Reconnaissance du statut de co-exploitante

Notez ce point juridique

L’affaire concerne un litige opposant Mme [G], Mme [Y] et Mme [H] [Z] à M. [N] [Z] concernant une créance de salaire différé. La cour d’appel d’Angers a confirmé le jugement en faveur de M. [N] [Z], reconnaissant à sa mère la qualité de co-exploitante et le droit à la créance de salaire différé. Les demanderesses ont formé un pourvoi en cassation, mais la Cour de cassation a rejeté le pourvoi, condamnant les demanderesses aux dépens et les obligeant à verser une somme à M. [Z].


Affaire jugée par la Cour de cassation le 26 mai 2021

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par Mmes [G], [Y] et [H] [Z] contre l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Angers. La décision de la Cour de cassation a confirmé l’arrêt attaqué et a décidé de ne pas statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

Contexte de l’affaire

M. [N] [Z] avait formé une demande de salaire différé contre la succession de sa mère pour des périodes spécifiques. La cour d’appel avait confirmé le jugement en faveur de M. [Z], reconnaissant sa créance de salaire différé.

Motifs de la décision

La Cour de cassation a examiné les arguments des parties et a conclu que le moyen de cassation invoqué n’était pas de nature à entraîner la cassation. Par conséquent, le pourvoi a été rejeté et Mmes [G], [Y] et [H] [Z] ont été condamnées aux dépens.

Conclusion de la Cour de cassation

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi, condamné les demanderesses aux dépens et a ordonné le paiement d’une somme à M. [Z]. La décision a été rendue publiquement le 26 mai 2021.


CIV. 1 NL4 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 26 mai 2021 Rejet non spécialement motivé Mme BATUT, président Décision n° 10428 F Pourvoi n° E 19-18.342 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 MAI 2021 1°/ Mme [G] [Z], épouse [J], domiciliée [Adresse 1], 2°/ Mme [Y] [Z], épouse [F], domiciliée [Adresse 2], 3°/ Mme [H] [Z], épouse [J], domiciliée [Adresse 3], ont formé le pourvoi n° E 19-18.342 contre l’arrêt rendu le 25 avril 2019 par la cour d’appel d’Angers (1re chambre, section B), dans le litige les opposant à M. [N] [Z], domicilié [Adresse 4], défendeur à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Poinseaux, conseiller, les observations écrites de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mmes [G], [Y] et [H] [Z], de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de M. [Z], après débats en l’audience publique du 30 mars 2021 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Poinseaux, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision. 1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. 2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi. EN CONSÉQUENCE, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mmes [G], [Y] et [H] [Z] aux dépens ; En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [G], [Y] et [H] [Z] et les condamne in solidum à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE à la présente décision Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour Mmes [G], [Y] et [H] [Z] Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu’il a dit que M. [N] [Z] est fondé à revendiquer une créance de salaire différé contre la succession de sa mère pour les périodes du 24 juin 1964 au 12 septembre 1965 puis du 4 novembre 1966 au 23 avril 1971, AUX MOTIFS QU’ « ?Au fond, les consorts [Z] exposent que seul M. [K] [Z] avait la qualité de chef d’exploitation comme étant installé sur la ferme de [Localité 1] commune [Localité 2] de 1945 à 1971, date à laquelle il a repris l’exploitation de son fils situé au […] ; que son épouse, Mme [O] [T], veuve [Z], élevait les enfants et n’avait pas la qualité de chef d’exploitation, le statut de conjoint collaborateur n’étant alors pas reconnu ; que du 1er janvier 1947 au 31 décembre 1983, celle-ci a eu la qualité de «conjoint d’exploitation» et non pas celle de «chef d’exploitation», n’ayant cette qualité que du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1986. M. [N] [Z] indique que Mme [O] [T], veuve [Z] a bien eu la qualité de conjointe de l’exploitant du 1er janvier 1947 au 31 décembre 1983 puis celle de chef d’exploitation après le départ en retraite de son époux et que sa mère ayant repris l’exploitation après le décès de son père, ses parents étant coexploitants, il a bénéficié d’un contrat de travail unique. En première instance, le tribunal a considéré qu’une créance de salaire différé pouvait être formée dans la succession de celui des parents qui n’aurait que la qualité de co-exploitant et qu’il était démontré que Mme [O] [T], veuve [Z] avait eu durant toute la carrière d’exploitant agricole de son mari, la qualité de coexploitant, d’abord sur la ferme de [Localité 1] puis sur la ferme du [Localité 3], ce du 1er janvier 1947 au 31 décembre 1983. Le relevé MSA de Mme [O] [T], veuve [Z], établi le mars 2015, mentionne qu’au titre de son régime de non-salarié agricole, elle totalisait 164 trimestres répartis comme suit : – aide familiale, du 1er janvier 1945 au 31 décembre 1945, – conjointe exploitant, du 1er janvier 1947 au 31 décembre 1983, – chef d’exploitation, du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1986. A cet égard, il résulte des travaux parlementaires concernant le statut des femmes dans l’agriculture que la conquête d’un statut par les agricultrices a été un long processus et qu’il a fallu attendre 1980 pour que le statut de co-exploitante soit créé, la loi d’orientation agricole de 1999 instituant le statut de conjoint collaborateur. Il a été admis que deux époux qui mettent en valeur ensemble et pour leur compte une même exploitation agricole sont, d’un point de vue juridique, présumés être des co-exploitants ; cette situation correspond à celle où le mari et la femme participent ensemble et de façon effective aux travaux et à la direction de l’exploitation, en se partageant les tâches et les rôles. En l’espèce, il n’est pas contestable qu’entre 1945 et 1980, soit pendant les années de reconstruction du pays, les époux [Z] ont participé ensemble aux travaux et à la gestion de l’exploitation et se sont partagés les tâches et les rôles, Mme [Y] [F] reconnaissant elle-même dans une attestation établie le 19 mai 2016 que ses parents ont tous deux contribué au bon fonctionnement de l’exploitation. Au vu de la création progressive et somme toute récente d’un statut reconnu à la femme d’un exploitant agricole, la discussion quant à la véritable situation de Mme [O] [T], veuve [Z] pour la période du 1er janvier 1947 au 31 décembre 1983 n’a pas lieu d’être, sa désignation de conjointe d’exploitant telle que figurant dans le relevé de la MSA s’assimilant en l’occurrence au statut actuel de coexploitant. Les dispositions du jugement entrepris qui ont reconnu à Mme [O] [T], veuve [Z] la qualité de co-exploitant pour la période du 1er janvier 1947 au 31 décembre 1983 et déclaré recevable la demande formée le 21 juillet 2014 par M. [N] [Z] seront donc confirmées» ; ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE « Sur la demande de salaire différé » A – sur la recevabilité Attendu que lorsque les deux parents ont eu la qualité d’exploitant agricole la demande de salaire différé peut être formée tant contre la succession de l’un que de l’autre ; Attendu qu’une créance de salaire différé peut être formée dans la succession de celui des parents qui n’auraient que la qualité de co-exploitant ; Qu’il est démontré en l’espèce, par un relevé de la MSA (pièce 11), que Mme [Z] mère a eu durant toute la carrière d’exploitant agricole de son mari la qualité de co-exploitant, d’abord sur la ferme de la « [Localité 1] » puis sur la ferme du « [Localité 3] », du 1er janvier 1947 jusqu’au 31 décembre 1983 ; Que par conséquent M. [N] [Z] était recevable le 21 juillet 2014 à former sa demande de salaire différé contre la succession de sa mère décédée en [Date décès 1] 2009 ; Attendu qu’on ne saurait déduire de la déclaration de succession déposée après le décès de Mme [Z] mère en 2009 que M. [Z] aurait renoncé à sa demande de salaire différé au motif que cette créance n’aurait pas été formulée dans ce document à caractère purement fiscal qui n’emporte pas de conséquences civiles ; que le moyen tiré de ce document fiscal par les défenderesses sera donc écarté ; B – Sur le fond Attendu que M. [N] [Z] verse aux débats plusieurs attestations régulières et circonstanciées qui démontrent qu’au cours des périodes visées il travaillait à plein temps comme aide familial sur l’exploitation de ses parents, sans être rémunéré ; Attendu qu’est inopérant l’argument principal des défenderesses qui font valoir qu’à partir d’avril 1965 leur frère avait été installé comme chef d’exploitation sur la ferme du [Localité 3] ; qu’elles tirent notamment argument du bail qui lui avait été consenti sur cette exploitation par ses parents ; Que cet argument est combattu par une attestation de M. [W] [T], cousin des consorts [Z] qui explique : – que leur grand-père était propriétaire des divers biens et en avait fait partage en 1960 entre ses deux enfants, dont Mme [Z] mère, laquelle avait reçu la ferme du [Localité 3]; – que pour tourner la législation relative aux « cumuls » afin de pouvoir exploiter la ferme du [Localité 3] en même temps que la ferme de la « [Localité 1] », les parents [Z] avaient décidé d’émanciper leur fils aîné alors âgé de 19 ans en 1965 afin de l’installer en titre sur la ferme du [Localité 3], dont ils gardaient en réalité le contrôle; Qu’en effet, on ne peut croire que M. [N] aurait pu être mis en avril 1965 à la tête d’une exploitation agricole alors qu’il partait effectuer son service militaire en septembre suivant pendant une durée de 14 mois ; Que, si M. [N] [Z] avait été mis à la tête de la ferme du [Localité 3] en 1965, on comprend difficilement pourquoi en 1971 les parents [Z] auraient choisi de prendre à leur tour la ferme du [Localité 3] pour laisser à leur fils la ferme de la « [Localité 1] » ; que logiquement M. [N] [Z] aurait dû rester sur la ferme où il s’était installé si cette installation était réelle ; Qu’enfin les documents produits n’ont pas permis de constater des mouvements financiers sur le compte de M. [N] [Z] se rapportant à son exploitation à compter de 1965 ; que si tel avait été le cas d’ailleurs il n’aurait pas échappé aux témoins que leur camarade avait des revenus et travaillait pour son compte ; Qu’au contraire M. [N] [Z] justifie avoir encaissé sur son compte sur livret le 30 mai 1971, au moment de sa véritable installation à son compte, le montant d’un prêt de 97 904 F consenti pour son installation comme jeune agriculteur ; Que dans ces conditions il est établi que M. [N] [Z] remplit les conditions pour prétendre exercer contre la succession de sa mère une créance de salaire différé pendant la période considérée ; », 1°) ALORS QU’ en constatant, pour retenir la qualité de co-exploitante de Mme [T], veuve [Z], et dire, par conséquent, recevable la demande de salaire différé formée par M. [N] [Z], que la qualité de «conjointe exploitant » de Mme [T], veuve [Z], pour la période du 1er janvier 1947 au 31 décembre 1983 figurant dans le relevé MSA doit être assimilée au statut actuel de coexploitant, la cour a violé l’article L. 321-17 du code rural et de la pêche maritime. 2°) ALORS QU’ en constatant, pour retenir la qualité de co-exploitante de Mme [T], veuve [Z], et dire, par conséquent, recevable la demande de salaire différé formée par M. [N] [Z], qu’« il n’est pas contestable qu’entre 1945 et 1980, soit pendant les années de reconstruction du pays, les époux [Z] ont participé ensemble aux travaux et à la gestion de l’exploitation de l’exploitation et se sont partagés les tâches et les rôles », la cour, qui a statué par un motif général, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 321-13 et L. 321-17 du code rural et de la pêche maritime. 3°) ALORS QUE le juge a l’obligation de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ; qu’en relevant, pour caractériser la participation directe et effective de Mme [T], veuve [Z], comme exploitante à l’activité professionnelle de son mari pour la période du 1er janvier 1947 au 31 décembre 1983 en en déduire sa qualité de co-exploitante rendant recevable la demande de salaire différé, que « Mme [Y] [F] reconnaissait elle-même dans une attestation établie le 19 mai 2016 que ses parents ont tous deux contribué au bon fonctionnement de l’exploitation » quand il ne ressort d’aucun des bordereaux de pièces produits aux débats la production d’une telle attestation et que Mme [F] soutenait dans ses conclusions d’appel (cf. p. 6 et 7) que sa mère n’avait pas la qualité de chef d’exploitation et assumait la charge des enfants, la cour a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions d’appel et des bordereaux de pièces et violé le principe précité.  

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