Recours subrogatoire et limites des intérêts en matière de cautionnement immobilier

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Recours subrogatoire et limites des intérêts en matière de cautionnement immobilier

L’Essentiel : La Société Générale a accordé deux prêts immobiliers à un débiteur, désigné ici comme un emprunteur, pour l’acquisition de biens destinés à la location. L’emprunteur a cessé de rembourser ses prêts, ce qui a conduit la caution à l’assigner devant le tribunal pour obtenir le remboursement des sommes versées. La caution a demandé à l’emprunteur de rembourser un total de 58 854,97 euros pour le premier prêt et 82 674,34 euros pour le second, avec des intérêts légaux. Le tribunal a condamné l’emprunteur à rembourser les sommes dues, tout en rejetant la demande de capitalisation des intérêts.

Contexte de l’Affaire

La Société Générale a accordé deux prêts immobiliers à un débiteur, désigné ici comme un emprunteur, pour l’acquisition de biens destinés à la location. Le premier prêt, intitulé “Casanova Taux Fixe”, s’élevait à 56 409,65 euros, tandis que le second, nommé “Habitat”, était de 84 760,23 euros. Ces prêts étaient garantis par une société de cautionnement, désignée comme la caution.

Défaillance de l’Emprunteur

L’emprunteur a cessé de rembourser ses prêts, ce qui a conduit la Société Générale à faire appel à la caution pour honorer les paiements dus. En conséquence, la caution a assigné l’emprunteur devant le tribunal pour obtenir le remboursement des sommes versées en sa qualité de garant.

Demande de Remboursement

La caution a demandé à l’emprunteur de lui rembourser un total de 58 854,97 euros pour le prêt “Casanova Taux Fixe” et 82 674,34 euros pour le prêt “Habitat”, avec des intérêts légaux à partir de la date de l’assignation. Elle a également sollicité la capitalisation des intérêts et le remboursement de frais de justice.

Procédure Judiciaire

L’assignation a été effectuée conformément aux règles de procédure, mais l’emprunteur n’a pas constitué d’avocat ni comparu devant le tribunal. Le juge a donc examiné la demande de la caution en l’absence de l’emprunteur.

Analyse des Créances

Concernant le prêt “Casanova Taux Fixe”, la caution a payé un total de 58 072,56 euros, mais n’a pas pu justifier l’application d’intérêts sur cette somme. Par conséquent, l’emprunteur a été condamné à rembourser 58 072,56 euros avec des intérêts légaux à partir de l’assignation. Pour le prêt “Habitat”, la caution a également réglé 81 372,70 euros, mais là encore, les intérêts n’ont pas été justifiés, et l’emprunteur a été condamné à rembourser 81 372,70 euros avec des intérêts légaux.

Frais de Justice

L’emprunteur, ayant perdu l’instance, a été condamné aux dépens. Cependant, la caution a été déboutée de sa demande de remboursement de frais irrépétibles, en raison de l’équité liée à la situation économique des parties.

Conclusion du Jugement

Le tribunal a condamné l’emprunteur à rembourser les sommes dues à la caution pour les deux prêts, tout en rejetant la demande de capitalisation des intérêts et en statuant sur les frais de justice. L’exécution provisoire a été ordonnée, garantissant ainsi le recouvrement rapide des créances.

Q/R juridiques soulevées :

1. Sur le recours subrogatoire de la caution

Le recours subrogatoire de la caution est régi par les articles 2288 et suivants du code civil. Selon l’article 2288 ancien, celui qui se rend caution d’une obligation se soumet à satisfaire à cette obligation si le débiteur n’y satisfait pas lui-même.

En vertu de l’article 2305 ancien, la caution qui a payé a un recours contre le débiteur principal, que le cautionnement ait été donné au su ou à l’insu de ce dernier. Ce recours inclut le principal, les intérêts et les frais, mais la caution n’a de recours pour les frais qu’après avoir dénoncé les poursuites au débiteur principal.

L’article 2306 ancien stipule que la caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu’avait le créancier contre le débiteur. Ainsi, la caution dispose d’un recours personnel et d’un recours subrogatoire contre le débiteur principal défaillant.

Cependant, l’article 2308 alinéa 2 ancien précise que si la caution a payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n’aura pas de recours contre lui si, au moment du paiement, le débiteur avait des moyens pour faire déclarer la dette éteinte.

Dans cette affaire, il est établi que le débiteur a cessé de payer ses prêts, entraînant l’activation de la garantie par la caution. Le Crédit Logement a réglé les sommes dues, mais ne justifie pas de dispositions contractuelles permettant d’appliquer des intérêts sur les sommes versées.

Ainsi, le débiteur ne sera pas tenu au paiement des intérêts réclamés, et les intérêts sur la créance du Crédit Logement seront dus au taux légal à compter de l’assignation, conformément aux articles 1231-6 et 1346-4 du code civil.

2. Sur les frais du procès

Les frais du procès sont régis par l’article 696 du code de procédure civile, qui stipule que la partie perdante est condamnée aux dépens. En l’espèce, le débiteur ayant succombé à l’instance sera condamné à payer les dépens.

Cependant, l’équité liée à la situation économique des parties justifie que la caution supporte la charge de ses frais irrépétibles. Par conséquent, la demande de la caution au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

Ainsi, le tribunal condamne le débiteur à payer les sommes dues au titre des prêts, tout en déboutant la caution de sa demande de capitalisation des intérêts et de sa demande au titre de l’article 700.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE D’ EVREUX

CHAMBRE CIVILE

N° RG 24/02987 – N° Portalis DBXU-W-B7I-H2PF
NAC : 53J Cautionnement – Recours de la caution contre le débiteur principal ou contre une autre caution
CIVIL – Chambre 1

JUGEMENT DU 03 FEVRIER 2025

DEMANDEUR :

S.A. CREDIT LOGEMENT
Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro n°302 493 275
Dont le siège social est sis :
[Adresse 3]
– [Localité 5]

Représentée par Me Emmanuelle LAILLET-TOUFLET, membre du cabinet RSD avocats, avocat au barreau de l’EURE

DEFENDEUR :

Monsieur [V] [R]
né le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 5],
demeurant [Adresse 4]
– [Localité 1]

N’ayant pas constitué avocat

JUGE UNIQUE : Marie LEFORT, Présidente

Statuant conformément aux articles 801 et suivants du code de procédure civile.

GREFFIER : Aurélie HUGONNIER

AUDIENCE :

En application de l’article 779 al 3 du code de procédure civile, le dépôt du dossier au greffe a été autorisé et fixé au 02 Décembre 2024.

Conformément à l’article 786-1 du code de procédure civile, l’avocat a été avisé du nom du juge amené à délibérer et de la date à laquelle le jugement sera rendu, soit le 03 Février 2025.

JUGEMENT :

– au fond,
– réputé contradictoire, rendu publiquement et en premier ressort,
– mis à disposition au greffe,
– rédigé par Marie LEFORT,
– signé par Marie LEFORT, juge et Aurélie HUGONNIER greffier

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par actes sous seing privé en date des 19 juin et 1er novembre 2010, la Société Générale a consenti à M. [V] [R] deux prêts immobilier destinés à l’acquisition de biens à destination locative :
– le premier intitulé “Casanova Taux Fixe” n°810036772290 d’un montant de 56 409,65 euros remboursable sur une durée de 252 mois au taux contractuel de 3,71 %,
– le second intitulé “Habitat” n° 810041579904 d’un montant de 84 760,23 euros remboursable sur une durée de 252 mois au taux contractuel de 3,75 %.

La société Crédit Logement (ci-après le Crédit logement) s’est portée caution solidaire en garantie de ces prêts.

Suite à la défaillance de M. [R] dans le remboursement des échéances de ses prêts, la Société Générale a sollicité la garantie du Crédit logement en sa qualité de caution.

Par acte en date du 5 septembre 2024, le Crédit logement a assigné M. [R] devant ce tribunal, au visa des articles 2288 et suivants et 2305 du code civil, aux fins de le voir condamner, au titre de son recours subrogatoire, à lui payer :
– la somme de 58 854,97 euros au titre du prêt “Casanova Taux Fixe” avec intérêts au taux légal à compter du 24 juin 2024,
– la somme de 82 674,34 euros au titre du prêt “Habitat” avec intérêts au taux légal à compter du 24 juin 2024.

Il a également sollicité :

– la capitalisation des intérêts une fois par an et pour la première fois le 24 juin 2025 pour produire eux-mêmes intérêts, le tout sur le fondement de l’article 1154 du code de procédure civile,

– la condamnation de M. [R] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens avec droit de recouvrement au profit de son conseil.

L’assignation a été délivrée selon les formalités de l’article 659 du code de procédure civile avec établissement d’un procès-verbal de recherche infructueuses et M. [R] n’a pas constitué avocat.

La clôture de l’affaire a été prononcée le 18 novembre 2024.

SUR CE,

En application de l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

1. Sur le recours subrogatoire de la caution

Aux termes de l’article 2288 ancien du code civil dans sa version applicable au présent litige (rédaction antérieure à l’ordonnance du 15 septembre 2021), celui qui se rend caution d’une obligation, se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même.

Aux termes de l’article 2305 ancien du code précité, la caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l’insu du débiteur. Ce recours a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et les frais; néanmoins la caution n’a de recours que pour les frais par elle faits depuis qu’elle a dénoncé au débiteur principal les poursuites dirigées contre elle. Elle a aussi recours pour les dommages et intérêts, s’il y a lieu.

Selon l’article 2306 ancien, la caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu’avait le créancier contre le débiteur.

La caution qui a payé aux lieu et place du débiteur principal défaillant dispose donc à l’encontre de celui-ci d’un recours personnel et d’un recours subrogatoire.

Toutefois, l’article 2308 alinéa 2 ancien précise que lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n’aura point de recours contre lui dans le cas où au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; sauf son action en répétition contre le créancier.

En l’espèce, il est établi que M. [R] a souscrit deux prêts immobilier auprès de la Société Générale les 19 juin et 1er novembre 2010, prêts garantis par le Crédit logement suivant accords de cautionnement des 13 août 2010 et 3 janvier 2011.

* S’agissant du prêt “Casanova Taux Fixe” n°810036772290

Il est établi qu’à compter du mois d’avril 2022, M. [R] a cessé de payer les échéances de son prêt et que, aux termes des quittances subrogatives des 26 septembre 2022 et 25 mars 2024, le Crédit logement a, en sa qualité de caution, réglé la somme totale de 58 072,56 euros (1 069,72 + 57 002,84) due au titre du contrat de prêt immobilier qui a été résilié par la banque le 30 octobre 2023, faute de paiement par le débiteur.

Suivant décompte du 24 juin 2024, la caution établit sa créance à la somme totale de 58 854,97 euros décomposée comme suit:
– premier règlement quittancé du 26 septembre 2022 de 1 069,72 euros,
– second règlement quittancé du 25 mars 2024 de 57 002,84 euros,
– des intérêts à hauteur de 782,41 euros.

Toutefois, le Crédit logement ne justifie pas de dispositions contractuelles lui permettant d’appliquer des intérêts aux sommes versées au créancier originaire.

Dès lors, M.[R], dont il n’apparaît pas qu’il ait contesté le montant réclamé par la caution après mise en demeure de payer, ne sera pas tenu au paiement de la somme de 782,41 euros apparaissant dans le décompte établi le 24 juin 2024.

Les intérêts sur la créance du Crédit logement sont dus au taux légal à compter de la première réclamation valant mise en demeure conformément aux articles 1231-6 et 1346-4 du code civil, soit en l’espèce à compter de l’assignation du 5 septembre 2024, le décompte des sommes dues ne valant pas mise en demeure de payer.

Enfin, en vertu de l’article L312-23 ancien du code de la consommation (nouvel article L313-52) applicable au présent litige, qui limite les indemnités mises à la charge de l’emprunteur en cas de défaillance dans le remboursement du prêt et qui s’applique au recours personnel et subrogatoire exercé par la caution (civ.1ère 20 avril 2022 – pourvoi N°J 20-23.617), il n’y a pas lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts. Le Crédit Logement sera donc débouté de sa demande de ce chef.

En conséquence, M. [R] sera condamné à payer au Crédit logement la somme de 58 072,56 euros (58 854,97 – 782,41) avec intérêts au taux légal à compter du 5 septembre 2024.
* S’agissant du prêt “Habitat” n° 810041579904
Il est établi qu’à compter du mois de mars 2022, M. [R] a cessé de payer les échéances de son prêt et que, aux termes des quittances subrogatives des 26 septembre 2022 et 25 mars 2024, le Crédit logement a, en sa qualité de caution, réglé la somme totale de 81 372,70 euros (6 041+ 75 331,70) due au titre du prêt immobilier qui a été résilié par la banque le 30 octobre 2023, faute de paiement par le débiteur.
Suivant décompte du 24 juin 2024, le Crédit logement établit sa créance à la somme totale de 82 674,34 euros décomposée comme suit:
– premier règlement quittancé du 26 septembre 2022 de 6 041 euros,
– second règlement quittancé du 25 mars 2024 de 75 331,70 euros,
– des intérêts à hauteur de 1 301,64 euros.
Toutefois, le Crédit logement ne justifie pas de dispositions contractuelles lui permettant d’appliquer des intérêts aux sommes versées à la banque au titre du cautionnement.
Dès lors, M.[R], dont il n’apparaît pas qu’il ait contesté le montant réclamé par la caution après mise en demeure de payer, ne sera pas tenu au paiement de la somme de 1 301,64 euros.
Les intérêts sont dus au taux légal sur la créance à compter de la première réclamation valant mise en demeure conformément aux articles 1231-6 et 1346-4 du code civil, soit en l’espèce à compter de l’assignation du 5 septembre 2024, le décompte des sommes dues ne valant pas mise en demeure de payer.
Enfin, en vertu de l’article L312-23 ancien du code de la consommation (nouvel article L313-52), applicable au présent litige, qui limite les indemnités mises à la charge de l’emprunteur en cas de défaillance dans le remboursement du prêt et qui s’applique au recours personnel et subrogatoire exercé par la caution (civ.1ère 20 avril 2022 – pourvoi N°J 20-23.617), il n’y a pas lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts. Le Crédit Logement sera donc débouté de sa demande de ce chef.
En conséquence, M. [R] sera condamné à payer au Crédit logement la somme de 81 372,70 euros (82 674,34 – 1 301,64) avec intérêts au taux légal à compter du 5 septembre 2024.

2. Sur les frais du procès
M. [R], qui succombe à l’instance, sera condamné aux dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile.

RG N° : N° RG 24/02987 – N° Portalis DBXU-W-B7I-H2PF jugement du 03 février 2025

L’équité liée à la situation économique des parties justifie que le Crédit logement supporte la charge de ses frais irrépétibles. Sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

CONDAMNE M. [V] [R] à payer à la société Crédit Logement au titre de son prêt intitulé “Casanova Taux Fixe” n°810036772290 la somme totale de 58 072,56 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 septembre 2024,

CONDAMNE M. [V] [R] à payer à la société Crédit Logement au titre de son prêt intitulé “Habitat” n° 810041579904 la somme totale de 81 372,70 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 septembre 2024,

DEBOUTE la société Crédit logement de sa demande de capitalisation des intérêts,

CONDAMNE M. [V] [R] aux dépens de l’instance,

DEBOUTE la société Crédit logement de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

En foi de quoi, le présent jugement a été signé par la Présidente et le greffier.
Le greffier La Présidente


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