Reconnaissance de dette : contre-lettre annulée

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Existence d’une contre-lettre

M. et Mme [P] contestent la qualification de la reconnaissance de dette rédigée par Mme [C] comme une contre-lettre visant à modifier le prix de vente de l’immeuble. Ils affirment avoir consenti un prêt vendeur à Mme [C] pour l’aider à obtenir un prêt immobilier. En revanche, Mme [C] soutient que la reconnaissance de dette était bien une contre-lettre destinée à dissimuler la modification du prix de vente.

Motifs de la reconnaissance de dette

Les termes de la reconnaissance de dette rédigée par Mme [C] sont peu explicites quant à sa cause. Les pièces produites par M. et Mme [P] ne permettent pas d’établir qu’ils ont effectivement consenti un crédit vendeur à Mme [C]. Ainsi, la reconnaissance de dette est considérée comme une contre-lettre visant à modifier le prix de vente initial.

Prétentions indemnitaires de Mme [C]

M. et Mme [P] sont condamnés à rembourser à Mme [C] la somme saisie sur ses salaires et comptes bancaires. Le montant de cette somme est revu à la hausse en appel. En revanche, le préjudice financier et moral de Mme [C] est réévalué, et une double indemnisation est évitée.

Dépens et frais irrépétibles

M. et Mme [P] sont condamnés aux dépens et aux frais irrépétibles, qui sont réduits en appel. Une somme est allouée à Mme [C] au titre des frais irrépétibles d’appel.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

9 mai 2023
Cour d’appel de Caen
RG n° 20/01406

AFFAIRE : N° RG 20/01406 –

N° Portalis DBVC-V-B7E-GR6X

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : Décision du Tribunal de Grande Instance de CAEN du 10 Juillet 2020 – RG n° 18/01483

COUR D’APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 09 MAI 2023

APPELANTS :

Monsieur [H] [P]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 9]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Madame [R] [E] épouse [P]

née le [Date naissance 5] 1976 à [Localité 10]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentés et assistés de Me Bernard HOYE, avocat au barreau de LISIEUX

INTIMÉE :

Madame [Y] [C]

née le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 11]

[Adresse 7]

[Localité 8]

représentée et assistée de Me Jérémie PAJEOT de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de CAEN

DÉBATS : A l’audience publique du 02 mars 2023, sans opposition du ou des avocats, M. GUIGUESSON, Président de chambre, a entendu seul les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme COLLET

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

M. GARET, Président de chambre,

Mme VELMANS, Conseillère,

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile le 09 Mai 2023 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier

* * *

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par acte du 15 novembre 2014, M. et Mme [P] ont signé avec Mme [C] une promesse synallagmatique de vente portant sur un bien immobilier situé au [Adresse 6] à [Localité 8] (53) moyennant le prix de 200 000 euros payable comptant le jour de la signature de l’acte définitif sous la condition suspensive de l’obtention d’un prêt immobilier par Mme [C].

Le 2 janvier 2015, Mme [C] s’est vue refuser le prêt, les parties ont dès lors convenu que le compromis de vente était devenu caduc.

Par acte du 21 janvier 2015, les parties ont régularisé une nouvelle promesse synallagmatique de vente moyennant le prix de 172 000 euros assortie de la condition suspensive de l’obtention d’un prêt immobilier par Mme [C].

En février 2015, Mme [C] a reconnu devoir à M. et Mme [P] la somme de 28 000 euros remboursable par mensualités de 400 euros chacune à compter du 15 mars 2015 jusqu’à l’obtention d’un prêt.

Par acte du 21 mars 2015, la vente a été régularisée pour un prix de 172 000 euros.

Mme [C] s’est acquittée des échéances de 400 euros des mois de mars et d’avril 2015 mais n’a pas honoré l’échéance du mois de mai.

C’est ainsi que par acte du 16 juillet 2015, M. et Mme [P] ont fait assigner Mme [C] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Laval aux fins de la voir condamner à leur payer la somme de 27 200 euros restant à leur devoir avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation.

Par ordonnance du 24 juillet 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Laval a fait droit à la demande de M. et Mme [P] et a condamné Mme [C] au paiement de la somme de 27 200 euros.

Se prévalant d’un titre exécutoire, M. et Mme [P] ont fait procéder à une saisie-attribution sur les comptes bancaires de Mme [C] et ont engagé à l’encontre de cette dernière des saisies sur salaire.

Par acte du 18 septembre 2015, Mme [C] a interjeté appel de l’ordonnance du 24 juillet 2015 puis s’est désistée.

Par actes des 2 et 15 juin 2015, Mme [C] a fait assigner M. et Mme [P] devant le tribunal de grande instance de Laval aux fins d’obtenir l’annulation de la contre-lettre, de voir prononcer le remboursement de la somme de 7 120,80 euros correspondant à la somme saisie sur salaire et de voir condamner M. et Mme [P] à l’indemniser des préjudices subis.

Par ordonnance du 4 décembre 2017, le tribunal de grande instance de Laval s’est déclaré territorialement incompétent au profit du tribunal de grande instance de Caen.

Par ordonnance du 18 décembre 2017, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Caen a déclaré le tribunal de grande instance de Laval incompétent au profit du tribunal de grande instance de Caen.

Par ordonnance du 16 mai 2018, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Caen a ordonné la radiation de l’affaire et son retrait du rôle faute pour M. et Mme [P] d’avoir constitué avocat.

Par acte du 4 avril 2018, Mme [C] a fait assigner M. et Mme [P] devant le tribunal de grande instance de Caen pour les mêmes motifs et demandes que ceux formulés dans son assignation devant le tribunal de grande instance de Laval.

Par jugement du 10 juillet 2020 auquel il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions en première instance, le tribunal judiciaire de Caen a :

– prononcé la nullité de la contre-lettre constituée par la reconnaissance de dette rédigée par Mme [C] au bénéfice de M. et Mme [P] comme modifiant le prix de vente stipulé dans le contrat d’acquisition immobilière ;

– condamné M. et Mme [P] à régler à Mme [C] les sommes suivantes :

* 7 120,80 euros en remboursement des sommes indument saisies sur ses salaires et comptes bancaires ;

* 7 120,80 euros au titre de son préjudice financier ;

* 6 000 euros au titre de son préjudice moral ;

– condamné M. et Mme [P] à régler à Mme [C] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. et Mme [P] aux entiers dépens.

Par déclaration du 28 juillet 2020, M. et Mme [P] ont formé appel de ce jugement.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 30 septembre 2020, M. et Mme [P] demandent à la cour de :

– réformer le jugement entrepris ;

– constater que la reconnaissance de dette rédigée par Mme [C] au mois de février 2015 ne saurait être analysée comme une contre-lettre ;

– débouter Mme [C] de l’intégralité de ses demandes ;

– condamner Mme [C] à leur payer unis d’intérêts une somme de 3 200 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile avec droit de recouvrement direct au profit de Me Hoye, avocat, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile en première instance et en cause d’appel ;

subsidiairement,

– débouter Mme [C] de l’intégralité de ses demandes indemnitaires, faute pour cette dernière de justifier des préjudices allégués ;

– réduire dans de très larges proportions l’indemnité allouée en première instance à Mme [C] sur le fondement de l’artic1e 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 13 octobre 2020, Mme [C] demande à la cour de :

– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Caen en date du 10 juillet 2020 en ce qu’il a considéré la reconnaissance de dette qu’elle a signée comme une contre-lettre et l’a annulée en conséquence ;

– réformer le jugement entrepris par le tribunal judiciaire de Caen en date du 10 juillet 2020 en ce qu’il a fixé le montant à lui rembourser à la somme de 7 120,80 euros et son préjudice financier à la somme de 7 120,80 euros ;

en conséquence,

– condamner in solidum M. et Mme [P] à lui rembourser le montant de 8 428,74 euros au titre des frais occasionnés par leur fait ;

– condamner in solidum M. et Mme [P] à lui payer la somme de 8 428,74 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier qu’elle a subi ;

– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Caen en date du 10 juillet 2020 condamnant M. et Mme [P] au paiement de la somme de 6 000 euros en réparation du préjudice moral subi ;

– confirmer le jugement entrepris par le tribunal judiciaire en date du 10 juillet 2020 condamnant M. et Mme [P] à lui payer la somme 4 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. et Mme [P] aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture de l’instruction a été prononcée le 25 janvier 2023.

Pour l’exposé complet des prétentions et de l’argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

– Sur l’existence d’une contre-lettre :

M. et Mme [P] sollicitent la réformation du jugement entrepris en ce qu’il a considéré que la reconnaissance de dette rédigée par Mme [C] constituait en réalité une contre-lettre dont la cause résidait dans la volonté de modifier le prix de vente convenu dans le contrat d’acquisition immobilière, qu’il convenait ainsi d’en prononcer la nullité et en conséquence les a condamnés à rembourser Mme [C] les sommes indûment saisies sur ses salaires et sur ses comptes bancaires à hauteur de la somme de 7 120,80 euros.

M. et Mme [P] soutiennent que la reconnaissance de dette rédigée par Mme [C] au mois de février 2015 et qu’elle leur a envoyée par courriel le 24 février 2015 ne saurait être analysée comme une contre-lettre mais bien comme une reconnaissance de dette. M. et Mme [P] affirment qu’ils n’ont jamais eu l’intention d’augmenter le prix de vente de l’immeuble ou de dissimuler une partie de ce prix et qu’ils souhaitaient simplement consentir un prêt vendeur à Mme [C] pour lui permettre de présenter auprès de l’établissement bancaire des garanties financières suffisantes afin d’obtenir un prêt immobilier nécessaire pour réaliser son achat.

Mme [C] sollicite au contraire la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a considéré que la reconnaissance de dette était en réalité une contre-lettre et l’a en conséquence annulée, au motif que M. et Mme [P] ont cherché à dissimuler la modification du prix de vente de l’immeuble.

SUR CE

L’article 1201 du code civil dispose que lorsque les parties ont conclu un contrat apparent qui dissimule un contrat occulte, ce dernier, appelé aussi contre-lettre, produit effet entre les parties. Il n’est pas opposable aux tiers, qui peuvent néanmoins s’en prévaloir.

L’article 1202 du même code précise qu’est nulle toute contre-lettre ayant pour objet une augmentation du prix stipulé dans le traité de cession d’un office ministériel. Est également nul tout contrat ayant pour but de dissimuler une partie du prix, lorsqu’elle porte sur une vente d’immeubles, une cession de fonds de commerce ou de clientèle, une cession d’un droit à un bail, ou le bénéfice d’une promesse de bail portant sur tout ou partie d’un immeuble et tout ou partie de la soulte d’un échange ou d’un partage comprenant des biens immeubles, un fonds de commerce ou une clientèle.

Il est constant que la notion de contre-lettre suppose l’existence de deux conventions, l’une ostensible, l’autre occulte, intervenues entre les mêmes parties, dont la seconde est destinée à modifier ou à annuler les stipulations de la première. La simulation n’est pas en soi une cause de nullité de l’acte qui en est l’objet.

Si la reconnaissance de dette est simulée, sa fausseté apparente n’entraîne pas nécessairement la nullité de l’obligation et n’interdit pas de reconnaître à l’engagement le caractère d’une libéralité déguisée. En matière de vente immobilière, la contre-lettre peut être frappée de nullité si elle a pour but de dissimuler une partie du prix de vente de l’immeuble.

SUR CE :

En l’espèce, il est établi qu’au mois de février 2015, Mme [C] a reconnu être débitrice de la somme de 28 000 euros envers M. et Mme [P] dans les termes suivants :

‘Je m’engage à rembourser cette somme par l’octroi d’un prêt, et dans l’attente du remboursement de la totalité de la dette, je m’engage à rembourser par mensualité de 400 euros payable au plus tard le 15 de chaque mois, la première mensualité devant être réglée le 15 mars 2015. Si cette échéance n’était pas réglée au terme prévu, Monsieur et Madame [P] pourraient se prévaloir de la déchéance du terme ».

Cette reconnaissance de dette a été adressée par courriel postal ‘chronospost international’ à M. et Mme [P] le 24 février 2015.

Le juge de première instance a considéré qu’à défaut pour M. et Mme [P] de rapporter la preuve d’un versement de la somme de 28 000 euros à Mme [C] aux fins de permettre à cette dernière d’obtenir un prêt immobilier, il y avait lieu de considérer que cette reconnaissance de dette de février 2015 constituait une contre-lettre, au motif que cet acte aurait eu en réalité pour cause la volonté de modifier le prix de vente de la maison qui avait été convenu et qu’en conséquence il convenait de l’annuler dans la mesure où elle augmentait le prix de vente.

M. et Mme [P] persistent à soutenir en cause d’appel que la reconnaissance de dette ne visait nullement à dissimuler une partie du prix de vente de l’immeuble. Ils affirment avoir consenti un crédit vendeur à Mme [C] pour lui permettre d’obtenir un prêt immobilier de 172 000 euros auprès de sa banque.

Au soutien de leurs prétentions, M. et Mme [P] produisent un courrier électronique qui leur a été adressé par Mme [C] libellé dans les termes suivants :

‘ pourriez-vous s ‘il vous plaît vous entretenir avec votre mari et m’informer de la validité de votre proposition à me consentir un prêt afin de facilité l’obtention de mon crédit pour l’achat de la maison de [Localité 8]. En effet, je dois apporter la somme de 15 000 euros à la banque, pour obtenir mon offre de prêt et mon crédit. Avec cette somme, je pourrai prétendre à la signature définitive pour la fin du mois de février: Je vous signerez une reconnaissance de dette …..où les condition du prêt seront spécifiées …’

Ils soulignent qu’il résulterait des termes mêmes de ce courriel que Mme [C] leur a bien demandé un prêt et qu’elle n’entendait nullement remettre en question les termes du compromis de vente. M. et Mme [P] persistent à soutenir qu’ils ont accepté de concéder un crédit vendeur de 28 000 euros à Mme [C] en échange duquel elle a rédigé une reconnaissance de dette en février 2015 et que c’est grâce à ce crédit que Mme [C] a pu bénéficier de son prêt immobilier et lui permettre de régler les frais notariés.

Mme [C] soutient au contraire et comme l’a retenu le juge de première instance que M. et Mme [P] ont effectivement cherché à dissimuler la modification du prix de vente stipulé dans l’acte notarié et que c’est donc à juste titre que le tribunal judiciaire de Caen a considéré que la reconnaissance de dette était en réalité une contre-lettre.

Mme [C] ajoute que M. et Mme [P] sont défaillants à établir l’effectivité d’un prêt quelconque consenti à son bénéfice. Elle souligne que le courriel produit par M. et Mme [P] au soutien de leur prétention n’est pas suffisant à rapporter la preuve que c’est effectivement grâce à ce prétendu prêt de 28 000 euros qu’elle a pu souscrire un prêt immobilier auprès de sa banque. Mme [C] reprend l’argumentation du premier juge selon laquelle M. et Mme [P] ne produisent à l’appui de leur prétention aucun virement effectif de 28 000 euros dans son intérêt ou l’encaissement d’un chèque du même montant par cette dernière. Elle poursuit en soulignant qu’elle a bénéficié d’un prêt personnel du crédit lyonnais en date du 19 février 2015 d’un montant de 20 000 euros et que c’est ce prêt qui lui a permis de régler les frais notariés et non celui de la somme de 28 000 euros que lui aurait consenti M. et Mme [P]. Mme [C] conclut que M. et Mme [P] ne lui ont jamais consenti de versement à hauteur de la somme de 28 000 euros sous la forme de crédit vendeur, de sorte que la reconnaissance de dette qu’elle a signée ne pouvait avoir que pour cause la modification du prix stipulé dans le contrat de vente immobilière leur permettant ainsi d’encaisser un prix de vente de 200 000 euros tel qu’initialement prévu aux termes du premier compromis de vente.

Il résulte de tout ce qui précède et des pièces produites que, tel que retenu par le juge de première instance, le motif de la reconnaissance de dette rédigée par Mme [C] est peu explicite en ce qu’elle précise qu’elle a été consentie ‘en conséquence de la vente’. Comme l’a également retenu le premier juge, les termes employés étant peu précis, deux interprétations sont possibles :

– soit le remboursement du prêt serait en réalité dû en complément du prix de vente de 172 000 euros afin de parvenir au montant de 200 0000 euros comme initialement convenu par les parties aux termes du premier compromis de vente devenu caduc, Mme [C] s’étant vu refuser un premier prêt,

– soit M. et Mme [P] ont effectivement prêté la somme de 28 000 euros à Mme [C] afin de lui permettre de présenter une capacité financière suffisante aux fins d’obtenir un prêt immobilier pour financer cet achat et qui serait à inclure dans la somme de 172 000 euros au titre du prix convenu entre les parties.

Les pièces produites par M. et Mme [P] et en particulier le courriel en date du 28 janvier 2015 dont les termes sont reproduits dans leurs écritures sont insuffisantes à établir qu’ils ont effectivement consenti un crédit vendeur de 28 000 euros au bénéfice de Mme [C] pour lui permettre d’obtenir un prêt immobilier auprès de sa banque et ainsi réaliser l’acquistion du bien immobilier. M. et Mme [P] ne produisent au soutien de leurs prétentions aucune pièce bancaire venant étayer leur prétention.

Il n’est rapporté la preuve d’aucun virement ou paiement au profit de madame [C] de la somme de 28000 euros ou qui aurait transité dans le dossier d’emprunt de cette dernière ;

Dès lors, il est établi que la reconnaissance de dette rédigée par Mme [C] constitue une contre-lettre distincte de l’acte authentique de vente du 21 janvier 2015 portant l’obligation dissimulée à la charge de Mme [C] de payer à M. et Mme [P] la somme complémentaire de 28 000 euros pour aboutir au règlement de la somme de 200 000 euros au titre du prix de vente initialement convenu aux termes du premier compromis de vente et qu’il s’agit en réalité d’une contre-lettre ayant pour cause la volonté de modifier le prix de vente fixé dans le contrat d’acquisition immobilière.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a prononcé la nullité de la contre lettre. Dont s’agit;

– Sur les prétentions indemnitaires de Mme [C] :

Sur la demande de remboursement des sommes saisies :

Le juge de première instance a considéré que la somme de 7 120,80 euros a été indûment saisie sur les salaires et les comptes de Mme [C] et qu’en conséquence il convenait de condamner M. et Mme [P] à lui rembourser cette somme.

M. et Mme [P] soutiennent au contraire qu’ils ne seraient être tenus de rembourser à Mme [C] cette somme aux motifs qu’ils ont effectué cette saisie sur la base d’une décision définitive valant titre exécutoire à savoir l’ordonnance de référé du 24 juillet 2015 selon laquelle Mme [C] a été condamnée à verser la somme de 27 200 euros restant à leur devoir avec intérêt au taux légal.

Mme [C] sollicite au contraire la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a fait droit à sa demande de remboursement des sommes saisies mais demande sa réformation quant au montant de la sommes qui lui a été octroyée et demande en cause d’appel celle de 8 428,74 euros. Au soutien de ses prétentions, Mme [C] produit divers relevés de comptes.

Il résulte de ce qui précède que la somme totale de 5790,28 euros a été indûment prélevée sur les salaires de l’intéressée selon les 3 attestations annuelles de prélèvements produites, plus celle de 1725,66 euros plus 113 euros de frais sur le compte bancaire de Mme [C], selon les deux relevés exploitables produits au dossier ;

C’est donc de manière justifiée que le juge de première instance a condamné M. et Mme [P] à rembourser à Mme [C] la somme de 7 120,80 euros conformément aux termes de son assignation en date du 2 et 15 juin 2015.

Ce montant en cause d’appel sera élevé à la somme de 8428,74 euros qu’il convient de verser à madame [C] puisque celui-ci a été prélevé en vertu de l’exécution d’un document annulé, et qu’il y a lieu également à restitution des deux mensualités de 400 euros soit 800 euros payées en exécution de la contre lettre annulée ;

Aussi, le jugement sera infirmé de ce chef.

– Sur le préjudice financier de Mme [C] :

Le juge de première instance a considéré que la procédure de recouvrement opérée à l’initiative de M. et Mme [P] avait nécessairement causé à Mme [C] un préjudice financier d’au moins égale importance aux sommes saisies sur ses salaires et comptes bancaires et en conséquence les a condamnés à lui rembourser la somme de 7 120,80 euros au titre de son préjudice financier.

M. et Mme [P] sollicitent la réformation du jugement entrepris en ce qu’il les a condamnés à verser la somme de 7 120,80 euros au titre du préjudice financier subi par Mme [C]. Ils soutiennent que Mme [C] ne justifie pas du préjudice financier allégué. Ils affirment également que la demande de Mme [C] est tout le moins injustifiée en ce qu’aux termes de ses premières écritures elle demandait la somme de 15 000 euros, somme qu’elle a ramené à 10 000 euros et que le tribunal a finalement arbitré à 7 120,80 euros soit la somme totale saisie en application de l’ordonnance de référé du 24 juillet 2015 devenue définitive le 22 août 2015. M. et Mme [P] soutiennent qu’il ne saurait être alloué à Mme [C] la même somme correspondant au remboursement des sommes saisies en conséquence du prononcé de l’annulation de la contre-lettre au titre de son éventuel préjudice financier, car cela reviendrait à octroyer une double indemnisation.

Mme [C] sollicite au contraire la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a fait droit à sa demande d’indemnisation de son préjudice financier mais demande sa réformation quant au montant de la somme qui lui a été octroyée. Mme [C] affirme que les saisies opérées sur ses salaires et comptes bancaires ont fortement imputé son pouvoir d’achat et soutient qu’elle est bien fondée à demander en cause d’appel l’indemnisation de son préjudice financier à hauteur de la somme de 8 428,74 euros.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a octroyé à Mme [C] la somme de 7 120,80 euros correspondant au montant des sommes saisies sur ses salaires et comptes bancaires, car cette allocation reviendrait à octroyer une double indemnisation à Mme [C].

Cela d’autant que Mme [C] ne produit aucun élément permettant de justifier d’un préjudice financier indépendant à celui qui consiste à avoir subi des saisies indues sur ses salaires et comptes bancaires dont le total lui est restitué du chef de son préjudice matériel ;

Aussi, le jugement sera infirmé de ce chef.

– Sur le préjudice moral de Mme [C] :

Le juge de première instance a retenu que les saisies sur les salaires et le compte bancaire réalisés à l’initiative de M. et Mme [P] ont fortement impacté le pouvoir d’achat de Mme [C], ce qui a nécessairement eu des répercussions psychologiques sur cette dernière qu’il a évalué à la somme de 1 000 euros par année de procédure soit la somme totale de 6 000 euros.

M. et Mme [P] sollicitent la réformation du jugement entrepris quant à la somme allouée à Mme [C] au titre de son préjudice moral aux motifs qu’elle ne justifierait pas du préjudice allégué. Ils soulignent qu’il ne saurait leur être reproché d’avoir fait réaliser des saisies sur les salaires et comptes bancaires de Mme [C] alors qu’ils disposaient d’un titre exécutoire. Ils ajoutent que n’ayant pas la maîtrise des délais de procédure et les multiples erreurs commises par Mme [C], le tout ayant eu pour conséquence que six années se sont écoulées jusqu’au jugement litigieux, sa demande au titre du préjudice moral n’est pas justifiée.

Mme [C] sollicite quant à elle la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné M. et Mme [P] au paiement de la somme de 6 000 euros au titre du préjudice moral subi. Elle rappelle qu’elle est mère célibataire et qu’elle a à sa charge trois enfants, qu’elle ne dispose que de son seul salaire pour subvenir aux besoins de sa famille et souligne que les saisies pratiquées et la procédure ont eu un retentissement psychologique certain en ce qu’elles ne lui permettaient pas d’envisager une vie économique stable lui occasionnant ainsi des crises d’angoisse et une perte de sommeil.

Il résulte des éléments produits que la procédure de recouvrement initiée par M. et Mme [P] a eu des répercussions psychologiques certaines sur Mme [C] en ce qu’elle ne lui permettait pas d’envisager une vie financièrement stable lui occassionnant ainsi des angoisses. Aussi, le jugement sera confirmé en ce qu’il a indemnisé le préjudice moral subi par Mme [C] mais sera réformé quant au quantum alloué.

En effet, M. et Mme [P] ont agi sur le fondement d’un titre exécutoire. En outre, M. et Mme [P] n’ont eu aucune maîtrise des délais de procédure. Par ailleurs, Mme [C] ne justifie nullement avoir subi un préjudice moral qu’il convient d’indemniser à hauteur de 1 000 euros par année de procédure soit au total la somme de 6 000 euros.

Aussi, M. et Mme [P] seront condamnés à verser à Mme [C] la somme de 1 500 euros au titre du préjudice moral subi. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

– Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Le jugement étant confirmé sur le principal, il sera aussi confirmé en ce qu’il a condamné M. et Mme [P] aux dépens et aux frais irrépétibles. Le jugement sera néanmoins réformé en ce qu’il a condamné M. et Mme [P] à régler à Mme [C] la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, cette somme étant ramenée à celle de 1500 euros;

Succombant en appel, M. et Mme [P] seront aussi condamnés aux dépens d’appel.

En outre, il est équitable de condamner M. et Mme [P] à payer à Mme [C] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort par mise à disposition au greffe ; 

– confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a condamné M. et Mme [P] à verser à Mme [C] la somme de :

– 7120, 80 euros en remboursement des sommes indûment saisies sur ses salaires et comptes bancaires ;

* 7 120,80 euros au titre de son préjudice financier,

* 6 000 euros au titre de son préjudice moral,

* 4 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

– l’infirme de ces seuls chefs ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

– Déboute Mme [C] de sa demande formée au titre de son préjudice financier ;

– Condamne M. et Mme [P] à verser à Mme [C] les sommes suivantes de :

– 8428,74 euros en remboursement des sommes indûment payées, et saisies sur ses salaires et comptes bancaires ;

– 1 500 euros au titre de son préjudice moral ;

– Condamne M. et Mme [P] à régler à Mme [C] la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;

– Condamne M. et Mme [P] aux entiers dépens comprenant ceux de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET G. GUIGUESSON

 

 

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