En application de l’article L511-3 du Code de la propriété intellectuelle, un modèle est nouveau si, à la date du dépôt de la demande d’enregistrement ou à la date de la priorité revendiquée, aucun modèle n’a été divulgué (c’est à dire rendu accessible au public par tout moyen selon l’article L511-6). La preuve de cette nouveauté a été contestée avec succès par le concurrent du déposant poursuivi pour contrefaçon de modèle de bijou.
Les dessins sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants.
Au sens des articles L 511-9, L513-1 et L 513-2 du CPI, l’enregistrement d’un dessin ou modèle confère un droit de propriété à son titulaire, considéré comme créateur, et lui octroie, sauf preuve contraire, le bénéficie de la protection correspondante à compter du dépôt de la demande.
A défaut de consentement du propriétaire du dessin ou modèle, la fabrication, l’offre, la mise sur le marché et l’utilisation ou la détention à ces fins, d’un produit incorporant le dessin ou modèle, sont interdits (L513-4).
Par ailleurs, selon le Convention n°1794-PR du 7 avril 2014 portant accord entre la Polynésie française et l’INPI relatif à l’extension des titres de propriété industrielle (accord d’extension), un titre de propriété industrielle déposé auprès de l’lNPI doit, pour bénéficier d’une protection en Polynésie, faire l’objet, à compter du 1er février 2014, d’une revendication d’extension et d’un arrêté portant extension. Le titre étendu produit ses effets sur le territoire à compter de son dépôt à l’INPI.
Pour être protégé à titre de dessin ou modèle, l’apparence d’un produit ou d’une partie du produit caractérisée en particulier par ses lignes, ses contours, ses couleurs, sa forme, sa texture ou ses matériaux. Ces caractéristiques peuvent être celles du produit lui-même ou de son ornementation (L511-1 du CPI). Seul peut être protégé le dessin ou modèle qui est nouveau et présente un caractère propre (L511-2).
Toute atteinte portée aux droits du propriétaire d’un dessin ou modèle, tels qu’ils sont définis aux articles L513-4 à L513-8, constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D’APPEL DE PAPEETE
Chambre Commerciale
Audience du 24 juin 2021
RG 18/00257 ;
Décision déférée à la Cour : jugement CG-45, rg 2017/000199 du Tribunal mixte de commerce de Papeete du 27 avril 2018 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 24 juillet 2018 ;
Appelante :
Mme D I J K E, exerçant sous l’enseigne commerciale D Perles, inscrite au Rcs de Papeete sous le n° 131732 A, […] dont le siège social est sis à Faa’a lot […], […] ;
Ayant avocat postulant la Selarl Fenuavocats, représentée par Me Christophe ROUSSEAU-WIART, avocat au barreau de Papeete et pour avocat plaidant la Selarl Wyzer Law, représentée par Me Philippe PRADAL ;
Intimés :
M. B H C, exerçant à l’enseigne commerciale The Black Pearl Center, inscrit au Rcs de Papeete sous le n°43038 A, […], dont le siège social est sis […], immeuble […] ;
Représenté par Me Miguel GRATTIROLA, avocat au barreau de Papeete ;
M. A X, représentant des créanciers et commissaire à l’exécution du plan de redressement de M. B C, […] ;
Ayant conclu ;
Ordonnance de clôture du 8 janvier 2021 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique ou non publique du 8 avril 2021, devant Mme DEGORCE, conseiller faisant fonction de président, M. RIPOLL, conseiller, Mme TISSOT, vice-présidente placée auprès du premier président, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par M. RIPOLL, conseiller et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
Faits et procédure :
Le 20 mai 2016 D E, responsable d’une boutique à l’enseigne «D Pearl», située à Papeete et vendant des bijoux en perles de Tahiti de sa fabrication, faisait établir un procès-verbal par huissier de justice aux fins de voir constater que B C, commerçant propriétaire de la boutique «The black pearl», se trouvant également à Papeete, et de l’atelier de fabrication attenant commercialisait une collection de bijoux en forme de «V» dénommé Venus dont elle avait déposé les modèles à l’institut national de la propriété industrielle (l’INPI).
Par jugement du 13 février 2017, le tribunal de mixte de commerce de Papeete ouvrait une procédure de redressement judiciaire à l’égard de B C, ayant pour activité principale la fabrication d’articles de joaillerie et la bijouterie, sous les enseignes «The black pearl center» et «GLF création». A X était nommé représentant des créanciers et un juge commissaire était désigné.
Par requête enregistrée le 22 février 2017 et assignation délivrée le 16 février 2017, D E, invoquant une contrefaçon des bijoux de sa collection Venus, demandait au tribunal de mixte de commerce de’condamner B C à’:
— Retirer de la vente les bijoux contrefaits sous astreinte de 100.000 FCP par jour de retard,
— Lui payer la somme de 5.000.000 FCP à titre de dommages-intérêts.
Par jugement du 27 avril 2018 signifié le 24 mai 2018, le tribunal de commerce déboutait D E de ses demandes présentées pour contrefaçon de modèles au motif qu’elle ne justifiait pas que le certificat d’identité de son modèle de bijou avait fait l’objet d’une reconnaissance par les autorités de la Polynésie française.
Par jugement du 22 octobre 2018, le tribunal de commerce adoptait un plan de redressement par voie de continuation en faveur de B C et désignait M. X en qualité de commissaire à l’exécution du plan.
Par ordonnance du 10 décembre 2019, le juge commissaire au redressement judiciaire de B C admettait, conformé-ment à l’état des créances établi le 25 janvier 2018 par M. X, la créance de D E pour un montant de 5.000.000 FCP au titre de son préjudice pour l’instance en cours.
Demandes et moyens des parties :
Par requête enregistrée le 25 juillet 2018, D E formait appel du jugement rendu le 27 avril 2018 par le tribunal de commerce, sollicitait son infirmation et demandait à la cour de’:
— Condamner D E à des dommages-intérêts pour les sommes suivantes’:
9.600.000 FCP, en réparation de la baisse du chiffre d’affaires,’
12.000.000 FCP, en réparation de la désorganisation,
2.000.000 FCP, en réparation du préjudice moral et de réputation,
— En conséquence, le condamner à détruire les colliers contrefaits,
— Et à titre principal’:
— dire que les colliers de la collection Venus qu’elle a créés bénéficient de la protection des dessins et modèles et des droits d’auteur,
— constater que B C s’est livré à des actes de contrefaçon de colliers de la collection Vénus et, en particulier, des modèles 20162052-002 (5 perles) et 20162052-004 (7 perles),
— le condamner à détruire les colliers contrefaits et à publier des excuses publiques dans son journal de son choix distribué à Tahiti,
— Ou à titre subsidiaire’: dire que B C s’est livré à des actes de parasitisme, en particulier, dans sa commercialisation des modèles 20162052-002 et 20162052-004.
Par conclusions récapitulatives reçues le 2 mai 2019, D E réitère les demandes formulées das sa requête d’appel sauf à deman-der à la cour de fixer ses créances au passif de B C au lieu de le condamner au paiement de dommages-intérêts.
Au soutien de ses demandes, D E fait valoir que’:
— Elle bénéficie de la protection spéciale des dessins et modèles dès lors que la forme de ses bijoux est nouvelle, a un caractère propre et apparent et est séparable de sa fonction utilitaire (article L511-8 CPI),
— La charge de la preuve, en matière de contestation de dessins et modèles, incombe à chaque partie pour les faits nécessaires au succès de leurs prétentions (article 4 du code de procédure civile de la Polynésie française),
— Par ailleurs, elle a déposé et fait enregistrer les 9 dessins et modèles de ses bijoux à l’INPI, qui portent le numéro 20162052, conformément aux articles L513-2 et L411-1 du CPI, et a demandé l’extension de la protection au territoire de la Polynésie française qui a donné lieu à un arrêté du 8 août 2016,
— Compte tenu de cet enregistrement, elle détient un monopole d’exploitation (articles L 513-2 et L513-4 du CPI),
— En application des articles L521-1 et L513-4 à L513-8 du CPI, elle bénéficie d’une protection contre les atteintes au droit des dessins et modèles par des actes de contrefaçon, qui sont établis par le procès-verbal de constat du 20 mai 2016,
— Ces actes lui ont causé des préjudices indemnisables conformément aux articles L521-7 et L521-8 du CPI,
— A titre subsidiaire, si la cour ne retenait pas la protection de ses oeuvres au titre des dessins et modèles, elle pourra la retenir au titre du droit d’auteur, compte tenu du principe du cumul de ces deux protections,
— Elle a la qualité d’auteure de colliers (articles L111-1 et L113-1 du CPI), qui sont des créations protégées par le droit d’auteur, originales (article L112-1 du CPI),
— B C a commis des actes de contrefaçon au sens de l’article L335-3 du CPI, en 2016 et 2017, qui lui ont causé divers préjudices,
— A titre très subsidiaire, B C en vendant des colliers contrefaits a parasité son activité et lui a causé une perte de chiffre d’affaires,
Par conclusions récapitulatives reçues le 8 juillet 2020, B C demande à la cour de confirmer le jugement du 27 avril 2018 et débouter B C de ses demandes et en l’absence de nouveauté et de caractère propre du dessin :
— Prononcer la nullité de l’enregistrement du dessin comme n’étant pas conforme aux dispositions des articles L511-1 à L511-8 au sens de l’article L512-4 du code de la propriété intellectuelle (le CPI),
— Dire que cette annulation sera inscrite au registre national et à l’office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle et publiée dans un journal local aux frais exclusifs de D E,
— Dire qu’il n’y a pas lieu à contrefaçon et que D E n’est pas l’auteure du collier V avec perles noires de Tahiti et ne peut se prévaloir de la protection de ces colliers en V,
— Dire qu’il n’a commis aucun acte de parasitisme,
— Y ajoutant, dire qu’il a fait l’objet d’une procédure collective et, en conséquence, déclarer’:
— inopposable la créance de D E, qui n’a pas été déclarée,
— irrecevable sa requête du 22 février 2019 en raison de l’arrêt des poursuites individuelles.
B C invoque que’:
— Bien que D E a fait enregistrer 9 dessins de bijoux sur le site INPI le 17 avril 2016 et a fait reconnaître par les autorité du Pays le certificat d’identité de ses modèles délivré par l’INPI, le 29 juillet 2016 (arrêté du 8 août 2016 portant extension de cet enregistrement en en Polynésie française), elle ne peut bénéficier d’une protection ni au titre du droit des dessins et modèles ni au titre du droit d’auteur,
— Elle ne peut bénéficier d’une protection au titre du droit des dessins et modèles, faute de nouveauté (défini par l’article L511-3 du CPI) et de caractère propre ou individuel comme le prévoit l’article L511-2,
— De surcroît, en application de l’article L512-4 du CPI, l’enregistrement du dessin est nul pour défaut de conformité aux articles L511-1 à L511-8,
— D E ne peut bénéficier d’une protection au titre du droit d’auteur faute d’originalité des bijoux (originalité créative, révélatrice de sa personnalité) comme l’exige la Cour de cassation,
— Le design en V est de notoriété polynésienne,
— D E ne rapporte la preuve des préjudices qu’elle invoque ni d’un lien de causalité avec les faits qu’elle lui reproche,
— Elle ne démontre pas l’existence d’actes de parasitisme, forme de la concurrence déloyale,
— D E n’a pas déclaré sa créance au passif antérieurement à l’engagement de la procédure mais postérieurement et faute de relevé de forclusion, elle est inopposable à la procédure collective en application de l’article L622-26 du code de commerce,
— conformément à l’article L622-1 qui prévoit que le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers du débiteur, sa requête devant le tribunal de première instance, qui a été enregistrée le 22 mars 2017 postérieurement au jugement d’ouverture du 13 février 2017, est irrecevable.
Par conclusions récapitulatives déposées le 22 septembre 2020, M. X, commissaire à l’exécution du plan de redressement de B C, demande à la cour, sur le fondement des articles L621-40 et suivants du code de commerce de la Polynésie française, de constater l’irrecevabilité des demandes de D E quant à l’attribution d’une somme d’argent ou la fixation d’une créance au titre des préjudices qu’elle aurait subis avant l’ouverture de la procédure collective.
M. X soutient que’:
— D E a introduit sa requête en paiement d’une créance antérieure, postérieurement à l’ouverture de la procédure collective,
— Sa demande ne constitue pas une instance en cours au sens de l’article L621-41 du code de commerce de la Polynésie française et lui est interdite en application de l’article L621-40,
— La créance antérieure de D E a été déclarée au fond conformément à l’article L621-43 du code de commerce et a été arrêtée par le juge commissaire au titre de l’instance en cours dès lors que son admission en dépend,
— Cette créance indemnitaire ne saurait être fixée dans l’instance en cours, introduite après l’ouverture de la procédure collective et la demande en ce sens est irrecevable.
La clôture des débats a été ordonnée le 8 janvier 2021 et l’audience des débats fixée au 11 mars 2021. A cette audience, l’affaire a été mise en délibéré au 24 juin 2021.
Sur la recevabilité de l’appel :
L’appel formé le 25 juillet 2018 par D E contre le jugement déféré rendu le 27 avril 2018 signifié le 24 mai 2018, est recevable comme ayant été interjeté dans les formes et délais prescrits par les articles 328 à 338 du code de procédure civile de la Polynésie française
Motifs :
Sur les actes de contrefaçon :
Sur validité des enregistrements des modèles :
En application des articles L 511-9, L513-1 et L 513-2 du code de la propriété intellectuelle (le CPI), l’enregistrement d’un dessin ou modèle confère un droit de propriété à son titulaire, considéré comme créateur, et lui octroie, sauf preuve contraire, le bénéficie de la protection correspondante à compter du dépôt de la demande.
L’article L513-4 dispose qu’à défaut de consentement du propriétaire du dessin ou modèle, la fabrication, l’offre, la mise sur le marché et l’utilisation ou la détention à ces fins, d’un produit incorporant le dessin ou modèle, sont interdits.
Par ailleurs, selon le Convention n°1794-PR du 7 avril 2014 portant accord entre la Polynésie française et l’INPI relatif à l’extension des titres de propriété industrielle (accord d’extension), un titre de propriété industrielle déposé auprès de l’lNPI doit, pour bénéficier d’une protection en Polynésie, faire l’objet, à compter du 1er février 2014, d’une revendication d’extension et d’un arrêté portant extension. Le titre étendu produit ses effets sur le territoire à compter de son dépôt à l’INPI.
En l’espèce, le 17 avril 2016, D E a fait enregistrer à l’INPI 9 modèles de bijoux dénommés «Venus» en perles de Tahiti en forme de «V» avec «un fil passant entre celles-ci» (enregistrés sous le numéro 20162052 et suivis, selon les modèle, de 3 chiffres compris entre 001 à 009). Conformément à l’accord d’extension précité, elle a fait reconnaître par les autorités du Pays le certificat d’identité de ses modèles délivré par l’INPI, suivant arrêté d’extension du 8 août 2016 (classe 11′: objets d’ornement et numéros 984096).
D E, qui a donc régulièrement procédé à l’enregistrement et à son extension, détient un monopole d’exploitation et bénéficie de la protection spéciale des dessins et modèles dans les conditions prévues par le CPI pour les 9 modèles de bijoux déposés.
Sur la protection au titre du droit des dessins et modèles :
Selon l’article L511-1 du CPI, pour être protégé à titre de dessin ou modèle, l’apparence d’un produit ou d’une partie du produit caractérisée en particulier par ses lignes, ses contours, ses couleurs, sa forme, sa texture ou ses matériaux.
Ces caractéristiques peuvent être celles du produit lui-même ou de son ornementation.
L’article L511-2 précise que seul peut être protégé le dessin ou modèle qui est nouveau et présente un caractère propre.
L’article L521-1 dispose que toute atteinte portée aux droits du propriétaire d’un dessin ou modèle, tels qu’il sont définis aux articles L513-4 à L513-8, constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur.
Il résulte des conclusions des parties et des pièces versées aux débats que la protection des bijoux argués de contrefaçon est revendiquée eu égard à la disposition des perles de culture de Tahiti en forme en V sur un support (avec un rang simple, dont un modèle avec 5 perles, ou avec des rangs multiples)
En l’espèce, pour démontrer que B C a reproduit et commercialisé les 9 modèles protégés et commis des actes de contrefaçon, l’appelante verse aux débats un procès-verbal de constat établi le 20 mai 2016 dans lequel’:
— elle expose que ses bijoux ont fait l’objet de copies,
— l’huissier de justice constate que les modèles de bijoux fabriqués et vendus par B C sont «identiques» aux modèles fabriqués et vendus par la requérante.
Sont intégrés dans le procès-verbal’:
— 9 photographies de modèles de D E (dont celui en V avec un rang unique de 5 perles),
— 5 photographies de la boutique et de l’atelier de fabrication de B C (dont 3 représentent les colliers argués de contrefaçon correspondant au modèle de 5 perles enregistré sous le numéro 20162052-002).
Sur la nouveauté du modèle :
L’article L511-3 du CPI définit le caractère nouveau d’un dessin ou modèle. Il dispose qu’un modèle est nouveau si, à la date du dépôt de la demande d’enregistrement ou à la date de la priorité revendiquée, aucun modèle n’a été divulgué (c’est à dire rendu accessible au public par tout moyen selon l’article L511-6). Les dessins sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants.
En l’espèce, le constat du 20 mai 2016 établit qu’à cette date, le modèle de 5 perles fabriqué et vendu par B C était identique à celui enregistré par D E sous le numéro se terminant par 002. Aucune autre pièce ne démontre que l’intimé a commercialisé un ou plusieurs des 8 autres modèles bénéficiant de la protection.
Par ailleurs, l’enregistrement du modèle ne fait pas la preuve de son antériorité. En outre, dans une attestation sur l’honneur établie le 5 février 2018, F G, bijoutier, déclare que 30 ans auparavant, il avait fabriqué et vendu des bijoux en V dit Venus montés sur une chaîne.
La nouveauté des modèles de bijoux arguée de contrefaçon ne résulte pas des documents versés aux débats.
Sur le caractère propre du modèle :
L’article L511-2 CPI définit le caractère propre d’un dessin ou modèle. Le modèle a un caractère propre lorsque l’impression visuelle d’ensemble qu’il suscite chez l’observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulguée avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée. Pour l’appréciation du caractère propre, il est tenu compte de la liberté laissée au créateur de la réalisation du dessin on du modèle.
Le modèle de 5 perles en V, qui résulte d’un montage, selon cette forme, de perles de Tahiti sur un fil sans autre élément d’identification n’était pas susceptible de produire, au moment du constat, chez un observateur avisé, une impression d’ensemble différente par rapport à un modèle déjà divulgué. Les caractéristiques de ce modèle comme les 8 autres ayant fait l’objet de l’enregistrement ne présentent pas de signes distinctifs suffisants permettant de les différencier d’autres modèles de colliers divulgués antérieurement.
Sur la protection au titre du droit d’auteur :
Il résulte de l’article L112-2 et L 112-4 du CPI que l’auteur d’une oeuvre de l’esprit comme les dessins et modèles jouit sur son oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous et bénéficie de la protection du droit d’auteur prévue aux articles L111-1 et suivants s’il présente un caractère original.
L’article L335-3 incrimine et réprime les actes de contrefaçon consistant en la reproduction, la représentation ou la diffusion d’une oeuvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur.
En l’espèce, l’originalité invoquée réside dans l’assemblage, sur un fils, de 5 perles de Tahiti en V de colliers. Or, cette forme et le nombre de perles ne révèlent pas une oeuvre créative de son auteur ayant un caractère personnel et ne caractérisent pas l’empreinte de la personnalité de celui-ci
Faute d’originalité, il n’y a pas atteinte au droit d’auteur de D E.
La preuve de la contrefaçon alléguée n’est donc pas rapportée.
Sur les actes de parasitisme :
A titre très subsidiaire, D E invoque que B C en vendant des colliers contrefaits, a parasité son activité et lui a causé une perte de chiffre d’affaires.
D E ne rapporte pas la preuve d’actes particuliers de concurrence déloyale constitutifs de parasitisme commis par B C lui ayant causé un préjudice économique.
Sur la fixation de créances au titre de dommages-intérêts :
En application des articles L621-40 et L621-41 du code de commerce, le jugement d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire suspend toute action en justice et une demande présentée postérieurement à ce jugement aux fins de condamnation ou de fixation d’une créance ayant son origine antérieurement n’est pas une instance en cours et n’est pas recevable.
D E sollicite la fixation de créances correspondant à différents postes de préjudice.
Il résulte de la procédure que la procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l’égard de B C, par jugement du 13 février 2017 et que D E a déposé sa requête devant le tribunal de première instance, le 22 février 2017, soit postérieurement.
Conformément à l’article L621-40 et suivants du code de commerce, D E a déclaré sa créance auprès du représentant des créanciers qui l’a inscrite, le 25 janvier 2016 pour la somme initialement sollicitée à titre de dommages-intérêts, soit 5.000.000 FCP, avec la mention «requête introduite postérieurement le 22 février 2017 tendant à retirer de la vente des bijoux de contrefaçon». Le juge commissaire, sous cette réserve, a arrêté l’état des créances en retenant cette somme, par ordonnance du 10 décembre 2019.
Toutefois, la régularité de la déclaration de créance par D E ne saurait faire échec au principe général de la suspension des poursuites édicté par les articles L621-40 et L621-41 précités.
Les demandes de fixation de créances formulées par D E seront, en conséquence, déclarées irrecevables.
Sur la demande reconventionnelle en nullité de l’enregistrement :
En application des articles L512-4 et L 512-6 du CPI, s’il n’est pas conforme aux dispositions des articles L511-1 à L511-8, l’enregistrement d’un dessin ou modèle est déclaré nul, totalement ou partiellement, par une décision judiciaire, qui a un effet absolu et est inscrite au registre national des dessins et modèles (article L513-3).
Comme indiqué précédemment, les caractères nouveau et propre des modèles enregistrés auprès de l’INPI et ayant donné lieu à un arrêté d’extension ne sont pas établis. En conséquence, les enregistrements sous le numéro 20162052 des 9 modèles ne sont pas conformes à l’article L511-2 et ne peuvent qu’être déclarés nuls. Le présent arrêt sera inscrit au registre prévu à l’article L513-3.
Il n’y a pas lieu de faire droit aux autres demandes d’inscription de l’intimé qui ne sont pas expressément prévues par les dispositions du code de la propriété intellectuelle applicables en Polynésie française.
En application de l’article 406 du même code, D E qui succombe sera condamnée aux dépens exposés en appel et en première instance qui pourront être recouvrés dans les conditions prévues à l’article 409 du même code.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;
Déclare recevable l’appel formé par D E ;
Infirme le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
Déclare irrecevables les demandes formulées par D E ;
Prononce la nullité des enregistrements faits le 17 avril 2016, par D E, à l’institut national de la propriété industrielle des modèles 20162052-001, 20162052-002, 20162052-003, 20162052-004, 20162052-005, 20162052-006, 20162052-007, 20162052-008 et Z et ayant fait l’objet d’un arrêté d’extension en Polynésie française du 8 août 2016 sous les numéros 984088 à 984096 ;
Ordonne l’inscription du présent arrêt au registre national des dessins et modèles ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne D E aux dépens exposés en appel et en première instance qui pourront être recouvrés dans les conditions prévues à l’article 409 du code de procédure civile de la Polynésie française.
Prononcé à Papeete, le 24 juin 2021.
Le Greffier, P/Le Président empêché,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : G. RIPOLL