Propriété intellectuelle : Exploiter sa marque : une obligation sous peine de déchéance

Notez ce point juridique

Tout déposant qui n’exploite pas sa marque pendant une durée de cinq années (par un « usage sérieux ») s’expose à être déchu des droits sur sa marque.

Pour être considéré comme sérieux, l’usage du signe doit être fait, conformément à sa fonction essentielle, à titre de marque pour identifier ou promouvoir dans la vie des affaires aux yeux du public pertinent les produits et services visés au dépôt et opposés aux défenderesses : il doit être tourné vers l’extérieur et non interne à l’entreprise.

Le caractère sérieux de l’usage, implique qu’il permette de créer ou de maintenir des parts de marché du titulaire de la marque pour les produits et services concernés au regard du secteur économique en cause et qu’il ne soit ni sporadique ni symbolique car destiné au seul maintien des droits sur la marque.

En l’espèce, si la société WEIR MINERALS a progressivement et significativement limité, suite à l’arrêt de sa production sur le territoire français, sa communication autour de la marque SCHABAVER au profit du signe WARMAN, correspondant à une nouvelle gamme de produits, la marque en cause a continué à être utilisée, dans la vie des affaires, dans le cadre de services de maintenance, de fourniture de pièces ou d’équipements associés, lesquels sont identifiés par le public comme émanant de la même entreprise.

Au regard du secteur économique en cause, soit le marché restreint et spécifique des pompes industrielles hydrauliques désignées par la marque SCHABAVER, qui ne sont pas des biens de consommation courante, les preuves apportées caractérisent non pas un usage symbolique mais bien un usage justifié pour maintenir des parts de marché pour les produits protégés par la marque.

C’est en conséquence par de justes motifs que le premier juge a retenu que la déchéance opposée en défense par la société IPS ne peut être considérée comme encourue avec un degré de probabilité suffisant pour justifier, au stade du référé, que la protection conférée par le titre soit écartée pour ce motif.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRET DU 08 JUIN 2022

(n° 102/2022, 16 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 21/13053 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEBC6

Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé du 25 Juin 2021 -Tribunal de Grande Instance de Paris RG n° 21/54018

APPELANTE

S.A.S. WEIR MINERALS

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de LYON sous le numéro 542 016 241

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée et assistée de Me Mélanie VION de la SELEURL Mélanie Vion Avocat, avocat au barreau de PARIS, toque : D1488

INTIMEE

S.A.R.L. IPS – INDUSTRIES POMPES SERVICES

Société au capital de 100 000 euros

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de VILLEFRANCHE-TARARE sous le numéro 502 310 782

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2],

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Assistée de Me Karine DIDIER-MINUS de FIDUCIAL LÉGAL BY LAMY, avocat au barreau de PARIS, toque : P193

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 avril 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente, et Mme Déborah BOHÉE, conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente

Mme Françoise BARUTEL, conseillère,

Mme Déborah BOHÉE, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

Contradictoire

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre, et par Mme Karine ABELKALON, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DU LITIGE

La société WEIR MINERALS, immatriculée en 1988, se présente comme un fabricant et installateur qui commercialise et entretient des appareils et fournitures industrielles tels que notamment des pompes permettant des transferts hydrauliques.

Elle est titulaire des marques suivantes :

— marque verbale française « SCHABAVER » n°1 300 673 déposée le 18 février 1985 et régulièrement renouvelée, enregistrée pour désigner en classe 7 les « pompes, appareils à trier classer, broyeurs, matériels de mine » ;

— marque verbale de l’Union européenne « SCHABAVER » n°18342425 déposée le 23 novembre 2020, pour désigner en classe 7 les « pompes (machines), pièces de rechange pour pompes, machines de concassage ».

Elle indique avoir, après la fermeture de son usine située à [Localité 5] le 30 juin 2015, cessé progressivement la commercialisation de pompes sous les marques SCHABAVER en décembre 2019 mais poursuivi la fabrication des pièces détachées et l’activité de réparation et de maintenance de ces mêmes appareils auprès de ses clients.

Exposant avoir été informée de ce que la société IPS INDUSTRIE POMPES SERVICES immatriculée en 2008 (ci après « la société IPS »), d’une part, diffusait un courrier électronique aux termes duquel elle affirmait « assurer la pérennité de la gamme de pompe SCHABAVER (pièces de rechange et pompes) » et « assurer la disponibilité (stock important) de la gamme complète de pièces de rechange SCHABAVER à des prix compétitifs » – ce qu’elle analysait comme procédant d’une intention délibérée et assumée de faire sans y être autorisée la promotion de la commercialisation des « Pièces de rechange/Pompes/S.A.V » sous les marques SCHABAVER – et d’autre part, avait vendu des appareils fabriqués en 2019 et 2020 constituant des copies serviles de ses produits sous la référence « SCHABAVER CO65 », la société WEIR MINERALS a fait procéder à deux constats relatifs à ces équipements dans les locaux des sociétés SOVEM et IMERYS CERAMICS France les 9 décembre 2020 et 6 janvier 2021.

Elle a ensuite fait procéder le 1er mars 2021 à une saisie-contrefaçon au siège social de la société IPS aux fins d’obtenir des éléments lui permettant de déterminer l’origine et l’étendue des actes de contrefaçon allégués, laquelle a conduit à la découverte de deux factures portant chacune sur l’achat de « 100 plaques marques SCHABAVER PM » ainsi que des documents se rapportant à la vente de pompes et pièces sous le signe invoqué.

Le 23 mars 2021, la société WEIR MINERALS a adressé un courrier de mise en demeure à la société IPS demandant que celle-ci s’engage par écrit à ne plus commercialiser à l’avenir, directement ou indirectement des pompes et pièces détachées et à ne plus proposer des services de réparation, d’entretien et S.A.V sous la marque SCHABAVER, et lui présente une offre transactionnelle de nature à compenser le préjudice qu’elle estimait avoir d’ores et déjà subi.

C’est dans ce contexte que par acte d’huissier en date du 31 mars 2021, la société WEIR MINERALS a fait assigner la société IPS devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris pour obtenir le prononcé de mesures d’interdiction et réclamer une indemnité provisionnelle.

Par ordonnance du 25 juin 2021, dont appel, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a rendu la décision suivante :

— Fait interdiction à la société IPS-INDUSTRIES POMPES SERVICES d’utiliser la marque SCHABAVER pour commercialiser des pompes et pièces détachées s’y rapportant et des services de réparation et d’entretien associés à ces produits, sauf à titre de référence nécessaire et ce, sous astreinte de 100 euros par reproduction constatée passé un délai de un mois à compter de la signification de la présente ordonnance et pendant une durée de 3 mois ;

— Se réserve la liquidation de l’astreinte précitée ;

— Rejette la demande de provision :

— Déboute la société IPS-INDUSTRIES POMPES SERVICES de ses demandes reconventionnelles;

— Condamne la société IPS-INDUSTRIES POMPES SERVICES à payer à la société WEIR MINERALS la somme de 8.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamne la société IPS-INDUSTRIES POMPES SERVICES aux dépens hors frais de constat et de saisie-contrefaçon.

La société WEIR MINERALS a interjeté appel de cette ordonnance le 9 juillet 2021.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 28 mars 2022 par la société WEIR MINERALS , appelante et intimée incidente, qui demande à la cour, de:

— DECLARER la Société WEIR MINERALS recevable en son appel ;

— CONFIRMER l’ordonnance du 25 juillet 2021 en ce qu’elle a :

‘ Débouté la Société IPS-INDUSTRIES POMPES SERVICES de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles ;

‘ Condamné la Société IPS-INDUSTRIES POMPES SERVICES à verser la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens ;

— INFIRMER l’ordonnance du 25 juillet 2021 par Monsieur le Président du Tribunal judiciaire de Paris en ce qu’elle a :

‘ Fait interdiction à la Société IPS-INDUSTRIES POMPES SERVICES d’utiliser la marque SCHABAVER pour commercialiser des pompes et pièces détachées s’y rapportant et des services de réparation et d’entretien associés à ces produits, sauf à titre de référence nécessaire, et ce sous astreinte de 100 euros par reproduction constatée passé un délai d’un mois à compter de la signification et pendant une durée limitée à trois mois;

‘ Rejeté la demande de provision formée par la Société WEIR MINERALS à l’encontre de la Société IPS-INDUSTRIES POMPES SERVICES ;

Statuant à nouveau :

— FAIRE INTERDICTION jusqu’à ce qu’il soit définitivement statué sur le fond du litige à la société IPS-INDUSTRIES POMPES SERVICES d’utiliser sur le territoire de l’Union européenne les marques SCHABAVER ou tout autre signe similaire et ce, à quelque titre que ce soit et notamment à titre de marque, dénomination sociale, nom commercial, enseigne, marque ou nom de domaine et ce, sous astreinte de 5.000 € par infraction constatée, soit par reproduction constatée ou soit par produit fabriqué, importé, exporté, offert à la vente ou distribué, cinq jours ouvrés suivant la signification de l’ordonnance à intervenir en relation avec les produits pompes et pièces détachées et les services de réparation et d’entretien associés à ces produits;

— CONDAMNER la Société IPS-INDUSTRIES POMPES SERVICES à payer par provision la somme de 200.000 euros en réparation des faits de contrefaçon au détriment de la Société WEIR MINERALS causant un préjudice commercial et moral;

En toutes hypothèses :

— CONDAMNER la Société IPS-INDUSTRIES POMPES SERVICES à payer à la Société WEIR MINERALS la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile;

— CONDAMNER aux entiers dépens ceux-ci incluant les frais de constat et de saisie-contrefaçon engagés par la Société WEIR MINERALS

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 24 mars 2022 par la société IPS-INDUSTRIES POMPES SERVICES, intimée et appelante incidente, qui demande à la cour de:

— CONFIRMER l’ordonnance rendue le 25 juin 2021 en ce qu’elle a rejeté la demande de provision de WEIR ;

— INFIRMER l’ordonnance rendue le 25 juin 2021 en ce qu’elle a:

o Fait interdiction à la société IPS d’utiliser la marque SCHABAVER pour commercialiser des pompes et pièces détachées s’y rapportant et des services de réparation et d’entretien associés à ces produits, sauf à titre de référence nécessaire et ce, sous astreinte de 100 euros par reproduction constatée passé un délai de un mois à compter de la signification de la présente ordonnance et pendant une durée de 3 mois ;

o Se réserve la liquidation de l’astreinte précitée ;

o Débouté la société IPS de ses demandes reconventionnelles ;

o Condamné la société IPS à payer à la société WEIR la somme de 8000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

o Condamné la société IPS aux dépens hors frais de constat et de saisie-contrefaçon.

Statuant à nouveau,

— JUGER n’y avoir lieu à quelconque mesure d’interdiction,

— DEBOUTER la société WEIR de toutes ses demandes, fins et conclusions,

— CONDAMNER la société WEIR à verser à IPS une indemnité de 75.000 € pour procédure manifestement abusive ;

— CONDAMNER la société WEIR à verser à IPS des dommages et intérêts d’un montant provisionnel de 75.000€ au titre du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale commis par WEIR à son égard.

A titre subsidiaire, statuant à nouveau :

— si par extraordinaire, des mesures d’interdiction devaient être ordonnées, CONFIRMER l’interdiction prononcée à savoir l’interdiction à la société IPS d’utiliser la marque SCHABAVER pour commercialiser des pompes et pièces détachées s’y rapportant et des services de réparation et d’entretien associés à ces produits, sauf à titre de référence nécessaire et ce, sous astreinte de 100 euros par reproduction constatée passé un délai de un mois à compter de la signification de la décision d’appel et pendant une durée de 3 mois ;

— CONDAMNER la société WEIR à verser à IPS la somme de 75.000€ au titre de garantie dans le cas où l’action en contrefaçon et l’action en concurrence déloyale ne seraient pas fondées et les mesures annulées ;

En tout état de cause,

— CONDAMNER la société WEIR à verser à IPS la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi que les dépens dont distraction au profit de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU en application de l’article 699 du Code de procédure civile

L’ordonnance de clôture a été rendue le 29 mars 2022.

MOTIFS DE L’ARRÊT

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.

— Sur le caractère sérieux des contestations élevées concernant la validité des marques

Sur la compétence du juge des référés

L’appelante conteste la compétence du juge des référés pour statuer sur la validité des marques objet de l’action en contrefaçon et en l’espèce sur les griefs de déchéance et de nullité invoqués par la Société IPS, celui-ci devant, selon elle, se contenter de vérifier la titularité et l’apparente validité des titres sur lesquels se fonde l’action en référé, et particulièrement s’ils sont en vigueur au jour de l’assignation, ce qui n’est pas contesté au cas présent.

L’intimée rappelle qu’elle ne sollicite pas du juge des référés qu’il statue sur la validité des marques de WEIR mais qu’il vérifie si les marques SCHABAVER sont manifestement valables ou si leur validité se heurte à une contestation sérieuse de nature à remettre en cause la vraisemblance de l’atteinte alléguée, ce qui ressort de sa compétence.

En vertu de l’article L716-4-6 du code de la propriété intellectuelle, «Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l’encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon. La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits ou qu’une telle atteinte est imminente.

1:Mise en gras ajoutée par la cour.

La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d’un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. Si le demandeur justifie de circonstances de nature à compromettre le recouvrement des dommages et intérêts, la juridiction peut ordonner la saisie conservatoire des biens mobiliers et immobiliers du prétendu contrefacteur, y compris le blocage de ses comptes bancaires et autres avoirs, conformément au droit commun. Pour déterminer les biens susceptibles de faire l’objet de la saisie, elle peut ordonner la communication des documents bancaires, financiers, comptables ou commerciaux ou l’accès aux informations pertinentes.

Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l’existence de son préjudice n’est pas sérieusement contestable.

Saisie en référé ou sur requête, la juridiction peut subordonner l’exécution des mesures qu’elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuelle du défendeur si l’action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou les mesures annulées.

Lorsque les mesures prises pour faire cesser une atteinte aux droits sont ordonnées avant l’engagement d’une action au fond, le demandeur doit, dans un délai fixé par voie réglementaire, soit se pourvoir par la voie civile ou pénale, soit déposer une plainte auprès du procureur de la République. A défaut, sur demande du défendeur et sans que celui-ci ait à motiver sa demande, les mesures ordonnées sont annulées, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés.»

La cour constate que si, dans le corps de ses écritures, la société WEIR MINERALS conteste la décision du juge des référés en ce qu’il a examiné les griefs de déchéance et de nullité de sa marque invoqués par la société IPS, elle ne formule cependant aucune demande à ce titre dans le dispositif de ses conclusions, qui seul saisit la cour en vertu de l’article 954 du code de procédure civile.

Au surplus, comme l’a justement rappelé le premier juge, le caractère vraisemblable de l’atteinte alléguée dépend, d’une part, de l’apparente validité des titres sur lesquels se fonde l’action et, d’autre part, de la vraisemblance de la contrefaçon invoquée. Ainsi, s’il n’appartient pas au juge des référés de statuer sur la validité des marques en cause, il demeure de son office d’examiner si les moyens susceptibles d’être soulevés à cet égard devant le juge du fond sont de nature à établir que l’atteinte alléguée par le titulaire de la marque est ou non vraisemblable.

Sur le caractère sérieux des contestations élevées

— Sur la déchéance des droits sur la marque verbale française SCHABAVER 673

La société WEIR MINERALS rappelle que la période à examiner pour justifier de l’usage sérieux de sa marque s’étend du 28 juin 2016 au 28 juin 2021, soit durant les cinq années précédant la date de la demande en déchéance formée dans les conclusions de la société IPS signifiées le 29 juin 2021. Elle soutient que la marque SCHABAVER n’a jamais cessé d’être exploitée pour des pompes et leurs pièces détachées, leurs ventes ayant généré chaque année, durant la période de cinq ans allant du 28 juin 2016 au 28 juin 2021, un chiffre d’affaires notable, la fermeture de l’usine de fabrication de [Localité 5] n’ayant donc pas eu comme conséquence de mettre un terme à la commercialisation de produits de marque SCHABAVER. Elle indique verser aux débats des preuves d’usage tels que des factures, des offres de prix, qui doivent, selon elle, être appréciées dans leur globalité, rappelant que la preuve de l’usage de la marque pour désigner les pièces détachées d’un produit ainsi que des services d’opérations d’après-vente (entretien et réparation) permet de justifier également l’exploitation sérieuse de ladite marque pour désigner ce produit.

La société IPS soutient que la période de référence à prendre en compte est comprise entre le 28 juin 2016 et le 28 avril 2021 ( avec retrait de la période suspecte de trois mois comprise entre le 28 avril 2021 et le 28 juin 2021, date à laquelle elle a formé sa demande reconventionnelle).

La société IPS conteste par ailleurs l’usage sérieux invoqué arguant que la plupart des pièces apportées à titre de preuve, non datées et hors période de référence, ne peuvent être prises en considération dans le cadre d’une appréciation globale, les autres éléments de preuves que sont notamment les factures, offres de prix, documents commerciaux, documents comptables, n’étant pas recevables, soulignant que la marque se doit d’être utilisée sur le marché et donc nécessairement être apposée sur le produit lui-même, ses étiquettes ou emballage, et alors que la société WEIR MINERALS a remplacé la marque SCHABAVER par la marque WARMAN dès 2006. Elle estime que rien ne permet de justifier que le chiffre d’affaires avancé par la société WEIR MINERALS provienne de produits offerts sous la marque SCHABAVER et non de produits WARMAN, l’ensemble des factures n’étant pas communiqué.

Sur ce, aux termes de l’article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle: ‘Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans. (…)

L’usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans visée au premier alinéa du présent article n’y fait pas obstacle s’il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l’éventualité de cette demande.

La preuve de l’exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens.

La déchéance prend effet à la date d’expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu’.

La cour rappelle en outre que, dans l’arrêt Ansul (11 mars 2003 C-40/01), la CJUE a dit pour droit que la circonstance selon laquelle l’usage de la marque ne concerne pas des produits nouvellement offerts sur le marché mais des produits déjà commercialisés n’est pas de nature à priver cet usage de son caractère sérieux, si la même marque est effectivement utilisée par son titulaire pour des pièces détachées entrant dans la composition ou la structure de ces produits ou pour des produits ou des services qui se rapportent directement aux produits déjà commercialisés et qui visent à satisfaire les besoins de la clientèle de ceux-ci.

Il est enfin acquis que pour être considéré comme sérieux, l’usage du signe doit être fait, conformément à sa fonction essentielle, à titre de marque pour identifier ou promouvoir dans la vie des affaires aux yeux du public pertinent les produits et services visés au dépôt et opposés aux défenderesses : il doit être tourné vers l’extérieur et non interne à l’entreprise. Le caractère sérieux de l’usage, implique qu’il permette de créer ou de maintenir des parts de marché du titulaire de la marque pour les produits et services concernés au regard du secteur économique en cause et qu’il ne soit ni sporadique ni symbolique car destiné au seul maintien des droits sur la marque.

En l’espèce, en l’absence de débat sur la réalité de l’usage de la marque n°673 sur la première période de 5 ans postérieure à la publication de son enregistrement, seule sera prise en compte la seconde période, à savoir du 28 avril 2016 au 28 avril 2021, date précédant de 3 mois la présentation de la demande reconventionnelle en déchéance du 29 juin 2021.

Pour justifier d’un usage sérieux de sa marque, la société WEIR MINERALS verse aux débats les éléments suivants, relatifs à la période de référence:

— de nombreux échanges de courriers électroniques avec des clients possédant des pompes SCHABAVER pour des opérations de maintenance ou de réparation, démontrant que la société WEIR MINERALS continue d’assurer la fourniture de services et de pièces détachées pour ces produits et sous cette marque,

— des offres de prix, devis, suivis de commandes visant notamment des pompes SCHABAVER ou des pompes «WARMAN SCHABAVER»,

— des factures attestant de la vente de pompes ou de pièces détachées de marque SCHABAVER, certaines portant la mention pompes «WARMAN SCHABAVER», illustrant le fait, comme l’a justement relevé le premier juge, qu’en présence de nouvelles séries de modèles dont la promotion est assurée sous le signe verbal «WARMAN» l’usage du terme «SCHABAVER» est toujours utilisé à titre de référence identifiant le type de produit concerné,

— des clichés démontrant que sur les pièces détachées en cause figurent toujours la marque SCHABAVER.

Ainsi que l’a justement analysé le premier juge, il ressort de ces éléments que si la société WEIR MINERALS a progressivement et significativement limité, suite à l’arrêt de sa production sur le territoire français, sa communication autour de la marque SCHABAVER au profit du signe WARMAN, correspondant à une nouvelle gamme de produits, la marque en cause a continué à être utilisée, dans la vie des affaires, dans le cadre de services de maintenance, de fourniture de pièces ou d’équipements associés, lesquels sont identifiés par le public comme émanant de la même entreprise. Il y a seulement lieu pour la cour d’ajouter qu’au regard du secteur économique en cause, soit le marché restreint et spécifique des pompes industrielles hydrauliques désignées par la marque SCHABAVER, qui ne sont pas des biens de consommation courante, les preuves apportées caractérisent non pas un usage symbolique mais bien un usage justifié pour maintenir des parts de marché pour les produits protégés par la marque.

C’est en conséquence par de justes motifs que le premier juge a retenu que la déchéance opposée en défense par la société IPS ne peut être considérée comme encourue avec un degré de probabilité suffisant pour justifier, au stade du référé, que la protection conférée par le titre soit écartée pour ce motif.

— Sur la nullité de la marque européenne SCHABAVER 425 pour dépôt frauduleux

La société IPS soutient que la marque européenne SCHABAVER 425 a été déposée frauduleusement par la société WEIR MINERALS afin de maintenir artificiellement des droits de marque, d’échapper à la déchéance, eu égard à la proximité entre la date du dépôt et celle de la présentation de la requête en saisie-contrefaçon, et de bénéficier artificiellement de droits de marque sur des pièces détachées, sans intention d’utiliser la marque pour de tels produits mais uniquement dans le but de l’opposer à un concurrent légitime et servir de fondement à une action en contrefaçon à son encontre.

La société WEIR MINERALS conteste d’abord la décision du juge des référés qui a exclu la prise en compte de la marque de l’Union européenne SCHABAVER au motif que les actes reprochés à la société IPS se trouvaient être «pour l’essentiel» antérieurs à l’enregistrement de celle-ci, soulignant que la mesure d’interdiction ayant effet pour l’avenir, le fait que les actes illicites sont, pour partie, antérieurs est inopérant, la prise en compte de la marque européenne ayant une incidence sur la portée territoriale de la mesure d’interdiction qu’elle sollicite.

Elle ajoute avoir fait un usage licite de son droit à demander l’enregistrement d’une marque de l’UE identique à sa marque française SCHAVABER pour étendre sa protection matérielle et géographique, continuant à exploiter ce signe pour des pièces de rechange, sans intention frauduleuse, la société IPS ne détenant aucun droit antérieur sur le signe, et ne pouvant prétendre à une atteinte à ses droits, ce dépôt n’ayant pas vocation à faire obstacle à la déchéance arguée de la marque française, toujours exploitée notamment pour les pièces de rechange.

Sur ce, dans la mesure où la société WEIR MINERALS formule des demandes spécifiques sur le fondement de sa marque verbale européenne et des mesures d’interdiction visant le territoire européen, invoquant certains actes de contrefaçon postérieurs à son dépôt, c’est à tort que le premier juge a refusé d’examiner son apparente validité et les demandes formulées en conséquence par l’appelante.

En vertu de l’article 59 du règlement UE 2017/1001 du 14 juin 2017, intitulé «Causes de nullité absolue», «1. La nullité de la marque de l’Union européenne est déclarée, sur demande présentée auprès de l’Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon:

(……) b) lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque.»

La cour relève, que, dans la mesure où il n’est pas contesté que la société WEIR MINERALS, était au moment du dépôt de la marque européenne SCHABAVER le 23 novembre 2020 désignant notamment les pompes et pièces de rechange pour pompes, déjà titulaire de la marque verbale française SCHABAVER depuis 1985 régulièrement renouvelée, déposée pour protéger notamment les pompes, qu’elle a justifié de l’usage de cette marque notamment en démontrant avoir commercialisé des pièces de rechange destinées à l’entretien de ces pompes du 28 avril 2016 au 28 avril 2021, la mauvaise foi de la déposante n’apparaît nullement caractérisée dès lors, en outre, que la marque de l’Union européenne a une portée différente de celle de la marque française, l’intéressée ayant ainsi pu vouloir conforter ses droits sur une dénomination régulièrement et continuellement exploitée.

Ainsi, la société IPS ne peut être suivie lorsqu’elle soutient que ce dépôt n’aurait été effectué que pour échapper à la déchéance de la marque française, toujours exploitée, comme déjà examiné, la mauvaise foi ne pouvant être déduite de la seule proximité entre la date du dépôt de la marque européenne et celle de la présentation de la requête en saisie contrefaçon.

La cour retient donc que la nullité de la marque ne peut être encourue sur ce point, avec l’évidence requise au stade du référé.

— Sur la vraisemblance des atteintes aux droits de la société WEIR MINERALS:

L’appelante soutient que la société IPS s’est rendue coupable de contrefaçon par reproduction des marques SCHABAVER au travers de la commercialisation de 96 pompes, sous le signe SCHABAVER, en y faisant apposer des plaques à ce nom, en ce compris des pompes exportées à l’étranger, dès lors qu’elles ont fait l’objet d’une facturation en France, ainsi que celles ne présentant aucune mention ou marque, les actes de contrefaçon réprimés par le code de la propriété intellectuelle ne se réduisant pas à l’apposition de la marque d’autrui sur les produits eux-mêmes mais comprenant également tous les usages du signe contrefait dans la vie des affaires, les factures saisies démontrant que la marque SCHABAVER se trouve mentionnée expressément dans la description des articles vendus, ainsi que sur certains supports comptables, publicitaires, techniques et commerciaux en relation avec les pompes. Elle ajoute que la société IPS a également commis des actes de contrefaçon par imitation au travers de l’offre à la vente, la distribution, la commercialisation des pièces de rechange sous le signe SCHABAVER , en ce que le signe est reproduit à l’identique pour désigner des produits similaires par destination aux pompes, ainsi que des services de réparation, d’entretien et de maintenance, en ce que le signe se trouve également reproduit à l’identique pour désigner des services similaires par complémentarité aux pompes, créant un risque de confusion dans l’esprit du public.

S’agissant de l’exception de référence nécessaire invoquée par la société IPS, la société WEIR MINERALS souligne qu’elle n’est pas opposable s’agissant de la commercialisation contrefaisante des 96 pompes. Quant aux reproductions du signe SCHABAVER par la société IPS sur les documents comptables, les notices d’utilisation, les catalogues, les affiches, les tarifs, les certificats de conformité, les mailings, l’appelante retient qu’il s’agit non de références nécessaires à la destination des pompes et pièces de rechanges ayant pour objet d’indiquer leur nature compatible, jamais mentionnée comme telle, mais bien d’une indication d’origine des produits vendus de nature à entretenir la confusion dans l’esprit de la clientèle pour promouvoir la vente de ses produits à des prix compétitifs.

L’intimée soutient, quant aux actes commis dans l’Union européenne, que si la marque de l’Union européenne devait être considérée comme valide, il n’en demeure pas moins que la vente des pompes hors France l’ayant été avant le 1er mars 2021, date de notification de la demande de marque de l’Union européenne, de tels actes ne peuvent être considérés comme des contrefaçons. Elle ajoute que l’utilisation de la dénomination SCHABAVER pour la commercialisation de pièces détachées, de services d’entretien, de réparation et de SAV associés ne l’a été qu’à titre de référence nécessaire, pour désigner la destination de ces pièces, en tant que pièces de rechanges compatibles avec les pompes SCHABAVER. Elle estime par ailleurs qu’il n’existe aucun risque de confusion avec les produits et services exploités par la société WEIR MINERALS. Elle admet, tout au plus, une utilisation isolée et de bonne foi du signe SCHABAVER sur des pompes par apposition de plaques à la demande de ses clients.

La cour rappelle qu’en vertu de l’article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle, « Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :

1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;

2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.»

Ces deux cas de contrefaçon sont également prévus par l’article 9.2 du Règlement UE 2017/1001.

Puis, l’article L.713-3-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que «Sont notamment interdits, en application des articles L. 713-2 et L. 713-3, les actes ou usages suivants :

1° L’apposition du signe sur les produits ou sur leur conditionnement ;

2° L’offre des produits, leur mise sur le marché ou leur détention à ces fins sous le signe, ou l’offre ou la fourniture des services sous le signe ;

3° L’importation ou l’exportation des produits sous le signe ;

4° L’usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d’un nom commercial ou d’une dénomination sociale ;

5° L’usage du signe dans les papiers d’affaires et la publicité ;

6° L’usage du signe dans des publicités comparatives en violation des dispositions des articles L. 122-1 à L. 122-7 du code de la consommation ;

7° La suppression ou la modification d’une marque régulièrement apposée.

Ces actes et usages sont interdits même s’ils sont accompagnés de mots tels que : « formule, façon, système, imitation, genre, méthode ».»

Sur ce, la société WEIR MINERALS démontre que la société IPS a fait fabriquer des plaques estampillées «SCHABAVER» qu’elle a apposées sur des pompes qu’elle a commercialisées, aux côtés de sa plaque d’identification en tant que fournisseur, les opérations de saisie contrefaçon ayant permis d’établir que 200 plaques ont été commandées et 96 pompes ainsi vendues sous cette marque, comme en attestent les factures saisies mentionnant «POMPES SCHABAVER» , ce que la société IPS ne conteste pas dans sa matérialité. Par ailleurs, la cour rappelle que la bonne foi étant indifférente en la matière, il importe peu que la société IPS soutienne avoir apposé ces plaques à la demande de ses clients. Et le fait que certains des produits en cause ont été commercialisés à l’étranger vers des pays de l’UE ou hors UE est sans influence sur leur qualification, la loi incriminant également les actes d’exportation de produits portant la marque contrefaite.

Ces actes vraisemblables de contrefaçon par reproduction de la marque SCHABAVER ressortent également de l’usage de celle-ci sur des documents communiqués par la société IPS à ses clients, sur des factures mais aussi sur le mailing diffusé à grande échelle, constituant autant d’usage(s) de ce signe, à titre de marque dans la vie des affaires pour des produits similaires à ceux visés dans l’enregistrement, sans autorisation du titulaire de la marque.

De même, l’appelante établit que la société IPS a reproduit la marque SCHABAVER pour désigner des pièces détachées qu’elle offre à la vente dans le cadre de son offre de services de maintenance et de SAV ainsi que cela ressort des catalogues, supports publicitaires, des certificats de conformité ou factures saisis, rendant vraisemblable la commission d’actes de contrefaçon de cette marque par imitation, le signe étant reproduit à l’identique pour désigner des produits similaires par destination aux produits visés à l’enregistrement, ou des services complémentaires par destination, s’agissant du SAV, créant un risque de confusion évident pour le public concerné.

Par ailleurs, si l’article L.713-6 3° du code de la propriété intellectuelle dispose qu’une marque ne permet pas à son titulaire d’interdire à un tiers, l’usage dans la vie des affaires, conformément aux usages loyaux du commerce de la marque pour désigner ou mentionner des produits ou des services comme étant ceux du titulaire de cette marque, en particulier lorsque cet usage est nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoire ou pièce détachée, cette exception est d’abord inapplicable lorsque la marque est apposée sans autre mention sur les pompes elles-mêmes. Puis, en faisant référence expressément à la marque SCHABAVER pour commercialiser des pièces de rechange ou proposer des services après vente et notamment dans le mailing adressé le 14 juin 2018 à plusieurs sociétés en ces termes « les pompes SCHABAVER’ ont une très grande acceptabilité sur notre marché depuis de très nombreuses années d’un point de vue technique et économique. Nous avons donc décidé, il y a quelques années avec le support d’anciens salariés Schabaver du marketing et de la production et du B.E. ainsi qu’avec de nombreux sous-traitants de continuer à assurer la pérennité de la gamme de pompe SCHABAVER’ (pièces de rechanges/pompes) indépendamment des récentes ou futures décisions de l’actuel fabricant. Nous sommes donc en mesure de vous assurer la disponibilité (stock important) de la gamme complète de pièces de rechange SCHABAVER’ à des prix très compétitifs (…)», la société IPS n’a pas fait un usage de ce signe comme référence nécessaire à la destination des produits en cause mais bien comme une indication d’origine des produits vendus de nature à créer la confusion chez la clientèle, les factures étant établies pour « des pièces pour pompes SCHABAVER» sans aucune mention de leur seule nature compatible ou adaptable, l’apposition du symbole ‘ indiquant uniquement que le signe est enregistré à titre de marque. L’intimée n’est donc pas fondée à opposer cette exception à la titulaire du signe.

Enfin, la mention du logo de la société IPS sur certains des documents en cause ne permet pas d’écarter le risque de confusion sur l’origine commerciale des pompes et pièces détachées qu’elle commercialise, cette mention étant utilisée comme dénomination sociale de l’intimée.

Au surplus, si la société IPS fait valoir que la société WEIR MINERALS ne détient aucun droit privatif sur les pompes et pièces détachées qu’elle commercialise, cet argument est cependant inopérant puisque l’appelante n’invoque au soutien de son action qu’une atteinte à sa marque.

Les atteintes vraisemblables alléguées à la marque verbale française 673 étant dès lors constituées, il convient de faire droit aux demandes d’interdiction formulées sur le territoire national, aucun acte commis sur le territoire européen n’étant établi avant la notification de la demande d’enregistrement de la marque européenne à la société IPS, le 1er mars 2021.

Il y a lieu en conséquence de confirmer la décision dont appel, sauf s’agissant de la durée de la mesure d’interdiction, celle-ci devant produire ses effets jusqu’à ce que le tribunal statue sur le fond de l’affaire.

— Sur la demande d’indemnité provisionnelle de la société WEIR MINERALS:

L’appelante sollicite le versement d’une provision, l’existence de son préjudice n’étant pas sérieusement contestable puisque de l’atteinte vraisemblable de à la marque, reconnue par le juge des référés, résulte nécessairement un préjudice tant commercial que moral et critique le premier juge qui a reconnu l’atteinte, sans lui accorder le moindre dédommagement.

S’agissant du préjudice économique, la société WEIR MINERALS rappelle que les dommages et intérêts doivent prendre en considération son manque à gagner ainsi que les bénéfices réalisés par le contrefacteur, la preuve que ce bénéfice aurait pu être réalisé par le titulaire de la marque n’étant pas exigée. S’agissant du préjudice moral, l’appelante soutient que celui-ci résulte notamment du détournement de clientèle, la société IPS ayant diffusé massivement et périodiquement des mailings à des milliers de clients et prospects.

La société intimée conteste l’existence du moindre préjudice commercial, la société WEIR MINERALS ne commercialisant plus la gamme SCHABAVER pour l’avoir remplacée par les produits WARMAN dès 2006 ainsi que les modalités de calcul adoptées par l’appelante pour le chiffrer de manière artificielle.

La cour rappelle que l’article L.716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, «Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :

1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;

2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;

3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.

Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.»

Sur ce, en commercialisant des pompes faussement identifiées comme étant des pompes SCHABAVER ainsi que des pièces détachées sous cette même marque comme l’établissent les opérations de saisie contrefaçon, la société IPS a causé un préjudice non sérieusement contestable à la société WEIR MINERALS qui a eu à subir un manque à gagner alors qu’elle continue d’assurer la commercialisation à tout le moins de pièces de rechanges pour les pompes SCHABAVER, la société intimée tirant des bénéfices de cet usage au regard notamment de la notoriété de ces produits, qu’elle-même a mis en avant auprès de ses clients pour justifier la poursuite de leur commercialisation, la saisie contrefaçon ayant permis d’établir la commercialisation de 96 pompes SCHABAVER, dont 28 en France, représentant selon la société IPS un chiffre d’affaires de 158.731€. L’utilisation de ce signe dans ces conditions a également conduit à sa banalisation.

Cependant, il doit être aussi tenu compte de ce que la société WEIR MINERALS a largement communiqué auprès de ses clients au sujet de la cessation de la commercialisation des pompes SCHABAVER et du seul maintien d’un service après vente, tout en leur conseillant la pose de ses nouveaux modèles WARMAN, de sorte qu’elle n’est pas fondée à imputer intégralement à l’intimée la baisse continue de son chiffre d’affaires sur les produits de la gamme SCHABAVER.

Au vu de cet ensemble d’éléments appréciés distinctivement, il convient d’allouer à la société WEIR MINERALS une somme de 30.000€ à titre de dommages et intérêts provisionnels en réparation du préjudice subi, non sérieusement contestable, consécutivement aux faits de contrefaçon allégués, l’ordonnance dont appel étant infirmée en ce qu’elle a débouté la société WEIR MINERALS des demandes formulées à ce titre.

— Sur les demandes reconventionnelles de la société IPS:

Au titre du dénigrement

La société IPS soutient avoir été victime d’actes de dénigrement, au travers de l’envoi de mails par un employé de la société WEIR MINERALS à ses clients, l’accusant d’actes de contrefaçon, sans qu’un jugement soit rendu, tentant ainsi de la discréditer afin de détourner sa clientèle.

L’appelante conteste les faits qui lui sont imputés rappelant avoir immédiatement mis un terme à une communication isolée d’un collaborateur, la société IPS ne présentant aucun élément permettant de justifier du montant des dommages et intérêts sollicités et ne démontrant pas non plus avoir perdu des clients à la suite des actes prétendument constitutifs de dénigrement.

La cour rappelle que les actes de concurrence déloyale sont sanctionnés au titre de la responsabilité de droit commun prévue à l’article 1240 du code civil, qui dispose que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, lorsqu’ils excèdent les limites admises dans l’exercice des activités économiques, au nom du principe de la liberté du commerce. Ils peuvent revêtir la forme d’actes de dénigrement consistant, au delà d’une forme de critique admissible, parce qu’objective et mesurée, à divulguer une information de nature à jeter le discrédit sur l’activité d’un concurrent et à en tirer profit.

Les messages cités par l’intimée envoyés les 3 et 8 mars 2021 à deux clients de la société IPS reçoivent incontestablement cette qualification, étant respectivement libellés dans les termes suivants : « Vous aviez trouvé comme alternative de vous fournir des pièces dites de contrefaçons auprès de la société IPS. Ces pièces pour certaines n’offrent pas la longévité des pièces d’origine. Je souhaite vous prévenir qu’une perquisition a eu lieu dans les locaux de cette société il y a quelques jours et qu’elle a été très fructueuse. Cela va se traduire par un référé interdiction» et « Vous avez manifestement fait le choix de confier cette fourniture à un acteur local qui commercialise des pièces et des pompes de contrefaçons. Serait-il possible de me recevoir en vos locaux Mercredi 10 ou Jeudi 11 pour définir vos besoins et travailler une grille tarifaire qui corresponde à vos attentes ‘  », s’agissant de propos jetant clairement le discrédit sur l’activité de la société IPS.

Si la société WEIR MINERALS a réagi promptement à ces propos en avertissant le salarié concerné, il n’en demeure pas moins que les faits de dénigrement ainsi vraisemblablement constitués ont causé un préjudice à la société IPS qui sera justement réparé par l’octroi d’une indemnité provisoire de 2.000€, l’ordonnance dont appel étant infirmée de ce chef.

Au titre de la procédure abusive

La société IPS s’estime victime d’une procédure abusive dans le but de l’empêcher de vendre des pièces détachées compatibles avec les pompes SCHABAVER alors que la société WEIR MINERALS en a cessé la production et la commercialisation et a abandonné l’usage de la marque éponyme depuis de nombreuses années.

L’appelante rappelle que la société IPS ne s’est jamais présentée comme un vendeur de pièces détachées compatibles mais comme un véritable fournisseur de pompes et pièces de rechange SCHABAVER, et qu’elle n’apporte aucune preuve d’un quelconque abus.

Sur ce, la cour constate que dans la mesure où il a été fait droit, en partie, aux demandes formulées par la société WEIR MINERALS tant en première instance qu’au stade de l’appel, la société IPS est mal fondée à lui reprocher d’avoir agi en justice de mauvaise foi à son encontre.

La demande formulée en conséquence doit être rejetée et l’ordonnance querellé confirmée de ce chef.

Au titre des garanties

La cour considère qu’il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article L.716-4-6 4° du code de la propriété intellectuelle invoquées par la société IPS, en l’absence d’éléments susceptibles de remettre en cause la solvabilité de la société WEIR MINERALS, l’ordonnance dont appel étant confirmée de ce chef.

— Sur les autres demandes:

La société IPS, succombant, sera condamnée aux dépens d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées ainsi que sur les frais de constats et de saisie contrefaçon, dont la prise en charge a vocation à être tranchée par le juge du fond.

Enfin, l’équité et la situation des parties commandent de condamner la société IPS à verser à la société WEIR MINERALS une somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme l’ordonnance déférée sauf en ce qu’elle a limité la mesure d’interdiction à une durée de trois mois, en ce qu’elle a rejeté la demande de provision présentée par la société WEIR MINERALS et la demande reconventionnelle présentée par la société IPS-INDUSTRIES POMPES SERVICES au titre des faits de dénigrement,

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

Fait interdiction à la société IPS-INDUSTRIES POMPES SERVICES jusqu’à ce que le tribunal statue sur le fond du litige, d’utiliser la marque SCHABAVER sur le territoire national pour commercialiser des pompes et pièces détachées s’y rapportant et des services de réparation et d’entretien associés à ces produits, sauf à titre de référence nécessaire et ce, sous astreinte de 100 euros par reproduction constatée passé un délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt,

Condamne la société IPS-INDUSTRIES POMPES SERVICES à verser à la société WEIR MINERALS la somme provisionnelle de 30.000€ à titre dommages et intérêts,

Condamne la société WEIR MINERALS à verser à la société IPS-INDUSTRIES POMPES SERVICES la somme provisionnelle de 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour les faits de dénigrement,

Condamne la société IPS-INDUSTRIES POMPES SERVICES aux dépens d’appel, ne comprenant pas les frais de constat et de saisie contrefaçon,

Condamne la société IPS à verser à la société WEIR MINERALS une somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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