Prospection Téléphonique : décision du 23 juin 2022 Cour d’appel de Dijon RG n° 20/00398

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OM/CH

S.A.R.L. [8] prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social

C/

[C] [K]

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 23 JUIN 2022

MINUTE N°

N° RG 20/00398 – N° Portalis DBVF-V-B7E-FRSW

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MACON, section ACTIVITÉS DIVERSES, décision attaquée en date du 08 Octobre 2020, enregistrée sous le n° 19/00017

APPELANTE :

S.A.R.L. [8] prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, et Me Enrique LLACER, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[C] [K]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Frédéric FOUILLAND de la SELARL AVOCATS LYONNAIS, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Mai 2022 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Olivier MANSION, Président de chambre chargé d’instruire l’affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

Marie-Françoise ROUX, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [K] (le salarié) a été engagé le 1er mars 2017 par contrat à durée indéterminée en qualité de conseiller de formation par une société, la société [8] (l’employeur).

Il a démissionné le 16 juillet 2018.

Estimant être créancier, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes qui, par jugement du 8 octobre 2020, a condamné l’employeur au paiement de diverses sommes au titre des commissions dues et de la clause de non-concurrence, mais a rejeté une partie des demandes.

L’employeur a interjeté appel le 28 octobre 2020.

Il conclut à l’infirmation du jugement sur ses condamnations, à sa confirmation pour le surplus et sollicite le paiement de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le salarié demande la confirmation du jugement uniquement sur la somme due au titre de la clause de non-concurrence et les frais irrépétibles et demande l’infirmation pour le surplus et le paiement des sommes de :

– 7 400 euros de rappel de salaire de juillet 2016 à février 2017,

– 740 euros de congés payés afférents,

– 27 718,26 euros d’indemnité pour travail dissimulé,

– 39 092,07 euros de rappel de commissions,

– 3 909,20 euros de congés payés afférents,

– 20 000 euros de dommages et intérêts pour réticence abusive au versement des commissions dues,

– 20 000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

– 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des parties échangées par RPVA les 29 mars et 13 avril 2022.

MOTIFS :

Sur l’exécution du contrat de travail :

1°) Le salarié soutient que l’employeur a exécuté de façon déloyale le contrat de travail en faisant preuve d’une résistance abusive dans le paiement des commissions.

L’employeur reconnaît devoir les commissions pour 25 515,15 euros mais indique que la condamnation par le conseil de prud’hommes pour 26 363,94 euros résulte d’une erreur matérielle.

Cependant, dans le dispositif de ses conclusions, l’employeur ne demande pas la rectification d’une telle erreur mais la confirmation du jugement sur ce point.

Le salarié réclame une somme plus importante à ce titre en soutenant que l’employeur n’a pas versé les commissions dues après mars 2018, à l’exception de celles dues en juillet 2018.

La contrat de travail prévoit des commissions dites convention, article 6.1, et des commissions dites CARED ou placement, article 6.6.

Les commissions « convention » sont dues sur la base du montant hors taxe des encaissements perçus par l’employeur, sauf en cas d’impayé ou de litige avec le client.

Les commissions « placement » sont payées sous condition du solde de la convention.

Le salarié a produit copies des contrats pro et CARED signés, y compris après mars 2018 et propose un décompte actualisé (pièce n° 12bis) tenant compte des huit contrats qui n’ont pas été payés ou soldés, d’où la somme réclamée de 26 955,96 euros au titre des commissions « convention ».

Pour les commissions CARED, le salarié demande la somme de 12 136,11 euros en indiquant que dans la liste des contrats et décomptes produits (pièces n° 12 bis, 13 et 14) aucun stagiaire n’apparaît deux fois au titre des contrats souscrits, de sorte que l’exclusion du cumul pour un même stagiaire de l’article 6.6 de l’annexe au contrat ne peut prospérer.

Si l’employeur conteste devoir plus que ce que le jugement a retenu, il ne démontre pas que les contrats [O], [B], [A] et [Z] n’ont pas été établis par le salarié, le fichier Excel produit (pièce n° 19) n’étant pas probant sur ce point.

De même, il n’apporte pas d’élément remettant en cause le calcul opéré par le salarié ni sur le cumul de contrats excluant le bénéfice des commissions dans ce cas.

Il en résulte que la demande totale du salarié sera accueillie, soit la somme de 39 092,07 euros et celle de 3 909,20 euros de congés payés afférents, ce qui implique l’infirmation du jugement.

2°) Sur la réticence au paiement, le salarié affirme que l’employeur n’a pas daigné lui verser les commissions dues en dépit de la saisine du conseil de prud’hommes.

L’employeur conteste toute réticence.

Il sera relevé que le salarié ne démontre pas de préjudice direct et certain à ce titre.

La demande de dommages et intérêts sera rejetée et le jugement infirmé.

3°) L’article 9 du contrat de travail prévoit une clause de non-concurrence.

L’employeur n’y a pas renoncé, après la démission, alors que le salarié a été embauché le 21 août 2018 par une société SPP en qualité de responsable de développement.

L’employeur en déduit que le salarié n’a pas respecté cette clause de sorte qu’il n’a pas à lui régler l’indemnité conventionnelle de non-concurrence.

Le salarié réclame la contrepartie financière de cette clause telle qu’accordée par les premiers juges.

Cet article 9 stipule que le salarié s’engage, postérieurement à la cessation de son contrat de travail, à ne pas exercer directement ou indirectement des fonctions similaires ou concurrentes à celles exercées chez l’employeur.

Cette clause est limitée à la région Rhône-Alpes et sur une durée d’un an.

Il est prévu que l’employeur puisse renoncer à cette clause à condition d’agir ainsi dans le délai de 15 jours suivant la notification de la rupture du contrat.

Enfin, cet article prévoit une contrepartie financière égale à 30 % de la rémunération mensuelle brute.

En l’espèce, l’employeur ne démontre pas avoir renoncé à cette clause dans le délai conventionnel.

Pour s’opposer au paiement de la contrepartie, il soutient que le salarié a été embauché chez un concurrent, la société [6] appartenant au même groupe que la société [5], soit le groupe Abilways.

Le salarié se présente comme responsable formation pour la région Rhône-Alpes sur son profil LinkedIn.

L’employeur justifie qu’il exerce une activité de formation en alternance par le biais de contrat d’apprentissage et de professionnalisation.

Le groupe Abilways exerce, selon lui, le même métier, de la même façon, et dans les mêmes domaines de formation, soit l’informatique et le management de projets.

Le salarié conteste cette analyse en indiquant qu’il a été recruté comme responsable du développement secteur public.

Il est établi que le salarié a été recruté par la société [6] qui exerce une activité de formation professionnelle auprès de la commande publique, soit les régions, départements, mairies et établissements publics.

Mme [P] atteste en ce sens (pièce n° 21).

L’employeur exerce une activité de formation professionnelle en informatique mais dans le secteur privé.

Les activités, si elles sont similaires, ne sont pas concurrentes puisqu’elles s’adressent à un public différent.

La preuve de la violation de la clause de non-concurrence n’est donc pas rapportée par l’employeur qui reste débiteur de la contrepartie financière justement évaluée à 16 630,95 euros.

Sur la travail dissimulé :

1°) Le salarié soutient que M. [F] et Mme [S], associés de la société G2M diffusion devenue par la suite [8], lui ont imposé de travailler à temps partiel et sous le nom d’emprunt de [M] [N] au profit de la société G2M diffusion, alors qu’il était toujours salarié d’une société [7] [Localité 9] et ce sans déclaration préalable à l’embauche ni rémunération.

M. [R] atteste en ce sens (pièce n° 22) mais sans donner de date sur la période concernée.

Il importe peu que le salarié fasse état de la situation de Mme [T], alors que seule sa propre situation doit être examinée.

Le salarié relève que l’employeur a reconnu un tel travail occulte puisqu’il admettait, devant le conseil de prud’hommes, le paiement de commissions pour la période de juillet 2016 à mars 2017, soit avant son embauche, le tableau rectificatif produit devant la cour d’appel étant occulté sur ce point.

En application de l’article L. 8221-5 du code du travail, il incombe au salarié qui demande l’application des dispositions de l’article L. 8223-1 du même code, de démontrer que l’employeur s’est intentionnellement soustrait aux obligations rappelées à l’article L. 8221-5.

Ici, l’employeur produit son registre du personnel et celui de la société [7] [Localité 9] (pièces n° 1 et 2) ce qui permet de relever que le salarié a été embauché par la société [7] [Localité 9] puis est devenu coordinateur pédagogique à temps plein puis à temps partiel à compter du 1er mars 2017, date à laquelle la société [8] l’a recruté à temps partiel en qualité de formateur.

L’employeur reconnaît l’utilisation d’un pseudonyme mais indique qu’il s’agit d’une simple décision marketing pour donner l’illusion d’un grand nombre de collaborateurs dans les centres de prospection téléphonique.

Il en résulte que le salarié ne démontre pas d’intention frauduleuse de la part de l’employeur, ce qui exclut toute indemnité pour travail dissimulé.

2°) De ce qui précède, la demande de rappel de salaire de juillet 2016 à février 2017 sera rejetée.

Sur les autres demandes :

1°) Le salarié demande des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail en invoquant avoir été victime d’un chantage à l’emploi de la part de M. [F] et Mme [S] et avoir subi une pression en recevant une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique.

Cependant, le chantage à l’emploi n’est pas démontré et l’envoi de la convocation émane de la société [7] [Localité 9] et non de l’employeur.

En conséquence, la demande de dommages et intérêts sera rejetée et le jugement confirmé.

2°) Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l’employeur et le condamne à payer au salarié la somme de 1 200 euros.

L’employeur supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par décision contradictoire :

– Infirme le jugement du 8 octobre 2020 uniquement en ce qu’il condamne la société [8] à payer à M. [K] la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour réticence abusive dans le paiement des commissions et les sommes de 26 363,94 euros de rappel de commissions et de 2 636,39 euros de congés payés afférents ;

– Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

– Condamne la société [8] à payer à M. [K] les sommes de :

* 39 092,07 euros de rappel de commissions,

* 3 909,20 euros de congés payés afférents ;

– Rejette la demande de M. [K] en paiement de dommages et intérêts pour réticence abusive dans le paiement des commissions dues ;

Y ajoutant :

– Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société [8] et la condamne à payer à M. [K] la somme de 1 200 euros ;

– Condamne la société [8] aux dépens d’appel.

Le greffierLe président

Frédérique FLORENTINOlivier MANSION

 

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