Propriété intellectuelle : Facturation de tournées : attention à la retenue à la source

Notez ce point juridique

 Une rémunération importante (600 000 euros) qui a été versée par un organisateur de tournées (société Encore B) à la société Bornrocker (Johnny Halliday) située aux États-Unis en contrepartie de prestations artistiques fournies par l‘artiste en France, aurait dû faire l’objet d’une retenue à la source.

Cette somme a été à bon droit soumise à la retenue à la source prévue à l’article 182 A bis du code général des impôts, dont l’application ne supposait pas l’existence d’un lien juridique direct entre elle et Johnny Halliday.

A cet égard, il résulte de leurs termes mêmes que les stipulations de la convention franco-américaine, relatif aux artistes et sportifs, ne faisaient pas obstacle à l’application de la retenue à la source sur les sommes versées par la société Encore B à la société Bornrocker, régulièrement fondée sur les dispositions de l’article 182 A bis du code général des impôts.

La rémunération de prestations artistiques de Johnny Halliday devait également être soumise  à la retenue à la source, sur le fondement de l’article 182 A bis du code général des impôts.

La société Encore B n’est dès lors pas fondée à soutenir que la convention constituerait un contrat de prestation globale incluant des prestations artistiques et non pas un contrat ayant pour objet des prestations artistiques et que, par suite, la somme en litige ne pourrait faire l’objet d’une retenue à la source sur le fondement de l’article 182 A bis du code général des impôts.

Compte tenu des termes et de l’économie du contrat, la concession des droits qui était prévue entre les parties était indissociable de la prestation artistique de Johnny Halliday pour la réalisation de la tournée, qui résulte exclusivement de l’intervention artistique de l’intéressé dans cette tournée et, contrairement à ce que soutient la société Encore B, ne rémunère ainsi pas une prestation de services distincte de la prestation artistique fournie en France.

Redressement fiscal confirmé  

La société Encore B qui exerce l’activité de production de spectacles vivants, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité suivant la procédure contradictoire, à l’issue de laquelle une proposition de rectification du 30 novembre 2016 lui a été notifiée.

La société Encore B a coproduit avec la société Valéry Zeitoun Productions un spectacle intitulé « Les vieilles canailles », auquel a participé Johnny Halliday et dont les représentations ont eu lieu en novembre 2014. A cette fin, ces sociétés ont signé un contrat de prestations de services et de cession de droits le 30 octobre 2014 avec la société Lickshot, en qualité de manager de l’artiste, et la société de droit américain Bornrocker Music, dirigée par Johnny Halliday.

Portée de la convention conclue

L’article 1er de ce contrat définit les prestations scéniques comme les services professionnels de l’artiste pour le spectacle, comprenant la représentation et l’interprétation sur scène d’oeuvres musicales choisies par l’intéressé. Il définit également les coûts de production et de plateau, pris en charge par le producteur, tels que les frais et dépenses afférents à la création du spectacle et à la préparation des représentations, les frais de location de salles, de publicité et de promotion, de billetterie, d’assurances, de location d’équipements techniques, de transport et de séjour des personnels techniques, administratifs et artistiques, les frais financiers, ainsi que les salaires et charges sociales des personnels techniques, administratifs et artistiques et plus généralement, toutes les rémunérations et avances dues aux intervenants du spectacle.

L’article 2 du contrat définit l’objet du contrat de prestations de services et de concession de droits, après avoir stipulé que la société Bornrocker, en qualité, d’une part, de bénéficiaire exclusif des prestations scéniques et de promotion de l’artiste pour les besoins des représentations et, d’autre part, de titulaire du droit de mettre en place pour le compte de l’artiste la réalisation de produits dérivés, notamment audiovisuels, s’engage à assurer ces prestations au profit du producteur pendant la durée du contrat, prenant effet à la date de sa signature le 30 octobre 2014 et s’achevant au soir de la dernière représentation, soit le 11 novembre 2014, en vertu de son article 3.

Sont ainsi mentionnées à l’article 2, au titre des prestations, l’utilisation des prestations de l’artiste pour le spectacle, incluant les répétitions et les représentations, l’utilisation des prestations de l’artiste pour la promotion et la publicité du spectacle et des prestations scéniques de l’artiste dans le cadre de ce spectacle et, au titre du contrôle et du suivi, la validation des aspects artistiques du spectacle, de ses budgets de pré-production et de production et du planning des représentations, des répétitions et des opérations de promotion et de publicité, ainsi que la gestion du planning des représentations.

Sont également mentionnés à cet article, au titre de la concession de droits, le contenu des prestations scéniques, incluant les droits tirés de leur création et de leur exploitation, les droits de propriété intellectuelle et les droits de la personnalité de l’artiste détenus par la société Bornrocker aux fins d’exploitation du spectacle et de sa promotion, portant concession au producteur pour la durée du contrat, notamment, des droits d’utilisation des textes originaux créés, des droits d’utilisation du nom, de l’image et de tout attribut de la personnalité de l’artiste aux fins de promotion et de publicité du spectacle, du droit d’autoriser des médias d’enregistrer, de photographier et de diffuser des séquences du spectacle pour les besoin de la promotion, ainsi que les droits aux fins de captation et d’exploitation dérivée du spectacle, un accord séparé devant être conclu pour la production et l’exploitation de l’enregistrement. Il est également mentionné que la société Bornrocker garantit avoir conclu tous les accords nécessaires avec l’artiste en vue de ses prestations scéniques et ceux fixant les rémunérations à devoir au titre de ces prestations.

En contrepartie des prestations et cessions de droits précédemment décrites, l’article 4 du contrat stipule que le producteur versera à la société Bornrocker une avance minimum garantie de 1 500 000 euros hors taxes au titre des six représentations garanties et effectivement données, payable sur présentation de factures par cinq versements de 260 000 euros hors taxes le lendemain de chaque représentation, le solde de 200 000 euros hors taxes devant être versé le lendemain de la sixième représentation au cas où elle serait effectivement donnée.

Il est prévu que le producteur récupère le montant de l’avance minimum sur l’ensemble des sommes à devoir à la société Bornrocker au titre de l’intéressement par compensation jusqu’au complet remboursement, les sommes correspondant à l’avance minimum garantie étant acquises.

Au cours du contrôle dont elle a fait l’objet, le vérificateur a constaté que la société Encore B a comptabilisé au compte libellé « achat spectacles étranger » la somme totale de 1 500 000 euros. Interrogée sur ce point, la société Encore B a produit les factures émises par la société Bornrocker, dont il ressort que, au titre de chaque représentation, cette société a émis deux factures, l’une à raison de salaires, l’autre à raison de frais de productions, correspondant à des montants respectifs de 900 000 euros, soumis à la retenue à la source, et de 600 000 euros, exclus de la retenue à la source acquittée.

Position de l’administration fiscale

Le service a estimé que cette dernière somme versée par la société Encore B à la société Bornrocker correspondaient à la rémunération de prestations artistiques et devaient également être soumises à la retenue à la source, sur le fondement de l’article 182 A bis du code général des impôts.

En premier lieu, il résulte de l’ensemble des stipulations contractuelles précédemment rappelées que l’objet essentiel de la convention précitée, défini à son article 1er, est le service professionnel de l’artiste Johnny Halliday pour le spectacle intitulé « Les vieilles canailles », ce contrat portant sur l’ensemble des droits principaux et voisins pour la réalisation et l’exploitation de la prestation scénique de l’artiste, les coûts de production et de réalisation, incluant notamment les frais de création du spectacle, de préparation des représentations, de publicité et de promotion, étant pris en charge par le producteur, soit la société Encore B et la société Valéry Zeitoun Productions.

Il résulte ainsi des termes et de l’économie mêmes du contrat que le service artistique rendu par l’artiste constitue la composante essentielle de la prestation facturée par la société Bornrocker.

La société Encore B n’est dès lors pas fondée à soutenir que cette convention constituerait un contrat de prestation globale incluant des prestations artistiques et non pas un contrat ayant pour objet des prestations artistiques et que, par suite, la somme en litige ne pourrait faire l’objet d’une retenue à la source sur le fondement de l’article 182 A bis du code général des impôts.

En deuxième lieu, la société Encore B fait valoir que, compte tenu de la notoriété de l’artiste indépendante de la tournée, la concession des droits à l’image et des droits voisins en vue de l’exploitation commerciale de cette notoriété, conforme aux usages professionnels, est dissociable des prestations scéniques. Toutefois, il résulte de l’article 2 du contrat que la concession des droits n’est conclue que pour la durée de la préparation et de la réalisation de la tournée « Les vieilles canailles » et est précisément circonscrite aux prestations scéniques et aux droits attachés à la personne de l’artiste aux seules fins d’exploitation, de réalisation et de promotion du spectacle, excluant même les droits à concéder pour l’exploitation dérivée de ce spectacle par sa production et son enregistrement, qui doivent faire l’objet d’un accord séparé.

Dans ces conditions, compte tenu des termes et de l’économie du contrat, la concession des droits qui y est prévue est indissociable de la prestation artistique de Johnny Halliday pour la réalisation de la tournée, résulte exclusivement de l’intervention artistique de l’intéressé dans cette tournée et, contrairement à ce que soutient la société Encore B, ne rémunère ainsi pas une prestation de services distincte de la prestation artistique fournie en France.

En troisième lieu, la société Encore B fait valoir que la rémunération de 600 000 euros correspond à des prestations de producteur délégué effectuées par la société Bornrocker depuis les Etats-Unis.

Toutefois, il résulte des termes mêmes du contrat, sur le fondement duquel a été versée la somme de 1 500 000 euros incluant la somme de 600 000 euros en litige, que la société Bornrocker n’est pas chargée d’une mission de production déléguée de la tournée, les prestations de contrôle et de suivi que ce contrat mentionne se bornant d’ailleurs à la validation d’opérations inhérentes à la prestation artistique fournie par Johnny Halliday.

A cet égard, contrairement à ce que soutient la société Encore B, en se prévalant du contrat, l’administration apporte les éléments de preuve requis, la société requérante n’apportant pour sa part aucun élément de nature à justifier que, contrairement aux stipulations contractuelles, la somme de 600 000 euros rémunèrerait des prestations de services de production déléguée du spectacle réalisées antérieurement à ce spectacle depuis les États-Unis.

La somme de 600 000 euros en litige a été versée à la société Bornrocker située aux États-Unis en contrepartie de prestations artistiques fournies par Johnny Halliday en France.

Par suite, cette somme a été à bon droit soumise à la retenue à la source prévue à l’article 182 A bis du code général des impôts, dont l’application ne supposait pas l’existence d’un lien juridique direct entre elle et Johnny Halliday. A cet égard, il résulte de leurs termes mêmes que les stipulations de l’article 17 de la convention franco-américaine, relatif aux artistes et sportifs, ne faisaient pas obstacle à l’application de la retenue à la source sur les sommes versées par la société Encore B à la société Bornrocker, régulièrement fondée sur les dispositions de l’article 182 A bis du code général des impôts.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

CAA de PARIS

5ème chambre

24 juin 2021

Pourvoi 19PA01920

Inédit au recueil Lebon

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Encore B a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la retenue à la source mise à sa charge au titre des années 2014 et 2015 et des majorations y afférentes.

Par un jugement n° 1811124 du 17 avril 2019, le tribunal administratif de Paris a réduit la retenue à la source à laquelle a été assujettie la société Encore B, en droits et pénalités, en raison d’une réduction de la base imposable de 27 098 euros, avant application de l’abattement de 10 % pour frais professionnels prévu par l’article 182 A du code général des impôts, et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 juin 2019 et le 30 décembre 2019, la société Encore B, représentée par Me B…, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1811124 du 17 avril 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Encore B soutient que :

 – le tribunal s’est mépris sur la charge de la preuve, qu’il a omis d’attribuer ;

 – le jugement est entaché de contradiction de motifs ;

 – la proposition de rectification est incorrectement motivée ;

 – la retenue à la source n’est pas applicable aux rémunérations versées dans le cadre d’un contrat de prestation globale ;

 – elle a appliqué la retenue à la source aux seuls revenus retirés des prestations artistiques rendues en France, conformément à l’article 17 de la convention franco-américaine, à l’exclusion de la mission de producteur délégué exercée par la société Bornrocker depuis les États-Unis, l’article 182 A bis du code général des impôts ne permettant de taxer que les prestations artistiques ; aucun lien juridique n’existe avec l’artiste ;

 – les sommes qui relèvent de l’exploitation commerciale de la notoriété de l’artiste et des droits voisins doivent être distinguées de celles versées en contrepartie de la réalisation des prestations scéniques ; l’exploitation de l’image et la réalisation du spectacle ne sont pas concomitantes ; l’administration n’établit pas que la concession des droits et la prestation artistique sont indissociables, que la somme en litige serait la contrepartie exclusive de la prestation artistique et que le service rendu par M. A… constituerait la composante essentielle de la prestation facturée par la société Bornrocker ;

 – elle peut se prévaloir des paragraphes 270 à 285 du BOI-IR-DOMIC-10-20-20-20 ;

 – l’article 155 A du code général des impôts n’est pas applicable en l’absence de montage artificiel et de preuve que les sommes en litige rémunèrent des prestations de services réalisées par l’artiste ; en outre, la rémunération versée à la société Bornrocker constitue la contrepartie de son intervention de producteur délégué en amont du spectacle ;

 – la majoration pour manquement délibéré n’est ni motivée ni fondée.

Par des mémoires en défense enregistrés le 16 septembre 2019 et le 12 octobre 2020, le ministre de l’économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les moyens invoqués par la société Encore B ne sont pas fondés.

La société Encore B a produit un mémoire enregistré le 23 octobre 2020, après clôture de l’instruction fixée au 21 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement des États-Unis d’Amérique en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune du 31 août 1994 ;

 – le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. C… ;

 – les conclusions de Mme Lescaut, rapporteur public ;

 – et les observations de Me B…, pour la société Encore B.

Une note en délibéré, enregistrée le 7 juin 2021, a été présentée pour la société Encore B.

Considérant ce qui suit :

1. La société Encore B, créée en 2004 et qui exerce l’activité de production de spectacles vivants, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité suivant la procédure contradictoire, à l’issue de laquelle une proposition de rectification du 30 novembre 2016 lui a été notifiée. Au terme de ce contrôle, une retenue à la source a été mise à sa charge au titre des années 2014 et 2015, assortie d’intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré prévue au a) de l’article 1729 du code général des impôts. Elle fait appel du jugement du 17 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris, après avoir réduit la retenue à la source à laquelle la société a été assujettie, en droits et pénalités, en raison d’une réduction de la base imposable de 27 098 euros, avant application de l’abattement de 10 % pour frais professionnels prévu par l’article 182 A du code général des impôts, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l’article L. 9 du code de justice administrative : « Les jugements sont motivés ».

3. Si la société Encore B soutient que le tribunal s’est mépris sur la dévolution de la charge de la preuve, qu’il a omis d’attribuer, et a entaché son jugement de contradiction de motifs, ces moyens se rattachent au bien-fondé du jugement attaqué, qu’il appartient à la Cour d’examiner dans le cadre de l’effet dévolutif de l’appel, et sont dès lors sans incidence sur sa régularité. A supposer que la société Encore B ait ainsi entendu contester la motivation de ce jugement, ces moyens doivent par suite être écartés.

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

4. Aux termes de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales : « L’administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (…) ». Aux termes de l’article R. 57-1 du même livre : « La proposition de rectification prévue par l’article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L’administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ».

5. Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l’impôt concerné, de l’année d’imposition et de la base d’imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l’administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

6. La proposition de rectification du 30 novembre 2016 adressée à la société Encore B comporte la désignation de l’impôt concerné, de l’année d’imposition et de la base d’imposition, et énonce les motifs sur lesquels l’administration s’est fondée pour justifier les rectifications envisagées, permettant à la société Encore B de formuler ses observations de façon entièrement utile. A cet égard, contrairement à ce que soutient la société, le service n’a pas fondé la rectification contestée sur deux bases légales dont les conditions d’application seraient distinctes ou contradictoires, mais l’a fondée sur l’article 182 A bis du code général des impôts, la référence à l’article 155 A du même code n’ayant été faite que pour justifier d’un contrôle de la société Bornrocker par M. A…. La société Encore B n’est ainsi pas fondée à soutenir que la proposition de rectification serait entachée d’une incohérence résultant de l’application d’une double base légale qui aurait été de nature à l’induire en erreur sur le fondement de la rectification. Dans ces conditions, dès lors que la régularité de la proposition de rectification ne dépend pas du bien-fondé des motifs avancés par le service, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

7. Aux termes de l’article 182 A bis du code général des impôts : « I. Donnent lieu à l’application d’une retenue à la source les sommes payées, y compris les salaires, en contrepartie de prestations artistiques fournies ou utilisées en France, par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés, qui n’ont pas dans ce pays d’installation professionnelle permanente (…) ». Aux termes de l’article 17 de la convention franco-américaine du 31 août 1994, relatif aux artistes et sportifs : « 1. Nonobstant les dispositions des articles 14 (Professions indépendantes) et 15 (Professions dépendantes), les revenus qu’un résident d’un État contractant tire de ses activités personnelles exercées dans l’autre État contractant en tant qu’artiste du spectacle, tel qu’un artiste de théâtre, de cinéma, de la radio ou de la télévision ou qu’un musicien, ou en tant que sportif, sont imposables dans cet autre État (…) 2. Lorsque les revenus d’activités qu’un artiste du spectacle ou un sportif exerce personnellement et en cette qualité sont attribués non pas à l’artiste ou au sportif lui-même mais à une autre personne, qu’elle soit ou non un résident d’un État contractant, ces revenus sont imposables, nonobstant les dispositions des articles 7 (Bénéfices des entreprises), 14 (Professions indépendantes) et 15 (Professions dépendantes), dans l’État contractant où les activités de l’artiste ou du sportif sont exercées (…) ».

8. Il résulte de l’instruction que la société Encore B a coproduit avec la société Valéry Zeitoun Productions un spectacle intitulé « Les vieilles canailles », auquel a participé M. A… sous son nom d’artiste Johnny Halliday et dont les représentations ont eu lieu en novembre 2014. A cette fin, ces sociétés ont signé un contrat de prestations de services et de cession de droits le 30 octobre 2014 avec la société Lickshot, en qualité de manager de l’artiste, et la société de droit américain Bornrocker Music, dirigée par M. A….

9. L’article 1er de ce contrat définit les prestations scéniques comme les services professionnels de l’artiste pour le spectacle, comprenant la représentation et l’interprétation sur scène d’oeuvres musicales choisies par l’intéressé. Il définit également les coûts de production et de plateau, pris en charge par le producteur, tels que les frais et dépenses afférents à la création du spectacle et à la préparation des représentations, les frais de location de salles, de publicité et de promotion, de billetterie, d’assurances, de location d’équipements techniques, de transport et de séjour des personnels techniques, administratifs et artistiques, les frais financiers, ainsi que les salaires et charges sociales des personnels techniques, administratifs et artistiques et plus généralement, toutes les rémunérations et avances dues aux intervenants du spectacle.

10. L’article 2 du contrat définit l’objet du contrat de prestations de services et de concession de droits, après avoir stipulé que la société Bornrocker, en qualité, d’une part, de bénéficiaire exclusif des prestations scéniques et de promotion de l’artiste pour les besoins des représentations et, d’autre part, de titulaire du droit de mettre en place pour le compte de l’artiste la réalisation de produits dérivés, notamment audiovisuels, s’engage à assurer ces prestations au profit du producteur pendant la durée du contrat, prenant effet à la date de sa signature le 30 octobre 2014 et s’achevant au soir de la dernière représentation, soit le 11 novembre 2014, en vertu de son article 3. Sont ainsi mentionnées à l’article 2, au titre des prestations, l’utilisation des prestations de l’artiste pour le spectacle, incluant les répétitions et les représentations, l’utilisation des prestations de l’artiste pour la promotion et la publicité du spectacle et des prestations scéniques de l’artiste dans le cadre de ce spectacle et, au titre du contrôle et du suivi, la validation des aspects artistiques du spectacle, de ses budgets de pré-production et de production et du planning des représentations, des répétitions et des opérations de promotion et de publicité, ainsi que la gestion du planning des représentations. Sont également mentionnés à cet article, au titre de la concession de droits, le contenu des prestations scéniques, incluant les droits tirés de leur création et de leur exploitation, les droits de propriété intellectuelle et les droits de la personnalité de l’artiste détenus par la société Bornrocker aux fins d’exploitation du spectacle et de sa promotion, portant concession au producteur pour la durée du contrat, notamment, des droits d’utilisation des textes originaux créés, des droits d’utilisation du nom, de l’image et de tout attribut de la personnalité de l’artiste aux fins de promotion et de publicité du spectacle, du droit d’autoriser des médias d’enregistrer, de photographier et de diffuser des séquences du spectacle pour les besoin de la promotion, ainsi que les droits aux fins de captation et d’exploitation dérivée du spectacle, un accord séparé devant être conclu pour la production et l’exploitation de l’enregistrement. Il est également mentionné que la société Bornrocker garantit avoir conclu tous les accords nécessaires avec l’artiste en vue de ses prestations scéniques et ceux fixant les rémunérations à devoir au titre de ces prestations.

11. En contrepartie des prestations et cessions de droits précédemment décrites, l’article 4 du contrat stipule que le producteur versera à la société Bornrocker une avance minimum garantie de 1 500 000 euros hors taxes au titre des six représentations garanties et effectivement données, payable sur présentation de factures par cinq versements de 260 000 euros hors taxes le lendemain de chaque représentation, le solde de 200 000 euros hors taxes devant être versé le lendemain de la sixième représentation au cas où elle serait effectivement donnée. Il est prévu que le producteur récupère le montant de l’avance minimum sur l’ensemble des sommes à devoir à la société Bornrocker au titre de l’intéressement par compensation jusqu’au complet remboursement, les sommes correspondant à l’avance minimum garantie étant acquises.

12. Au cours du contrôle dont elle a fait l’objet, le vérificateur a constaté que la société Encore B a comptabilisé au compte libellé « achat spectacles étranger » la somme totale de 1 500 000 euros. Interrogée sur ce point, la société Encore B a produit les factures émises par la société Bornrocker, dont il ressort que, au titre de chaque représentation, cette société a émis deux factures, l’une à raison de salaires, l’autre à raison de frais de productions, correspondant à des montants respectifs de 900 000 euros, soumis à la retenue à la source, et de 600 000 euros, exclus de la retenue à la source acquittée. Le service a estimé que cette dernière somme versée par la société Encore B à la société Bornrocker correspondaient à la rémunération de prestations artistiques et devaient également être soumises à la retenue à la source, sur le fondement de l’article 182 A bis du code général des impôts.

13. En premier lieu, il résulte de l’ensemble des stipulations contractuelles précédemment rappelées que l’objet essentiel de la convention précitée, défini à son article 1er, est le service professionnel de l’artiste Johnny Halliday pour le spectacle intitulé « Les vieilles canailles », ce contrat portant sur l’ensemble des droits principaux et voisins pour la réalisation et l’exploitation de la prestation scénique de l’artiste, les coûts de production et de réalisation, incluant notamment les frais de création du spectacle, de préparation des représentations, de publicité et de promotion, étant pris en charge par le producteur, soit la société Encore B et la société Valéry Zeitoun Productions. Il résulte ainsi des termes et de l’économie mêmes du contrat que le service artistique rendu par M. A… constitue la composante essentielle de la prestation facturée par la société Bornrocker. La société Encore B n’est dès lors pas fondée à soutenir que cette convention constituerait un contrat de prestation globale incluant des prestations artistiques et non pas un contrat ayant pour objet des prestations artistiques et que, par suite, la somme en litige ne pourrait faire l’objet d’une retenue à la source sur le fondement de l’article 182 A bis du code général des impôts.

14. En deuxième lieu, la société Encore B fait valoir que, compte tenu de la notoriété de l’artiste indépendante de la tournée, la concession des droits à l’image et des droits voisins en vue de l’exploitation commerciale de cette notoriété, conforme aux usages professionnels, est dissociable des prestations scéniques. Toutefois, il résulte de l’article 2 du contrat que la concession des droits n’est conclue que pour la durée de la préparation et de la réalisation de la tournée « Les vieilles canailles » et est précisément circonscrite aux prestations scéniques et aux droits attachés à la personne de M. A… aux seules fins d’exploitation, de réalisation et de promotion du spectacle, excluant même les droits à concéder pour l’exploitation dérivée de ce spectacle par sa production et son enregistrement, qui doivent faire l’objet d’un accord séparé. Dans ces conditions, compte tenu des termes et de l’économie du contrat, la concession des droits qui y est prévue est indissociable de la prestation artistique de M. A… pour la réalisation de la tournée, résulte exclusivement de l’intervention artistique de l’intéressé dans cette tournée et, contrairement à ce que soutient la société Encore B, ne rémunère ainsi pas une prestation de services distincte de la prestation artistique fournie en France.

15. En troisième lieu, la société Encore B fait valoir que la rémunération de 600 000 euros correspond à des prestations de producteur délégué effectuées par la société Bornrocker depuis les Etats-Unis. Toutefois, il résulte des termes mêmes du contrat, sur le fondement duquel a été versée la somme de 1 500 000 euros incluant la somme de 600 000 euros en litige, que la société Bornrocker n’est pas chargée d’une mission de production déléguée de la tournée, les prestations de contrôle et de suivi que ce contrat mentionne se bornant d’ailleurs à la validation d’opérations inhérentes à la prestation artistique fournie par M. A…. A cet égard, contrairement à ce que soutient la société Encore B, en se prévalant du contrat, l’administration apporte les éléments de preuve requis, la société requérante n’apportant pour sa part aucun élément, qu’elle seule est en mesure de produire, de nature à justifier que, contrairement aux stipulations contractuelles, la somme de 600 000 euros rémunèrerait des prestations de services de production déléguée du spectacle réalisées antérieurement à ce spectacle depuis les États-Unis.

16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 13 à 15 que la somme de 600 000 euros en litige a été versée à la société Bornrocker située aux États-Unis en contrepartie de prestations artistiques fournies par M. A… en France. Par suite, cette somme a été à bon droit soumise à la retenue à la source prévue à l’article 182 A bis du code général des impôts, dont l’application, contrairement à ce que soutient la société Encore B, ne supposait pas l’existence d’un lien juridique direct entre elle et M. A…. A cet égard, il résulte de leurs termes mêmes que les stipulations de l’article 17 de la convention franco-américaine, relatif aux artistes et sportifs, ne faisaient pas obstacle à l’application de la retenue à la source sur les sommes versées par la société Encore B à la société Bornrocker, régulièrement fondée sur les dispositions de l’article 182 A bis du code général des impôts.

17. Par ailleurs, la société Encore B n’est pas fondée à se prévaloir des paragraphes 270 à 285 du bulletin officiel des impôts référencé BOI-IR-DOMIC-10-20-20-20, selon lesquelles seules les prestations rendues en France sont imposables à la retenue à la source, qui ne donnent pas d’interprétation différente de la loi fiscale de celle qui a été précédemment exposée.

18. Enfin, si la société Encore B conteste l’application par le service des dispositions de l’article 155 A du code général des impôts, il résulte de la proposition de rectification que cet article n’a été mentionné que pour soutenir que la société Bornrocker était contrôlée par M. A…, ce qui constitue un motif surabondant de la rectification. Dans la mesure où la retenue à la source est bien fondée sur le seul fondement de l’article 182 A bis du code général des impôts, les moyens invoqués à l’encontre de l’application de l’article 155 A du même code sont, dès lors, inopérants.

Sur les pénalités :

19. Aux termes de l’article 1729 du code général des impôts : « Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration (…) entraînent l’application d’une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (…) ».

20. Pour justifier l’application de la majoration prévue au a) de l’article 1729 du code général des impôts, l’administration a relevé que la société Encore B avait calculé dans sa déclaration souscrite en décembre 2014 la retenue à la source appliquée aux sommes versées à la société Bornrocker sur une base de 900 000 euros, alors qu’elle ne pouvait ignorer que l’intégralité de la somme de 1 500 000 euros contractuellement prévue constituait la contrepartie des prestations artistiques réalisées en France par M. A…, le contrat stipulant d’ailleurs que l’ensemble des règlements à cette société, portant sur la totalité de la somme précitée, feraient l’objet d’une retenue à la source. Dans ces conditions, l’administration a suffisamment motivé l’application de la majoration en litige et apporte la preuve de l’intention délibérée de la société Encore B d’éluder le paiement de la retenue à la source. Ainsi, la société Encore B n’est pas fondée à soutenir que l’application de la majoration pour manquement délibéré prévue au a) de l’article 1729 du code général des impôts n’est ni motivée ni fondée.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la société Encore B n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête doit dès lors être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

22. Aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation ».

23. Les dispositions précitées de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’État, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Encore B demande au titre des frais qu’elle a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Encore B est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Encore B et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur de contrôle fiscal Île-de-France (Division juridique).

Délibéré après l’audience du 27 mai 2021, à laquelle siégeaient :

– M. Formery, président de chambre,

– M. C…, président assesseur,

– Mme Marion, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 juin 2021.

Le rapporteur,

F. C… Le président,

S.-L. FORMERY

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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