Sur la demande de rappel d’heures complémentaires
La Cour a examiné les décomptes d’heures de travail de la salariée et a conclu qu’elle avait effectué un nombre important d’heures complémentaires non rémunérées. La société a été condamnée à lui verser une somme correspondant à ces heures.
Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé
La Cour a retenu que la société avait intentionnellement dissimulé les heures effectivement réalisées par la salariée et l’a condamnée à lui verser une indemnité forfaitaire correspondant à six mois de salaire.
Sur la qualification de la démission
La Cour a analysé les circonstances de la démission de la salariée et a conclu qu’il n’y avait pas de pressions exercées par l’employeur. La demande de requalification de la démission a été rejetée.
Sur la demande de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1240 du code civil
La demande de dommages et intérêts de la salariée a été rejetée, la Cour estimant qu’il n’existait pas de lien direct entre le préjudice allégué et les manquements de l’employeur.
Sur les dépens et frais irrépétibles
La société a été condamnée aux entiers dépens en tant que partie succombante, tandis que la salariée a été déboutée de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 22/00921 – N° Portalis DBV2-V-B7G-JA5S
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 23 NOVEMBRE 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE ROUEN du 13 Décembre 2021
APPELANTE :
Madame [V] [C]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Isabelle LEMONNIER, avocat au barreau de ROUEN
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/000066 du 01/03/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Rouen)
INTIMEE :
S.A.S.U. GRANADA exerçant sous l’enseigne NAOMI SHOP
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Ahmed AKABA de la SELARL NORMANDIE-JURIS, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 11 Octobre 2023 sans opposition des parties devant Madame BACHELET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Madame ROYAL, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
M. GUYOT, Greffier
DEBATS :
A l’audience publique du 11 octobre 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 23 novembre 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 23 Novembre 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [V] [C] a été engagée par la société Granada en qualité de vendeuse polyvalente par contrat de travail à durée déterminée pour la période du 12 décembre 2016 au 11 mars 2017, puis par contrat à durée indéterminée le 30 décembre 2017, et ce, pour une durée de travail de 10 heures hebdomadaires, soit 43,33 heures mensuelles, puis le contrat s’est poursuivi en contrat à durée indéterminée.
Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001.
La salariée a présenté sa démission le 5 juin 2018 dans les termes suivants :
‘Je soussignée Mme [C] [V] vous présente ma démission du poste de vendeuse au sein de votre magasin. Je ne suis plus dans la capacité de remplir mes tâches pour raisons personnelles. Je démissionne donc de mon poste à compter de la date de ce jour. J’ai bien noté que les termes de mon contrat de travail prévoyaient un préavis. Cependant, et par dérogation, je sollicite la possibilité de ne pas effectuer ce préavis, et par conséquent de quitter l’entreprise dès aujourd’hui le 5 juin 2018, mettant ainsi fin à mon contrat de travail.’
Par requête du 27 février 2019, Mme [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Rouen en requalification de sa démission en licenciement abusif, ainsi qu’en paiement de rappels de salaire et indemnités.
Par jugement du 13 décembre 2021, le conseil de prud’hommes a débouté Mme [C] de l’ensemble de ses demandes et laissé les dépens de l’instance à sa charge.
Mme [C] a interjeté appel de cette décision le 14 mars 2022.
Par conclusions remises le 10 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, Mme [C] demande à la cour d’infirmer le jugement, et statuant à nouveau, de :
– requalifier sa démission en prise d’acte de la rupture du contrat de travail avec les effets d’un licenciement abusif, et en conséquence, condamner la société Granada à lui verser les sommes suivantes :
arriérés de salaire pour heures complémentaires : 7 354,86 euros bruts,
indemnité de préavis : 1 145,16 euros bruts,
congés payés sur préavis : 114,51 euros bruts,
indemnité de licenciement : 435,15 euros bruts,
dommages et intérêts pour licenciement abusif : 7 000 euros,
indemnité forfaitaire sur le fondement de l’article L. 8223-1 du code du travail : 6 870,96 euros,
– subsidiairement, condamner la société Granada à lui verser la somme de 6 800 euros à titre dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1240 du code civil,
– condamner la société Granada à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Isabelle Lemonnier, avocat, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions remises le 8 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, la société Granada demande à la cour de confirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions, de déclarer irrecevables et mal fondées les demandes de Mme [C] et de la condamner à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 21 septembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de rappel d’heures complémentaires
Après avoir expliqué que la société Granada exploitait deux magasins attenants, l’un de cosmétiques et l’autre d’alimentation exotique, Mme [C] indique que s’il était prévu qu’elle travaille les lundis et mardis de 10h à 13h et les vendredis de 10h à 14h dans le magasin de cosmétique à raison de 43,3 heures mensuelles, elle a en réalité travaillé un nombre d’heures beaucoup plus important, à savoir une centaine d’heures par mois, et ce, sur tous les jours de la semaine, y compris parfois les samedis et dimanches, sachant qu’elle a même ponctuellement travaillé dans le magasin alimentaire, comme en témoignent de nombreuses personnes qui n’ont, elles, aucun intérêt au litige, contrairement à celles ayant fourni des attestations à M. [F], gérant de la société Granada.
En réponse, la société Granada souligne que les décomptes de Mme [C], rédigés pour les seuls besoins de la cause, ne mentionnent, parfois, pas l’année, et comportent des incohérences qui démontrent à elles seules leur absence de caractère probant, sachant qu’elle n’a jamais réclamé la moindre heure supplémentaire durant la relation contractuelle. Au-delà de cet aspect, elle conteste la réalité de ces heures dans la mesure où le volume d’activité et le nombre de salariés, en ce compris le gérant et son épouse, ne les justifiaient pas, et qu’elle apporte de nombreux témoignages permettant de s’assurer de la fausseté des décomptes produits, Mme [C] n’ayant jamais travaillé dans le magasin spécialisé dans la vente de produits exotiques.
Aux termes de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte des articles L. 3171-2 à L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Enfin, selon l’article L. 3123-29 du code du travail, à défaut de stipulation conventionnelle prévues à l’article L. 3123-21, le taux de majoration des heures complémentaires est de 10 % pour chacune des heures complémentaires accomplies dans la limite du dixième des heures prévues au contrat de travail et de 25 % pour chacune des heures accomplies entre le dixième et le tiers des heures prévues au contrat de travail.
A l’appui de sa demande, Mme [C] produit des décomptes mensuels reprenant jour par jour les horaires réalisés en précisant l’heure de début et de fin de service, sans qu’il puisse être sérieusement invoqué que l’absence de mention de l’année sur certains d’entre eux empêcherait d’y répondre utilement dès lors que leur rapprochement avec le décompte repris dans les conclusions permet de s’assurer qu’ils concernent l’année 2017, ce qui ressort également de la période de travail effectif de Mme [C], à savoir de décembre 2016 à octobre 2017, période à compter de laquelle elle a été placée en arrêt de travail jusqu’à sa démission en juin 2018.
Elle verse en outre aux débats un grand nombre d’attestations de clients et de proches faisant état de ce qu’ils la voyaient très régulièrement au sein du magasin Naomi shop, spécialisé dans la ventes de cosmétiques, notamment sur des horaires d’ouverture ou de fermeture, y compris parfois le dimanche, précisant qu’ils l’ont également déjà vue travailler au sein du magasin Saveur exotique attenant.
Mme [C] présente ainsi des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures, d’y répondre utilement.
Pour ce faire, si la société Granada fait valoir que son volume d’activité et le nombre de salariés ne justifiaient pas que Mme [C] réalise de telles heures, il ne peut cependant qu’être constaté qu’il n’est pas produit le moindre élément relatif aux effectifs de la société ou au volume d’activité.
Par ailleurs, si elle produit de nombreuses attestations aux termes desquelles il est indiqué qu’il n’y avait que des hommes qui travaillaient au sein du magasin Saveur exotique, ce qui est confirmé par des salariés de la société Granada, cela ne permet cependant pas, dès lors que ces personnes ne pouvaient être présentes en permanence, d’exclure que Mme [C] y ait travaillé très ponctuellement comme l’affirment les personnes ayant attesté pour son compte, la force probante des attestations produites par cette dernière ne pouvant pas plus être remise en cause que celles de la société Granada.
En tout état de cause, cet élément n’est pas déterminant dans l’appréciation du nombre d’heures complémentaires effectuées dans la mesure où il résulte des attestations produites par Mme [C] qu’elle travaillait essentiellement au sein du magasin de cosmétiques et que lorsqu’elle tenait le magasin Saveur exotique, elle était la plupart du temps positionnée sur les deux magasins en même temps.
Or, s’agissant des horaires effectués au sein du magasin de cosmétiques, il est intéressant de relever que Mme [F], employée polyvalente à plein temps, plus particulièrement affectée au magasin Naomi shop, et épouse du gérant, se contente d’attester que Mme [C] n’a jamais travaillé dans le magasin Saveur exotique, sans cependant contredire aucune des attestations produites par Mme [C] aux termes desquelles de nombreux clients expliquent l’avoir vue au magasin Naomi shop sur des horaires très différents de ceux inscrits sur son contrat de travail, pas plus qu’elle ne précise les horaires qui auraient été ceux de Mme [C] au sein de cette boutique.
Aussi, et s’il convient de tenir compte d’un temps de travail très exceptionnel au sein du magasin Saveur exotique, mais également de certaines incohérences relevées dans les décomptes, à savoir des erreurs dans les jours travaillés, mais aussi des demandes portant sur des journées durant lesquelles elle était en arrêt-maladie, ainsi, les 11 et 12 septembre 2017, la cour a cependant la conviction que Mme [C] a réalisé un nombre d’heures complémentaires conséquent et ce, à raison de 47,85 heures complémentaires majorées à 10 % et 520 heures majorées à 25 % et ce, sur la base d’un salaire horaire de 9,76 euros.
Il convient en conséquence de condamner la société Granada à payer à Mme [C] la somme de 6 857,71 euros à titre de rappel d’heures complémentaires pour la période du 12 décembre 2016 au 18 octobre 2017.
Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé
Aux termes de l’article L. 8221-5 du Code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur : 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ; 2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli (…).
Selon l’article L. 8223-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Alors que l’épouse du gérant travaillait à temps complet au sein du magasin Naomi shop, ce qui lui permettait aisément d’attester du caractère mensonger des horaires revendiqués par Mme [C], que ce même constat peut être fait s’agissant des attestations produites par les salariés affectés au magasin Saveur exotique dans la mesure où les deux boutiques étaient attenantes, il convient de retenir que la société Granada a intentionnellement dissimulé le nombre d’heures effectivement réalisées par Mme [C] et de la condamner à lui payer la somme de 6 276,87 euros correspondant à six mois de salaire, heures complémentaires comprises, à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
Sur la qualification de la démission
Au regard des manquements précédemment développés, et alors que la société Granada n’a jamais régularisé d’avenant à 96 heures alors qu’elle a effectué un tel horaire durant quatre mois, qu’elle n’a jamais été payée de la totalité des heures effectuées et a appris à l’occasion de son arrêt de travail lié à sa grossesse que l’ensemble de ses heures n’avaient pas été déclarées, la privant de toute ressource durant son congé maternité, Mme [C] soutient que sa démission doit être requalifié en prise d’acte de la rupture produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ce, d’autant que, face à ses revendications, son employeur, comme il le fait régulièrement, lui a donné de fausses informations et a fait pression sur elle pour obtenir sa démission alors qu’elle était fragilisée psychologiquement après son accouchement.
En réponse, la société Granada relève que la lettre de démission de Mme [C] ne comporte aucun grief, pas plus qu’il n’est établi l’existence du moindre reproche antérieurement ou concomitamment à cette démission puisqu’au contraire, la contestation n’est intervenue que plusieurs mois après la rupture du contrat de travail, étant précisé que les attestations produites par Mme [C] ayant pour objet d’établir l’existence de pressions ne sont aucunement probantes pour être imprécises et émaner de personnes qui ne fréquentaient pas M. [F] et ne pouvaient donc reconnaître sa voix.
La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.
Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de la démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s’il résulte des circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée celle-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture.
Selon l’article 1130 du code civil, l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.
En l’espèce, Mme [C] produit l’attestation de M. [Y] [J], qui se présente comme le père de ses enfants, lequel indique avoir entendu Mme [C] dire à son patron qu’elle ne reprendrait le travail qu’après un congé parental, que la voyant étonnée de ce que son patron lui répondait, il lui a demandé de mettre le téléphone en haut parleur, que son patron lui a alors clairement dit qu’elle n’avait d’autre choix que de démissionner pour recevoir ses indemnités spéciales, lui précisant qu’elle les perdrait si elle se mettait en congé parental ou si elle était licenciée. Il précise que son patron lui a demandé de la rappeler pour lui dicter la lettre de démission, ce qu’elle a fait, bien qu’il ait essayé de l’en dissuader.
Alors que cette attestation émane, non seulement d’un proche, mais au surplus, d’un proche directement intéressé par la solution du litige, il ne peut lui être attribué force probante, sans que la deuxième attestation versée aux débats ne puisse modifier cette analyse dès lors qu’elle a été rédigée par le frère de Mme [C] et reste très imprécise sur les informations erronées qui auraient été données par l’employeur, M. [C] expliquant simplement avoir assisté à une conversation entre sa soeur et son ancien patron, en présence de M. [Y] [J], au moment où son employeur lui dictait une lettre qui semblait être une lettre de démission que sa soeur écrivait et qu’il lui a alors dit que son patron ne pouvait pas la faire démissionner, ce à quoi elle lui a répondu qu’elle n’avait aucune autre solution d’après les dires de son patron.
Enfin, il ressort de l’attestation de M. [E], dont il n’y a pas lieu de remettre en cause la force probante, que Mme [C], en venant déposer la lettre de démission a indiqué qu’elle n’avait pas le choix par rapport à ses calculs de budget avec son conjoint.
Au vu de ces éléments, et alors qu’il n’est pas apporté le moindre élément quant à une quelconque fragilité de Mme [C], laquelle ne saurait résulter de son seul accouchement, il ne peut être retenu l’existence de pressions exercées sur Mme [C] par la société Granada, pas plus qu’il n’est justifié de ce qu’il lui aurait été données de fausses informations pour l’amener à démissionner.
Par ailleurs, et alors qu’aucune de ces attestations ne fait état d’un différend quant aux heures travaillées, qu’il n’est pas davantage justifié qu’un tel litige aurait opposé les parties durant la relation contractuelle et que la saisine du bureau d’aide juridictionnelle n’est intervenue que quatre mois après la démission, il ne peut être retenu que le manquement relatif à l’absence de paiement des heures complémentaires ait rendu équivoque la démission.
Dès lors, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [C] de sa demande tendant à voir requalifier sa démission en une prise d’acte de la rupture.
Sur la demande de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1240 du code civil
Mme [C] sollicite, à titre subsidiaire, des dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1240 du code civil en raison du non-respect de ses obligations par la société Granada et du lien direct avec le préjudice que cela a entraîné pour elle.
Selon l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l’espèce, outre que Mme [C] ne précise pas son préjudice, il ne peut qu’être relevé qu’il a été jugé que la démission n’était pas équivoque et que le différend relatif au paiement des heures complémentaires n’en était pas à l’origine, aussi, n’existe-t-il pas de lien direct entre ce manquement et la démission et il convient en conséquence de débouter Mme [C] de cette demande.
Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner la société Granada aux entiers dépens, y compris ceux de première instance et de la débouter de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile. Par ailleurs, alors que Mme [C] est bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale, il convient de la débouter de sa demande formulée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant contradictoirement et publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement sauf en ses dispositions relatives aux dépens et en ce qu’il a débouté Mme [V] [C] de sa demande de rappel d’heures complémentaires et d’indemnité pour travail dissimulé ;
L’infirme de ces chefs, statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne la SASU Granada à payer à Mme [V] [C] les sommes suivantes :
rappel d’heures complémentaires : 6 857,71 euros
indemnité pour travail dissimulé : 6 276,87 euros
Condamne la SASU Granada aux entiers dépens de première instance et d’appel avec droit de recouvrement direct au profit de Me Isabelle Lemonnier, avocat, conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leur demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente