Protection juridique du Guide Michelin

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Si la protection sui generis des bases de données peut être difficile à obtenir en raison des questions de preuve, il peut être judicieux de se baser sur le terrain de la contrefaçon de marque.

Affaire Michelin c/ Opentable

Dans l’affaire soumise, il n’était pas établi que la société Opentable (guide de restaurants) avait procédé à une extraction ou à une réutilisation quantitativement ou qualitativement substantielle du guide Michelin (moins de 3% de la base de données).

Preuve de l’originalité de la base de données

 

La société Michelin n’a pas suffisamment démontré l’originalité de son Guide des restaurants étoilés. Le fait de rechercher les adresses d’hôtels et de restaurants et de les tester dans le but de procéder à un classement constitue une étape préalable d’élaboration d’un stock de données, insusceptible en soi d’une protection au titre de la base de données. Au surplus, la mise à jour annuelle des données ou l’application des mêmes critères de sélection dans les différents pays couverts par le guide ne sauraient révéler une quelconque originalité, s’agissant de critères appliqués par de nombreux guides concurrents du guide MICHELIN. De même l’utilisation d’étoiles pour distinguer des niveaux de prestation, de performance ou de qualité est-elle répandue dans des secteurs aussi variés que la classification des hôtels, la critique d’un film ou une évaluation sportive.

S’agissant des critères de sélection retenus par le guide MICHELIN, soit la qualité des produits, la maîtrise des cuissons et des saveurs, la personnalité du chef en cuisine, le rapport qualité/prix et la régularité, ils s’imposent par le sujet même de la base de données et ne révèlent pas en eux-mêmes une quelconque originalité. Le  fait de classer les hôtels et restaurants par secteurs géographiques eux-mêmes classés par ordre alphabétique et d’insérer des plans de certains villages ou villes répond à un caractère fonctionnel et à l’idée même d’effectuer un classement, selon un critère connu.

L’article L112-3 du code de la propriété intellectuelle prévoit que les auteurs d’anthologies ou de recueils d’oeuvres ou de données diverses tels que les bases de données, peuvent bénéficier de la protection du droit d’auteur si le choix ou la disposition des données de leurs bases présentent une originalité (créations intellectuelles). On entend par base de données un recueil d’oeuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen.

La directive 96/9/CE du 11 mars 1996 prévoit que les bases de données qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent une création intellectuelle propre à leur auteur sont protégées comme telle par le droit d’auteur. Le CJUE a indiqué, dans son arrêt C-604/10 du 1er mars 2012 que les notions de «choix» et de «disposition», au sens de la directive visent, respectivement, la sélection et l’agencement de données, par lesquels l’auteur de la base confère à celle-ci sa structure. En revanche, ces notions ne couvrent pas la création des données contenues dans cette base. Le fait que la constitution de la base de données ait requis, indépendamment de la création des données qu’elle contient, un travail et un savoir-faire significatifs de son auteur ne saurait, comme tel, justifier sa protection par le droit d’auteur si ce travail et ce savoir-faire n’expriment aucune originalité dans le choix ou la disposition desdites données.

Par ailleurs, il est constant que i) les efforts intellectuels et le savoir-faire consacrés à la création desdites données ne sont pas pertinents pour déterminer l’éligibilité de ladite base à la protection par ce droit ; ii) il est indifférent, à cette fin, que le choix ou la disposition de ces données comporte ou non un ajout significatif à celles-ci, et iii) le travail et le savoir-faire significatifs requis pour la constitution de cette base ne sauraient, comme tels, justifier une telle protection s’ils n’expriment aucune originalité dans le choix ou la disposition des données que celle-ci contient.

Droit sui generis du producteur de la base de données

La preuve de l’investissement substantiel de la société des éditions Michelin a été apportée. Toutefois, la preuve de l’extraction substantielle de sa base de données n’était pas établie. 52 restaurants étoilés du guide Michelin étaient référencés sur le site www.toptable.fr, ce qui représentait seulement entre 1 et 2% du total des restaurants concernés par le guide Michelin.

L’article L341-1 du code de la propriété intellectuelle prévoit également que le producteur d’une base de données, entendu comme la personne qui prend l’initiative et le risque des investissements correspondants, bénéficie d’une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel. Cette protection est indépendante et s’exerce sans préjudice de celles résultant du droit d’auteur ou d’un autre droit sur la base de données ou un de ses éléments constitutifs. Le producteur de bases de données a ainsi le droit d’interdire :

1° L’extraction, par transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d’une base de données sur un autre support, par tout moyen et sous toute forme que ce soit ; 2° La réutilisation, par la mise à la disposition du public de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu de la base, quelle qu’en soit la forme. Ces droits peuvent être transmis ou cédés ou faire l’objet d’une licence. Le prêt public n’est pas un acte d’extraction ou de réutilisation.

Les droits du producteur de la base de données expirent à l’issue d’un délai de 15 années courant à compter du 1er janvier de l’année qui suit l’achèvement, ou la mise à disposition du public, de cette base de données, ce délai pouvant être prolongé en cas de nouvel investissement substantiel.

L’article L341-1 du Code de la propriété intellectuelle doit être interprété à la lumière de l’arrêt C203-02 du 9 novembre 2004 de la CJUE, précisant que la notion d’investissement lié à l’obtention du contenu d’une base de données doit s’entendre comme désignant les moyens consacrés à la recherche d’éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base, à l’exclusion des moyens mis en oeuvre pour la création même d’éléments. La notion d’investissement lié à la vérification du contenu de la base de données doit être comprise comme visant les moyens consacrés, en vue d’assurer la fiabilité de l’information contenue dans ladite base, au contrôle de l’exactitude des éléments recherchés, lors de la constitution de cette base ainsi que pendant la période de fonctionnement de celle-ci. Les moyens consacrés à des opérations de vérification au cours de la phase de création de données ou d’autres éléments par la suite rassemblés dans une base ne peuvent dès lors être pris en compte aux fins d’apprécier l’existence d’un investissement substantiel.

En termes d’investissements substantiels, les coûts internes engagés au titre de l’administration de la base couvrent nécessairement en partie la vérification de la fiabilité des données au cours des années, lors de chaque mise à jour de la base, et entrent dans les moyens consacrés, en vue d’assurer la fiabilité de l’information contenue dans ladite base, au contrôle de l’exactitude des éléments recherchés, lors de la constitution de cette base ainsi que pendant la période de fonctionnement de celle-ci.

De même, entrent dans les moyens consacrés à la recherche d’éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base, à l’exclusion des moyens mis en oeuvre pour la création même d’éléments, aussi bien les frais engagés pour la maintenance de la base, que ceux engagés pour la constitution ou la réalisation de l’application, dans la mesure où ceux-ci incluent la définition des besoins, l’agencement des données et leur rassemblement dans la base.

S’agissant de l’extraction ou de la réutilisation d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu de la base de données, la notion de partie substantielle, évaluée de façon quantitative, du contenu de la base se réfère au volume de données extrait et/ou réutilisé de la base et doit être appréciée par rapport au volume du contenu total de celle-ci.

La notion de partie substantielle, évaluée de façon qualitative, du contenu de la base de données se réfère à l’importance de l’investissement lié à l’obtention, à la vérification ou à la présentation du contenu de l’objet de l’acte d’extraction et/ou de réutilisation, indépendamment du point de savoir si cet objet représente une partie quantitativement substantielle du contenu général de la base de données protégée.

Contrefaçon du Bibendum Michelin

La contrefaçon du personnage Bibendum Michelin a été retenue.  La marque représente le personnage de bibendum, constitué de tores superposées les unes aux autres, de couleur blanche, séparées par un trait foncé. Il est rond de corps et de visage, il présente un air jovial, souriant, et une attitude dynamique, puisqu’il apparaît en train de courir. Le personnage qui figurait sur le site www.toptable.fr était en partie tronqué, toutefois, malgré des différences minimes, les juge ont considéré que le public appréhendera ces deux représentations comme concernant le même personnage.

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