».
Plus généralement et pour conforter ses dires selon lesquels la stagiaire ne travaillait pas pour lui mais était seulement en formation, M. [A] [B] verse aux débats le témoignage de Mme [K].
Cette dernière atteste ainsi ‘« à mon arrivée trois personnes s’occupaient des écuries:
– M. [A] [G] dirigeant, cavalier de haut niveau et instructeur,
– [C] qui assurait l’entretien des écuries et des chevaux et assurait également le travail de chevaux,
– [T] en préparation d’entrée en formation qui dans le cadre de cette préparation participait au fonctionnement des écuries. ‘
Toujours concernant les tâches dévolues à la stagiaire, un autre témoin atteste que l’entretien des écuries et des chevaux était majoritairement pris en charge par l’autoentrepreneur auquel avait recours le propriétaires des écuries.
Mme [I] [S] affirme ainsi : ‘L’entretien des écuries et des chevaux était majoritairement pris en charge par [C] [U]’.
Toujours pour s’opposer à l’argumentation de Mme [T] [Y], sur le fait qu’elle assurait une vraie prestation de travail, M. [A] [B] verse encore aux débats deux attestations de fournisseurs, précisant que leur seul interlocuteur était bien ce dernier.
Il résulte de ce qui précède que Mme [T] [Y] ne prouve donc pas qu’elle réalisait une réelle prestation de travail au sein des écuries et des tâches allant au delà de ses missions dans le cadre de ses formations pour le BJEPS puis ensuite pour être entraîneur. Tout particulièrement concernant la formation pour être entraîneur, les compétences demandées étaient supérieures à celles requises pour le métier d’animateur, ce qui explique la participation de la stagiaire à un large éventail d’activités au sein des écuries.
D’autre part, la cour a précédemment jugé que Mme [T] [Y] bénéficiait d’une réelle formation de la part du propriétaire des écuries.
L’attestation d’embauche rédigée par M. [A] [B] le 30 décembre 2018 ne permet pas de considérer que Mme [T] [Y] travaillait déjà pour ce dernier et elle n’a de toutes les façons pas été suivie d’un contrat de travail.
Ainsi, l’un des éléments constitutifs du contrat de travail, à savoir l’existence d’une prestation de travail, n’est pas suffisamment caractérisé en l’espèce. De plus, surabondamment, pour vérifier l’existence d’un contrat de travail, la cour doit aussi examiner si l’appelante établit qu’il existait un lien de subordination juridique entre elle-même et M. [A] [B], s’agissant d’un critère déterminant.
Le lien de subordination juridique peut se définir comme l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Les pièces communiquées par Mme [T] [Y] n’établissent pas suffisamment ni qu’elle recevait des ordres de M. [A] [B], ni que ce dernier en contrôlait l’exécution ni enfin qu’il avait le pouvoir de sanctionner les manquements de l’appelante.
L’appelante produit d’abord des SMS échangés entre elles et M. [A] [B] censés prouver l’existence d’ un tel lien de subordination.
Ces sms correspondent toutefois aux tâches qui incombaient à Mme [T] [Y] dans le cadre de ses formations d’animateur et d’entraîneur. Cette dernière pose des questions à son formateur concernant l’identification des chevaux à sortir. Inversement, M. [A] [B] la sollicite sur ses activités d’assistance aux soins et d’ aide aux intervenants.
En conclusion, Mme [T] [Y] ne démontre pas suffisamment ni l’existence d’une réelle prestation de travail pour le compte de l’intimé, ni celle d’un lien de subordination avec M. [A] [B].
En l’absence de ces deux critères, le contrat de travail ne peut pas exister et ce indépendamment du point de savoir si l’appelante a perçu ou non une rémunération (laquelle pourrait s’analyser en une simple gratification).
Confirmant le jugement, la cour rejette la demande de Mme [T] [Y] de requalification de la relation de travail en un contrat de travail à durée indéterminée et ce sur la période du 23 janvier 2018 au 23 mars 2019.
Confirmant le jugement également, la cour rejette les demandes de Mme [T] [Y] en lien avec la reconnaissance d’un contrat de travail (demande en paiement des salaires, en rappel d’heures supplémentaires, d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, d’indemnité de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi résultant de l’absence de bénéfice du statut de salarié).
Sur la remise de documents
La cour, qui ne reconnaît l’existence d’un contrat de travail , ne peut que rejeter la demande de l’appelante relative à la remise des documents de fin de contrat.
Sur les frais du procès
En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, il n’est pas inéquitable de dire que les parties supporteront la charge de leurs dépens et qu’elles seront déboutées de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,
-confirme le jugement en toutes ses dispositions,
-dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens,
-déboute les parties de leurs demandes d’indemnités de procédure.
LE GREFFIER LE PRESIDENT