La propriété d’un bien inaliénable appartenant au domaine public de l’Etat ne peut se prescrire par une acquisition régulière et la bonne foi de l’acquéreur ne peut être opposée. Le jugement a été confirmé en ce qu’il a fait droit à la revendication de l’oeuvre par l’Etat et en a ordonné la restitution à son profit.
Un antiquaire belge, a mandaté une société aux fins de vendre aux enchères une copie d’un portrait en pied de l’Empereur Napoléon III peint par Aubert Ternus, qu’il avait acquis en Belgique pour un prix de 25 000 euros.
Ce tableau a été retiré de la vente et conservé par la société de vente aux enchères après réception d’une lettre du ministère de la culture revendiquant le tableau comme appartenant au domaine public de l’Etat pour avoir été commandé au peintre Aubert Ternus par l’Etat pour la ville de Thiers en 1867, le tableau devant avoir pour dimensions 2,42 m de hauteur et 1,57 m de largeur.
L’Etat a prouvé, par la production d’un extrait du livre des achats ou commandes de peintures de 1860 à 1869 qu’Aubert Ternus n’a reçu qu’une seule commande d’un portrait en pied de l’empereur Napoléon III au cours de l’année 1867, celui destiné à l’hôtel de ville de Thiers.
En partie latérale droite du châssis était mentionnée une inscription ‘ternus’ en lettres minuscules à l’encre rouge et en partie centrale sur la traverse intérieure gauche une inscription ‘AUBERT TERNUS’ en lettres capitales manuscrites, ce qui permettait d’attribuer la copie à Aubert Ternus.
Dès lors et en l’absence de doute et de confusion possible avec un tableau susceptible d’être une autre copie peinte par Ternus, l’expertise sollicitée par le propriétaire n’était pas justifiée, les différents éléments relevés établissant que le tableau litigieux était la copie réalisée pour le compte de l’Etat par Aubert Ternus, destinée à l’hôtel de ville de Thiers et livrée à la commune en 1867.
La copie de Ternus datée de 1867 est inscrite à l’inventaire du Fonds national d’art contemporain (FNAC) sous le numéro FH 867-279 signifiant que cette œuvre inscrite dans le Fonds Historique a été achetée en 1867 et est la deux cent-soixante-dix-neuvième oeuvre achetée depuis 1860, lequel numéro est porté sur le cahier d’achats pour les années 1860 à 1869. Elle appartenait donc au domaine public mobilier de l’Etat.
Avant l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2006, du code général de la propriété des personnes publiques, l’appartenance d’un bien au domaine public mobilier, laquelle s’apprécie à la date d’entrée de ce bien dans ce domaine, était subordonnée au seul critère fonctionnel tiré de son affectation à l’utilité publique (le fait que le portrait de l’empereur ait été envoyé à l’hôtel de ville de Thiers suffit à caractérise son affectation à l’utilité publique).
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 13
Anciennement Pôle 2 – Chambre 1
ARRÊT DU 06 OCTOBRE 2021
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/17628 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6BXX
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 janvier 2018 – Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 15/08868
APPELANT
Monsieur Z X
Né le […] à Tongres
[…]
[…]
R e p r é s e n t é p a r M e M a t t h i e u B O C C O N G I B O D d e l a S E L A R L L E X A V O U E PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assisté de Maîtres D MATTHYS et Yves-Bernard DEBIE, avocats à Bruxelles, substitués à l’audience du 30 juin 2021 par Me Maud PICQUET, avocate au barreau de PARIS, toque : R137
INTIMÉS
L’ETAT, représenté par le service du Domaine pris en la personne de Madame la Directrice de la Direction Nationale d’Interventions Domaniales, assisté du Ministère de la Culture
[…]
[…]
Représentée par Me Aurélien BUREL de la SELARL D4 Avocats Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : D1337
SARL D B C
[…]
[…]
Représentée par Me Jean-Loup NITOT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0208
LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D’APPEL DE PARIS
Représenté par Mme Laure de Choiseul Praslin, Avocate générale, qui a émis un avis écrit en date du 26 septembre 2019
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 juin 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant la cour composée de :
Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, chargée du rapport
Mme Estelle MOREAU, Conseillère
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Nicole COCHET, Première présidente de chambre
Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre,
Mme Estelle MOREAU, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Mme Sarah-Lisa GILBERT
ARRÊT :
— Contradictoire
— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
— signé par Mme Nicole COCHET, Première présidente de chambre et par Séphora LOUIS-FERDINAND, Greffière présente lors de la mise à disposition.
* * * * *
En 2009, M. Z X, antiquaire belge, a mandaté la Sarl D-B C aux fins de vendre aux enchères une copie d’un portrait en pied de l’Empereur Napoléon III peint par Y, qu’il avait acquis en Belgique en 2006 pour un prix de 25 000 euros.
Ce tableau a été retiré de la vente et conservé par la société de vente aux enchères après réception d’une lettre du 25 mai 2009 du ministère de la culture revendiquant le tableau comme appartenant au domaine public de l’Etat pour avoir été commandé au peintre Aubert Ternus par l’Etat pour la ville de Thiers en 1867, le tableau devant avoir pour dimensions 2,42 m de hauteur et 1,57 m de largeur.
La société D-B C a été désignée en qualité de séquestre par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris du 13 avril 2015 à la demande de l’Etat.
Par jugement du 15 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :
— dit que la copie, réalisée par Aubert Ternus, de l’oeuvre ‘ Portrait de l’Empereur Napoléon III’ peinte par Y et séquestrée judiciairement entre les mains de la société D-B C appartient au domaine public de l’Etat,
— ordonné à la société D-B C, en qualité de séquestre judiciaire, de restituer à l’Etat la copie, réalisée par Aubert Ternus, dans un délai de deux mois à compter du jugement,
— débouté M. Z X de sa demande d’indemnisation formée à l’encontre de l’Etat,
— dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamné M. Z X aux dépens,
— ordonné l’exécution par provision du jugement,
— débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
M. X a fait appel de cette décision le 13 juillet 2018 à l’encontre de l’Etat et de la société D-B C.
Par ordonnance du 19 janvier 2021, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande d’expertise.
Aux termes de ses conclusions déposées et notifiées le 17 mai 2021, M. X demande à la cour de :
— infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
Avant dire droit,
— désigner un expert avec pour mission de :
• expertiser le tableau appartenant à M. X,
• déterminer si le tableau mesuré par l’huissier de justice Llopis est celui dont il est propriétaire et qui lui a été saisi et non pas une autre des multiples copies effectuées par Aubert Ternus,
• mesurer exactement le tableau dont il est propriétaire et qui a fait l’objet de la saisie, et en attester dans un rapport contradictoire,
• dire si ce tableau correspond ou non à celui dont l’Etat prétend être propriétaire et fonde sa revendication,
A titre principal,
— déclarer mal fondée l’action de l’Etat et le débouter de sa demande,
— ordonner la restitution de l’oeuvre à son profit,
A titre subsidiaire,
— déclarer recevable et fondée son action reconventionnelle et en conséquence condamner l’Etat à lui verser la somme de 25 000 euros augmentée des intérêts compensatoires de 5% l’an à partir de la date de son achat de la copie du tableau en question, soit depuis le 20 mai 2006,
En tout état de cause,
— débouter l’Etat de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
— condamner l’Etat à lui verser la somme de 12 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
— débouter la Sarl D-B C de ses demandes, fins et conclusions,
— condamner la Sarl D-B C à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamner l’Etat aux entiers frais et dépens, en ce compris les frais d’expertise, et en tout cas aux dépens afférents à la procédure de désignation d’un séquestre, dont distraction au profit de la Selarl Lexavoué-Versailles.
Aux termes de ses conclusions déposées et notifiées le 13 mai 2021, l’Etat demande à la cour de :
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a dit que la copie réalisée par Aubert Ternus de l’oeuvre ‘Portrait de l’Empereur Napoléon III’ peinte par Y et séquestrée judiciairement entre les mains de la société D-B C appartient au domaine public de l’Etat,
— confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné la restitution de la copie à l’Etat,
— confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. X de sa demande d’indemnisation et en ce qu’il l’a condamné aux entiers dépens
— condamner M. X à lui payer la somme de 9 800 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Aux termes de ses conclusions déposées et notifiées le 30 avril 2021, la Sarl D-B C demande à la cour de :
— lui donner acte qu’elle s’en rapporte à justice sur les demandes formées et les moyens de défense soulevés,
— condamner celui qui succombera à lui payer une somme de 2 000 ‘ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Ministère public a émis le 26 septembre 2019 un avis tendant à la confirmation du jugement.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 18 mai 2021.
SUR CE,
Sur la revendication du tableau
Le tribunal a considéré qu’en dépit de la différence de 2 cm relative à la largeur du tableau entre la commande de 1867 et la mention sur le catalogue de vente, le tableau de M. X était bien la copie commandée par l’Etat, réalisée par Ternus et affectée à l’hôtel de ville de Thiers, que la seule affectation au service public de la ville de Thiers en 1837 a caractérisé, à l’époque, la qualité de bien mobilier du domaine public et qu’aucun déclassement n’est intervenu ni aucune donation par l’Etat à la ville.
M. X fait valoir que la copie objet du litige n’est pas celle commandée par Ternus en 1867 par l’Etat pour la ville de Thiers aux motifs que :
— les mesures mentionnées sur le catalogue de vente (242 x 155 cm) n’ont pas été contestées jusqu’en mars 2019 où l’Etat a fait mesurer le tableau par un huissier de justice de manière unilatérale lequel a retenu une hauteur de 242,5 cm et une largeur de 157 cm,
— les nombreuses copies réalisées ayant des mesures similaires, toute différence même d’un 1/2 cm reste importante et en tout état de cause, cette expertise (sic) est contestée et une expertise apparaît nécessaire puisque l’Etat n’apporte pas la preuve que le tableau serait d’Aubert Ternus, que la mention figurant sur le châssis de l’oeuvre et dont on ignore l’auteur est difficile à lire, qu’aucune inscription reprenant les cotes des registres de l’État ne se trouve sur le tableau ni sur son châssis et que d’autres copies dudit tableau ont été réalisées par le même copiste,
— ses propres déclarations ne peuvent constituer un aveu judiciaire ou extra-judiciaire,
— la perte du tableau n’a pas été signalée avant l’action de l’Etat contre lui soit des dizaines d’années après que la tableau a quitté le territoire français,
— il y a eu tellement de commandes de copies (540) du tableau de Y qu’énormément de cadres aux armes de l’Empire ont été créés et le tableau de la ville de Thiers n’est pas le seul à avoir bénéficié d’un cadre comparable à celui dont la commande est produite par l’Etat.
Il ajoute qu’il n’est nullement établi que cette copie appartiendrait au domaine public de l’Etat puisque :
— avant l’entrée en vigueur en 2006 du code général de la propriété des personnes publiques, les biens mobiliers étaient rattachés au domaine privé sauf « les objets présentant un intérêt historique, artistique ou scientifique dès lors qu’ils sont détenus par un service public, qui a mission d’assurer leur conservation et leur présentation au public »,
— une copie en si grand nombre ne présente pas un tel intérêt,
— de surcroît, l’Etat ne rapporte pas la preuve de l’affectation publique de cette copie, l’Etat précisant même dans ses conclusions qu’elle se trouvait dans les réserves de la mairie,
— l’Etat ne prouve pas son inscription à l’inventaire du Fonds historique,
— la ville de Thiers a très bien pu vendre ce tableau qui appartenait à son domaine privé, étant précisé que la mairie de Thiers a déménagé en 1977 dans un bâtiment moderne et que le bâtiment est devenu une médiathèque.
L’Etat répond que l’oeuvre litigieuse est celle réalisée par Ternus et commandée par l’Etat en 1867 aux motifs que :
— deux inscriptions manuscrites qui mentionnent le nom du peintre sont visibles au revers de l’oeuvre sur la traverse intérieure du châssis, selon la pratique du ministère des Beaux-Arts à l’époque,
— l’ensemble des caractéristiques mentionnées dans le catalogue de vente correspondent indéniablement à l’oeuvre commandée par l’Etat à Aubert Ternus en 1867, ainsi qu’il ressort du dossier d’achat de l’oeuvre conservé aux archives nationales et notamment des commandes au peintre et à l’encadreur s’agissant du cartouche ‘donné par l’Empereur 1867″,
— l’argument relatif à la différence minime de dimension peut s’expliquer par un redimensionnement ou un non respect des dimensions par l’artiste et en réalité, le constat d’huissier réalisé le 14 mars 2019 lorsque l’Etat a pris possession du tableau a permis d’établir avec certitude que les dimensions exactes correspondaient à la commande, à 0,5 cm près,
— la base Arcade (base informatique retraçant l’histoire des oeuvres d’art acquises, commandées ou gérées par l’Etat et les collectivités territoriales, de 1800 à 1969) indique deux fiches relatives au portrait de l’Empereur Napoléon III par Aubert Ternus, mais ne concerne qu’une seule et même copie : le premier document côté sous le numéro F/21/183 concerne l’artiste (Aubert Ternus) et réunit l’ensemble des échanges relatifs à la commande et l’achat entre l’administration des Beaux-arts et l’artiste et le second côté sous le numéro F/21/400 concerne l’oeuvre indiquée dans la côte précédente (« Portrait en pied de S.M. l’Empereur ») et réunit les échanges relatifs à la vie de l’oeuvre,
— l’oeuvre a été inscrite à l’inventaire du fonds national d’art contemporain (FNAC) et y porte le numéro FH 867-279 qui correspond au numéro d’inscription porté sur le cahier d’achats pour les années 1860 à 1869,
— l’Etat a démontré, sans que M. X ne le conteste, que la Maison de l’Empereur n’a demandé qu’une seule copie à Aubert Ternus dudit tableau,
— M. X n’apporte aucun commencement de preuve de l’existence d’autres copies de Ternus.
Il ajoute que l’appartenance au domaine public est incontestable puisque :
— le bien est inscrit à l’inventaire FNAC,
— avant l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2006, du code général de la propriété des personnes publiques, l’appartenance d’un bien au domaine public mobilier, laquelle s’apprécie à la date d’entrée de ce bien dans ce domaine, était subordonnée au seul critère fonctionnel tiré de son affectation à l’utilité publique,
— le tableau a été affecté au service public puisqu’il a été expédié à l’Hôtel de Ville de Thiers, c’est-à-dire dans une administration publique, une affectation effective à l’usage direct du public n’étant pas une condition nécessaire pour qualifier un bien comme relevant du domaine public,
— la copie réalisée par Ternus est inaliénable et les règles de la domanialité publique font obstacle à l’application de l’article 2279 du code civil,
— un bien relevant du domaine public est imprescriptible.
sur l’identité du tableau revendiqué
La description faite du tableau dans la Gazette de Drouot mentionnait : ‘ Portrait en pied de l’empereur Napoléon III – Huile sur toile ‘ 242 x 155 cm – Cadre d’époque à fronton aux armes de l’Empire. Au bas de ce cadre apparaît l’inscription : Donné par l’empereur ‘ 1867.’
Il ressort du dossier d’achat de l’oeuvre conservé aux Archives nationales que :
— par lettre du 2 mars 1867, le sénateur surintendant des Beaux-Arts a informé Aubert Ternus que le ministre de la Maison de l’Empereur et des Beaux-Arts l’avait chargé d’exécuter une copie du portrait de l’empereur d’après l’oeuvre du peintre F. X. Y, laquelle devait avoir pour dimensions 2,42m de hauteur et 1,57m de largeur,
— par lettre du 20 juin 1867, le chef de la division des Beaux-Arts a certifié que Ternus avait terminé et livré l’oeuvre commandée,
— par lettre du 8 octobre 1867, le ministre de la Maison de l’Empereur et des Beaux-Arts a informé le préfet du Puy-de-Dôme qu’un portrait ‘en pied de sa Majesté l’Empereur d’après M. Y’ avait été accordé à la Ville de Thiers,
— par lettre en date du 10 octobre 1867, le maire de Thiers a indiqué au préfet qu’il souhaitait que l’encadrement soit réalisé à Paris, conformément à la proposition faite par le ministre.
M. X soutient que l’oeuvre acquise par lui ne peut être celle attribuée à la ville de Thiers en raison d’une différence de deux centimètres s’agissant de la largeur du tableau.
Or, le constat d’huissier établi le 14 mars 2019 après que l’Etat a été mis en possession du tableau , qui n’est pas une expertise, contrairement à ce que soutient M. X, mais un acte dont les mentions relatives à ce que l’huissier de justice a constaté font foi jusqu’à inscription de faux, et qui a eu pour but de mesurer une hauteur de 242,5 cm et une largeur de 157 cm, ce qui ne détermine plus qu’un écart d’un demi-centimètre en hauteur, lequel n’apparaît aucunement significatif.
Alors qu’il n’est pas contesté que le tableau de l’empereur Napoléon III peint par Y a été copié à la demande de l’Etat en plusieurs centaines d’exemplaires et par de multiples artistes, en pied ou à mi-corps, les documents produits par M. X sont en majeure partie illisibles et totalement inexploitables et si deux d’entre eux font état de vente de copies du même tableau par Aubert Ternus, la date de leur réalisation et de la vente aux enchères sont inconnues, de sorte qu’ ils n’établissent pas l’existence d’une autre copie effectuée par Aubert Ternus au cour de l’année 1867. A l’inverse, l’Etat prouve, par la production d’un extrait du livre des achats ou commandes de peintures de 1860 à 1869 qu’Aubert Ternus n’a reçu qu’une seule commande d’un portrait en pied de l’empereur Napoléon III au cours de l’année 1867, celui destiné à l’hôtel de ville de Thiers.
En partie latérale droite du châssis est mentionnée une inscription ‘ternus’ en lettres minuscules à l’encre rouge et en partie centrale sur la traverse intérieure gauche un inscription ‘AUBERT TERNUS’ en lettres capitales manuscrites, ce qui permet d’attribuer la copie à Aubert Ternus, l’allégation de M. X selon laquelle ces mentions ont manifestement été rajoutées ne bénéficiant d’aucun commencement de preuve et le fait que ni la toile ni le châssis ne portent le numéro d’inventaire FH 867-279 étant sans incidence puisque la date d’attribution de ce numéro n’est pas connue et peut être postérieure à livraison du tableau à la ville de Thiers.
La commande faite à l’encadreur le 14 novembre 1867 énonce que les armes de ‘SM’ seront placées en hauteur et ornées de chêne et de laurier qu’un cartel en bas de l’encadrement portera la mention ‘Donné par S.M. l’Empereur 1867″ et tant les armes impériales bordées de feuilles de chêne et de laurier que le cartel se retrouvent sur le cadre que le commissaire priseur a annoncé d’époque, alors que les quelques photographies produites aux débats de copies du tableau représentant l’empereur en pied ou à mi-corps ne montrent pas de cadre correspondant à la description de la commande.
Dès lors et en l’absence de doute et de confusion possible avec un tableau susceptible d’être une autre copie peinte par Ternus, l’expertise sollicitée par M. X n’est pas justifiée, les différents éléments relevés établissant que le tableau litigieux est la copie réalisée pour le compte de l’Etat par Aubert Ternus, destinée à l’hôtel de ville de Thiers et livrée à la commune en 1867.
sur son appartenance au domaine public
La copie de Ternus datée de 1867 est inscrite à l’inventaire du Fonds national d’art contemporain (FNAC) sous le numéro FH 867-279 signifiant que cette oeuvre inscrite dans le Fonds Historique a été achetée en 1867 et est la deux cent-soixante-dix-neuvième oeuvre achetée depuis 1860, lequel numéro est porté sur le cahier d’achats pour les années 1860 à 1869. Elle appartient donc au domaine public mobilier de l’Etat.
En tout état de cause, avant l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2006, du code général de la
propriété des personnes publiques, l’appartenance d’un bien au domaine public mobilier, laquelle s’apprécie à la date d’entrée de ce bien dans ce domaine, était subordonnée au seul critère fonctionnel tiré de son affectation à l’utilité publique et le fait que le portrait de l’empereur ait été envoyé à l’hôtel de ville de Thiers suffit à caractérise son affectation à l’utilité publique.
La propriété d’un bien inaliénable appartenant au domaine public de l’Etat ne peut se prescrire par une acquisition régulière et la bonne foi de l’acquéreur ne peut être opposée.
En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu’il a fait droit à la revendication de l’oeuvre par l’État et en a ordonné la restitution à son profit.
Sur l’indemnisation de M. X
Le tribunal a rejeté la demande de M. X aux motifs que les articles 1240 et 1241 du code civil sont inapplicables s’agissant de la responsabilité pour faute de l’Etat telle qu’elle ressort de la compétence des juridictions judiciaires et que la demande s’analyse en une demande de compensation du prix de l’oeuvre qui ne peut s’exercer que contre le vendeur et non contre l’Etat.
M. X soutient sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil que :
— l’Etat a manqué à son devoir de veiller à ce que la copie soit utilisée à son affectation à l’utilité publique et de contrôler la situation jusqu’en 2009,
— il a commis une faute qui lui cause un préjudice équivalent au prix d’achat de l’oeuvre soit 25 000 euros puisque sans sa négligence, il n’aurait pas acquis de bonne foi la copie.
L’Etat, reprenant les motifs du jugement considère que M. X est irrecevable à réclamer une quelconque indemnisation.
La responsabilité de l’Etat, hors exception ne s’appliquant pas à la demande de M. X, ne relève pas des articles 1240 et 1241 du code civil pour les dommages causés aux particuliers et l’autorité administrative est seule compétente pour en connaître. Le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté M. X de sa demande d’indemnisation pour faute de l’Etat.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dépens d’appel doivent incomber à M. X, partie perdante.
Il sera également condamné à payer à l’Etat la somme de 4 000 euros et à la société D-B C celle de 2 000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Rejette la demande d’expertise,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Condamne M. Z X aux dépens,
Condamne M. Z X à payer à l’Etat la somme de 4 000 euros et à la Sarl D-B C celle de 2 000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE