Il résulte de l’article 843 du code civil que tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu’ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.
La reconnaissance d’une donation suppose la réunion d’un appauvrissement du disposant dans une intention libérale. C’est à celui qui invoque l’existence d’une donation d’en rapporter la preuve. |
→ Résumé de l’affaireDans cette affaire, suite au décès de [L] [E], ses filles Mme [G] [C] et Mme [B] [C] se disputent la succession de leur mère. Un testament olographe a légué certains biens à chacune des filles, mais des désaccords persistent. Le tribunal de grande instance de Bobigny a ordonné le partage de la succession et a jugé que Mme [B] [C] devait rapporter certaines sommes à la succession de [L] [E]. Mme [B] [C] a interjeté appel de ce jugement, contestant les accusations de recel et demandant l’annulation de certains actes. Mme [G] [C] demande quant à elle la confirmation du jugement de première instance et réclame des dommages et intérêts. L’affaire est en cours d’examen par la cour d’appel.
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→ Les points essentielsLes montants alloués dans cette affaire:
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→ Réglementation applicableArticles des Codes cités et leur texte
Code de procédure civile – Article 4 : – Article 954 : Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils ont été invoqués dans la discussion. Les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositifs. Les moyens sont récapitulés sous forme de moyens. Les parties doivent indiquer expressément, dans le dispositif de leurs conclusions, les prétentions sur lesquelles la cour est appelée à statuer. Les prétentions et les moyens qui ne sont pas formulés dans les conditions prévues aux alinéas précédents sont réputés abandonnés. » – Article 303 : Code civil – Article 843 : – Article 778 : Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part. L’héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession. » – Article 1240 : – Article 700 : |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Samuel ROTHOUX de la SELARL LHJ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A1005
– Me Arnaud PELPEL, avocat au barreau de PARIS, toque : E1668 – Me Isabelle CHATIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0659 |
→ Mots clefs associés & définitions |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Paris
RG n° 22/10312
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 3 – Chambre 1
ARRET DU 29 MAI 2024
(n° 2024/ , 15 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/10312 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CF4SI
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Avril 2022 – Tribunal Judiciaire de BOBIGNY – RG n° 20/10096
APPELANTE
Madame [B] [C] épouse [W]
née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 22] (66)
[Adresse 6]
[Localité 8]
représentée par Me Samuel ROTHOUX de la SELARL LHJ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A1005
ayant pour avocat plaidant Me Arnaud PELPEL, avocat au barreau de PARIS, toque : E1668
INTIMEE
Madame [G] [V] [D] [C] épouse [U]
née le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 22] (66)
[Adresse 5]
[Localité 7]
représentée et ayant pour avocat plaidant Me Isabelle CHATIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0659
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 24 Avril 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Patricia GRASSO, Président
Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller
M. Bertrand GELOT, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme [T] [X] dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.
[L] [E] est décédée le [Date décès 3] 2018.
Elle laisse pour lui succéder ses filles :
-Mme [G] [C],
-Mme [B] [C].
Suivant testament olographe du 18 janvier 2018, elle a légué :
-à Mme [G] [C] quelques souvenirs préparés à son attention,
-à Mme [B] [C] tous ses bijoux, tout ce que contient l’appartement en location sis [Adresse 4] (93) et 3 tableaux du peintre [S] [J], en précisant : « pour la remercier de son dévouement, de son affection et du soutien qu’elle m’a apporté à la fin de ma vie ».
Malgré diverses tentatives, aucune démarche amiable n’a pu aboutir.
Par exploit d’huissier du 29 juillet 2019, Mme [G] [C] a fait assigner Mme [B] [C] devant le tribunal de grande instance de Bobigny en partage de la succession de la défunte.
Par ordonnance du 1er avril 2021, le juge de la mise en état a notamment :
-déclaré le tribunal judiciaire de Bobigny compétent pour statuer sur le litige,
-dit n’y avoir lieu de statuer sur les demandes de :
*« constater » et « donner acte » formées par les parties,
*dire et juger que Mme [B] [C] est dans l’impossibilité matérielle de communiquer le contrat de bail et le congé donné à bail, celle-ci n’étant pas en possession de ces documents
-enjoint, à défaut de communication spontanée, à Mme [B] [C] de communiquer à Mme [G] [C], dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l’ordonnance, les pièces suivantes :
*le contrat de bail portant sur l’appartement situé [Adresse 4] (93) qui aurait été conclu par Mme [B] [C] pour les besoins de [L] [E],
*toutes les quittances de loyer et de charges correspondant audit contrat de bail,
*le congé donné au bail à la suite du décès de [L] [E],
*le justificatif de restitution du dépôt de garantie, et en particulier les preuves du versement, par [21], à Mme [B] [C], des chèques évoqués dans le courrier d’ORPI du 23 mai 2018 de 112,92 et 158,81 euros à titre de restitution du dépôt de garantie et des relevés de compte correspondants de Mme [B] [C],
– réservé les dépens.
Par jugement contradictoire du 21 avril 2022, le tribunal judiciaire de Bobigny a notamment :
-dit n’y avoir de statuer sur les demandes de constater formées par les parties,
-ordonné qu’il soit procédé aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [L] [E],
-débouté Mme [G] [C] de sa demande de nullité relative à l’acte de notoriété du 12 juillet 2018 rédigé par Me [A] [K], notaire,
-constaté que le tribunal n’est saisi d’aucune demande de :
*Mme [G] [C] sur le sort des biens présents dans le coffre loué auprès de la banque [13] par la défunte,
*rapport à la succession de [L] [E] au titre des bijoux légués à Mme [B] [C],
-débouté Mme [P] [C] de sa demande de rapport à la succession de [L] [E] par Mme [B] [C] des tableaux et objets mobiliers ayant appartenu à [L] [E],
-ordonné le rapport à la succession de [L] [E] par Mme [B] [C] des sommes de :
*12 267,22 euros au titre des dons manuels, constitués par des retraits et virements de la défunte dont cette dernière a bénéficié, entre les 31 octobre 2008 et 7 mai 2018,
*71 115 euros au titre des dons manuels, constitués par des chèques, virements et retraits de la défunte dont cette dernière a bénéficié, entre les 9 mars 2009 et [Date décès 3] 2018,
*20 131,61 euros au titre des dons manuels, constitués par des chèques et virements de la défunte dont cette dernière a bénéficié pour des véhicules et des frais de réparation,
*1 600 euros au titre de la donation indirecte, constituée par le paiement, par la défunte, des travaux d’installation ou de réparation de la chaudière du logement de Mme [B] [C],
soit la somme totale de 105 113,83 euros, Mme [B] [C] ne pouvant y prétendre à aucune part, ayant recelé ces donations,
-dit que Mme [B] [C] devra rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont elle a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession, et ce, sans pouvoir y prétendre à aucune part,
-débouté Mme [G] [C] de sa demande de dire que Mme [B] [C] devra la réduction de ces donations sans pouvoir prétendre à aucune part,
-désigné, pour procéder aux opérations de compte liquidation partage, Me [F] [R], notaire,
-débouté Mme [G] [C] de sa demande de désigner le notaire commis pour procéder à la :
*reconstitution de l’actif successoral,
*vérification de l’absence d’atteinte à la réserve par les legs, après établissement d’un inventaire de l’actif successoral, y compris les biens donnés ou légués, et à leur évaluation, au besoin, en sollicitant l’intervention d’un sapiteur compétent,
-dit qu’il appartiendra au notaire de :
*convoquer les parties et leur demander la production de tous documents utiles à l’accomplissement de sa mission,
*fixer avec elles un calendrier comprenant les diligences devant être accomplies par chacun d’elles et la date de transmission de son projet d’état liquidatif, étant précisé que ce calendrier sera communiqué par le notaire aux parties et au juge commis,
*dresser, dans un délai d’un an à compter de l’envoi de la décision, un état liquidatif qui fixe la date de jouissance divise, établit les comptes entre les copartageants, la masse partageable, les droits des parties, et la composition des lots à répartir, étant précisé que ce délai est suspendu dans les cas visés à l’article 1369 du code de procédure civile,
-dit que sous réserve des points déjà tranchés, les parties justifieront auprès du notaire de leurs créances à inscrire au compte de l’indivision ou des créances entre elles,
-dit que le notaire commis pourra, si nécessaire, interroger les fichiers [15] et [16],
-débouté Mme [G] [C] de sa demande de dommages et intérêts,
-dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
-débouté les parties de leurs demandes au titre des dépense et de l’article 700 du code de procédure civile,
-dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et supportés par les parties à proportion de leur part dans l’indivision.
Mme [B] [C] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 25 mai 2022.
Mme [G] [C] a constitué avocat le 4 août 2022.
L’appelante a remis ses premières conclusions par RPVA le 24 août 2022.
L’intimée a quant à elle remis ses premières conclusions au greffe le 24 novembre 2022.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 24 février 2023, Mme [B] [C], appelante, demande à la cour de :
-infirmer le jugement rendu en première instance en date du 21 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Bobigny,
-constater l’absence de recel successoral, de dissimulation et d’opposition aux demandes formulées par Mme [G] [C],
-juger que l’appauvrissement de la défunte ne peut être établi puisque les sommes versées constituent soit des dépenses de vie courante, soit des remboursements des frais engagés par Mme [B] [C] ,
-juger que Mme [G] [C] n’a aucunement été lésée dans la succession de sa mère, ayant obtenu la moitié de la maison familiale et un certain nombre de meubles et bijoux, ainsi qu’une majoration du bien de [Localité 12] à la revente à sa s’ur Mme [B] [C],
-juger que le reliquat des sommes non justifiées représente des présents d’usage ou quelques gratifications en lien avec l’attachement de [L] [E] pour Mme [B] [C],
-juger Mme [G] [C] mal fondée en son appel incident,
-débouter Mme [G] [C] de l’ensemble de ses prétentions, fins et conclusions plus amples et contraires,
-condamner Mme [G] [C] à verser à Mme [B] [C] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 25 novembre 2022, Mme [G] [C], intimée, demande à la cour de :
-recevoir Mme [G] [C] en ses présentes écritures et y faisant droit,
-confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
*ordonné qu’il soit procédé aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [L] [E],
*ordonné le rapport à la succession de [L] [E] par Mme [B] [C] des sommes de :
>12 267,22 euros au titre des dons manuels, constitués par des retraits et virements de la défunte dont cette dernière a bénéficié entre le 31 octobre 2008 et le 7 mai 2018,
>71 115 euros au titre des dons manuels, constitués par des chèques, virements et retraits de la défunte dont cette dernière a bénéficié entre les 9 mars 2009 et [Date décès 3] 2018,
>30 131,61 euros au titre des dons manuels, constitués par des chèques et virements de la défunte dont cette dernière a bénéficié pour des véhicules et frais de réparation,
>1 600 euros au titre de la donation indirecte constituée par le paiement par la défunte des travaux d’installation ou de réparation de la chaudière du logement de Mme [B] [C],
Mme [B] [C] ne pouvant y prétendre à aucune part, ayant recelés ces donations,
*dit que Mme [B] [C] devra rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont elle a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession et ce sans pouvoir y prétendre à aucune part,
*désigné pour procéder aux opérations de partage Me [F] [R], notaire,
*désigné tout magistrat de la chambre 1 section 2 en qualité de juge commis pour surveiller le déroulement des opérations de liquidation,
*dit qu’il appartiendra au notaire de :
>convoquer les parties et leur demander la production de tous les documents utiles à l’accomplissement de sa mission,
>fixer avec elles un calendrier comprenant les diligences devant être accomplies par chacune d’elles et la date de transmission de son projet d’état liquidatif,
>dresser, dans le délai d’un an à compter de l’envoi de la présente décision, un état liquidatif qui fixe la date de jouissance divise, établit les comptes entre les copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à repartir,
*dit que sous réserve des points déjà tranchés, les parties justifieront auprès du notaire de leurs créances à inscrire au compte de l’indivision ou des créances entre elles,
-infirmer ce jugement entrepris en ce qu’il a :
*débouté Mme [G] [C] de sa demande de nullité relative à l’acte de notoriété du 12 juillet 2018 rédigé par Me [K], notaire,
*débouté Mme [G] [C] de sa demande de rapport à la succession de [L] [E] par Mme [B] [C] des tableaux et objets mobiliers ayant appartenu à [L] [E] non compris dans le legs dont elle a bénéficié et ce sous réserve de son absence d’atteinte à la réserve,
*débouté Mme [G] [C] de sa demande de désigner le notaire commis pour procéder à la :
>reconstitution de l’actif successoral,
>vérification de l’absence d’atteinte à la réserve par les legs, après établissement d’un inventaire de l’actif successoral, y compris les biens donnés ou légués, et à leur évaluation, au besoin, en sollicitant l’intervention d’un sapiteur compétent,
*débouté Mme [G] [C] de sa demande de rapport à la succession de la somme de 10 462 euros au titre des dons manuels, constitués par des chèques, virements et retraits de la défunte dont cette dernière a bénéficié,
*débouté Mme [G] [C] de sa demande dommages et intérêt à hauteur de 10 000 euros,
*débouté Mme [G] [C] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de 10 000 euros,
statuant à nouveau,
-prononcer la nullité de l’acte de notoriété signé le 12 juillet 2018 sous couvert d’une procuration sans le consentement de Mme [G] [C] ,
-ordonner le rapport à la succession de [L] [E] par Mme [B] [C] des tableaux et objets mobiliers ayant appartenu à Mme [C] et non compris dans le legs dont elle a bénéficié, à tout le moins le tableau de [Y] [Z] d’une valeur estimée à 6 000 euros,
-ordonner le rapport à la succession de [L] [E] par Mme [B] [C] de la somme supplémentaire de 10 462 euros au titre des dons manuels, constitués par des chèques, virements et retraits de la défunte dont cette dernière a bénéficié, soit une somme de 115 573,83 euros à rapporter à la succession de [L] [E],
-ordonner au notaire commis de procéder aux opérations suivantes :
*la reconstitution de l’actif successoral,
*la vérification de l’absence d’atteinte à la réserve par les legs, après établissement d’un inventaire de l’actif successoral, y compris les biens donnés ou légués, et à leur évaluation, au besoin, en sollicitant l’intervention d’un sapiteur compétent,
*le rapport des donations et la réduction éventuelle des legs excédant la quotité disponible,
-condamner Mme [B] [C] au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi par Mme [G] [C] en raison de la résistance abusive de celle-ci et des propos infamants voire diffamatoires tenus à son encontre dans le cadre du partage amiable comme dans le cadre de la présente procédure,
-condamner Mme [B] [C] au paiement de la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile s’agissant des frais de procédure de première instance et aux entiers dépens de la première instance,
-débouter Mme [B] [C] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l’encontre de Mme [G] [C] ,
en tout état de cause,
-condamner Mme [B] [C] au paiement de la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile s’agissant des frais exposés par ses soins dans le cadre de la procédure d’appel et aux entiers dépens d’appel.
Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 avril 2024.
L’affaire a été appelée à l’audience du 24 avril 2024.
Sur l’étendue de la saisine de la cour
En vertu de l’alinéa 2 de l’article 954 du code de procédure civile, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. En application de son alinéa 3, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils ont été invoqués dans la discussion.
Bien qu’ayant saisi la cour dans les termes de sa déclaration d’appel, l’appelante conclut d’une manière globale à l’infirmation du jugement et forme des demandes de « constater » et « juger » qui ne constituent pas des prétentions au sens des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile dès lors qu’elles ne confèrent pas de droits spécifiques à la partie qui les requiert.
La seule prétention exprimée par l’appelante devant la cour est de voir débouter Mme [G] [C] de l’ensemble de ses prétentions, fins et conclusions plus amples et contraires.
Le tribunal a ordonné le rapport à la succession de [L] [E] veuve [C] par Mme [B] [C] épouse [W] des sommes de :
-12.267,22 euros au titre des dons manuels, constitués par des retraits et virements de la défunte dont cette dernière a bénéficié entre les 31 octobre 2008 et 7 mai 2018,
-71.115 euros au titre des dons manuels constitués par des chèques, virements et retraits de la défunte dont cette dernière a bénéficié entre les 9 mars 2009 et [Date décès 3] 2018,
-20.131,61 euros au titre des dons manuels constitués par des chèques et virements de la défunte dont cette dernière a bénéficié pour des véhicules et des frais de réparation,
-1.600 euros au titre de la donation indirecte constituée par le paiement, par la défunte, des travaux d’installation ou de réparation de la chaudière du logement de Mme [B] [C] épouse [W], soit la somme totale de 105.113,83 euros,
et dit que Mme [B] [C] épouse [W] ne pourra y prétendre à aucune part, ayant recelé ces donations et qu’elle devra rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont elle a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession et ce, sans pouvoir y prétendre à aucune part.
Il résulte des écritures de l’appelante et des moyens qu’elle y développe qu’elle conteste les demandes de rapport à la succession et les accusations de recel successoral formées contre elle par sa s’ur et les chefs du jugement ayant statué en ce sens.
Ainsi, bien que la déclaration d’appel mentionne expressément les chefs de dispositif du jugement frappé d’appel ayant :
– ordonné qu’il soit procédé aux opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de [L] [E] veuve [C] et désigné pour procéder aux opérations de compte liquidation partage Me [F] [R], notaire associé à [Localité 9] , il convient de relever que les écritures de l’appelante ne les critiquent pas et qu’aucune prétention contraire n’est formée de sorte qu’ils seront confirmés puisque l’intimée conclut pour sa part à la confirmation de ces chefs de dispositif du jugement entrepris.
L’intimée, formant appel incident, poursuit :
-la nullité de l’acte de notoriété signé le 12 juillet 2018 sous couvert d’une procuration sans le consentement de Mme [G] [C] ,
– le rapport à la succession de [L] [E] par Mme [B] [C] des tableaux et objets mobiliers ayant appartenu à Mme [C] et non compris dans le legs dont elle a bénéficié, à tout le moins le tableau de [Y] [Z] d’une valeur estimée à 6 000 euros,
– le rapport à la succession de [L] [E] par Mme [B] [C] de la somme supplémentaire de 10 462 euros au titre des dons manuels, constitués par des chèques, virements et retraits de la défunte dont cette dernière a bénéficié, soit une somme de 115 573,83 euros à rapporter à la succession de [L] [E],
-qu’il soit ordonné au notaire commis de procéder aux opérations suivantes :
*la reconstitution de l’actif successoral,
*la vérification de l’absence d’atteinte à la réserve par les legs, après établissement d’un inventaire de l’actif successoral, y compris les biens donnés ou légués, et à leur évaluation, au besoin, en sollicitant l’intervention d’un sapiteur compétent,
*le rapport des donations et la réduction éventuelle des legs excédant la quotité disponible.
Sur la nullité de l’acte de notoriété
L’intimée poursuit la nullité relative de l’acte de notoriété du 12 juillet 2018 pour défaut de consentement, faisant valoir qu’elle a donné procuration à l’étude de Me [K], compte tenu de son éloignement géographique ; que cependant, ce dernier ne s’est pas assuré de son consentement aux projets d’actes établis par ses soins ; qu’elle a donc dénoncé l’acte de notoriété établi le 12 juillet 2018 par lettre recommandée avec accusé de réception, n’ayant pas accepté purement et simplement la succession de sa mère parce qu’elle contestait depuis plusieurs mois auprès du notaire la consistance de l’actif successoral et sollicitait des explications à ce titre, sans succès.
L’appelante répond que le partage équitable du bien sis à [Localité 12] avait fait l’objet d’une donation en 2000 au profit des deux filles de la défunte et que sa s’ur avait parfaitement connaissance des dispositions testamentaires de sa mère.
Ainsi que l’a rappelé le tribunal, l’acte de notoriété dressé par le notaire est un acte authentique faisant foi jusqu’à inscription de faux, conformément aux articles 303 et suivants du code de procédure civile.
En matière de succession, cet acte a uniquement pour objet, pour parvenir au règlement de la succession d’une personne décédée, c’est-à-dire à la transmission des biens qu’elle possédait et des dettes dont elle était redevable, de déterminer les héritiers et ayants droit venant à cette succession.
Contre cet acte, l’action en nullité n’est pas ouverte et si Madame [G] [C] se prévaut d’un vice de son consentement, elle ne fonde d’ailleurs sa demande de nullité sur aucun texte.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande.
Sur les rapports à la succession par Mme [B] [C] épouse [W]
Il résulte de l’article 843 du code civil que tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu’ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.
La reconnaissance d’une donation suppose la réunion d’un appauvrissement du disposant dans une intention libérale.
C’est à celui qui invoque l’existence d’une donation d’en rapporter la preuve.
-s’agissant des 12.267,22 euros au titre des dons manuels, constitués par des retraits et virements de la défunte dont cette dernière a bénéficié entre les 31 Octobre 2008 et 7 Mai 2018
Mme [G] [C] a exposé et justifié qu’il ressort des relevés du compte chèque n°03.754.55 Z 030 ouvert auprès de la [10] qu’un virement permanent de 800€ mensuels avait été mis en place à compter du mois de mai 2009 et jusqu’au mois d’avril 2018 vers un compte bancaire appartenant à [L] [C] et qu’en sus, entre les mois de décembre 2008 et d’avril 2009, une somme de 800 € aurait été mensuellement retirée en espèces sur ledit compte.
Elle fait valoir qu’en l’absence de communication des quittances de loyer et de charges entre le 4 avril 2009 et le 1er octobre 2014, il apparaît qu’a été indûment perçue par Madame [B] [C] au titre du virement permanent de 800 € mensuels effectué par la défunte la somme de 12.267,22 euros, soit :
– pour l’année 2009, la somme de 1.587 €, à savoir 8.000 € (soit 800 € x 10 mois dont un mois au titre du dépôt de garantie) – 6.413 € (563 € + 650 € x 9 mois dont un mois au titre du dépôt de garantie)
– pour l’année 2010, la somme de 1.800 €, à savoir 9.600 € (soit 800 € x 12 mois) – 7.800€ (650 € x 12 mois)
– pour l’année 2011, la somme de 1.800 €, à savoir 9.600 € (soit 800 € x 12 mois) – 7.800€ (650 € x 12 mois)
– pour l’année 2012, la somme de 1.800 €, à savoir 9.600 € (soit 800 € x 12 mois) – 7.800€ (650 € x 12 mois)
– pour l’année 2013, la somme de 1.800 €, à savoir 9.600 € (soit 800 € x 12 mois) – 7.800€ (650 € x 12 mois)
– pour l’année 2014, la somme de 521,45 €, à savoir 9.600 € (soit 800 € x 12 mois) – 9.078,55 € (650 € x 9 mois + 690,25 € x 3 mois + 65 € x 3 mois – 37,20 €)
– pour l’année 2015, la somme de 564,72 €, à savoir 9.600 € (soit 800 € x 12 mois) – 9.035,28 € (690,25 € x 3 mois + 692,79 x 9 mois + 65 € x 12 ‘ 50,58 €)
– pour l’année 2016, la somme de 507,06 €, à savoir 9.600 € (soit 800 € x 12 mois) – 9.092,94 € (692,79 x 3 mois + 692,73 x 9 mois + 65 € x 12 mois)
– pour l’année 2017, la somme de 496,26 €, à savoir 9.600 € (soit 800 € x 12 mois) – 9.103,74 € (692,73 x 3 mois + 693,95 € x 9 mois + 65 € x 3 – 37,20 €)
– pour l’année 2018, la somme de 1.390,73 €, à savoir 3.200 € (soit 800 € x 4 mois) – 2.081€ (693,95 € x 2 mois + 514,87 € + 65 € x 2 mois +48,23 €) + 271,73 € perçue au titre du remboursement du dépôt de garantie.
Madame [B] [C] répond qu’elle avait souscrit un bail à son nom pour loger sa mère au [Adresse 4] d’avril 2009 à février 2018 et que les loyers étaient prélevés sur son compte [11] et faisaient l’objet d’une avance par [L] [C] sous forme d’un virement de 800 euros mensuels ; que le loyer était fixé à 650 euros et les charges à 65 euros dans le contrat de bail en 2009, puis a atteint 758,95 euros en 2018, dont 65 euros de charges et 2 euros de frais accessoires.
Les deux parties ont produit de nombreuses pièces reprises dans le jugement dont il résulte, comme l’a relevé le tribunal, que Madame [B] [C] n’a pas produit les quittances de loyer et de charges pour la période comprise entre les 4 avril 2009 et 1er octobre 2014.
Le tribunal a donc retenu que Madame [G] [C] prouvait, et sans démonstration contraire de Madame [B] [C], que cette dernière a bénéficié indûment, de la part de la défunte, de la somme de 12.267,22 euros, que l’appauvrissement de la défunte résultait de ces virement injustifiés et s’agissant de dons manuels, sous forme de retraits et virements, l’intention libérale était présumée.
Les quittances de loyer, contrats de location, et états des lieux doivent être conservés trois ans après la durée de la location. Ces délais s’appliquent aux logements loués comme résidence principale, vides ou meublés.
L’état des lieux de sortie indique la date d’entrée et la date de sortie en mars 2018, ainsi que le courrier de restitution de dépôt de garantie.
Il ne peut donc être sérieusement reproché à Madame [B] [C] de ne pas être en mesure de produire l’intégralité des quittances les plus anciennes.
Par ailleurs, il n’est nullement contesté que [L] [E] a occupé jusqu’à son décès et à compter du mois d’avril 2009 le logement loué pour elle par sa fille.
Les 800 euros virés par [L] [E] à Madame [B] [C] s’imputent de la manière suivante :
– Année 2009 (le mois du dépôt de garantie a été utilisé pour solder diverses réparations
lors de la sortie des lieux. Le reliquat se trouve imputé sur l’année 2018) : 7200 euros
(800 X 9 mois) ‘ 6435 (715 X 9 mois) soit 765 euros.
– Année 2010 : 9600 euros (800X 12mois) ‘ 8580 euros (715 euros X 12) soit 1.020 euros.
– Année 2011 : 9600 euros (800 X 12) ‘ 8580 euros (715 X 12) soit 1.020 euros.
– Année 2012 : 9600 (800 X 12) ‘ 8877 ,96 (739, 83 euros x 12) soit 722,04 euros.
– Année 2013 :9600 (800 X 12) ‘ 8877 ,96 (739,83 X 12) soit 722,04 euros.
– Année 2014 : 9600 (800 X 12) ‘ 9087 (755,25 X 12) soit 537 euros.
– Année 2015 : 9600 (800 X 12) ‘ 9063 (755, 25 X 12) + facture Réparation électrique de 319 euros, soit 218 euros.
– Année 2016 : 9600 (800 X 12) – 9092,76 (757, 73 X 12) soit, 507, 24 euros
– Année 2017 : 9600 (800 X 12) – 9107,40 (758,95 x12) soit 492,60 euros.
– Année 2018 : 3200 (800X4) plus 271, 73 euros de retour de dépôt de garantie ‘ 3035,80 (758, 95 X4), soit 435,93 euros
soit une différence de 6437,85 euros.
Ce trop perçu résulte de la commodité d’avoir prévu un montant de virement unique, fixe et régulier et ne saurait s’analyser, au moment du décompte final, en un appauvrissement de [L] [E] dans une intention libérale à l’égard de sa fille [B].
Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a ordonné le rapport à la succession par Madame [B] [C] de la somme de 12.267,22 euros au titre des dons manuels, constitués par des retraits et virements de la défunte dont elle a bénéficié entre les 31 octobre 2008 et 7 mai 2018, et la demande de Madame [P] [C] à ce titre rejetée.
-s’agissant des 71.115 euros au titre des dons manuels constitués par des chèques, virements et retraits de la défunte dont cette dernière a bénéficié entre les 9 mars 2009 et [Date décès 3] 2018
Mme [G] [C] a justifié des mouvements suivants :
*sur le compte chèque n° 04292200000 ouvert auprès du [13]
04/12/2008 7573404 7.000 € Inconnu
28/06/2010 7573410 2.000 € [B] [W]
25/10/2010 7573412 5.000 € [B] [W]
21/06/2013 7573424 2.500 € [B] [W]
30/09/2013 7573426 12.000 € [B] [W]
30/07/2015 7573352 5.000 € [B] [W]
24/08/2015 7573353 300 € [B] [W]
04/08/2017 virement 26.000 € [B] [W]
Total : 59.800 €.
*sur le compte chèque n° 03.754.55 Z 030 ouvert auprès de la [10]
09/03/2009 8758010 2.000 € [B] [W]
14/04/2009 8758017 800 € [B] [W]
09/07/2010 virement 1.800 € [B] [W]
04/04/2011 virement 2.000 € [B] [W]
05/04/2011 0559018 2.000 € [B] [W]
25/10/2011 1631007 1.262 € Inconnu
15/12/2014 3467036 1.500 € [B] [W]
30/07/2015 5420010 3.000 € [B] [W]
18/04/2016 virement 3.000 € [B] [W]
26/04/2016 virement 3.000 € [B] [W]
12/12/2016 virement 200 € [B] [W]
27/07/2017 virement 1.350 € [B] [W]
21/08/2017 virement 945 € [B] [W]
28/08/2017 virement 120 € [B] [W]
27/11/2017 virement 150 € [B] [W]
Total : 23.127 €
*deux retraits d’espèces effectués sur ce compte le jour du décès pour des montants respectifs de 1500 € et 200 €, soit une somme totale de 1.700 €.
L’intimée invoque donc des dons manuels pour un total de 84.627 €.
En réalité, si sont exclus les paiements à destinataire inconnu, c’est la somme totale de 77 365 euros qui est ainsi en cause.
L’appelante soutient que ces fonds lui auraient été versés par sa mère au titre de divers remboursements et indique par ailleurs que les justificatifs des virements et chèques faits à son bénéfice sont en cours de recherche depuis juin 2022.
S’agissant des retraits d’espèces de 1.500 et 200 euros, Madame [B] [C] indique qu’ils correspondent à une provision pour couvrir les frais consécutifs au décès,
– Facture d’huissier pour facture d’eau non réglée : 115, 86 euros
– Réexpédition courrier : 55 euros
– Facture d’eau : 40,91 euros
– Abonnements et factures [14] et [17] à partir du décès de [L] [E] en février 2018 et jusqu’à la licitation avec Madame [G] [C] en décembre 2018 prélevés sur le compte [11] de Madame [B] [C] et soldés par elle.
– Prélèvements mensuels de 24 euros EFD et 51 euros ENGIE sans participation de l’intimée, pendant 10 mois, soit 750 euros (pendant la mise en vente de la maison avant offre de reprise par Madame [B] [C])
– Entretien du jardin : 80 euros (paiement non conservé à Monsieur [H], à [Localité 12])
– Chèque pour l’aide ménagère qui était employée par [L] [E] 2 heures par jour. Reliquat à payer en février : 337 euros.
– Don en liquide de 200 euros au prêtre de [Localité 12] pour la messe de funérailles
Total justifié : 1 577,91 euros
Total réel dépensé : environ 1 700 euros.
Sur les débits à partir du compte de la [10] de [L] [E], l’appelante soutient que les chèques de 2.000 et 800 euros correspondent à des remboursements de [L] [E] suite à ses avances à l’occasion du contrat de bail de l’appartement de deux pièces à [Localité 18] signé début avril 2009, qui ont permis de payer le dépôt de garantie de 650 euros, les honoraires de l’agence d’un montant de 619,73 euros, un mois de loyer pour avril s’élevant à 800 euros et que le total perçu est donc cohérent au regard du total payé d’un montant de 2.069 euros ; que sont en cours de recherche les justifications des virements et chèques suivants :
– Les virements de 1.800 et 2.000 euros du 9 juillet 2010 et du 4 avril 2011
– Le chèque de 2.000 euros du 5 avril 2011
– Le chèque de 1.500 euros du 15 décembre 2014
– Le chèque de 3.000 euros du 30 juillet 2015
– Les virements de 3.000, 3.000 et 200 euros du 18 avril 2016, 26 avril 2016 et du 12 décembre 2016 ; que les virements de 1.350 euros et 945 euros sont justifiés par le remboursement de sommes avancées à l’artisan [O] pour la rénovation du studio attenant à la maison de [Localité 12] possédée par [L] [E] ;
Sur les débits à partir du compte [13] de [L] [E], l’appelante indique que sont en cours de recherche les justifications des virements et chèques suivants :
– Un chèque de 7.000 euros du 4 décembre 2012
– Des chèques de 2.000 et 5.000 euros du 28 juin et 25 octobre 2010
– Un chèque de 2.500 euros du 21 juin 2013
– Un chèque de 12.000 euros du 30 juillet 2013
– Des chèques de 5.000 et 300 euros du 30 juillet et 24 août 2015 ;
qu’un chèque de 11.800 euros a bien été crédité au compte CCP de [L] [E] le 19 juillet 2013 et tiré sur le compte [11] de Madame [B] [C] le même jour, pouvant représenter le remboursement de la majorité de cette avance ; que la somme 12.000 euros ne constitue pas de détournement financier puisqu’elle l’a remboursée par la suite ; qu’enfin, l’achat en 2009 d’un bijou d’une valeur de 3.000 euros correspond au remplacement de boucles d’oreilles en diamant volées au domicile de Madame [B] [W] qui hébergeait [L] [E] à cette date, et remboursées par la [19] à [L] [E].
Etant observé que Madame [B] [C] ne s’explique pas sur le virement de 26 000 euros à partir du compte [13] en date du 4 août 2017, et que le chèque de 11.800 euros crédité au compte CCP de [L] [E] le 19 juillet 2013 et tiré sur le compte [11] de Madame [B] [C] le même jour, ne peut être considéré comme le remboursement du chèque de la défunte au profit de sa fille [B] pour la somme 12 000 euros, qui aurait été un prêt, alors qu’en date du 30 septembre 2013, il apparaît au vu des pièces produites par l’appelante que celle-ci a perçu de sa mère sans justification, par chèques ou virements, la somme totale de 69 300 euros.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a ordonné le rapport à la succession par Madame [B] [C] de la somme de 71.115 euros au titre des dons manuels constitués par des chèques, virements et retraits de la défunte dont cette dernière a bénéficié entre les 9 mars 2009 et [Date décès 3] 2018, et il convient d’ordonner que Madame [B] [C] rapporte la somme de 69 300 euros à ce titre.
-S’agissant des 20.131,61 euros au titre des dons manuels constitués par des chèques et virements de la défunte dont cette dernière a bénéficié pour des véhicules et des frais de réparation
La défunte possédait deux véhicules :
– un véhicule Volkswagen de type Golf
– un véhicule Renault de type Twingo
Elle a émis le 3 juillet 2012 un chèque de banque n° 111755168 C de 16 000 euros tiré sur la [10], concessionnaire Volkswagen sis à [Localité 20].
L’intimée soutient que sa mère ne conduisait plus depuis longtemps et que Madame [B] [C] a reconnu avoir bénéficié de cette somme d’argent, qui a servi à l’acquisition d’un véhicule à son profit.
L’appelante, après avoir soutenu en première instance, sans contester la réalité de l’achat d’un véhicule à son profit au moyen d’un prêt de sa mère, qu’elle avait remboursé cette somme au moyen d’un emprunt de 17 000 euros d’une durée de trois ans à compter du 2 juillet 2013, mais sans justifier du versement de ces fonds à [L] [E], soutient devant la cour que la preuve que le chèque de 16 000 euros a réglé un achat de véhicule pour son compte n’est pas faite.
Elle adopte ainsi une position contradictoire qui ne saurait nuire à l’intimée alors qu’il apparaît que Madame [B] [C] a bien bénéficié d’un don manuel de 16 000 euros de la part de sa mère.
L’intimée fait valoir que les comptes de la défunte font apparaître des frais de réparation de véhicules à hauteur de 4.131,61 euros qui ont bénéficié sous forme de dons à sa s’ur.
[L] [E] a offert le véhicule Twingo à son petit-fils [I] [W] selon un certificat de cession à titre gratuit du 30 octobre 2013 et le véhicule Golf a été racheté par Madame [B] [C] [W] pour un montant de 2.000 euros le 27 juillet 2011, ainsi qu’en justifie le feuillet 61 du relevé de CCP [L] [E] de juillet 2011.
Dès lors que les trois paiements intervenus aux dates des 30 octobre 2009, 25 mai 2010 et 2 juillet 2012 par deux chèques et un virement, qui sont antérieurs au chèque du 3 juillet 2012, ont pour bénéficiaires des garages et non Madame [B] [C], c’est à tort que le tribunal a pu considérer que si Mme [G] [C] justifiait que les sommes alléguées pour un montant total de 4.131,61 euros ont été versées par la défunte à Mme [B] [C], cette dernière n’établissait pas que ces versements étaient intervenus en remboursement de frais de réparation et d’entretien de véhicules lui ayant appartenu.
La preuve n’est nullement rapportée que l’appelante ait bénéficié de ces sommes.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a ordonné le rapport par Madame [B] [C] de la somme de 20.131,61 euros au titre des dons manuels constitués par des chèques et virements de la défunte dont cette dernière a bénéficié pour des véhicules et des frais de réparation, et celle-ci sera tenu au rapport de la somme de 16 000 euros à ce titre.
-S’agissant des 1.600 euros au titre de la donation indirecte constituée par le paiement, par la défunte, des travaux d’installation ou de réparation de la chaudière du logement de Mme [B] [C] épouse [W]
Madame [G] [C] fait mention d’un règlement d’une somme de 1.600 euros le 22 mars 2013 par chèque, prélevé sur le compte de la [10] de [L] [E] et soutient que s’agissant du règlement d’une facture d’installation et/ou de réparation de la chaudière de son propre logement, un locataire n’ayant pas à régler des factures d’un tel montant, qui sont à la charge du propriétaire.
C’est à tort que le tribunal a retenu à ce titre une donation au profit de Madame [B] [C], alors que le destinataire du chèque est l’entreprise [23], ce qui suffit à démontrer que [L] [E] a ainsi payé une réparation qu’elle avait, pour elle-même, obligation de faire dans le logement qu’elle occupait, et non pas en qualité de locataire de sa fille [B] [C] qui n’en était pas plus propriétaire, étant observé que le logement, en location, avait un propriétaire dont il ne semble pas qu’il ait été sollicité à cet égard.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a ordonné le rapport par Madame [B] [C] de la somme de 1.600 euros au titre de la donation indirecte constituée par le paiement, par la défunte, des travaux d’installation ou de réparation de la chaudière du logement de Mme [B] [C] épouse [W], et la demande de Madame [G] [C] à ce titre sera rejetée.
-S’agissant des tableaux et objets mobiliers ayant appartenu à [L] [E] non compris dans le legs dont Madame [B] [E] a bénéficié, à tout le moins le tableau de [Y] [Z] d’une valeur estimée à 6 000 euros
Madame [G] [C] fait valoir que [L] [E] possédait plusieurs tableaux et avait notamment acquis le 30 juillet 2012 une ou plusieurs oeuvres de [Y] [Z], artiste peintre à [Localité 12], moyennant le règlement d’une somme de 6.000 € par chèque n° 7573420 tiré sur le [13] mais que ces oeuvres ne figurent plus à l’actif successoral.
Suivant testament olographe du 18 janvier 2018, la défunte avait légué à Madame [B] [C] tous ses bijoux, tout ce que contient l’appartement en location situé [Adresse 4] et trois tableaux du peintre [S] [J], « pour la remercier de son dévouement, de son affection et du soutien qu’elle m’a apporté à la fin de ma vie ».
Non seulement l’intimée n’est pas en mesure de préciser s’il existait une ou plusieurs oeuvres de [Y] [Z], mais faute d’inventaire précis dans le testament olographe des biens meublant le logement de la défunte, il n’est pas établi que le ou les tableaux litigieux n’ait pas été compris dans le legs parmi tout ce que contenait l’appartement.
Par suite, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de rapport à ce titre.
-S’agissant de la somme supplémentaire de 10 462 euros au titre des dons manuels, constitués par des chèques, virements et retraits de la défunte dont cette dernière a bénéficié
Cette demande qui ne fait l’objet d’aucun développement dans les écritures de l’intimée ne sera pas examinée par la cour au-delà d ce qui a déjà été examiné ci-dessus à ce titre.
Sur le recel
L’article 778 du code civil dispose que…/…lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.
L’héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession.
Le recel comporte trois éléments :
– matériel (dissimulation d’un bien ou d’un droit faisant partie d’une succession)
– moral (héritier qui, dans une intention frauduleuse, a voulu s’assurer un avantage à l’encontre des co-héritiers)
-l’absence de repentir.
Le tribunal ayant ordonné le rapport par Madame [B] [C] d’une somme totale de 105 113,83 euros, lui a appliqué les sanctions du recel.
Il résulte du présent arrêt que Madame [B] [C] doit rapporter à la succession la somme totale de 69 300 + 16 000 = 85 300 euros.
L’attitude procédurale hasardeuse de Madame [B] [C] en ce qui concerne l’acquisition de son véhicule pour le prix de 16 000 euros payé par sa mère, réunit les trois éléments du recel que sont la dissimulation d’un bien ou d’un droit faisant partie d’une succession, la volonté de rompre l’égalité du partage et l’absence de repentir.
Néanmoins, en ce qui concerne les chèques, virements et retraits de la défunte au profit de l’appelante, les relations et le fonctionnement de la gestion des finances entre la mère et la fille qui s’en occupait au plus près comme le confirment les termes du testament, étant observé que Madame [G] [C] reconnaît qu’elle habitait à distance, démontrent qu’elles avaient l’habitude d’agir l’une pour l’autre de façon fusionnelle, de sorte qu’il n’est pas établi que pour la somme de 69 300 euros dont la cause n’a pas été justifiée, Madame [B] [C] ait eu à l’égard de sa s’ur une intention frauduleuse, et ce d’autant plus que Madame [G] [C] ayant eu connaissance des numéros de compte de la défunte par le notaire, a pu y avoir accès puisque c’est elle qui les a produits à l’appui de ses demandes et qu’il n’y avait rien d’occulte.
Par suite le jugement sera infirmé en ce qu’il a infligé à Madame [B] [C] la sanction du recel pour la somme de 105 113,83 euros, celle -ci ne pouvant prétendre à aucune part sur la somme de 16 000 euros.
Sur la mission du notaire
Le tribunal a rejeté la demande de Madame [G] [C] de désigner le notaire commis pour procéder à la :
– reconstitution de l’actif successoral
– vérification de l’absence d’atteinte à la réserve par les legs, après établissement d’un inventaire de l’actif successoral, y compris les biens donnés ou légués, et à leur évaluation, au besoin, en sollicitant l’intervention d’un sapiteur compétent,
parce que ces missions ne relèvent pas du notaire commis.
L’intimée conclut à l’infirmation sur ce point sans critiquer la motivation du jugement et sans exposer de moyen au soutient de sa prétention.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande.
Sur les dommages et intérêts
Mme [G] [C] sollicite, par infirmation du jugement, la condamnation de Mme [B] [C] à lui verser la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral découlant de la résistance abusive et de l’opacité, dont cette dernière a fait preuve, tant dans le cadre du règlement successoral amiable, que dans le cadre de la présente procédure et des propos peu amènes voire diffamatoires tenus par sa s’ur à son égard, qui l’ont beaucoup choquée.
Aux termes de l’article 1240 du code civil, « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
A la suite du décès de son époux [M] [C] en avril 2008, [L] [E] a quitté sa maison de [Localité 12] (66190) et, après avoir envisagé de vivre auprès de Madame [G] [C], s’est installée chez Madame [B] [W], qui l’a hébergée du mois de septembre 2008 au mois d’avril 2009, date à laquelle Madame [B] [W], l’appelante, a loué pour sa mère, mais en son propre nom, l’appartement de [Localité 18], à 5 minutes à pied de son domicile, pour pouvoir la seconder dans sa vie quotidienne.
Le choix initial est celui de la défunte qu’elle a confirmé par les termes de son testament et l’intimée n’établit aucunement qu’elle a été dans l’impossibilité d’avoir par la suite des relations avec [L] [E], ayant attendu l’ouverture de la succession pour demander des comptes auprès du notaire.
Sa propre attitude de suspicion est aussi de nature à heurter sa s’ur qui a dû produire des justificatifs sur la période 2008 à 2018, et les relations familiales en l’absence de relations suivies sont, de fait, tendues.
Aucun abus n’étant caractérisé à l’encontre de Madame [B] [C], le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts.
Sur les demandes accessoires
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée ; il peut même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu’il n’y a pas lieu à condamnation.
C’est à juste titre qu’en équité, les premiers juges ont rejeté les demandes au titre des frais irrépétibles et le jugement sera confirmé sur ce point.
De même, en cause d’appel, l’équité ne justifie pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’une ou de l’autre des parties.
Eu égard à la nature du litige, il convient d’ordonner l’emploi des dépens en frais généraux de partage et de dire qu’ils seront supportés par les copartageants dans la proportion de leurs parts dans l’indivision.
LA COUR,
Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement en ce qu’il a :
-ordonné le rapport à la succession par Madame [B] [C] de la somme de 12.267,22 euros au titre des dons manuels, constitués par des retraits et virements de la défunte dont elle a bénéficié entre les 31 octobre 2008 et 7 mai 2018,
– ordonné le rapport à la succession par que Madame [B] [C] de la somme de 71.115 euros au titre des dons manuels constitués par des chèques, virements et retraits de la défunte dont cette dernière a bénéficié entre les 9 mars 2009 et [Date décès 3] 2018,
-ordonné le rapport par Madame [B] [C] de la somme de 20.131,61 euros au titre des dons manuels constitués par des chèques et virements de la défunte dont cette dernière a bénéficié pour des véhicules et des frais de réparation,
-ordonné le rapport par Madame [B] [C] de la somme 1.600 euros au titre de la donation indirecte constituée par le paiement, par la défunte, des travaux d’installation ou de réparation de la chaudière du logement de Mme [B] [C] épouse [W],
-dit que Mme [B] [C] ne pourra y prétendre à aucune part, ayant recelés ces donations à hauteur de 105 13,83 euros et qu’elle devra rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont elle a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession et ce sans pouvoir y prétendre à aucune part ;
Y substituant,
Déboute Madame [G] [C] de sa demande au titre de la somme de 12.267,22 euros de dons manuels, constitués par des retraits et virements de la défunte dont sa s’ur a bénéficié entre les 31 octobre 2008 et 7 mai 2018 et de sa demande au titre de la somme de 1.600 euros de donation indirecte constituée par le paiement, par la défunte, des travaux d’installation ou de réparation de la chaudière ;
Ordonne le rapport à la succession par Madame [B] [C] de la somme de 69 300 euros au titre des dons manuels constitués par des chèques, virements et retraits de la défunte dont cette dernière a bénéficié entre les 9 mars 2009 et [Date décès 3] 2018 ;
Ordonne le rapport à la succession par Madame [B] [C] de la somme de 16 000 euros dont elle a bénéficié pour l’achat de son véhicule ;
Dit que Mme [B] [C] ne pourra prétendre à aucune part sur la donation de 16 000 euros pour l’avoir recelée ;
Déboute Madame [G] [C] de ses demandes au titre du recel au-delà de cette somme ;
Confirme le jugement des autres chefs dévolus à la cour ;
Dit n’y avoir lieu à indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne l’emploi des dépens en frais généraux de partage et dit qu’ils seront supportés par les copartageants dans la proportion de leurs parts dans l’indivision.
Le Greffier, Le Président,