Propriété intellectuelle : Imation Europe BV: 15 millions d’euros de copie privée

Notez ce point juridique

Copie France a obtenu la condamnation de la société Imation Europe BV à lui payer la somme de près de 15 millions d’euros correspondant à la rémunération pour copie privée éludée pour la période de 2011 à 2017.

Les dispositions d’une directive, même claires et précises, ne permettent pas, dans un litige entre particuliers (Copie France étant considérée comme telle), d’écarter une norme nationale contraire. Il en résulte que, lorsque le juge administratif a annulé un acte administratif (barème de la copie privée) en différant les effets de cette annulation, le juge judiciaire n’a pas le pouvoir, dans un litige entre particuliers, d’écarter l’application de cet acte au motif qu’il serait contraire à une directive.

Copie France organisme non étatique

Pour rappel, une cour d’appel avait relevé que les décisions no 7 et 11 de la commission copie privée étaient contraires à la directive 2001/29/CE et retenu que la société Copie France n’était pas assimilable à un organisme étatique ou para-étatique auquel un particulier pouvait opposer directement une directive européenne. Il en résulte qu’elle n’avait pas le pouvoir d’écarter les décisions précitées pendant la période au cours de laquelle elles demeuraient applicables.

Contexte du litige

La société Imation France, qui a commercialisé des CD et DVD en France, a payé à la Société pour la perception de la rémunération de la copie privée audiovisuelle et sonore (la société Copie France) les redevances fixées par les décisions de la commission instituée à l’article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle (la commission copie privée).

La directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, dont le délai de transposition est venu à expiration le 22 décembre 2002, énonce en son article 5, (paragraphe 2, sous b), que les États membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou limitations au droit de reproduction prévu à l’article 2 « lorsqu’il s’agit de reproductions effectuées sur tout support par une personne physique pour un usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales, à condition que les titulaires de droits reçoivent une compensation équitable. »

Par arrêt du 11 juillet 2008 (Simavelec, no 298779), le Conseil d’Etat a annulé la décision no 7 du 20 juillet 2006 de la commission copie privée au motif que la rémunération qui y était prévue compensait des copies de sources illicites. Il a différé les effets de cette nullité jusqu’à l’expiration d’un délai de six mois passé la notification de la décision au ministre de la culture, soit, en pratique, jusqu’au 11 janvier 2009.

A la suite de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 21 octobre 2010 (Padawan, C-467/08), il a, par arrêt du 17 juin 2011 (Canal + Terminaux e.a., no 324816, 325439, 325468, 325469), annulé la décision no 11 de cette commission au motif que les barèmes arrêtés par cette décision soumettaient à la rémunération pour copie privée l’ensemble des supports concernés sans possibilité d’exclure ceux à usage professionnel. Il a prévu que l’annulation ne serait effective qu’à compter de l’expiration d’un délai de six mois à compter de sa notification.

La société de droit néerlandais Imation Europe BV, venant aux droits de sa filiale française, la société Imation France (la société Imation), et estimant que le régime français de la rémunération pour copie privée n’était pas conforme à la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001, a assigné la société Copie France en remboursement des sommes indûment versées, selon elle, depuis le 22 décembre 2002 et en dommages-intérêts.

La société Copie France a présenté une demande reconventionnelle en paiement des sommes dues depuis le mois de février 2011.

La cour d’appel a relevé que, elle-même, par un arrêt du 22 mars 2007, puis la Cour de cassation, par un arrêt du 22 novembre 2008, avaient considéré que, dans l’hypothèse de l’acquisition d’un support assujetti à la rémunération pour copie privée par un consommateur français auprès d’un cybercommerçant établi légitimement à l’étranger, seul le premier pouvait être considéré comme importateur au sens de l’article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle, de sorte qu’aucune action ne pouvait être légalement et utilement introduite contre le second, que, néanmoins, la société Copie France justifiait avoir engagé neuf procédures contre des sites localisés artificiellement à l’étranger afin d’échapper au paiement de la rémunération pour copie privée, ayant abouti notamment à la condamnation d’un cybercommerçant au paiement d’une somme de 1 538 026,50 euros, et que, sur son site internet, cette société, à compter du 20 septembre 2007 avait informé les particuliers qui achetaient des supports sur un site internet étranger qu’ils étaient redevables de la rémunération et devaient établir un bulletin de déclaration afin de permettre l’établissement d’une facture.

Elle a ajouté que, à compter de l’arrêt de la CJUE du 16 juin 2011, Stichting de Thuiskopie (C-462/09), qui a dit pour droit que la seule circonstance que le vendeur professionnel d’équipements, d’appareils ou de supports de reproduction est établi dans un Etat membre autre que celui dans lequel résident les acheteurs demeurait sans incidence sur l’obligation de résultat incombant à l’Etat membre de garantir aux auteurs de recevoir effectivement la compensation équitable destinée à les indemniser, la société Copie France justifiait avoir engagé de nombreuses actions auprès de cybercommerçants installés à l’étranger pour obtenir le versement par ceux-ci de la rémunération pour copie privée due à raison de ventes effectuées auprès de consommateurs situés en France, consistant en des lettres de mise en demeure dès le mois d’août 2011, puis en 2013, 2014 et 2016, ainsi qu’en des actions en référé, notamment à l’égard de la société Amazon, dont la société Imation contestait inutilement l’efficacité.

De ces constatations et énonciations, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre la société Imation dans le détail de son argumentation, a pu écarter l’existence d’une faute de la société Copie France.

___________________________________________________________________________________________________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Cour de cassation

Chambre civile 1

10 novembre 2021

Pourvoi 19-14.438, Publié au bulletin

CIV. 1 MY1

COUR DE CASSATION

Audience publique du 10 novembre 2021 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt no 676 FS-B Pourvoi no M 19-14.438

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 10 NOVEMBRE 2021

La société Imation Europe BV, dont le siège est […], […], Derby DE21 4 SZ, United Kingdom (Royaume-Uni), a formé le pourvoi no M 19-14.438 contre l’arrêt rendu le 9 octobre 2018 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige l’opposant à la Société pour la perception de la rémunération de la copie privée audiovisuelle et sonore dite Copie France, dont le siège est […], […], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations écrites et plaidoiries de la SCP Piwnica et Molinié, Me Piwnica, avocat de la société Imation Europe BV et de la SCP Bernard Hémery, M N-O, X Le Guerer, Me Hémery, avocat de la Société pour la perception de la rémunération de la copie privée audiovisuelle et sonore dite Copie France, et l’avis de M. Y, avocat général, après débats en l’audience publique du 21 septembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, M. Z,

Mme G-H,conseiller doyen, MM. A, Mornet, Mme I-J, conseillers, M. B, Mmes C, […], D, M. E, Mmes F, K-L, conseillers référendaires, M. Y, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 9 octobre 2018), la société Imation France, qui a commercialisé des CD et DVD en France, a payé à la Société pour la perception de la rémunération de la copie privée audiovisuelle et sonore (la société Copie France) les redevances fixées par les décisions de la commission instituée à l’article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle (la commission copie privée).

2. La directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, dont le délai de transposition est venu à expiration le 22 décembre 2002, énonce en son article 5, (paragraphe 2, sous b), que les États membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou limitations au droit de reproduction prévu à l’article 2 « lorsqu’il s’agit de reproductions effectuées sur tout support par une personne physique pour un usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales, à condition que les titulaires de droits reçoivent une compensation équitable. »

3. Par arrêt du 11 juillet 2008 (Simavelec, no 298779), le Conseil d’Etat a annulé la décision no 7 du 20 juillet 2006 de la commission copie privée au motif que la rémunération qui y était prévue compensait des copies de sources illicites. Il a différé les effets de cette nullité jusqu’à l’expiration d’un délai de six mois passé la notification de la décision au ministre de la culture, soit, en pratique, jusqu’au 11 janvier 2009.

4. A la suite de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 21 octobre 2010 (Padawan, C-467/08), il a, par arrêt du 17 juin 2011 (Canal + Terminaux e.a., no 324816, 325439, 325468, 325469), annulé la décision no 11 de cette commission au motif que les barèmes arrêtés par cette décision soumettaient à la rémunération pour copie privée l’ensemble des supports concernés sans possibilité d’exclure ceux à usage professionnel. Il a prévu que l’annulation ne serait effective qu’à compter de l’expiration d’un délai de six mois à compter de sa notification.

5. La société de droit néerlandais Imation Europe BV, venant aux droits de sa filiale française, la société Imation France (la société Imation), et estimant que le régime français de la rémunération pour copie privée n’était pas conforme à la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001, a assigné la société Copie France en remboursement des sommes indûment versées, selon elle, depuis le 22 décembre 2002 et en dommages-intérêts.

6. La société Copie France a présenté une demande reconventionnelle en paiement des sommes dues depuis le mois de février 2011.

Examen des moyens

Sur le quatrième moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé

7. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen, qui est préalable

Enoncé du moyen

8. La société Imation fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes en remboursement des sommes qu’elle a acquittées sur le fondement des décisions no 1, 2, 5 et 15 de la commission copie privée et d’accueillir les demandes reconventionnelles de la société Copie France en application de ces décisions pour la période d’activité s’étendant du mois de février 2011 au mois de novembre 2017, alors :

« 1o/ que constitue une émanation de l’Etat aux fins de l’effet direct vertical d’une directive tout organisme ou entité, quelle que soit sa forme juridique, qui est soumis à l’autorité ou au contrôle d’une autorité publique ou qui a été chargé, par une autorité publique, d’une mission d’intérêt public et dispose, pour son accomplissement, de pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers ; qu’en retenant, pour affirmer que la société Copie France n’était pas un organisme auquel un particulier peut opposer directement une directive, qu’elle était une société civile de droit commun, la cour d’appel, qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard des articles 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et 5 de la directive 2001/29/CE ;

2o/ que constitue une émanation de l’Etat aux fins de l’effet direct vertical d’une directive tout organisme ou entité, quelle que soit sa forme juridique, qui a été chargé, par une autorité publique, d’une mission d’intérêt public et dispose, pour son accomplissement, de pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers ; que l’article 5 de la directive 2001/29/CE fait obligation aux Etats membres qui adoptent l’exception de copie privée de prévoir au profit des titulaires de droit une compensation équitable ; qu’en France, la collecte et la répartition de la rémunération équitable sont confiées à des sociétés de gestion collective ; que cette mission a notamment pour objectif, par la rémunération des titulaires de droits, d’assurer le maintien et le développement de la création ; qu’il s’en déduit que la société Copie France accomplit une mission d’intérêt public ; qu’en affirmant au contraire, pour affirmer que la société Copie France n’était pas un organisme auquel un particulier peut opposer directement une directive, que la mission consistant à percevoir et répartir la rémunération pour copie privée au profit des auteurs, artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et de leurs ayants droit viserait des intérêts certes collectifs, mais particuliers, et ne serait ni d’intérêt général, ni de service public, la cour d’appel a violé les articles 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et 5 de la directive 2001/29/CE, ensemble l’article L. 311-6 du code de la propriété intellectuelle ;

3o/ que les organismes de gestion collective doivent utiliser 25 % des sommes provenant de la rémunération pour copie privée à des actions d’aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant, au développement de l’éducation artistique et culturelle et à des actions de formation des artistes ; que le dispositif a pour but le financement de la création et la promotion de la diversité culturelle ; qu’en retenant, pour affirmer que la société Copie France n’était pas un organisme auquel un particulier peut opposer directement une directive, que la contribution de la société Copie France à la création, à la diffusion du spectacle vivant, au développement de l’éducation artistique et culturelle et à la formation des artistes cette action ne serait qu’une modalité de rémunération des titulaires de droits et ne poursuivrait aucun objectif d’intérêt public, « même si elle peut rejoindre dans ces buts des actions d’intérêt général menées par l’Etat », la cour d’appel a de nouveau violé les articles 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et 5 de la directive 2001/29/CE, ensemble les articles L. 311-6 et L. 324-17 du code de la propriété intellectuelle ;

4o/ que constitue une émanation de l’Etat aux fins de l’effet direct vertical d’une directive tout organisme ou entité, quelle que soit sa forme juridique, qui a été chargé, par une autorité publique, d’une mission d’intérêt public et dispose, pour son accomplissement, de pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers ; que la faculté de désigner des agents assermentés habilités à dresser procès-verbal des infractions de non paiement de la rémunération équitable constitue une prérogative exorbitante par rapport à celles qui résultent des règles applicables entre particuliers ; qu’en énonçant, pour affirmer que la société Copie France n’était pas un organisme auquel un

particulier peut opposer directement une directive, que les agents assermentés prévus par l’article L. 331-2 du code de la propriété intellectuelle établissent certes des constats pouvant prouver la matérialité de l’infraction de non-paiement de la rémunération pour copie privée, mais ne disposent d’aucun pouvoir exorbitant du droit commun pour les établir, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses énonciations, a violé les articles 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et 5 de la directive 2001/29/CE, ensemble l’article L. 331-2 du code de la propriété intellectuelle ;

5o/ qu’en statuant ainsi, bien que les procès-verbaux des agents désignés en application de l’article L. 331-2 du code de la propriété intellectuelle pour constater la matérialité des infractions de non-paiement de la rémunération équitable de la copie privée aient la même valeur probante que les procès-verbaux dressés par des officiers de police judicaire, la cour d’appel a violé les articles 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et 5 de la directive 2001/29/CE, ensemble l’article L. 331-2 du code de la propriété intellectuelle ;

6o / que constitue une émanation de l’Etat aux fins de l’effet direct vertical d’une directive tout organisme ou entité, quelle que soit sa forme juridique, qui a été chargé, par une autorité publique, d’une mission d’intérêt public et dispose, pour son accomplissement, de pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers ; que le caractère obligatoire de l’affiliation à un organisme constitue un pouvoir exorbitant par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers ; qu’en énonçant, pour affirmer que la société Copie France n’était pas un organisme auquel un particulier peut opposer directement une directive, qu’elle n’est investie d’aucun pouvoir exorbitant du droit commun pour les établir, bien que les sociétés de gestion collective soient tenues de s’affilier à une société de perception et de répartition de la rémunération équitable, la cour d’appel a violé les articles 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et 5 de la directive 2001/29/CE, ensemble l’article L. 311-6 du code de la propriété intellectuelle ;

7o/ que constitue une émanation de l’Etat aux fins de l’effet direct vertical d’une directive tout organisme ou entité qui est soumis à l’autorité ou au contrôle d’une autorité publique ; qu’il n’est pas nécessaire que l’autorité publique exerce sur l’organisme ou entité une tutelle journalière ; qu’en énonçant, pour affirmer que la société Copie France n’était pas un organisme auquel un particulier peut opposer directement une directive, que l’Etat ne fait pas partie des associés et n’est pas représenté dans la société, et par conséquent ne participe pas aux décisions, la cour d’appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard des articles 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et 5 de la directive 2001/29/CE ;

8o/ que, d’une part, les modalités de calcul et de répartition de la rémunération équitable dont la société Copie France est en charge sont fixées par les articles L. 311-1 à L. 311-8 du code de la propriété intellectuelle ; que, d’autre part, en tant qu’organisme de gestion collective, la société Copie France, outre qu’elle doit adresser au ministre chargé de la culture et à la commission de contrôle des organismes de gestion des droits d’auteur et des droits voisins un rapport sur les sommes déduites aux fins de fourniture de services sociaux, culturels ou éducatifs en vertu de l’article L. 326-1 du code de la propriété intellectuelle, fait l’objet d’un « contrôle par le ministre chargé de la culture » organisé par les articles L. 326-9 à L. 326-13 du même code, en vertu duquel elle lui soumet ses projets de statuts et règlements généraux, lui communique ses comptes annuels et porte à sa connaissance tout projet de modification de ses statuts, de son règlement général ou de sa politique générale de répartition des sommes dues aux titulaires de droits, lui communique, à sa demande, tout document relatif à la perception et à la répartition des revenus provenant de l’exploitation des droits, le ministre pouvant, de son côté recueillir, sur pièces et sur place, les renseignements en question, saisir la commission de contrôle des organismes de gestion des droits d’auteur et des droits voisins lorsque ses observations tendant à la mise en conformité à la réglementation en vigueur des dispositions des statuts, du règlement général ou d’une décision des organes sociaux n’ont pas été suivies d’effet et saisir le juge judiciaire pour demander si nécessaire la dissolution ; qu’en affirmant que l’existence d’un cadre légal de la rémunération pour copie privée et d’un contrôle de l’Etat par la voie d’informations obligatoires ou la capacité du ministre de la culture d’engager des actions judiciaires à son encontre pour faire respecter la légalité des statuts et des décisions ne suffisaient pas à caractériser une emprise de l’Etat telle qu’elle justifierait que la société Copie France soit considérée au sens de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne comme un organisme auquel un particulier peut opposer directement une directive, la cour d’appel a violé les articles 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et de la directive 2001/29/CE ;

9o/ qu’en toute hypothèse, la société Copie France est encore soumise, en tant qu’organisme de gestion collective, au contrôle de la commission de contrôle des organismes de gestion des droits d’auteur et des droits voisins, dont les membres sont désignés par l’autorité publique ; que la commission est composée d’un collège de contrôle et d’un collège des sanctions ; que le collège de contrôle assure une mission permanente de contrôle des comptes et de la gestion des organismes de gestion collective et une mission de contrôle des obligations légales des organismes de gestion collective ; que le collège des sanctions, saisie par le ministre chargé de la culture ou toute personne intéressée, sanctionne les manquements des organismes de gestion collective à leurs obligations légales ; qu’en se bornant, pour affirmer que la société Copie France n’était pas un organisme auquel un particulier peut opposer directement une directive, à examiner le cadre légal de la rémunération équitable et le contrôle exercé par le ministre chargé de la culture, sans s’interroger sur le contrôlé exercé par la commission de contrôle des organismes de gestion des droits d’auteur et des droits voisins, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, 5 de la directive 2001/29/CE et L. 327-1 à L. 327-15 du code de la propriété intellectuelle. »

Réponse de la Cour

9. Selon l’article 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, une directive lie les Etats membres destinataires quant au résultat à atteindre et, dans un litige opposant un particulier à un Etat membre, les dispositions claires et précises d’une directive peuvent être appliquées directement et imposer au juge national d’écarter une disposition nationale contraire (CJCE, 4 décembre 1974, Van Duyn, 41/74).

10. Conformément à la jurisprudence de la CJUE, doivent être assimilées à l’État, aux fins de l’application directe d’une directive, les personnes morales de droit public faisant partie de l’État au sens large, ou les entités soumises à l’autorité ou au contrôle d’une autorité publique, ou encore celles qui ont été chargées, par une telle autorité, d’exercer une mission d’intérêt public et dotées, à cet effet, de pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers (arrêt du 10 octobre 2017, Farrell, C-413/15, points 34 et 35).

11. En revanche, selon une jurisprudence constante de la CJUE, si une juridiction nationale, saisie d’un litige opposant exclusivement des particuliers et relevant du F d’application d’une directive, est tenue, lorsqu’elle applique les dispositions du droit interne, de prendre en considération l’ensemble des règles du droit national et de les interpréter, dans toute la mesure du possible, à la lumière de cette directive, ainsi que de sa finalité, pour aboutir à une solution conforme à l’objectif qu’elle poursuit, ce principe d’interprétation conforme ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national et ne lui permet pas d’écarter une norme nationale contraire (arrêts du 26 février 1986, Marshall, 152/84, du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a., C-397/01 à C-403/01 et du 24 juin 2019, Poplawski, C-573/17).

12. Après avoir constaté que la société Copie France était une société civile soumise au régime de droit commun, la cour d’appel a retenu, d’une part, que celle-ci avait pour objet principal de percevoir et répartir la rémunération pour copie privée au profit des auteurs, des artistes interprètes ainsi que des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et de leurs ayants droit, de sorte qu’elle était en charge d’intérêts certes collectifs, mais qui demeuraient particuliers, d’autre part, que l’affectation de 25 % de cette rémunération à « des actions d’aide à la création à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des artistes » s’analysait comme une modalité de compensation de l’exception de copie privée.

13. Elle a retenu également que les obligations particulières auxquelles étaient soumises les sociétés comme la société Copie France étaient destinées à garantir la transparence et la légalité de leur fonctionnement sans les placer pour autant sous la tutelle de l’Etat, celui-ci ne faisant pas partie des associés, n’y étant pas représenté et ne pouvant agir, s’il estimait que des illégalités avaient été commises, que par des actions en justice.

14. Elle a retenu encore que la société Copie France n’exerçait pas de mission ou de service d’intérêt général, mais agissait pour le compte d’intérêts privés regroupés collectivement, que, dans sa composition comme dans son fonctionnement, elle était autonome de l’Etat et ne disposait pas de pouvoir significatif exorbitant du droit commun, et que le contrôle auquel cette société était soumise, pas plus que l’existence d’un cadre légal de la rémunération pour copie privée, ne suffisait à la considérer comme un organisme placé sous le contrôle ou l’autorité de l’Etat.

15. De ces constatations et énonciations, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à la recherche invoquée par la neuvième branche que ses constatations rendaient inopérante, a déduit, à bon droit, que la société Copie France n’était pas assimilable à un organisme étatique ou para-étatique auquel un particulier pouvait opposer directement une directive européenne.

16. Le moyen, qui critique des motifs surabondants en ses quatrième à sixième branches, n’est donc pas fondé pour le surplus.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

17. La société Imation fait le même grief à l’arrêt, alors :

« 1o/ que le juge national chargé d’appliquer les dispositions du droit de l’Union a l’obligation d’en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire ; que le juge judiciaire, lorsqu’il s’estime en état de le faire, peut appliquer le droit de l’Union, sans être tenu de saisir au préalable la juridiction administrative d’une question préjudicielle, quand est en cause devant lui, à titre incident, la conformité d’un acte administratif au droit de l’Union ; qu’en refusant d’apprécier la légalité des décisions no 1, 2, 5 et 15 de la commission « copie privée » au regard de l’article 5 de la directive 2001/29/CE, au prétexte de son absence d’effet direct horizontal, la cour d’appel a méconnu le principe de primauté et d’effectivité du droit de l’Union, l’article 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et l’article 88-1 de la Constitution ;

2o/ que le juge judiciaire peut se prononcer sur la légalité d’un acte administratif lorsqu’il apparaît manifestement, au vu d’une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal ; qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et du Conseil d’Etat que l’article L. 311-1 du code de propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l’article 5 de la directive 2001/29/CE, prohibe l’application indifférenciée de la rémunération pour copie privée à l’ensemble des supports ; qu’en se retranchant derrière l’absence d’effet horizontal de l’article 5 de la directive 2001/29/CE, sans examiner la légalité des décisions no 1, 2, 5 et 15 de la commission « copie privée » au regard de l’article L. 311-1 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l’article 5 de la directive 2001/29/CE, la cour d’appel a encore méconnu le principe de primauté et d’effectivité du droit de l’Union, l’article 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et l’article 88-1 de la Constitution ;

3o/ que, en toute hypothèse, il incombe au juge de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu’en refusant d’apprécier la légalité des décisions no 1, 2, 5 et 15 de la commission « copie privée » au regard de l’article 5 de la directive 2001/29/CE et de l’article L. 311-1 du code de la propriété intellectuelle, la cour d’appel a méconnu son office et violé l’article 12 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

18. La cour d’appel a retenu à bon droit et sans méconnaître son office que, dès lors qu’une directive ne crée pas directement d’obligations à l’égard de particuliers, qu’ils soient personnes physiques ou morales, le principe de primauté du droit de l’Union ne permet pas au juge national d’écarter, dans un litige entre ces particuliers, une norme nationale au motif qu’elle serait contraire à celle-ci.

19. Le moyen n’est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen, pris en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

20. La société Imation fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes en remboursement des sommes qu’elle a acquittées sur le fondement des décisions no 7 et 11 de la Commission copie privée et d’accueillir les demandes reconventionnelles de la société Copie France en application de ces décisions, alors :

« 1o/ que l’autorité absolue de la chose jugée en cas d’annulation d’un acte administratif par le juge administratif ne s’attache qu’au principe de l’annulation et ne saurait s’étendre à la limitation de ses effets dans le temps ; qu’en décidant au contraire que les décisions du Conseil d’Etat étaient revêtues de l’autorité absolue de la chose jugée, y compris en ce qui concerne l’effet différé des annulations, et s’imposaient à la société Imation Europe BV, la cour d’appel a violé le principe de l’autorité de la chose jugée par le juge administratif et le principe de séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790 ;

2o/ qu’en toute hypothèse, la primauté du droit de l’Union commande à la juridiction nationale de laisser inappliquée la règle de procédure nationale en vertu de laquelle une décision de justice s’impose à elle, lorsque cette décision n’est pas conforme au droit de l’Union, tel qu’interprété par la Cour de justice de l’Union européenne ; que les arrêts du Conseil d’Etat qui ont annulé les décisions no 7 et 15 de la Commission « copie privée » contraires au droit de l’Union ont différé les effets de l’annulation dans le temps, imposant le maintien dans l’ordonnancement juridique d’actes administratifs contraires au droit de l’Union ; qu’en affirmant que le principe de primauté du droit de l’Union ne prévalait pas sur le principe de l’autorité de la chose jugée, indispensable à la sécurité juridique, la cour d’appel a violé les principes de primauté et d’effectivité du droit de l’Union et l’article 88-1 de la Constitution, ensemble l’article 5 de la directive 2001/29/CE ;

3o/ qu’en toute hypothèse, le juge national chargé d’appliquer les dispositions du droit de l’Union a l’obligation d’en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire ; que le juge judiciaire, lorsqu’il s’estime en état de le faire, peut appliquer le droit de l’Union, sans être tenu de saisir au préalable la juridiction administrative d’une question préjudicielle, quand est en cause devant lui, à titre incident, la conformité d’un acte administratif au droit de l’Union ; qu’en se retranchant derrière l’autorité absolue des décisions du Conseil d’Etat annulant avec effet différé les décisions no 7 et 11 de la Commission « copie privée », quand il lui appartenait de se prononcer sur la légalité, au regard de la directive 2001/29/CE, de ces décisions, en tant qu’elles subsistaient temporairement dans l’ordonnancement juridique, la cour d’appel a violé, par fausse application, le principe de séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790, le principe de primauté et d’effectivité du droit de l’Union et l’article 88-1 de la Constitution. »

Réponse de la Cour

21. Conformément à la jurisprudence précitée, les dispositions d’une directive, même claires et précises, ne permettent pas, dans un litige entre particuliers, d’écarter une norme nationale contraire.

22. Il en résulte que, lorsque le juge administratif a annulé un acte administratif en différant les effets de cette annulation, le juge judiciaire n’a pas le pouvoir, dans un litige entre particuliers, d’écarter l’application de cet acte au motif qu’il serait contraire à une directive.

23. La cour d’appel a relevé que les décisions no 7 et 11 de la commission copie privée étaient contraires à la directive 2001/29/CE et retenu que la société Copie France n’était pas assimilable à un organisme étatique ou para-étatique auquel un particulier pouvait opposer directement une directive européenne.

24. Il en résulte qu’elle n’avait pas le pouvoir d’écarter les décisions précitées pendant la période au cours de laquelle elles demeuraient applicables.

25. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues aux articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.

Sur le troisième moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

26. La société Imation fait le même grief à l’arrêt, alors « qu’en refusant d’écarter les dispositions de l’article 6-I de la loi no 2001-1898 du 20 décembre 2011, au prétexte de l’absence d’effet direct horizontal de la directive 2001/29/CE, la cour d’appel a violé le principe de primauté et d’effectivité du droit de l’Union, l’article 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, l’article 88-1 de la Constitution et l’article 5 de la directive précitée. »

Réponse de la Cour

27. Dès lors que les dispositions d’une directive, même claires et précises, ne permettent pas, dans un litige entre particuliers, d’écarter une norme nationale contraire, il ne saurait être fait grief à la cour d’appel d’avoir fait application des dispositions de l’article 6-I de la loi no 2001-1898 du 20 décembre 2011.

28. Le moyen n’est donc pas fondé.

Sur le quatrième moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

29. La société Imation fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande en dommages-intérêts, alors :

« 1o/ que l’interprétation que la Cour de justice de l’Union européenne donne d’une règle de droit de l’Union, dans l’exercice de la compétence que lui confère l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, éclaire et précise la signification et la portée de cette règle, telle qu’elle doit ou aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de son entrée en vigueur ; qu’il en résulte que la règle ainsi interprétée peut et doit être appliquée par le juge national même aux rapports juridiques nés et constitués avant l’arrêt statuant sur la demande d’interprétation ; qu’en exonérant la société Copie France de toute faute pour son comportement antérieur à l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 16 juin 2011, la cour d’appel a violé l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et l’article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle interprété à la lumière de l’article 5 de la directive 2001/29/CE ;

2o / qu’en cause d’appel, la société Imation Europe BV reprochait à la société Copie France son inaction à l’égard d’autres acteurs du marché redevables de la compensation pour copie privée et le traitement discriminatoire dont elle avait fait l’objet ; qu’en exonérant la société Copie France de toute faute, sans répondre à ces chefs de conclusions pertinents, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

30. La cour d’appel a relevé que, elle-même, par un arrêt du 22 mars 2007, puis la Cour de cassation, par un arrêt du 22 novembre 2008, avaient considéré que, dans l’hypothèse de l’acquisition d’un support assujetti à la rémunération pour copie privée par un consommateur français auprès d’un cybercommerçant établi légitimement à l’étranger, seul le premier pouvait être considéré comme importateur au sens de l’article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle, de sorte qu’aucune action ne pouvait être légalement et utilement introduite contre le second, que, néanmoins, la société Copie France justifiait avoir engagé neuf procédures contre des sites localisés artificiellement à l’étranger afin d’échapper au paiement de la rémunération pour copie privée, ayant abouti notamment à la condamnation d’un cybercommerçant au paiement d’une somme de 1 538 026,50 euros, et que, sur son site internet, cette société, à compter du 20 septembre 2007 avait informé les particuliers qui achetaient des supports sur un site internet étranger qu’ils étaient redevables de la rémunération et devaient établir un bulletin de déclaration afin de permettre l’établissement d’une facture.

31. Elle a ajouté que, à compter de l’arrêt de la CJUE du 16 juin 2011, Stichting de Thuiskopie (C-462/09), qui a dit pour droit que la seule circonstance que le vendeur professionnel d’équipements, d’appareils ou de supports de reproduction est établi dans un Etat membre autre que celui dans lequel résident les acheteurs demeurait sans incidence sur l’obligation de résultat incombant à l’Etat membre de garantir aux auteurs de recevoir

effectivement la compensation équitable destinée à les indemniser, la société Copie France justifiait avoir engagé de nombreuses actions auprès de cybercommerçants installés à l’étranger pour obtenir le versement par ceux-ci de la rémunération pour copie privée due à raison de ventes effectuées auprès de consommateurs situés en France, consistant en des lettres de mise en demeure dès le mois d’août 2011, puis en 2013, 2014 et 2016, ainsi qu’en des actions en référé, notamment à l’égard de la société Amazon, dont la société Imation contestait inutilement l’efficacité.

32. De ces constatations et énonciations, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre la société Imation dans le détail de son argumentation, a pu écarter l’existence d’une faute de la société Copie France.

33. Le moyen n’est donc pas fondé.

34. Il s’ensuit que le pourvoi doit être rejeté, sans qu’il soit besoin de poser à la CJUE les questions préjudicielles proposées par la société Imation, celles-ci n’étant pas pertinentes pour la solution du litige et la CJUE ayant déjà répondu aux troisième et quatrième questions (CJUE 11 juillet 2013, Amazon.com International Sales Inc. e.a., C-521/11 ; CJUE 22 septembre 2016, Microsoft Mobile Sales International Oy e.a, C-110/15).

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Imation Europe BV aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Imation Europe BV.

PREMIER MOYEN DE CASSATION (répétition de l’indu, décisions no 1, 2, 5 et 15 de la commission « copie privée »)

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, actualisant ses dispositions sur les demandes reconventionnelles de la société Copie France, d’avoir condamné la société Imation Europe BV à lui payer la somme de 3.527.586,81 euros HT correspondant à la rémunération pour copie privée éludée pour la période d’activité allant du mois de février 2011 au mois de novembre 2011 et la somme de 11.368.777,06 euros HT correspondant à la rémunération pour copie privée éludée pour la période d’activité allant du mois de décembre 2011 au mois de novembre 2017,

AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur les demandes de répétition de l’indu, les moyens soutenus sont les mêmes que ceux qui l’ont été en première instance ; que c’est par de justes motifs que la cour fait siens que le premier juge a débouté la société Imation Europe BV de ses demandes et dit n’y avoir lieu de saisir la Cour de justice de questions préjudicielles ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QU’ à l’appui de sa demande en répétition de l’indu, la société Imation demande d’écarter l’application des normes de droit interne que sont les décisions de la commission de la copie privée sur la base desquelles elle a réglé ou aurait dû régler des sommes appelées par Copie France au titre de la copie privée, au motif qu’elles seraient contraires à la directive 2001/29/CE ; qu’en faisant application directe des principes édictés par la directive en son article 5 § 2 b) ou, à tout le moins, en constatant l’absence de base légale des demandes en paiement, elle demande que les paiements soient déclarés indus ; que, cependant, la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne est constante sur le fait qu’une directive ne peut être invoquée dans une instance à l’encontre d’une norme de transposition insatisfaisante ou en l’absence de transposition que dans un litige dans lequel un particulier l’invoque pour faire valoir ses droits à l’encontre de l’Etat, dans un effet couramment appelé vertical par la doctrine ; que, dans l’arrêt Foster du 12 juillet 1990, la Cour de justice a étendu cette possibilité à un litige concernant « un organisme qui, quelle que soit sa forme juridique, a été chargé en vertu d’un acte de l’autorité publique d’accomplir, sous le contrôle de cette dernière, un service d’intérêt public et qui dispose à cet effet, de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers » ; qu’en revanche, la directive ne créant pas directement d’obligations dans le chef des particuliers, qu’il soit personne physique ou une personne morale, elle ne peut être invoquée, dans un effet dit « horizontal », dans le cadre d’une instance opposant des particuliers entre

eux ; que, par ailleurs le principe de primauté du droit communautaire régulièrement rappelé par la Cour de justice, s’il commande au juge de faire une interprétation des textes nationaux applicables conformes à la directive, ne permet pas au juge dans un litige entre particuliers d’écarter la norme nationale au motif qu’elle serait contraire à la directive ; qu’il résulte de ces éléments que la société Imation Europe ne pourrait invoquer l’incompatibilité des décisions no 1, 2, 5 et 15 avec la directive 2001/29/CE que si Copie France présentait les caractéristiques d’un organisme étatique énoncées dans l’arrêt Foster du 12 juillet 1990 de la Cour de justice, étant précisé que les données de la question sont différentes pour les décisions 7 et 11 qui ont fait l’objet d’une annulation par le Conseil d’Etat ;

1o/ ALORS QUE le juge national chargé d’appliquer les dispositions du droit de l’Union a l’obligation d’en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire ; que le juge judiciaire, lorsqu’il s’estime en état de le faire, peut appliquer le droit de l’Union, sans être tenu de saisir au préalable la juridiction administrative d’une question préjudicielle, quand est en cause devant lui, à titre incident, la conformité d’un acte administratif au droit de l’Union ; qu’en refusant d’apprécier la légalité des décisions no 1, 2, 5 et 15 de la commission « copie privée » au regard de l’article 5 de la directive 2001/29, au prétexte de son absence d’effet direct horizontal, la cour d’appel a méconnu le principe de primauté et d’effectivité du droit de l’Union, l’article 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et l’article 88-1 de la Constitution ;

2o/ ALORS QUE le juge judiciaire peut se prononcer sur la légalité d’un acte administratif lorsqu’il apparaît manifestement, au vu d’une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal ; qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et du Conseil d’Etat que l’article L. 311-1 du code de propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l’article 5 de la directive 2001/29, prohibe l’application indifférenciée de la rémunération pour copie privée à l’ensemble des supports ; qu’en se retranchant derrière l’absence d’effet horizontal de l’article 5 de la directive 2001/29, sans examiner la légalité des décisions no 1, 2, 5 et 15 de la commission « copie privée » au regard de l’article L. 311-1 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l’article 5 de la directive 2001/29, la cour d’appel a encore méconnu le principe de primauté et d’effectivité du droit de l’Union, l’article 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et l’article 88-1 de la Constitution ;

3o/ ALORS QU’ en toute hypothèse, il incombe au juge de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu’en refusant d’apprécier la légalité des décisions no 1, 2, 5 et 15 de la commission « copie privée » au regard de l’article 5 de la directive 2001/29 et de l’article L. 311-1 du code de la propriété intellectuelle, la cour d’appel a méconnu son office et violé l’article 12 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (répétition de l’indu, décisions no 1, 2, 5 et 15 de la commission « copie privée »)

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, actualisant ses dispositions sur les demandes reconventionnelles de la société Copie France, d’avoir condamné la société Imation Europe BV à lui payer la somme de 3.527.586,81 euros HT correspondant à la rémunération pour copie privée éludée pour la période d’activité allant du mois de février 2011 au mois de novembre 2011 et la somme de 11.368.777,06 euros HT correspondant à la rémunération pour copie privée éludée pour la période d’activité allant du mois de décembre 2011 au mois de novembre 2017,

AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur les demandes de répétition de l’indu, les moyens soutenus sont les mêmes que ceux qui l’ont été en première instance ; que c’est par de justes motifs que la cour fait siens que le premier juge a débouté la société Imation Europe BV de ses demandes et dit n’y avoir lieu de saisir la Cour de justice de questions préjudicielles ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE la société Imation Europe ne pourrait invoquer l’incompatibilité des décisions no 1, 2, 5 et 15 avec la directive 2001/29/CE que si Copie France présentait les caractéristiques d’un organisme étatique énoncées dans l’arrêt Foster du 12 juillet 1990 de la Cour de justice, étant précisé que les données de la question sont différentes pour les décisions 7 et 11 qui ont fait l’objet d’une annulation par le Conseil d’Etat ; que la société Copie France est une société civile dont l’objet principal est de percevoir et répartir la rémunération pour copie privée au profit des auteurs, artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et de leurs ayants droit, de sorte qu’elle est ainsi en charge d’intérêts certes collectifs mais qui demeurent particuliers sans être d’intérêt général ou correspondre à une mission de service public ; qu’elle est constituée par les sociétés de perception et de répartition des droits des auteurs et des droits des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes qui représentent les intérêts des ayants-droit ; que l’existence d’un cadre légal de la rémunération pour copie privée, avec notamment l’existence d’une sanction pénale en cas de non-paiement, comme il en existe pour de nombreuses activités économiques ou sociales ne suffit pas à conférer à la société Copie France, qui constitue un acteur de ce régime dont la situation de monopole résulte de la décision des ayants-droit et non de la loi ou d’une décision de l’Etat, un statut assimilable à un organisme étatique ou para-étatique ; que, par ailleurs, la loi prévoit que les sociétés de perception et de répartition des droits des auteurs et des droits des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes sont des sociétés civiles soumises en conséquence à ce régime de droit commun ; que, si elles font l’objet d’obligations particulières vis-à-vis de l’Etat pour garantir la transparence et la légalité de leur fonctionnement, elles ne sont pas placées pour autant sous la tutelle de celui-ci ; que l’Etat ne fait pas partie des associés et n’est

pas représenté dans la société, et par conséquent ne participe pas aux décisions ; qu’enfin, s’il peut agir contre Copie France s’il estime que des illégalités sont commises, ce n’est que par le recours à des actions en justice ; que la part de 25% des rémunérations qui est affectée à « des actions d’aide à la création à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des artistes » s’analyse comme une modalité des compensation de l’exception de copie privée au bénéfice des ayants droits, de sorte que si elle peut rejoindre dans ces buts des actions d’intérêt général mené par l’Etat, elle présente une nature différente et ne s’assimile pas à celles-ci ; qu’au demeurant, l’utilisation de ces sommes relève des décisions de Copie France et non de l’Etat ; qu’enfin, les agents assermentés prévus par l’article L. 331-2 du code de la propriété intellectuelle établissent certes des constats pouvant prouver la matérialité de l’infraction de non-paiement de la rémunération pour copie privée, mais ne disposent d’aucun pouvoir exorbitant du droit commun pour les établir ; qu’au demeurant, Copie France ne dispose d’aucun pouvoir dérogatoire pour faire valoir ses droits et est soumise aux dispositions du droit commun pour saisir la justice, que ce soit devant les juridictions pénales ou civiles ; qu’ainsi, au total, Copie France n’exerce pas de mission ou de service d’intérêt général mais agit pour le compte d’intérêts privés regroupés collectivement ; que, dans sa composition comme dans son fonctionnement, elle est autonome de l’Etat et ne dispose pas de pouvoir significatif exorbitant du droit commun ; qu’en conséquence, l’existence d’un contrôle de l’Etat par la voie d’informations obligatoires ou la capacité du Ministre de la culture d’engager des actions judiciaires à son encontre pour faire respecter la légalité des statuts et des décisions, ne suffisent pas à caractériser une emprise de l’Etat telle qu’elle justifierait que Copie France soit considérée au sens de la jurisprudence de la Cour de justice comme un organisme auquel un particulier peut opposer directement une directive européenne ; qu’aussi, la société Imation Europe n’étant pas en droit d’invoquer la directive 2001/29/CE dans le litige l’opposant à Copie France, ses demandes de répétition de l’indu fondées sur l’incompatibilité des décisions no1, 2, 5 et 15 de la commission de la copie privée avec cette directive seront rejetées ;

1o/ ALORS QUE constitue une émanation de l’Etat aux fins de l’effet direct vertical d’une directive tout organisme ou entité, quelle que soit sa forme juridique, qui est soumis à l’autorité ou au contrôle d’une autorité publique ou qui a été chargé, par une autorité publique, d’une mission d’intérêt public et dispose, pour son accomplissement, de pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers ; qu’en retenant, pour affirmer que la société Copie France n’était pas un organisme auquel un particulier peut opposer directement une directive, qu’elle était une société civile de droit commun, la cour d’appel, qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard des articles 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et 5 de la directive 2001/29 ;

2o/ ALORS QUE constitue une émanation de l’Etat aux fins de l’effet direct vertical d’une directive tout organisme ou entité, quelle que soit sa forme juridique, qui a été chargé, par une autorité publique, d’une mission d’intérêt public et dispose, pour son accomplissement, de pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers ; que l’article 5 de la directive 2001/29 fait obligation aux Etats membres qui adoptent l’exception de copie privée de prévoir au profit des titulaires de droit une compensation équitable ; qu’en France, la collecte et la répartition de la rémunération équitable sont confiées à des sociétés de gestion collective ; que cette mission a notamment pour objectif, par la rémunération des titulaires de droits, d’assurer le maintien et le développement de la création ; qu’il s’en déduit que la société Copie France accomplit une mission d’intérêt public ; qu’en affirmant au contraire, pour affirmer que la société Copie France n’était pas un organisme auquel un particulier peut opposer directement une directive, que la mission consistant à percevoir et répartir la rémunération pour copie privée au profit des auteurs, artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et de leurs ayants droit viserait des intérêts certes collectifs, mais particuliers, et ne serait ni d’intérêt général, ni de service public, la cour d’appel a violé les articles 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et 5 de la directive 2001/29, ensemble l’article L. 311-6 du code de la propriété intellectuelle ;

3o/ ALORS QUE les organismes de gestion collective doivent utiliser 25 % des sommes provenant de la rémunération pour copie privée à des actions d’aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant, au développement de l’éducation artistique et culturelle et à des actions de formation des artistes ; que le dispositif a pour but le financement de la création et la promotion de la diversité culturelle ; qu’en retenant, pour affirmer que la société Copie France n’était pas un organisme auquel un particulier peut opposer directement une directive, que la contribution de la société Copie France à la création, à la diffusion du spectacle vivant, au développement de l’éducation artistique et culturelle et à la formation des artistes cette action ne serait qu’une modalité de rémunération des titulaires de droits et ne poursuivrait aucun objectif d’intérêt public, « même si elle peut rejoindre dans ces buts des actions d’intérêt général menées par l’Etat », la cour d’appel a de nouveau violé les articles 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et 5 de la directive 2001/29, ensemble les articles L. 311-6 et L. 324-17 du code de la propriété intellectuelle ;

4o/ ALORS QUE constitue une émanation de l’Etat aux fins de l’effet direct vertical d’une directive tout organisme ou entité, quelle que soit sa forme juridique, qui a été chargé, par une autorité publique, d’une mission d’intérêt public et dispose, pour son accomplissement, de pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers ; que la faculté de désigner des agents assermentés habilités à dresser procès-verbal des infractions de non-paiement de la rémunération équitable constitue une prérogative exorbitante par rapport à celles qui

résultent des règles applicables entre particuliers ; qu’en énonçant, pour affirmer que la société Copie France n’était pas un organisme auquel un particulier peut opposer directement une directive, que les agents assermentés prévus par l’article L. 331-2 du code de la propriété intellectuelle établissent certes des constats pouvant prouver la matérialité de l’infraction de non-paiement de la rémunération pour copie privée, mais ne disposent d’aucun pouvoir exorbitant du droit commun pour les établir, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses énonciations, a violé les articles 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et 5 de la directive 2001/29, ensemble l’article L. 331-2 du code de la propriété intellectuelle ;

5o/ ALORS QU’ en statuant ainsi, bien que les procès-verbaux des agents désignés en application de l’article L. 331-2 du code de la propriété intellectuelle pour constater la matérialité des infractions de non-paiement de la rémunération équitable de la copie privée aient la même valeur probante que les procès-verbaux dressés par des officiers de police judicaire, la cour d’appel a violé les articles 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et 5 de la directive 2001/29, ensemble l’article L. 331-2 du code de la propriété intellectuelle ;

6o/ ALORS QUE constitue une émanation de l’Etat aux fins de l’effet direct vertical d’une directive tout organisme ou entité, quelle que soit sa forme juridique, qui a été chargé, par une autorité publique, d’une mission d’intérêt public et dispose, pour son accomplissement, de pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers ; que le caractère obligatoire de l’affiliation à un organisme constitue un pouvoir exorbitant par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers ; qu’en énonçant, pour affirmer que la société Copie France n’était pas un organisme auquel un particulier peut opposer directement une directive, qu’elle n’est investie d’aucun pouvoir exorbitant du droit commun pour les établir, bien que les sociétés de gestion collective soient tenues de s’affilier à une société de perception et de répartition de la rémunération équitable, la cour d’appel a violé les articles 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et 5 de la directive 2001/29, ensemble l’article L. 311-6 du code de la propriété intellectuelle ;

7o/ ALORS QUE constitue une émanation de l’Etat aux fins de l’effet direct vertical d’une directive tout organisme ou entité qui est soumis à l’autorité ou au contrôle d’une autorité publique ; qu’il n’est pas nécessaire que l’autorité publique exerce sur l’organisme ou entité une tutelle journalière ; qu’en énonçant, pour affirmer que la société Copie France n’était pas un organisme auquel un particulier peut opposer directement une directive, que l’Etat ne fait pas partie des associés et n’est pas représenté dans la société, et par conséquent ne participe pas aux décisions, la cour d’appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard des

articles 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et 5 de la directive 2001/29 ;

8o/ ALORS QUE, d’une part, les modalités de calcul et de répartition de la rémunération équitable dont la société Copie France est en charge sont fixées par les articles L. 311-1 à L. 311-8 du code de la propriété intellectuelle ; que, d’autre part, en tant qu’organisme de gestion collective, la société Copie France, outre qu’elle doit adresser au ministre chargé de la culture et à la commission de contrôle des organismes de gestion des droits d’auteur et des droits voisins un rapport sur les sommes déduites aux fins de fourniture de services sociaux, culturels ou éducatifs en vertu de l’article L. 326-1 du code de la propriété intellectuelle, fait l’objet d’un « contrôle par le ministre chargé de la culture » organisé par les articles L. 326-9 à L. 326-13 du même code, en vertu duquel elle lui soumet ses projets de statuts et règlements généraux, lui communique ses comptes annuels et porte à sa connaissance tout projet de modification de ses statuts, de son règlement général ou de sa politique générale de répartition des sommes dues aux titulaires de droits, lui communique, à sa demande, tout document relatif à la perception et à la répartition des revenus provenant de l’exploitation des droits, le ministre pouvant, de son côté recueillir, sur pièces et sur place, les renseignements en question, saisir la commission de contrôle des organismes de gestion des droits d’auteur et des droits voisins lorsque ses observations tendant à la mise en conformité à la réglementation en vigueur des dispositions des statuts, du règlement général ou d’une décision des organes sociaux n’ont pas été suivies d’effet et saisir le juge judiciaire pour demander si nécessaire la dissolution ; qu’en affirmant que l’existence d’un cadre légal de la rémunération pour copie privée et d’un contrôle de l’Etat par la voie d’informations obligatoires ou la capacité du ministre de la culture d’engager des actions judiciaires à son encontre pour faire respecter la légalité des statuts et des décisions ne suffisaient pas à caractériser une emprise de l’Etat telle qu’elle justifierait que la société Copie France soit considérée au sens de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne comme un organisme auquel un particulier peut opposer directement une directive, la cour d’appel a violé les articles 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et 5 de la directive 2001/29 ;

9o/ ALORS QU’ en toute hypothèse, la société Copie France est encore soumise, en tant qu’organisme de gestion collective, au contrôle de de la commission de contrôle des organismes de gestion des droits d’auteur et des droits voisins, dont les membres sont désignés par l’autorité publique ; que la commission est composée d’un collège de contrôle et d’un collège des sanctions ; que le collège de contrôle assure une mission permanente de contrôle des comptes et de la gestion des organismes de gestion collective et une mission de contrôle des obligations légales des organismes de gestion collective ; que le collège des sanctions, saisie par le ministre chargé de la culture ou toute personne intéressée, sanctionne les manquements des organismes de gestion collective à leurs obligations légales ; qu’en se bornant, pour affirmer que la société Copie France n’était

pas un organisme auquel un particulier peut opposer directement une directive, à examiner le cadre légal de la rémunération équitable et le contrôle exercé par le ministre chargé de la culture, sans s’interroger sur le contrôlé exercé par la commission de contrôle des organismes de gestion des droits d’auteur et des droits voisins, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, 5 de la directive 2001/29 et L. 327-1 à L. 327-15 du code de la propriété intellectuelle.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION (répétition de l’indu, décisions no 7 et 11 de la commission « copie privée » et article 6-I de la loi no 2011-1898)

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, actualisant ses dispositions sur les demandes reconventionnelles de la société Copie France, d’avoir condamné la société Imation Europe BV à lui payer la somme de 3.527.586,81 euros HT correspondant à la rémunération pour copie privée éludée pour la période d’activité allant du mois de février 2011 au mois de novembre 2011 et la somme de 11.368.777,06 euros HT correspondant à la rémunération pour copie privée éludée pour la période d’activité allant du mois de décembre 2011 au mois de novembre 2017,

AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur les demandes de répétition de l’indu, les moyens soutenus sont les mêmes que ceux qui l’ont été en première instance ; que c’est par de justes motifs que la cour fait siens que le premier juge a débouté la société Imation Europe BV de ses demandes et dit n’y avoir lieu de saisir la Cour de justice de questions préjudicielles ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les décisions du Conseil d’Etat prononçant l’annulation d’un acte administratif ont une portée générale ; que les modalités des conséquences de l’annulation sont consubstantielles à la décision d’annulation et ne sauraient par conséquent être séparées pour leur appliquer un régime distinct leur conférant une portée moindre ; qu’ayant autorité de la chose jugée, ces décisions s’imposent au tribunal qui n’a pas le pouvoir, comme la société Imation Europe le prétend, d’apprécier la conformité de ces décisions au droit de l’Union tel qu’interprété par la Cour de justice pour le cas échéant écarter leur application ; qu’il n’apparaît pas en effet que le principe de primauté du droit de l’Union doive prévaloir sur le principe d’autorité de la chose jugée, lequel est indispensable à la sécurité juridique et à la confiance des justiciables en celle-ci ; qu’en conséquence, les arrêts précités s’appliquent à la société Imation Europe y compris en ce qui concerne les effets différés des annulations ; que, par ailleurs, si les arrêts précités prévoient le report des effets de l’annulation sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de l’arrêt contre des actes pris sur le fondement des décisions annulées, la société Imation Europe ne peut se prévaloir de cette réserve puisqu’elle a fait assigner Copie France le 20 décembre 2012, soit postérieurement aux arrêts précités ; que la circonstance qu’un syndicat professionnel dont elle est adhérente se soit

joint au recours en annulation contre la décision no 11 ne lui permet pas plus d’échapper à l’effet différé de l’annulation dans la mesure où ce syndicat ne défend que les intérêts collectifs des adhérents et non les intérêts particuliers d’Imation Europe ; que cette dernière n’est pas plus fondée à invoquer, pour faire écarter l’application de ces arrêts, que ceux-ci aboutiraient, en violation du droit de l’Union européenne, à la priver d’un recours juridictionnel effectif pour faire appliquer ce droit, puisque la faculté d’exercer un recours lui était ouverte mais qu’elle l’a exercé tardivement ; qu’il s’ensuit que les décisions no 7 et 11, pour les périodes comprises entre leur entrée en vigueur et jusqu’à la date à laquelle leur annulation porte effet en vertu des décisions du Conseil d’Etat ou la date à laquelle une décision ultérieure leur a été substituée, soit pour la décision no 7 jusqu’au 31 décembre 2008 (la décision no 11 se substituant à compter du 1er janvier 2009) et pour la décision no 11 jusqu’au 22 décembre 2011 (la loi du 21 décembre 2011 entrant en vigueur le 23 décembre 2011), sont applicables et opposables à la société Imation Europe ; que, dès lors, elle ne peut se prévaloir pour les périodes concernées de la nullité des décisions pour solliciter la répétition des sommes appelées par Copie France en application de ces décisions ; qu’aussi, sans qu’il apparaisse utile de saisir la Cour de justice des questions préjudicielles sollicitées par la demanderesse, il y a lieu de rejeter l’intégralité des demandes au titre de la répétition de l’indu ;

ET QU’ au demeurant, pour les raisons indiquées précédemment, les décisions de la commission pour copie privée fondées sur les décisions no 1, 4 et 11 ainsi que les dispositions de l’article 6-1 de la loi du 20 décembre 2011, lequel a prolongé les effets du contenu de la décision no 11 jusqu’au 31 décembre 2012 en prévoyant que : « Jusqu’à l’entrée en vigueur de la plus proche décision de la commission prévue à l’article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle et au plus tard jusqu’au dernier jour du douzième mois suivant la promulgation de la présente loi, sont applicables à la rémunération pour copie privée les règles, telles que modifiées par les dispositions de l’article L. 311-8 du même code dans sa rédaction issue de la présente loi, qui sont prévues par la décision no 11 du 17 décembre 2008 de la commission précitée, publiée au Journal officiel du 21 décembre 2008, dans sa rédaction issue des décisions no12 du 20 septembre 201031, publiée au Journal officiel du 26 octobre 2010, et no13 du I 2 janvier 2011, publiée au journal officiel du 28 janvier 2011 », ne peuvent être écartées par la demanderesse et servent de fondement au calcul de la rémunération pour copie privée due ;

1o/ ALORS QUE l’autorité absolue de la chose jugée en cas d’annulation d’un acte administratif par le juge administratif ne s’attache qu’au principe de l’annulation et ne saurait s’étendre à la limitation de ses effets dans le temps ; qu’en décidant au contraire que les décisions du Conseil d’Etat étaient revêtues de l’autorité absolue de la chose jugée, y compris en ce qui concerne l’effet différé des annulations, et s’imposaient à société Imation Europe BV, la cour d’appel a violé le principe de l’autorité de la chose jugée

par le juge administratif et le principe de séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790 ;

2o/ ALORS QU’ en toute hypothèse, la primauté du droit de l’Union commande à la juridiction nationale de laisser inappliquée la règle de procédure nationale en vertu de laquelle une décision de justice s’impose à elle, lorsque cette décision n’est pas conforme au droit de l’Union, tel qu’interprété par la Cour de justice de l’Union européenne ; que les arrêts du Conseil d’Etat qui ont annulé les décisions no 7 et 15 de la commission « copie privée » contraires au droit de l’Union ont différé les effets de l’annulation dans le temps, imposant le maintien dans l’ordonnancement juridique d’actes administratifs contraires au droit de l’Union ; qu’en affirmant que le principe de primauté du droit de l’Union ne prévalait pas sur le principe de l’autorité de la chose jugée, indispensable à la sécurité juridique, la cour d’appel a violé les principes de primauté et d’effectivité du droit de l’Union et l’article 88-1 de la Constitution, ensemble l’article 5 de la directive 2001/29 ;

3o/ ALORS QU’ en toute hypothèse, le juge national chargé d’appliquer les dispositions du droit de l’Union a l’obligation d’en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire ; que le juge judiciaire, lorsqu’il s’estime en état de le faire, peut appliquer le droit de l’Union, sans être tenu de saisir au préalable la juridiction administrative d’une question préjudicielle, quand est en cause devant lui, à titre incident, la conformité d’un acte administratif au droit de l’Union ; qu’en se retranchant derrière l’autorité absolue des décisions du Conseil d’Etat annulant avec effet différé les décisions no 7 et 11 de la commission « copie privée », quand il lui appartenait de se prononcer sur la légalité, au regard de la directive 2001/29, de ces décisions, en tant qu’elles subsistaient temporairement dans l’ordonnancement juridique, la cour d’appel a violé, par fausse application, le principe de séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790, le principe de primauté et d’effectivité du droit de l’Union et l’article 88-1 de la Constitution ;

4o/ ALORS QU’ en refusant d’écarter les dispositions de l’article 6-I de la loi no 2001-1898 du 20 décembre 2011, au prétexte de l’absence d’effet direct horizontal de la directive 2001/29, la cour d’appel a violé le principe de primauté et d’effectivité du droit de l’Union, l’article 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, l’article 88-1 de la Constitution et l’article 5 de la directive précitée.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION (sur la responsabilité délictuelle de la société Copie France)

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, actualisant ses dispositions sur les demandes reconventionnelles de la société Copie France, d’avoir condamné la société Imation Europe BV à lui payer la somme de 3.527.586,81 euros HT

correspondant à la rémunération pour copie privée éludée pour la période d’activité allant du mois de février 2011 au mois de novembre 2011 et la somme de 11.368.777,06 euros HT correspondant à la rémunération pour copie privée éludée pour la période d’activité allant du mois de décembre 2011 au mois de novembre 2017,

AUX MOTIFS PROPRES QU’ il ressort des pièces produites et qu’il n’est pas contesté que la société Copie France a, selon ses statuts, notamment pour mission de percevoir et de répartir la rémunération pour copie privée ; que, depuis sa fusion avec la société SORECOP le 29 juin 2011, elle bénéficie d’une situation de monopole dans cette mission de perception ; que si, par nature, une omission de perception à l’égard des cybercommerçants installés à l’étranger peut constituer une faute contractuelle à l’égard des ayants-droit de cette rémunération, elle peut aussi occasionner un préjudice concurrentiel anormal à l’égard des commerçants qui acquittent régulièrement cette rémunération sur le territoire français, et donner éventuellement ouverture à réparation sur le fondement de l’article 1240 du code civil ; mais que c’est à juste titre et sans être utilement contredite que la société Copie France rappelle que le cadre juridique dans lequel s’inscrit cette question a évolué ; que, notamment, la cour d’appel de Paris, par un arrêt du 22 mars 2007, puis la Cour de cassation, par un arrêt du 22 novembre 2008, ont considéré que, dans l’hypothèse de l’acquisition d’un support assujetti à rémunération pour copie privée par un consommateur français auprès d’un cybercommerçant légitimement établi à l’étranger, seul le premier pouvait être considéré comme importateur au sens de l’article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle, et par conséquence tenu au versement de la rémunération au sens de ce texte, aucune action, en l’état de cette jurisprudence nationale, ne pouvant dès lors être légalement et utilement être engagée contre le second ; que cette situation juridique a été radicalement modifiée par l’arrêt Opus Supplies de la CJUE du 16 juin 2011, qui a dit pour droit que la seule circonstance que le vendeur professionnel d’équipements, d’appareils ou de supports de reproduction est établi dans un Etat membre autre que celui dans lequel résident les acheteurs demeurait sans incidence sur l’obligation de résultat incombant à l’Etat membre de garantir aux auteurs de recevoir effectivement la compensation équitable destinée à les indemniser, imposant ainsi à la juridiction nationale, en cas d’impossibilité d’assurer la perception de la compensation équitable auprès des acheteurs, d’interpréter le droit national afin de permettre la perception de cette compensation auprès d’un débiteur agissant en qualité de commerçant, en l’espèce le cybercommerçant installé, même légalement, à l’étranger ; que bien que la société appelante le conteste, il résulte suffisamment des nombreuses pièces produites par la société Copie France que celle-ci a, depuis cet arrêt Opus Supplies du 16 juin 2011, engagé de nombreuses actions auprès des cybercommerçants installés à l’étranger pour obtenir le versement par ceux-ci de la rémunération pour copie privée due à raison de ventes effectuées auprès de consommateurs situés en France ; qu’elle justifie ainsi leur avoir adressé des lettres de mise en demeure dès le mois d’août 2011, puis engagé des

actions en référé, conduisant à des ordonnances, notamment le 19 octobre 2012, puis des arrêts, notamment le 28 mai 2013 ; qu’en 2013, de nouvelles mises en demeure ont été adressées auprès d’une cinquantaine de cybercommerçants, puis en 2014, auprès de 12 autres, puis, en 2016, auprès de huit nouveaux venus ; qu’en 2014, six actions en référé ont été engagées ; qu’ainsi, et sans qu’il soit utile d’apprécier le résultat de ces actions, et notamment à l’égard de la société Amazon, dont la société Imation Europe BV conteste inutilement l’efficacité, il est suffisamment établi que, depuis le 16 juin 2011, la société Copie France a accompli l’obligation de recouvrement à laquelle elle était tenue auprès des cybercommerçants installés à l’étranger ; que, sur la période antérieure à l’arrêt Opus Supplies du 16 juin 2011, il ne peut d’abord être fait grief à la société Copie France de ne pas avoir engagé d’action en recouvrement à l’encontre des cybercommerçants légitimement établis à l’étranger, lesquels n’étaient alors pas considérés dans le droit positif comme importateurs au sens de l’article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle ; qu’il convient ensuite d’observer que la société intimée n’en justifie pas moins avoir alors engagé des actions contre des sites s’étant artificiellement localisés à l’étranger afin d’échapper au paiement de la rémunération pour copie privée, engageant neuf procédures conduisant à des jugement rendus dès 2008, dont un rendu par le tribunal de grande instance de Thionville le 12 octobre 2015, confirmé par la cour d’appel de Metz le 27 juin 2016, prononçant une condamnation d’un cybercommerçant au paiement d’une somme de 1.538 026,50 euros ; que, sur cette première période, la société Copie France produit des copies d’écran de son site internet, mentionnant une modification de la page à la date du jeudi 20 septembre 2007, comportant le passage ci-après ainsi rédigé : « La loi prévoit que sont redevables de la rémunération les fabricants et les acquéreurs intra et extra-communautaires de supports vierges et appareils d’enregistrement. Vous êtes un particulier qui achète des supports et appareils soumis à rémunération 1. sur un site internet établi en France : vous n’êtes pas redevable de la rémunération qui est à la charge du site, 2. sur un site internet étranger : vous êtes redevable de la rémunération et vous devez nous faire parvenir un bulletin de déclaration afin que nous vous établissions une facture… » ; que la société appelante conteste la force probante de cette pièce, notamment quant à la date à laquelle elle a été établie ; que la cour considère cependant, compte tenu de l’ancienneté des faits, et de ce que la preuve d’une faute délictuelle incombe au demandeur à l’action, que la société Copie France justifie ainsi avoir alors suffisamment accompli son obligation d’information auprès des consommateurs ; que le jugement sera confirmé aussi en ce qu’il a débouté la société appelante de ce chef de demande ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le code de la propriété intellectuelle prévoit dans son article L. 311-6 que la rémunération pour copie privée est perçue par une ou plusieurs sociétés de perception et de répartition des droits mentionnées au titre II, énonce ainsi le principe d’une perception collective, mais sans investir spécifiquement Copie France, qui n’est du reste pas mentionnée, de cette mission ; que le fait qu’une seule société de

perception et de répartition des droits soit finalement, après la fusion-absorption de la société SORECOP, investie par les sociétés de perception et de répartition des droits des différentes catégories d’ayants-droit, auteurs, artistes-interprètes, et producteurs, n’implique pas que Copie France se soit vu assigner pour mission la surveillance et la régulation du marché ; que, suivant l’article 5 de ses statuts, Copie France a pour objet : « 1) De maintenir et développer l’union et la solidarité des auteurs, artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et de leurs ayants-droit à l’occasion de la reproduction des phonogrammes et des vidéogrammes réservée à l’usage privé ; 2) De percevoir le droit à rémunération à l’occasion de la reproduction des phonogrammes et des vidéogrammes réservée à l’usage privé, pour le compte de ses associés dont elle reçoit délégation à cet effet à titre exclusif du simple fait de leur adhésion et pour la durée de cette dernière, étant précisé que chaque associé pourra mettre un terme à ladite délégation à l’expiration de chaque période de 24 mois à compter de la date d’adhésion aux présents statuts, sous réserve d’en avoir informé la société un an à l’avance ; 3) De répartir cette rémunération entre chaque collège conformément aux dispositions de l’article L. 311-7 du code de la propriété intellectuelle ; 4) L’exercice de tout autre mandat particulier qui pourrait lui être confié par l’ensemble des associés ou par tout organisme ou société représentative d’ayants-droit de la rémunération pour copie privée ; 5) D’assurer la défense des intérêts matériels et moraux des auteurs, compositeurs, éditeurs, artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes, ou de leur ayants droit, à l’occasion de la reproduction des phonogrammes ou des vidéogrammes réservée à l’usage privé ; 6) Et plus généralement toute opération de quelque nature qu’elle soit, se rattachant directement à l’objet sus-indiqué de nature à favoriser le but poursuivi par la société » ; que l’objet ainsi défini de Copie France ne comporte aucune mission de régulation du marché, mais uniquement des actions en faveur des intérêts des ayants-droit, au premier rang desquels la perception et la répartition des rémunérations pour copie privée ; que, de surcroît, le fait qu’elle soit désormais la seule société de perception et de répartition de droits à opérer, ne permet pas de la caractériser comme une société en position dominante sur un marché et de lui appliquer les principes de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne sur l’abus de position dominante et les obligations de ne pas fausser le marché qui incombent à des sociétés dans cette situation, dans la mesure où Copie France ne peut être considérée comme un intervenant sur le marché des supports d’enregistrement, puisqu’il n’y prend pas part en qualité d’acteur de l’offre ou de la demande de produit ;

1o/ ALORS QUE l’interprétation que la Cour de justice de l’Union européenne donne d’une règle de droit de l’Union, dans l’exercice de la compétence que lui confère l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, éclaire et précise la signification et la portée de cette règle, telle qu’elle doit ou aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de son entrée en vigueur ; qu’il en résulte que la règle ainsi interprétée peut et doit

être appliquée par le juge national même aux rapports juridiques nés et constitués avant l’arrêt statuant sur la demande d’interprétation ; qu’en exonérant la société Copie privée de toute faute pour son comportement antérieur à l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 16 juin 2011, la cour d’appel a violé l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et l’article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle interprété à la lumière de l’article 5 de la directive 2001/29 ;

2o/ ALORS QU’ en cause d’appel, la société Imation Europe BV reprochait à la société Copie France son inaction à l’égard d’autres acteurs du marché redevables de la compensation pour copie privée et le traitement discriminatoire dont elle avait fait l’objet (conclusions récapitulatives de la société Imation Europe BV, p. 113 à 136) ; qu’en exonérant la société Copie France de toute faute, sans répondre à ces chefs de conclusions pertinents, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

3o/ ALORS QUE toute entité exerçant une activité économique est considérée comme une entreprise au sens du droit communautaire ; qu’il s’en déduit que les organismes qui assurent la gestion collective des droits d’auteur et des droits voisins sont des entreprises au sens du droit de la concurrence ; que tel est le cas, en particulier, de la société Copie France, qui assure, pour le compte et dans l’intérêt des titulaires de droits, la perception et la répartition de la rémunération équitable de la copie privée ; qu’en énonçant, pour dénier à la société Copie France, la qualité d’entreprise en position dominante sur le marché français de la perception et de la répartition de la rémunération de la copie privée, qu’elle ne pouvait être considérée comme un intervenant sur le marché des supports d’enregistrements, à défaut d’y prendre pas part en qualité d’acteur de l’offre ou de la demande de produit, la cour d’appel, qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard des articles 82 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et L. 420-2 du code de commerce.

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x
Scroll to Top