L’huissier de justice chargé de réaliser une opération de saisie contrefaçon doit, sous peine de nullité de son procès verbal, strictement respecter les termes de l’ordonnance obtenue du juge.
Dans la mesure où la saisie-contrefaçon est une mesure coercitive exorbitante de droit commun, attentatoire au principe de la concurrence et du secret des affaires, il incombe à l’huissier instrumentaire d’exécuter sa mission et ses opérations matérielles en conformité avec les prescriptions légales, afin d’éviter qu’il ne procède à une enquête comportant des interpellations, recherches et investigations qui n’auraient pas été expressément autorisées par l’ordonnance en complément de la description ou saisie, étant précisé que l’objet de la saisie-contrefaçon est avant tout la saisie descriptive et/ou réelle des objets argués de contrefaçon.
Ainsi, les termes de l’ordonnance qui autorise la saisie-contrefaçon doivent s’interpréter strictement en tenant compte de cet objet. Dans cette affaire, la mission conférée à l’huissier de justice par ordonnance, portait, au visa de l’article L 332-1 du code de la propriété intellectuelle, sur la découverte de faits de contrefaçon de droit d’auteur.
L’huissier de justice était autorisé à “faire toutes investigations, recherches et constatations utiles afin de découvrir la nature, l’origine, l’étendue, la constituante de la contrefaçon et à consigner les déclarations des répondants et toute parole énoncée au cours des opérations”, “à recueillir toutes les informations et explications utiles aux faits de la cause qui pourraient lui être fournies par les salariés et ou représentants de la société”, “à faire des recherches sur les systèmes informatiques et à copier les pages écrans et extraits de base de données et prendre copie par tous moyens de l’ensemble des documents en lien avec les actes de contrefaçon allégués”.
Si l’ordonnance autorisait l’huissier de justice à recueillir des informations et explications, celles-ci devaient être spontanées. Or, il ressort des termes du procès-verbal que l’officier public ministériel s’est livré, sous couvert de ce qu’il qualifie de “conversation”, à un véritable interrogatoire des salariés du saisi au vu des réponses des salariés, sans que les questions de l’huissier de justice ne soient transcrites. Il les a interrogés par exemple sur la raison pour laquelle un contrat avait été signé tardivement, sur la date des échanges et la production de documents. Or, ces éléments ne sont pas en relation avec les faits de contrefaçon de droits d’auteur allégués.
Par ailleurs, l’huissier de justice a procédé à l’interrogatoire d’une salariée qui est arrivée au cours des opérations et à laquelle il a posé plusieurs questions, qui là aussi, n’étaient pas en lien avec les faits allégués de contrefaçon de droit d’auteur. Ces interrogatoires ont amené les salariés à des réponses non spontanées et à remettre à l’huissier de justice divers documents.
Le dépassement de la mission de l’huissier était donc flagrant. Les violations commises des termes de l’ordonnance constituent une irrégularité de fond au sens de l’article 117 du code de procédure civile puisque les opérations effectuées par l’huissier de justice n’avaient pas été autorisées. Sans qu’il y ait lieu de justifier d’un grief, ces irrégularités affectent les opérations dans leur ensemble et commandent l’annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon.
Mots clés : Saisie contrefaçon
Thème : Saisie contrefaçon
A propos de cette jurisprudence : juridiction : Tribunal de Grande instance de Paris | Date : 4 mai 2012 | Pays : France