L’Essentiel : La publicité comparative doit respecter plusieurs conditions, notamment ne pas être trompeuse et comparer des biens ou services répondant aux mêmes besoins. Elle doit objectivement comparer des caractéristiques essentielles et vérifiables. Les pratiques commerciales déloyales, incluant les pratiques trompeuses et agressives, sont interdites. Les produits doivent présenter un degré suffisant d’interchangeabilité pour le consommateur. L’annonceur doit prouver l’exactitude des énonciations et toute omission d’information susceptible d’induire en erreur peut constituer une pratique trompeuse.
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Résumé de l’affaire : La société Neworch, exploitant l’enseigne Orchestra, a lancé en 2021 une campagne publicitaire vantant son offre de vêtements pour enfants, se présentant comme la moins chère grâce à son Club. Cette publicité a été contestée par la société Tape à l’œil, qui a estimé qu’elle était illégale et a demandé des dommages et intérêts. Le 26 octobre 2021, Tape à l’œil a assigné Neworch devant le tribunal judiciaire de Lille, qui a ensuite déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Lille Métropole.
Le tribunal de commerce a rendu un jugement le 27 juin 2023, déclarant les publicités comparatives de Neworch illicites selon l’article L. 121-8 du code de la consommation. Il a condamné Neworch à verser 1 euro à Tape à l’œil pour préjudice moral et a ordonné l’arrêt de la diffusion de la publicité, sous astreinte de 500 euros par jour. Neworch a interjeté appel de cette décision. Dans ses conclusions, Neworch a demandé l’infirmation du jugement, arguant que le tribunal avait statué sur une demande abandonnée et omis de se prononcer sur d’autres points. Tape à l’œil a, de son côté, demandé la confirmation du jugement, soutenant que les publicités étaient effectivement trompeuses et illicites. La cour a examiné les arguments des deux parties, notamment sur la comparabilité des produits et l’objectivité de la publicité. Elle a conclu que les publicités de Neworch ne constituaient pas une pratique commerciale déloyale, rejetant ainsi les demandes de Tape à l’œil. En conséquence, le jugement du tribunal de commerce a été infirmé, et Tape à l’œil a été condamnée à rembourser les sommes perçues en exécution de la décision infirmée. |
![]() Il est licite et possible de comparer des produits soumis à des conditions de commercialisation différentes dès lors que les prix et les conditions de l’offre spéciale sont clairement et objectivement exprimés.
En premier lieu, l’exigence d’objectivité comme l’exigence de loyauté imposent de donner aux consommateurs des informations sur les caractéristiques propres au produit de nature à justifier les différences de prix. Toutefois, cela n’implique pas l’obligation, pour l’annonceur, d’exposer de manière précise et détaillée les paramètres permettant de déterminer les prix des produits comparés. Dès lors, est inopérante la critique de la société Tape à l’oeil selon laquelle la société Orchestra, en n’attirant pas l’attention du consommateur sur la différence de composition et ses conséquences sur la qualité du produit, n’a pas permis au consommateur de comprendre la différence de prix existant entre chacun des produits. Par ailleurs, aucune disposition ni aucun usage du commerce n’imposent que les informations relatives à ces caractéristiques, fussent-elles essentielles, pertinentes et déterminantes, soient mis en avant, de la même manière et à première lecture, dès lors qu’elles sont énoncées de manière claire et non équivoque. Alors que sous l’empire de la loi du 18 janvier 1992, il fallait une identité des objets comparés puisque cette loi n’admettait la comparaison que des « biens ou services de même nature et disponibles sur le marché », l’ordonnance no 2001-741 du 23 août 2001, transposant la directive 97/55/CE du 10 octobre 1997, a autorisé la comparaison de « biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif. » Cette conception a été reprise dans l’article précité L.122-1 du code de la consommation, issue de l’ordonnance n°2016-301 du 1er juillet 2016. Cela recouvre l’idée de comparer des biens ou services comparables et d’exiger ainsi que les biens ou services, s’ils peuvent être différents, n’en demeurent pas moins substituables pour le consommateur, la Cour de justice de la Communauté européenne, devenue CJUE, ayant précisé, concernant les comparaisons de prix sur des produits de consommation courante, sous la forme de panier ou caddie de comparaison, que la notion de « biens concurrents comparés répond[ant] aux mêmes besoins ou a[yan]t le même objectif, s’entend de biens « présent[a]nt un degré suffisant d’interchangeabilité pour le consommateur » (CJCE, Gde Ch, 19 septembre 2006, aff. C-356/04, Lidl Belgium GmbH & Co KG / Etablissementen Franz Colruyt NV). La Cour de cassation a adopté une position plus restrictive, en précisant qu’une publicité comparative de prix ne pouvait se contenter de viser des produits en termes génériques, mais devait permettre aux consommateurs d’apprécier s’ils sont de qualité équivalente (Com., 31 oct. 2006, n° 05-10.541). Quel que soit le support autorisé, la publicité comparative reste soumise au respect d’un certain nombre de conditions cumulatives, positives et négatives, qui visent à protéger au premier chef les consommateurs, ces conditions devant, selon la Cour de justice de l’Union européenne, être interprétées dans le sens le plus favorable à la publicité comparative ( CJCE, 25 oct. 2001, aff. C-112/99 , CJCE, 19 sept. 2006, aff. C-356/04 .). Au titre des conditions positives, l’article L.122-1 du code de la consommation dispose que toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n’est licite que si : 1° Elle n’est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur ; 2° Elle porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif ; 3° Elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie. L’article L.122-5 du même code précise que l’annonceur pour le compte duquel la publicité comparative est diffusée doit être en mesure de prouver dans un bref délai l’exactitude matérielle des énonciations, indications et présentations contenues dans la publicité. Aux termes de l’article L. 121-1 du code de la consommation, les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service. Le caractère déloyal d’une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d’une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité s’apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe. Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-2 à L. 121-4 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 121-6 et L. 121-7. L’alinéa 3 de l’article L. 122-1 du code de la consommation rappelle l’un des principes fondamentaux de la publicité comparative, laquelle ne doit pas porter une appréciation subjective sur les produits comparés, ce qui se comprend, en principe, comme excluant toute publicité portant sur le goût ou l’esthétisme d’un produit ou comportant une appréciation personnelle. En vertu de ce principe, il a été jugé que le nombre de produits comparés ne peut à lui seul révéler un manque d’objectivité et l’annonceur se doit de procéder au choix des produits comparés sans encourir de ce seul fait le grief de défaut d’objectivité (Com., 12 avr. 2016, n° 13-28.217). Les caractéristiques comparées doivent donc être essentielles, pertinentes et représentatives. La comparaison entre deux produits ou services ne peut porter que sur un élément qui, pour le consommateur moyen, sera déterminant de son acte d’achat. Concernant la loyauté de la comparaison, l’article L. 122-1, 1°, du code de la consommation dispose que la publicité comparative ne doit pas être trompeuse ou de nature à induire en erreur et n’est que la redondance des articles L. 121-1 et L. 121-2 du même code qui posent ce principe de manière générale pour toute publicité mensongère sous la dénomination de « pratiques commerciales trompeuses ». La preuve de l’exactitude matérielle des éléments de la comparaison incombe à l’annonceur qui y procède (Com., 18 mai 1993, n° 91-19.829, publié ; Com., 14 juin 2000, n° 98-10.689), étant précisé que, souvent, la tromperie est en fait un mensonge par omission ou une absence volontaire d’information du consommateur. La Cour de cassation rappelle que les critères généraux des pratiques commerciales trompeuses doivent être respectés, en particulier l’altération substantielle du comportement économique du consommateur (Com., 1 mars 2017, n° 15-15.448, publié ; Com., 22 mars 2023, n° 21-22.925). Si le dernier alinéa de l’article L. 121-8 du code de la consommation, qui prévoyait un régime spécifique pour les offres promotionnelles, en imposant à « toute publicité comparative faisant référence à une offre spéciale [de] mentionner clairement les dates de disponibilité des biens ou services offerts, le cas échéant la limitation de l’offre à concurrence des stocks disponibles et les conditions spécifiques applicables » ne se retrouve pas dans la législation actuelle, il n’en demeure pas moins que ces informations s’avèrent indirectement requises en application des principes même d’objectivité et de loyauté inhérentes à toute publicité comparative. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique de l’exception de nullité de l’assignation soulevée par la société Neworch ?La société Neworch soutient que le tribunal ne pouvait statuer sur l’exception de nullité de l’assignation, car elle avait abandonné cette demande. Selon l’article 4 du code de procédure civile, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. L’article 5 précise que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé. En l’espèce, la société Neworch avait effectivement abandonné sa demande de nullité, ce qui signifie que le tribunal ne pouvait pas statuer sur cette question sans commettre un ultra petita. Par conséquent, la décision du tribunal de commerce de Lille, qui a statué sur cette exception, doit être infirmée. Quel est le cadre légal des publicités comparatives selon le code de la consommation ?L’article L. 121-1 du code de la consommation interdit les pratiques commerciales déloyales, définies comme celles qui altèrent de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé. L’article L. 122-1 précise que la publicité comparative n’est licite que si elle n’est pas trompeuse, porte sur des biens répondant aux mêmes besoins, et compare objectivement des caractéristiques essentielles. L’article L. 122-5 impose à l’annonceur de prouver l’exactitude des énonciations contenues dans la publicité. En l’espèce, la cour a jugé que les publicités de la société Neworch respectaient ces conditions, car elles ne trompaient pas le consommateur et comparaient des produits ayant des caractéristiques essentielles. Quel est le caractère comparatif des produits selon la jurisprudence ?La jurisprudence exige que les produits comparés présentent un degré suffisant d’interchangeabilité pour le consommateur. L’ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001 a élargi la définition des produits comparables à ceux répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif. En l’espèce, les produits comparés, bien que différents en termes de matériaux, appartiennent à la même catégorie de vêtements pour enfants, ce qui justifie leur comparabilité. La cour a constaté que les différences de composition ne retirent pas aux produits leur caractère d’interchangeabilité, car ils répondent tous à l’objectif de protéger les enfants du froid et de la pluie. Quel est le principe de loyauté dans la publicité comparative ?L’article L. 122-1, 1° du code de la consommation stipule que la publicité comparative ne doit pas être trompeuse ou de nature à induire en erreur. La loyauté implique que les informations sur les caractéristiques des produits doivent justifier les différences de prix. La cour a jugé que la société Neworch avait clairement indiqué les conditions de son offre, notamment le coût de l’adhésion au Club, permettant ainsi au consommateur de comprendre les différences de prix. La présentation des produits, bien que mettant en avant le produit de l’annonceur, ne nuit pas à la loyauté de la comparaison, car les éléments essentiels étaient clairement identifiables. Quel impact la publicité comparative a-t-elle sur le comportement du consommateur ?La société Tape à l’oeil soutient que la publicité comparative de la société Neworch altère le comportement économique du consommateur. Cependant, la cour a constaté qu’il n’était pas prouvé que cette publicité ait eu un impact substantiel sur les décisions d’achat des consommateurs. L’article L. 121-1 exige que la déloyauté soit appréciée au regard de la capacité moyenne de discernement des consommateurs. La cour a noté que la campagne publicitaire de Neworch était bien connue et n’avait pas suscité de contestation antérieure, ce qui renforce l’idée qu’elle ne modifie pas de manière substantielle le comportement des consommateurs. Quel est le résultat de la demande reconventionnelle de publication judiciaire de la société Neworch ?La société Neworch a demandé une publication judiciaire pour informer le public de l’infirmation du jugement précédent. La cour a jugé que cette publication était justifiée, car elle permettrait de rétablir la réputation de la société après que le jugement initial ait stigmatisé son comportement. La cour a donc ordonné la publication du dispositif de l’arrêt, accompagnée d’un visuel de la publicité litigieuse, afin de clarifier la situation auprès des consommateurs. |
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 24/04/2025
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N° de MINUTE :
N° RG 23/03436 – N° Portalis DBVT-V-B7H-VAYY
Jugement (N° 2022010845) rendu le 27 juin 2023 par le tribunal de commerce de Lille Métropole
APPELANTE
SAS Neworch prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée de Me Michaël Piquet-Fraysse, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
INTIMÉE
SAS Tape A l’Oeil agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée de Me Sandrine Minne, avocat au barreau de Lille,avocat plaidant
DÉBATS à l’audience publique du 30 janvier 2025 tenue en double rapporteur après accord des parties par Stéphanie Barbot, présidente et Nadia Cordier, conseille et après rapport oral de l’affaire par Nadia Cordier.
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Stéphanie Barbot, présidente de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Caroline Vilnat, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 24 avril 2025 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 14 janvier 2025
FAITS ET PROCEDURE
La société Neworch, qui exploite l’enseigne Orchestra, est spécialisée dans la vente au grand public de vêtements pour enfants.
Lors d’une campagne publicitaire réalisée en 2021, cette société a utilisé, pour mettre en avant l’avantage de son mode de vente « Orchestra, le moins cher grâce au Club », une publicité sur des produits de type « grosses pièces » de la marque Orchestra, mis en comparaison avec des produits d’enseignes concurrentes nommées dans la publicité.
La société Tape à l’oeil a contesté la légalité de cette publicité et formé des demandes en dommages et intérêts.
Le 26 octobre 2021, elle a assigné, la société Neworch devant le tribunal judiciaire de Lille, dont l’incompétence a été constatée au profit du tribunal de commerce de Lille Métropole par une ordonnance d’incident du 18 mars 2022.
Par jugement du 27 juin 2023, ce tribunal de commerce a :
– in limine litis, écarté l’exception de nullité de l’assignation ;
– dit et jugé que les publicités comparatives incriminées sont illicites au sens de l’article L. 121-8 du code de la consommation ;
En conséquence,
– condamné la société Neworch à payer à la société Tape à l’oeil la somme de 1 euro en réparation de son préjudice moral ;
– ordonné à la société Neworch de procéder à l’arrêt de toute diffusion de la publicité incriminée, moyennant une astreinte de 500 euros par jour et par infraction constatée, à compter de la signification du jugement ;
– réservé la liquidation de cette astreinte ;
– ordonné la publication dans un des prochains numéros de la revue du Club Orchestra de la notification de la présente condamnation pour 1 euro en réparation du préjudice moral de la société Neworch (Orchestra) au profit de la société Tape à l’oeil, accompagnée d’un des visuels de la publicité objet du litige et du § suivant :
« Attendu que le Tribunal constate que, selon le nombre de produits achetés par le consommateur, devenu adhérent du Club Orchestra, s’étant donc engagé à payer la somme de 2,99 ‘/mois pendant 12 mois, soit la somme de 35,88 euros les produits des concurrents objets des visuels de la publicité peuvent se révéler plus chers mais aussi moins chers que celui présenté par Orchestra, que, dès lors, la publicité est trompeuse et de nature à altérer de manière substantielle le comportement de certains clients, que les produits au surplus, non véritablement comparables, sont un prétexte pour mettre en avant le mode de vente par son Club d’Orchestra sans qu’une véritable démarche comparative ne soit proposée par les publicités visées, le tribunal jugera que la campagne de publicité d’Orchestra incriminée ne remplit pas les conditions requises du législateur et des ordonnances sur la publicité comparative pour être licite » ;
– condamné la société Neworch à payer à la société Tape à l’oeil la somme de 10 000 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 21 juillet 2023, la société Neworch a interjeté appel de l’ensemble des chefs de la décision précitée.
MOYENS ET PRETENTIONS
Par conclusions signifiées par voie électronique le 13 décembre 2024, la société Neworch demande à la cour, au visa des articles L 121-1 et suivants, L 122-1, L 122-12 du code de la consommation, des articles 6 et 9 du code de procédure civile, des articles 699 et 700 du code civil, de :
– infirmer le jugement en ce qu’il a :
– statué ultra petita sur la demande abandonnée de nullité de l’assignation ;
– omis de statuer sur la demande tendant à voir écarter des débats les pièces n° 4 et 6 de la société Tape à l’oeil ;
– dit et jugé que les publicités comparatives incriminées sont illicites au sens de l’article L. 121-8 du code de la consommation ;
– condamné à payer à la société Tape à l’oeil la somme de 1 euro au titre de son préjudice moral ;
– ordonné de procéder à l’arrêt de toute diffusion de la publicité incriminée, sous astreinte, en se réservant la liquidation de cette astreinte ;
– ordonné la publication dans un des prochains numéros de la revue du Club Orchestra de la présente condamnation pour
1, 00 ‘ au titre du préjudice moral, accompagnée d’un des visuels de la publicité objet du litige et du paragraphe [ci-dessus reproduit] ;
– condamné au paiement d’une indemnité procédurale de 10 000 euros et l’a déboutée du surplus de ses demandes ;
– confirmer le jugement pour le surplus, notamment en ce qu’il a débouté la société Tape à l’oeil de sa demande de communication de pièces et jugé qu’elle ne démontrait subir aucun préjudice ;
Statuant à nouveau,
– écarter les pièces 4 et 6 ;
– débouter la société Tape à l’oeil de l’ensemble de ses demandes ;
– ordonner, en cas d’infirmation du jugement, aux frais avancés de la société Tape à l’oeil, la publication, accompagnée d’un des visuels de la publicité objet du litige du dispositif de l’arrêt à intervenir en caractère gras, noirs sur fond blanc, de 0.5 cm de hauteur dans un encadré, sous le titre « communiqué judiciaire : la cour d’appel de Douai juge que la publicité d’Orchestra n’est pas trompeuse et déboute Tape à l’oeil de toutes ses demandes », lui-même inscrit en gras, noir sur fond blanc de 0.7 cm de hauteur :
* sur la page d’accueil du site internet marchant de Tape à l’oeil (ww.t-a-o.com ou tout site internet qui s’y substituerait), au-dessus de la ligne de flottaison, pendant une durée d’un mois à compter de la signification du jugement à intervenir ;
* dans trois journaux, revues ou magasines à ses choix sans que le coût de chacune de ces publications n’excède la somme de 5 000 euros hors taxes ;
– autoriser à publier si elle le souhaite, le même communiqué sur son site internet marchand ;
– en tout état de cause, condamner la société Tape à l’oeil à rembourser les sommes perçues dans le cadre de l’exécution provisoire du jugement ;
– condamner la société Tape à l’oeil à verser la somme de 22 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
– condamner la société Tape à l’oeil aux entiers dépens de la première instance et d’appel, dont distraction au profit de son conseil conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 26 décembre 2024, la société Tape à l’oeil demande à la cour, au visa des articles L. 122-1 et L. 122-2 à 122-7 du code de la consommation, de :
– confirmer le jugement en ce qu’il :
– écarte l’exception de nullité de l’assignation ;
– dit et juge que les publicités comparatives incriminées sont illicites au sens de l’article L.121-8 du code de la consommation ;
– ordonne à la société Neworch de procéder à l’arrêt de toute diffusion de la publicité incriminée, moyennant une astreinte de 500 euros par jour et par infraction constatée, à compter de la signification du présent jugement ;
– se réserve la liquidation de cette astreinte ;
– condamne la société Neworch du chef des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile ;
– déboute la société Neworch du surplus de ses demandes plus amples ou contraires
– l’infirmer en ce qu’il :
– condamne la société Neworch à lui payer la somme de 1 euro au titre de son préjudice moral ;
– ordonne la publication dans un des prochains numéros de la revue du Club Orchestra de la notification de la présente condamnation pour 1 euro au titre du préjudice moral, accompagnée d’un des visuels de la publicité objet du litige et du [texte ci-dessus reproduit]
– la déboute de ses demandes plus amples et contraires ;
Statuant à nouveau,
‘ écarter les demandes de rejet de pièces présentées par la société Neworch ;
‘ ordonner la communication sous astreinte des informations
suivantes :
‘ Le prix d’achat des produits Doudoune à capuche doublée micropolaire pour enfant garçon ‘ Orchestra Ref : HGALKX Parka doublée sherpa à capuche amovible pour enfant garçon ‘ Orchestra Ref : HGALIC ;
‘ Le nombre de produits achetés ;
‘ Le nombre d’exemplaires du tract imprimés ainsi que ses lieux de diffusion ;
‘ Les lieux d’affichage et la période d’affichage de la publicité litigieuse ;
‘ Le coût de la publicité litigieuse ;
sous astreinte de 500 euros par jour de retard, le « tribunal » se réservant la liquidation de l’astreinte ;
‘ condamner la société Neworch à lui payer la somme de 200 000 euros au titre du préjudice matériel ;
‘ condamner la société Neworch à lui payer la somme de 150 000 euros au titre du préjudice moral ;
‘ ordonner la publication du jugement à intervenir par extrait sur le site www.orchestra.com au-dessus de la ligne de flottaison à compter de la signification du jugement et pendant un délai de 30 jours, le tout sous astreinte de 500 euros par jour de retard, la cour se réservant la liquidation de l’astreinte ;
‘ ordonner la publication du jugement à intervenir par extrait dans le prochain exemplaire à paraître du magazine Club Orchestra, le tout sous astreinte de 500 euros par jour de retard, la cour se réservant la liquidation de l’astreinte ;
‘ ordonner la publication dans trois revues ou journaux à son choix aux frais avancés de Neworch sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder 3 000 euros HT ;
‘ débouter la société Neworch (Orchestra) de toutes ses demandes ;
‘ condamner Neworch à payer la somme de 15 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ condamner Neworch aux entiers dépens et dire que, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, Me Levasseur pourra recouvrer directement les frais dont elle a fait l’avance sans en avoir reçu provision.
I – Sur les demandes procédurales
A) Sur l’exception de nullité de l’assignation
La société Neworch fait valoir qu’elle avait abandonné la demande de nullité de l’assignation et que, le tribunal n’en étant plus saisi, il ne pouvait statuer sur cette exception.
La société Tape à l’oeil sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a rejeté la demande de nullité de l’assignation, la société Neworch ayant pertinemment connaissance du fondement, lequel était explicité, précisant que la demande d’annulation n’avait pas été formée in limine litis et que la société Neworch avait abandonné cette demande en première instance.
Réponse de la cour
Aux termes des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l’acte introductif d’instance et par les conclusions en défense.
L’article 5 du même code précise que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.
En l’espèce, les parties conviennent que l’exception de nullité de l’assignation, présentée initialement par la société Neworch, avait été abandonnée par celle-ci dans ses dernières écritures soutenues devant les premiers juges, de sorte que le tribunal ne pouvait, sans commettre un ultra petita, écarter l’exception de nullité de l’assignation.
En conséquence, la décision entreprise ne peut qu’être infirmée en ce que le tribunal a statué sur une demande dont il n’était plus saisi.
B) Sur les demandes de la société Neworch tendant à écarter des pièces
La société Neworch conclut à l’infirmation de la décision ayant refusé sa demande de rejet de pièces, et plus particulièrement de la pièce 6, constituée par un constat d’huissier, qui comporte par deux fois des appréciations personnelles et/ou juridiques, le constat étant nul ou à tout le moins dépourvu de valeur probante.
Elle ajoute que le tribunal a omis de statuer concernant le rejet de la pièce 4, s’agissant d’une pièce qui n’a pas été obtenue loyalement, ce qui suppose a minima d’en connaître l’origine.
La société Tape-à-l’oeil sollicite la confirmation du jugement :
– en ce qu’il a déclaré probant le constat d’huissier du 12 octobre 2021, aucune nullité n’affectant le procès-verbal établi, la remarque de l’huissier relevant du constat, et non de l’appréciation, et l’usage du terme « particulièrement » ne permettant pas de caractériser la violation du principe de neutralité, en ce que ce terme n’emporte aucune conséquence juridique et sert de simple présentation des photographies, objet du constat ;
– en ce qu’il a rejeté la demande de voir écarter des débats la photographie de la publicité sur le trottoir, cette dernière photographie étant simplement produite dans le cadre d’un faisceau d’indices, l’usage de la publicité en cause par la société Neworch n’étant pas contesté.
Réponse de la cour
1) Sur la demande visant à écarter des débats le procès-verbal de l’huissier de justice (pièce n° 6 de la société Tape à l’oeil)
En droit, les constatations de l’huissier de justice ne peuvent être que « purement matérielles » et « exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter », selon l’article 1 alinéa 2 de l’ordonnance 45-2592 du 2 novembre 1945, relative au statut des huissiers, applicable en la cause compte tenu de la date du constat litigieux.
En premier lieu, l’emploi des termes « publicité comparative », utilisé par l’huissier de justice dans son constat du 12 octobre 2021, dressé à la demande de la société Tape à l’oeil, dans la phrase suivante : « je constate qu’il s’agit d’une publicité comparative visant en autres la société requérante », ne recèle aucune appréciation, qui plus est juridique, de la part de l’huissier, mais constitue une présentation sans appréciation personnelle d’une publicité, qui effectivement et objectivement compare entre eux des produits et des prix, l’expression litigieuse relevant de plus du langage courant.
Ce moyen n’est donc pas fondé.
En second lieu, la société Neworch reproche l’usage d’une formule qui serait inexacte et révélatrice d’une appréciation personnelle et trompeuse de l’huissier différenciant péjorativement la société Tape à l’oeil, en ce que ce dernier indique : « l’enseigne Orchestra indique être »le moins cher grâce au Club » et compare ses prix avec les enseignes Primark, Kiabi, H.M et particulièrement Tape à l’oeil » (soulignement de la société Neworch).
La cour estime qu’il ne se dégage pas de cette expression, et plus spécifiquement de l’adverbe « particulièrement », un manquement aux exigences imposées par l’ordonnance du 2 novembre 1945, cette locution ressortissant plutôt d’une maladresse langagière de l’huissier, lequel a voulu noter que la société Tape à l’oeil, sa requérante, faisait bien partie des concurrents dont les prix étaient comparés dans le cadre de cette publicité.
Quand bien même ils n’avaient pas à tenir compte, pour apprécier la régularité de cet acte, de son utilité dans le cadre de la présente procédure, à juste titre les premiers juges ont-ils estimé que cette expression ne dénotait pas une appréciation personnelle et subjective de l’huissier, justifiant d’écarter le constat litigieux.
Il convient donc de rejeter la demande de la société Neworch visant à voir écarter cette pièce.
2) Sur la pièce n° 4 consistant en des photographies produites par la société Tape à l’oeil
Depuis un arrêt du 22 décembre 2023, l’assemblée plénière de la Cour de cassation considère désormais que, dans un procès civil, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
Le seul fait que la preuve soit constituée de photographies qui ne sont ni datées ni localisées de manière objective, et dont l’auteur n’est pas connu, ne suffit pas en faire une preuve déloyale, qui devrait être en tout état de cause écartée comme telle, comme l’affirme la société Neworch.
Il appartiendra seulement à la cour d’apprécier, lors de l’examen du litige au fond, le caractère probant d’éléments obtenus dans les conditions précitées, à savoir sans localisation spatio-temporelle et sans détermination de son auteur.
La demande de la société Neworch visant à écarter ladite pièce des débats est rejetée, étant précisé qu’il sera également ajouté à la décision entreprise de ce chef, compte tenu de l’omission de statuer commise par les premiers juges sur ce point.
II- Sur l’existence d’une publicité comparative illicite
La société Neworch revient sur les conditions d’une publicité comparative licite et soutient :
– sur le caractère comparable des produits en cause : que, selon la jurisprudence, les produits doivent présenter un degré suffisant d’interchangeabilité pour le consommateur, les critères pris en compte par les premiers juges étant inopérants et insusceptibles de démontrer qu’ils ne seraient pas intrinsèquement comparables ; l’identité de forme ou de composition des produits comparés ne doit pas être prise en compte, la fonctionnalité des produits étant comparable et le débat créé par la société Tape à l’oeil sur les prétendues différences existant entre les deux matières synthétiques utilisées pour composer les vêtements est totalement indifférent ; il n’a été produit ni les tissus utilisés ni les vêtements, ce qui ne permet pas d’apprécier une différence d’aspect, de texture, ou de qualité entre les matériaux utilisés, ou d’établir un prix de revient différent ;
– sur l’objectivité de la comparaison : que la publicité présente clairement les caractéristiques propres à justifier une différence de prix, de manière objective, étant observé que l’annonceur n’est jamais tenu d’être exhaustif et que rien ne commande que les informations relatives aux différences des produits comparés soient, avant tout autre information, visibles au premier coup d »il ; ainsi il n’est pas fautif que ses produits et prix apparaissent de manière plus dominante ;
– sur les prix applicables et les conditions de l’offre Club : que la comparabilité des prix annoncés n’est pas une condition posée par l’article L. 122-1 du code de la consommation, étant précisé cependant que les conditions de commercialisation n’ont pas à être comparables et qu’il est possible de comparer des produits soumis à des conditions de commercialisation différentes, dès lors que les prix et conditions de l’offre spéciale sont clairement et objectivement exprimés, ce qui était le cas en l’espèce ; le client était parfaitement et sans ambiguïté informé du caractère variable du prix, aucune faute ne pouvant lui être imputée à elle, appelante, pour avoir mis plus en avant, grâce à une taille de police plus grande, le prix fixe remisé ;
– sur l’absence de caractère trompeur des publicités en cause : que la publicité ne doit pas avoir pour effet d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé ; ainsi il ne suffit pas que la pratique soit susceptible d’induire en erreur mais il faut encore que l’impact de cette tromperie sur les décisions prises par le consommateur soit substantiel ; il ne peut lui être reproché aucune information fausse ou de nature à induire en erreur le consommateur, étant observé qu’il n’est de toute évidence pas caractérisé en quoi cela serait susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique des consommateurs.
Elle ajoute qu’à la vue de la publicité, le consommateur était parfaitement en mesure d’appréhender sans difficulté et incompréhension, cette campagne qui avait pour objet de promouvoir l’offre Club.
Elle conteste que le prix de vente Club fût indéterminé ou que la détermination du coût de l’opération supposât de prendre en compte les 12 mensualités de l’adhésion Club.
Elle estime n’être responsable d’aucun agissement déloyal.
La société Tape à l’oeil revient sur le fait, d’une part, que les publicités comparent des produits de qualités différentes et avec des conditions tarifaires également non comparables en mettant en avant le caractère inférieur du prix pratiqué par la société Neworch, d’autre part, que des panneaux sont affichés sur la voie publique à proximité de ses magasins.
Elle estime que les conditions de la publicité comparative trompeuse et illicite sont réunies, ce que le tribunal a parfaitement apprécié.
Elle relève que :
– les produits sélectionnés présentaient des caractéristiques différentes tenant à leur forme ou encore à leur composition (produits différents, comportant des finitions plus élaborées, à savoir un col spécifique et une décoration sur la manche, avec une composition différente, le polyamide justifiant un prix supérieur) ;
– la taille des caractères présentant la composition des produits ne permet pas au consommateur d’appréhender immédiatement la différence de matériaux utilisés et les raisons de la différence de coûts ;
– la publicité comparative doit permettre une comparaison loyale entre produits, et la publicité concerne des produits présentés répondant à la catégorie manteau mais de qualités différentes ;
– la présentation adoptée, notamment la taille de la police de caractère sur une affiche présentée sur la voie publique, ne permet pas au consommateur de savoir que son produit est plus qualitatif et donc plus cher ;
– le caractère déloyal de la comparaison découle également, pour les deux publicités, des conditions d’information du consommateur quant à l’obligation d’adhérer au club, le consommateur n’étant pas informé des conditions réelles de prix, notamment du caractère variable du prix et de l’obligation de souscrire à la carte Orchestra pour bénéficier d’une réduction ;
– les conditions d’adhésion au club ne sont pas clairement mises en avant et sont même complètement masquées au stade de la présentation du prix, le système de renvoi à des notes de bas de page de très petite taille ne permettant pas au consommateur de procéder à une comparaison objective ;
– le calcul du coût du produit est faux, l’achat de la carte étant valable pour une période d’un an, soit un coût réel de 35,88 euros à ajouter au coût du produit, la notion de rentabilisation ultérieure étant inopérante au stade de la publicité ;
– la carte club est par ailleurs une carte avec reconduction tacite payable par prélèvements, ce qui implique un engagement conséquent ;
– le comportement de la clientèle se trouve affecté puisqu’elle pense pouvoir trouver un produit aux propriétés identiques moins cher chez la société Neworch, alors qu’il a été démontré que les produits ne présentent pas la même composition et ne sont pas soumis aux mêmes conditions d’achat.
Réponse de la cour
Au préalable, il convient d’observer que ne se trouvent en cause dans le présent litige ni le caractère comparatif des deux publicités contestées, ni le fait que les sociétés Neworch et Tape à l’oeil sont en situation de concurrence.
Le débat entre les parties se noue uniquement sur le caractère licite ou illicite des publicités comparatives réalisées par la société Neworch.
Aux termes de l’article L. 121-1 du code de la consommation, les pratiques commerciales déloyales sont interdites.
Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service.
Le caractère déloyal d’une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d’une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité s’apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe.
Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-2 à L. 121-4 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 121-6 et L. 121-7.
Quel que soit le support autorisé, la publicité comparative reste soumise au respect d’un certain nombre de conditions cumulatives, positives et négatives, qui visent à protéger au premier chef les consommateurs, ces conditions devant, selon la Cour de justice de l’Union européenne, être interprétées dans le sens le plus favorable à la publicité comparative ( CJCE, 25 oct. 2001, aff. C-112/99 , CJCE, 19 sept. 2006, aff. C-356/04 .).
Au titre des conditions positives, l’article L.122-1 du même code dispose que toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n’est licite que si :
1° Elle n’est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur ;
2° Elle porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif ;
3° Elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie.
L’article L.122-5 du même code précise que l’annonceur pour le compte duquel la publicité comparative est diffusée doit être en mesure de prouver dans un bref délai l’exactitude matérielle des énonciations, indications et présentations contenues dans la publicité.
En l’espèce, des deux publicités distinctes, critiquées par la société Tape à l’oeil, on peut retenir que :
– pour la première :
– elle concerne des parkas ou doudounes et compare la parka doublée Sherpa de la marque Orchestra, figurant au centre du document, en photographie de grande taille, avec celles des sociétés Gémo, Tape à l’oeil, Okaidi et H&M, également illustrées par 4 photographies ;
– deux encarts sur fond rouge encadrent ces photographies, l’un en haut du feuillet, sur fond rouge, portant une inscription en police de caractère importante et de couleur blanche : « Orchestra le moins cher grâce au Club », l’autre, en pied de page, sur fond rouge également, portant la mention « Club Orchestra ‘ 50 % toute l’année pour seulement 2,99 euros /Mois **! », suivie d’un astérisque, étant observé que « la précision toute l’année pour seulement » figure en une police de taille plus petite ;
– figure au centre du document, illustré par une photographie de plus grande taille que les 4 autres suivantes, le produit de la marque Orchestra, dont les principales caractéristiques sont mises en exergue par le biais de flèches, avec des indications sur les spécificités du produit, et à droite, le prix indiqué comme suit :
« Parka doublée Sherpa
dès 46,99 euros »
24, 99 euros », juste en dessous et en plus gros caractères, avec une vignette sur fond moutarde portant l’inscription « CLUB * », en blanc, suivie d’un astérisque ;
– les photographies des produits comparés sont réparties en deux colonnes et sont de plus petites tailles avec à leur côté, distinctement, le logo de la marque les distribuant, quelques caractéristiques, notamment la composition de la doublure et de l’extérieur, ainsi que le prix pour chacune des parkas ou doudounes ;
– enfin, se trouvent juste avant l’encart de pied de page, la mention « Relevé de prix fait le 23 août 2021, sous contrôle d’huissier via site marchand respectifs des enseignes » et en dessous de cet encart, en très petits caractères, la légende des astérisques figurant sur le document, « *offre réservée aux membres du Club orchestra, sur une sélection d’articles signalés en magasin, hors exceptions, moyennant une cotisation Club dont le montant figure sur le site’.. ** engagement de 12 mois minimum lors de la souscription » ;
– pour la seconde : la même présentation est adoptée et concerne, cette fois-ci, la comparaison des doudounes des marques Primark, Tape à l’oeil, Kiabi et H&M avec la « doudoune matelassée » de la société Neworch, mise en valeur au centre, avec un prix dès 19, 99 euros, et la même mention d’un prix de 9,99 euros, figurant en plus gros caractères et avec, à côté, la vignette Club.
1) Sur la comparabilité des produits en cause
Alors que sous l’empire de la loi du 18 janvier 1992, il fallait une identité des objets comparés puisque cette loi n’admettait la comparaison que des « biens ou services de même nature et disponibles sur le marché », l’ordonnance no 2001-741 du 23 août 2001, transposant la directive 97/55/CE du 10 octobre 1997, a autorisé la comparaison de « biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif. »
Cette conception a été reprise dans l’article précité L.122-1 du code de la consommation, issue de l’ordonnance n°2016-301 du 1er juillet 2016.
Cela recouvre l’idée de comparer des biens ou services comparables et d’exiger ainsi que les biens ou services, s’ils peuvent être différents, n’en demeurent pas moins substituables pour le consommateur, la Cour de justice de la Communauté européenne, devenue CJUE, ayant précisé, concernant les comparaisons de prix sur des produits de consommation courante, sous la forme de panier ou caddie de comparaison, que la notion de « biens concurrents comparés répond[ant] aux mêmes besoins ou a[yan]t le même objectif, s’entend de biens « présent[a]nt un degré suffisant d’interchangeabilité pour le consommateur » (CJCE, Gde Ch, 19 septembre 2006, aff. C-356/04, Lidl Belgium GmbH & Co KG / Etablissementen Franz Colruyt NV).
La Cour de cassation a adopté une position plus restrictive, en précisant qu’une publicité comparative de prix ne pouvait se contenter de viser des produits en termes génériques, mais devait permettre aux consommateurs d’apprécier s’ils sont de qualité équivalente (Com., 31 oct. 2006, n° 05-10.541).
En premier lieu, les deux publicités litigieuses ne visent pas tant à comparer les produits photographiés des concurrents répertoriés avec les produits de la marque Orchestra qu’à mettre en valeur les conditions du Club Orchestra et avantages que procurent la détention de la carte, après adhésion à ce club et ses répercussions sur les prix des produits.
Il n’en demeure pas moins que pour illustrer les avantages de cette adhésion, la société Neworch s’est livrée, dans les deux publicités en cause, à une comparaison de deux produits distincts, pour la première des parkas ou doudounes chaudes, pour la seconde des doudounes ou vestes déperlantes.
En deuxième lieu, les critiques de la société Tape à l’oeil portent pour l’essentiel sur le fait que « les produits repris dans la comparaison ne sont absolument pas comparables », pointant les différences, selon elle, en termes de matériaux utilisés, l’un en polyamide, l’autre en polyester, et de qualité, ce dernier matériau étant moins cher et moins qualitatif, ce qui, selon l’intimée, fait des produits comparés des produits non substituables et non interchangeables.
De première part, il est indéniable que les vestes appartiennent à la catégorie générale des manteaux à destination des jeunes enfants, les parents consommateurs poursuivant l’objectif, par l’achat de ces produits, de protéger leur progéniture du froid et de la pluie.
De deuxième part, les deux publicités litigieuses ne masquent aucunement la différence de composition des produits comparés, en précisant la principale matière utilisée ainsi que les pourcentages de composition, ce qui permet aux consommateurs d’apprécier si les produits sont de qualités équivalentes.
De troisième part, la différence de composition, 100 % polyester pour la doudoune matelassée de la marque Orchestra versus 100 % polyamide pour la doudoune déperlante doublée sherpa, voire 40 % polyamide pour la parka Orchestra versus 100% polyamide/nylon pour la doudoune sherpa Tape-à-l’oeil, quand bien même la société Tape à l’oeil apporte la preuve de différences, d’une part, de qualité du matériaux utilisé, d’autre part, de coûts engendrés par le choix du matériaux, n’affecte ni l’usage qui pourrait être fait par le consommateur, ni la nature des produits, étant en outre observé que l’usage du polyamide, vanté par la société Tape à l’oeil est limité aux revêtements extérieurs de la doudoune ou de la parka, le rembourrage étant quant à lui en 100 % polyester.
Ainsi, à supposer même que le consommateur moyen puisse être sensibilisé à cette différence existant entre le polyester et polyamide, ce qui n’est en l’espèce nullement démontré par la société Tape à l’oeil, les différences qualitatives mises en exergue par cette société ne sont pas dirimantes ni de nature à retirer aux produits comparés leur caractère d’interchangeabilité.
Le fait que les finitions ou décorations de chaque produit ne soient pas identiques est sans incidence sur l’interchangeabilité des produits, s’agissant de différences qui ne portent pas sur les éléments essentiels de tels vêtements.
2) Sur l’objectivité de la comparaison
L’alinéa 3 de l’article L. 122-1 du code de la consommation rappelle l’un des principes fondamentaux de la publicité comparative, laquelle ne doit pas porter une appréciation subjective sur les produits comparés, ce qui se comprend, en principe, comme excluant toute publicité portant sur le goût ou l’esthétisme d’un produit ou comportant une appréciation personnelle.
En vertu de ce principe, il a été jugé que le nombre de produits comparés ne peut à lui seul révéler un manque d’objectivité et l’annonceur se doit de procéder au choix des produits comparés sans encourir de ce seul fait le grief de défaut d’objectivité (Com., 12 avr. 2016, n° 13-28.217).
Les caractéristiques comparées doivent donc être essentielles, pertinentes et représentatives. La comparaison entre deux produits ou services ne peut porter que sur un élément qui, pour le consommateur moyen, sera déterminant de son acte d’achat.
En premier lieu, il n’est discuté ni de la neutralité du message véhiculé dans les annonces litigieuses quant à la nature des produits ou leur qualité, ni de l’exactitude des données référencées et mises en valeur dans les publicités en cause pour décrire les produits.
En deuxième lieu, il convient de rappeler qu’aucune obligation d’exhaustivité n’est imposée à l’annonceur, dès lors que son message porte sur des éléments qui sont déterminants de l’achat du consommateur et pertinents.
Or, pour des produits appartenant à la catégorie soit des vestes légères, soit des manteaux à destination de jeunes enfants, le caractère chaud et/ou déperlant sont essentiels pour tout consommateur et par là même pertinents, les deux messages publicitaires litigieux s’attachant à exposer ces principales caractéristiques pour les produits de la marque Orchestra, et également pour les produits comparés, dont les produits Tape à l’oeil.
Ainsi est-il indiqué, d’une part, que la doudoune Orchestra est « doublée micropolaire », tandis que la doudoune Tape à l’oeil est « doublée sherpa », d’autre part, que la parka Orchestra est « doublée Sherpa » et « déperlante », alors que le manteau Tape à l’oeil est une « doudoune doublée Sherpa. »
En troisième lieu, le fait que la présentation adoptée soit différente et utilise une taille et une police de caractère différente et très petite, pour une affiche, notamment présentée sur la voie publique, est plus de nature à porter atteinte à la loyauté de l’information divulguée à destination du consommateur qu’au caractère objectif de la comparaison réalisée.
Il en est de même s’agissant du fait que cette présentation mette plus en valeur le produit de l’annonceur ou soit plus complète concernant ce dernier produit, étant rappelé qu’il est l’essence d’une publicité comparative de mettre en avant le produit de l’annonceur et les qualités de son produit pour en vanter les mérites.
Cela ne prive pas pour autant la publicité d’objectivité, dès lors que les éléments comparés sont représentatifs, pertinents et déterminants de l’achat pour un consommateur moyen, ce qui est le cas en l’espèce.
En dernier lieu, c’est sans aucun justificatif que la société Tape à l’oeil affirme que la matière, et ainsi la différence de composition du revêtement extérieur des doudounes ou des parkas, objet des publicités litigieuses, était une caractéristique déterminante pour un consommateur moyen, qui n’aurait pas seulement dû être indiquée, comme c’est le cas en l’espèce, mais aussi être mise en exergue.
L’intimée ne démontre nullement que le consommateur soit en mesure de percevoir l’importance d’une telle différence de composition, ladite composition étant d’ailleurs bien spécifiée sur chaque publicité en cause.
3) Sur la loyauté de la comparaison
L’article L. 122-1, 1°, du code de la consommation dispose que la publicité comparative ne doit pas être trompeuse ou de nature à induire en erreur et n’est que la redondance des articles L. 121-1 et L. 121-2 du même code qui posent ce principe de manière générale pour toute publicité mensongère sous la dénomination de « pratiques commerciales trompeuses ».
La preuve de l’exactitude matérielle des éléments de la comparaison incombe à l’annonceur qui y procède (Com., 18 mai 1993, n° 91-19.829, publié ; Com., 14 juin 2000, n° 98-10.689), étant précisé que, souvent, la tromperie est en fait un mensonge par omission ou une absence volontaire d’information du consommateur.
La Cour de cassation rappelle que les critères généraux des pratiques commerciales trompeuses doivent être respectés, en particulier l’altération substantielle du comportement économique du consommateur (Com., 1 mars 2017, n° 15-15.448, publié ; Com., 22 mars 2023, n° 21-22.925).
Si le dernier alinéa de l’article L. 121-8 du code de la consommation, qui prévoyait un régime spécifique pour les offres promotionnelles, en imposant à « toute publicité comparative faisant référence à une offre spéciale [de] mentionner clairement les dates de disponibilité des biens ou services offerts, le cas échéant la limitation de l’offre à concurrence des stocks disponibles et les conditions spécifiques applicables » ne se retrouve pas dans la législation actuelle, il n’en demeure pas moins que ces informations s’avèrent indirectement requises en application des principes même d’objectivité et de loyauté inhérentes à toute publicité comparative.
Il découle de ces principes qu’il est licite et possible de comparer des produits soumis à des conditions de commercialisation différentes dès lors que les prix et les conditions de l’offre spéciale sont clairement et objectivement exprimés.
En premier lieu, l’exigence d’objectivité comme l’exigence de loyauté imposent de donner aux consommateurs des informations sur les caractéristiques propres au produit de nature à justifier les différences de prix.
Toutefois, cela n’implique pas l’obligation, pour l’annonceur, d’exposer de manière précise et détaillée les paramètres permettant de déterminer les prix des produits comparés. Dès lors, est inopérante la critique de la société Tape à l’oeil selon laquelle la société Orchestra, en n’attirant pas l’attention du consommateur sur la différence de composition et ses conséquences sur la qualité du produit, n’a pas permis au consommateur de comprendre la différence de prix existant entre chacun des produits.
En deuxième lieu, aucune disposition ni aucun usage du commerce n’imposent que les informations relatives à ces caractéristiques, fussent-elles essentielles, pertinentes et déterminantes, soient mis en avant, de la même manière et à première lecture, dès lors qu’elles sont énoncées de manière claire et non équivoque.
Or, sur ce dernier point, aucun élément ne vient établir que ce ne soit pas le cas, s’agissant de publicités, qui ont, selon la société Neworch, ce qui n’est pas contesté par la société Tape à l’oeil fait l’objet d’une diffusion, soit par le biais d’un catalogue, de format A4, soit par le biais d’affiche pour support de 2 m² ou 8m².
Le fait que l’ensemble des éléments ne soit pas appréhendable à la première lecture sur les affiches – ce qui n’est d’ailleurs en l’espèce nullement démontré – n’est pas de nature à caractériser une quelconque déloyauté, comme étant le propre de toute communication via de tels supports, d’autant plus qu’en l’espèce, les principales caractéristiques (doudoune doublée sherpa ou déperlante et le prix) étaient clairement identifiables, pour figurer en gras et en plus gros caractères, tout comme l’était la variable tenant à l’adhésion au Club Orchestra, tel que cela ressort des photographies accompagnant le procès-verbal de constat du 12 octobre 2021.
En troisième lieu, par le biais de cette campagne publicitaire, la société Neworch comparait les produits litigieux aux fins de promouvoir les avantages que l’adhésion à son Club assurait en termes de prix.
Or, tant la mise en page formelle des publicités que les termes utilisés dans cette dernière attiraient l’attention du consommateur moyen et normalement attentif sur le prérequis pour que les produits Orchestra soient d’une valeur moindre que ceux comparés, à savoir la nécessité d’appartenir au Club.
Ainsi, dès la première ligne, le slogan : « Orchestra : le moins cher grâce au Club » apparaît dans un bandeau rouge, avec une police de caractère nettement plus grande que le reste des inscriptions, étant précisé que, pour le produit Orchestra, deux prix sont nettement identifiables : le prix grand public (« dès 49, 99 ‘ ») et le prix, indiqué en une police certes plus grande, de 24,99 euros, suivi d’une vignette, portant la mention en blanc sur un fond de coloris or, « CLUB ».
Un second bandeau rouge, en bas de document, présente les conditions du Club Orchestra, ainsi rédigées : « – 50% Toute l’année pour seulement 2, 99 euros/mois ! ».
Il ressort de ces mentions apparentes, clairement identifiables à la première lecture, et compréhensibles par tout consommateur moyen et normalement attentif, qu’il existait un prix hors remise sur le produit Orchestra (prix grand public) et un prix remisé (prix adhérant) dès lors que le consommateur adhérait au Club de la société Orchestra, et que seul ce prix remisé était inférieur aux prix pratiqués par les concurrents.
De manière très lisible également était mise en valeur la condition sine qua non pour bénéficier du prix remisé, à savoir le paiement d’une cotisation mensuelle de 2, 99 euros par mois pour adhérer au Club Orchestra.
Contrairement à ce que laisse entendre la société Tape à l’oeil, il n’existait aucune ambiguïté sur le fait, d’une part, que le qualificatif de « moins cher grâce au Club » portait uniquement sur les doudounes ou parka reproduites, et non sur tous les produits, quels qu’ils soient, commercialisés par les parties, d’autre part, que le prix hors remise, en ce qu’il était précédé de la mention « dès », était un prix a minima, variable en fonction de la taille de l’enfant, s’agissant d’une pratique courante dans la vente de ce type de vêtement, ce qui faisait en outre expressément l’objet d’une explication en bas de document : « prix selon la taille, dans la limite des stock disponibles », à laquelle il était renvoyé par un astérisque.
Contrairement à ce que soutient la société Tape à l’oeil, au vu de l’emplacement de la mention « dès » et du prix remisé, le consommateur moyen comprenait parfaitement que le prix était susceptible de varier en fonction de l’adhésion au club et de la taille choisie.
Le consommateur se trouvait ainsi clairement informé du caractère évolutif du prix non remisé et du caractère onéreux de l’adhésion au Club, pour bénéficier de la remise, peu important que le prix remisé soit inscrit dans une police de caractères plus grande que celle réservée au prix non remisé, dès lors qu’étaient clairement identifiables les conditions pour pouvoir bénéficier du prix remisé.
Or, le second bandeau en bas de page, affichant au premier regard le coût de 2,99 euros par mois, ainsi que la vignette Club aux côtés du prix remisé, et les astérisques renvoyant aux notes explicatives de bas de page, permettaient à un consommateur moyen et normalement attentif de prendre conscience que cette offre était soumise à certaines conditions, et notamment un engagement financier dans la durée, tandis que les prix affichés des concurrents, certes plus élevés, le laissaient libres de tout engagement.
En dernier lieu, les conditions de l’adhésion au Club étaient parfaitement et clairement détaillées, en ce qu’il était pointé le coût mensuel de « 2,99 euros/mois », celui-ci apparaissant lisiblement, sur fond rouge et en police de taille plus conséquente que les autres indications, et étant suivi d’astérisques qui renvoient aux autres conditions de l’offre.
S’agissant de ces conditions, inscrites à la suite de ce bandeau, il était précisé : « *offre réservée aux membres du club Orchestra sur une sélection d’articles signalés en magasin, hors exceptions, moyennant une cotisation Club dont le montant figure sur le site orchestra.com. Les remises s’appliquent sur les prix publics des produits. [‘] Sans préjudice de son droit de rétractation, l’utilisateur bénéficie de toutes les garanties légales attachées aux produits vendus sur notre réseau de magasin et en ligne sur notre site [‘] ** Engagement de 12 mois minimum lors de la souscription ».
Si ce détail est inscrit en plus petit caractères, il n’en demeure pas moins qu’il en ressort sans équivoque une information claire et compréhensible du consommateur sur la nécessité de souscrire un engagement au caractère onéreux, qui, s’ajoutant au prix remisé, permet d’en bénéficier, sans que pour autant le prix remisé soit pour tous les produits commercialisés nécessairement inférieur au prix des concurrents.
C’est de manière infondée que la société Tape à l’oeil estime qu’il existait une tromperie du consommateur, dès lors qu’il convenait de prendre en compte le coût total de l’engagement (les 12 mensualités de 2,99 euros, soit 35, 88 euros), qui devait être ajouté au prix remisé, portant alors le coût du produit à un montant plus élevé que son propre produit, dès lors que le prix de l’adhésion au Club s’acquitte exclusivement par mensualités.
L’ajout du coût de l’engagement, à supposer qu’il doive en être fait état, concerne une question de rentabilité de l’opération, laquelle dépend des achats présents et futurs que souhaite réaliser le consommateur, lequel, compte tenu des informations distillées dans les présentes publicités, disposait de tous les éléments pour se déterminer, en fonction de son budget et de ses besoins.
Il s’ensuit que les éléments comparés n’étaient ni trompeurs ni de nature à induire en erreur un consommateur normal et raisonnablement attentif, dès lors que son attention était clairement attirée, par les astérisques ou encore la mention club dans la vignette, sur la nécessité de prendre en compte les conditions de commercialisation des produits comparés, sans qu’il soit nécessaire d’imposer à l’annonceur de faire apparaître de manière lisible et au premier regard toutes les conditions de l’offre, dans la mesure où elles figuraient sur la publicité litigieuse et pouvaient être étudiées en détail par un consommateur normalement attentif et attiré par ladite offre.
Contrairement à ce qu’affirme la société Tape à l’oeil, les modalités de calcul du prix final d’achat n’étaient nullement opaques, dès lors qu’il se comprenait qu’aux 12 mensualités de 2,99 euros, il convenait d’ajouter le coût de l’ensemble des produits achetés, dont certains obtenus à 50 % du prix public, en raison de l’adhésion au club Orchestra.
La société Tape à l’oeil ne fait qu’affirmer que cette publicité entraînerait une altération du comportement du consommateur, sans le démontrer, puisqu’elle n’établit pas que cette publicité serait de nature à modifier de manière substantielle le comportement économique d’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif, dans l’achat des produits litigieux.
La perturbation substantielle des comportements économiques et du jeu de la concurrence sur ce marché, à raison des deux publicités litigieuses, est d’autant moins attestés qu’il est établi par les pièces versées aux débats par la société Neworch que cette offre Club Orchestra existe depuis de nombreuses années sur ce marché et est objet de promotions régulières, de même type, et qui n’avaient jusque-là fait l’objet d’aucune contestation.
En conséquence, il n’est pas prouvé que ces publicités comparatives puissent être qualifiées d’illicites et encourent de ce fait la censure. La demande de la société Tape à l’oeil est donc rejetée.
La décision entreprise est par conséquent infirmée en ce qu’elle a jugé le contraire et ordonné, au profit de la société Tape à l’oeil et à l’encontre de la société Neworch, des mesures de réparation pécuniaires et en nature, assorties pour ces dernières d’une astreinte.
En l’absence d’illicéité des publicités litigieuses, l’appel incident de la société Tape à l’oeil, concernant le montant des dommages et intérêts alloués en ce que la publicité comparative illicite serait constitutive d’un acte de concurrence déloyale, engendrant nécessairement un préjudice, est dès lors rejeté.
La demande de communication de pièces présentée par la société Tape à l’oeil afin de lui permettre d’appréhender son préjudice est donc sans objet, ce qui en justifie le rejet.
Compte tenu de la présente infirmation, la société Tape à l’oeil doit, de plein droit, restituer les sommes qu’elle a reçues en exécution de la décision infirmée, sans qu’il soit nécessaire d’en prononcer expressément le remboursement, le présent arrêt infirmatif valant titre exécutoire de ce chef sur ce point.
III- Sur la demande reconventionnelle de publication judiciaire de la société Neworch
La société Neworch formule une demande reconventionnelle de publication judiciaire en cas d’infirmation du jugement entrepris, puisque :
– elle a exécuté les mesures en nature ordonnées par la décision infirmée et cette demande reconventionnelle de publication permettra de porter à la connaissance des tiers que cette décision est infirmée ;
– une telle publication ne sera qu’une réparation partielle, puisqu’elle ne permettra pas de récupérer la clientèle et les ventes perdues.
La société Tape à l’oeil est taisante sur ce point.
Réponse de la cour
En l’espèce, il est constant que la décision entreprise avait ordonné, outre des mesures de réparations pécuniaires, une mesure de réparation en nature par le biais d’une publication d’un communiqué judiciaire, le tout sous astreinte, lequel stigmatisait le comportement de la société Neworch et pointait le caractère illicite de la publicité comparative employée par ladite société. Or, cela n’a pas été retenu par la cour au terme du présent arrêt.
La publication de ce communiqué, en exécution de la décision infirmée, pour stigmatiser le comportement économique de l’annonceur et le caractère licite des publicités qu’il utilise, est de nature à jeter le discrédit sur ce dernier et à nuire à son image dans l’esprit du chaland.
Le seul fait que cette publication ait été ordonnée par une décision judiciaire, qui assortissait cette obligation d’une astreinte et de l’exécution provisoire de droit, n’est pas de nature à retirer à l’exécution sollicitée par la société Tape à l’oeil son caractère fautif, dès lors que l’exécution d’une telle mesure d’exécution forcée, en vertu d’une décision assortie de l’exécution provisoire mais frappée d’appel, se fait aux risques et périls du créancier.
Dans ces conditions, il y a lieu de faire droit à la demande de publication de la société Neworch, dans les termes précisés dans le dispositif du présent arrêt.
Il convient également d’autoriser l’appelante à publier si elle le souhaite, le même communiqué sur son site internet marchand.
IV- Sur les dépens et accessoires
En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la société Tape à l’oeil succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens de première instance et d’appel.
Les chefs de la décision entreprise relatifs aux dépens et à l’indemnité procédurale sont infirmés.
La société Tape à l’oeil supportant la charge des dépens, il convient de la condamner à payer à la société Neworch la somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure de première instance et d’appel, et de la débouter de sa demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole du 27 juin 2023 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
REJETTE la demande de la société Neworch visant à voir écarter les pièces n° 4 et 6 de la société Tape à l’oeil ;
REJETTE la demande de la société Tape à l’oeil tendant à dire illicites les publicités comparatives de la société Neworch « Orchestra le moins cher grâce au Club » relative à la parka doublée Sherpa et la doudoune matelassée ;
DIT n’y avoir lieu à la condamnation de la société Tape à l’oeil à rembourser les sommes perçues en exécution du jugement infirmé par le présent arrêt ;
DIT sans objet la demande de communication de pièces de la société Tape à l’oeil et ses demandes en réparation pécuniaire et en nature ;
ORDONNE, aux frais avancés de la société Tape à l’oeil la publication du dispositif du présent arrêt accompagnée d’un des visuels de la publicité objet du litige, en caractères gras, noirs sur fond blanc, de 0,5 cm de hauteur, dans un encadré, sous le titre, inscrit en caractères noirs, gras sur fond blanc de 0,7 de hauteur : « Communiqué judiciaire : la Cour d’appel de Douai juge que la publicité de Neworch n’est pas illicite au sens de l’article L. 122-1 du code de la consommation et déboute la société Tape à l’oeil de toutes ses demandes », cette publication devant être réalisée :
– sur la page d’accueil du site internet marchand de la société Tape à l’oeil (www.t-a-o.com) ou de tout site internet qui s’y substituerait, au-dessus de la ligne de flottaison, pendant une durée d’un mois à compter de la signification du présent arrêt ;
– et dans trois catalogues, journaux, revues ou magazines au choix de la société Neworch, sans que le coût de chacune de ces publications excède la somme de 5 000 euros hors taxes ;
AUTORISE la société Neworch à publier, si elle le souhaite, le même communiqué sur son site internet marchand ;
CONDAMNE la société Tape à l’oeil aux dépens de première instance et d’appel et AUTORISE Me Le Roy à recouvrer directement les frais dont il aura fait l’avance sans avoir préalablement reçu provision ;
CONDAMNE la société Tape à l’oeil à payer à la société Neworch la somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la société Tape à l’oeil de sa demande d’indemnité procédurale.
Le greffier
Marlène Tocco
La présidente
Stéphanie Barbot
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