La juridiction a tranché : la société Vesti a tenté de manière fautive de créer la confusion entre les doudounes qu’elle commercialise et celles de la collection Ultra Light Down de la société Uniqlo (doudounes sans manche avec un matelassé en forme de losange). La société Vestiti s’est également placée dans le sillage de la société Uniqlo et a ainsi profité de manière injustifiée de la valeur économique, du savoir-faire et des investissements de la société Uniqlo Europe attestés par les éléments produits au débat et notamment l’attestation de son directeur financier faisant état d’investissements publicitaires à hauteur de près de 900 000 euros.
_____________________________________________________________________________________________________________
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRÊT DU 04 FEVRIER 2022
Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 20/07747 – n° Portalis 35L7-V-B7E-CB46K
Décision déférée à la Cour : jugement du 24 janvier 2020 -Tribunal Judiciaire de PARIS – 3ème chambre 3ème section – RG n°17/15789
APPELANTES AU PRINCIPAL et INTIMEES INCIDENTES
Société FAST RETAILING CO LIMITED, société de droit japonais, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé 717-1 Sayama
[…]
JAPON
Société UNIQLO EUROPE LIMITED, société de droit anglais, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
[…]
[…]
LONDRES
ROYAUME-UNI
Représentées par Me Jean-Didier MEYNARD de la SCP BRODU – CICUREL – MEYNARD – GAUTHIER – MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque P 240
Assistées de Me Philippe BESSIS, avocat au barreau de PARIS, toque E 804
INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE
S.A.S. VESTITI, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
[…]
93130 NOISY-LE-SEC
Immatriculée au rcs de Bobigny sous le numéro 344 577 523
R e p r é s e n t é e p a r M e M a t t h i e u B O C C O N – G I B O D d e l a S E L A R L L E X A V O U E PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque C2477
Assistée de Me Claire CAMBERNON plaidant pour la SARL TGS FRANCE AVOCATS, avocate au barreau de LILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 2 décembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport
Mme Laurence LEHMANN a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Brigitte CHOKRON, Présidente
Mme Laurence LEHMANN, Conseillère
Mme Agnès MARCADE, Conseillère
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Brigitte CHOKRON, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement réputé contradictoire rendu le 24 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Paris,
Vu l’appel interjeté le 22 juin 2020 par la société Fast Retailing Co Limited (Fast Retailing) et la société Uniqlo Europe Limited (ensemble les sociétés Uniqlo),
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 13 octobre 2021 par les sociétés Fast Retailing et Uniqlo, appelantes et intimées à titre incident,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 28 septembre 2021 par la société Vestiti, intimée et appelante à titre incident,
Vu l’ordonnance de clôture du 28 octobre 2021.
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
Il est précisé, s’agissant des pièces produites au débat par les parties que seules celles écrites en langue française, ou traduites dans cette langue qui est celle du procès, seront appréciées par la cour.
Il sera rappelé que la société japonaise Fast Retailing qui détient plusieurs grandes marques de prêt-à-porter, dont la marque UNIQLO, est titulaire de la marque verbale française Ultra Light Down déposée à I’INPI le 22 septembre 2014, sous le n°4 119 732, en classe 14, 18 et 25.
Aux termes de deux contrats conclus le 1er septembre 2013 entre la société Fast Retailing et une société Uniqlo Co Ltd et le 22 mars 2018 entre la société Uniqlo Co Ltd et la société Uniqlo Europe, cette dernière société détient notamment une licence exclusive sur le territoire européen sur la marque Ultra Light Down.
La société Uniqlo Europe précise avoir exploité de manière constante et régulière le signe Ultra Light Down depuis 2009 pour désigner une gamme de doudounes avec ou sans manche pour femme, homme et enfant.
La société Vestiti est une société française qui indique exercer son activité dans le domaine de l’achat-vente et de l’import-export de vêtements et d’accessoires et commercialiser ses produits au travers d’un réseau de 15 succursales dénommées AU FIL DES MARQUES qui pratiquent le déstockage.
Ayant constaté que les sociétés Paris Affaires et Sofralot commercialisent des doudounes sans manche avec un matelassé en forme de losange qu’elle considère similaires aux doudounes UNIQLO, et dont le pochon de rangement, l’intérieur de la doudoune et l’étiquetage étaient marqués Ultra Light Down, ce qu’elle estime contrefaire la marque du même nom, la société Fast Retailing a fait procéder le 27 octobre 2017 à des opérations de saisie-contrefaçon.
Ces opérations ont révélé que le fournisseur des sociétés Paris Affaires et Sofralot était une société Mondlots, sise à La-Plaine-Saint-Denis.
Une saisie-contrefaçon a en conséquence été diligentée au siège social de cette dernière, le 31 octobre 2017, permettant d’identifier son propre fournisseur en la société Vestiti.
Une nouvelle saisie-contrefaçon était ainsi réalisée au siège social de la société Vestiti, sis à Noisy-le-Sec, le 7 novembre 2017. La gérante de la société Vestiti a indiqué se fournir auprès d’une société américaine Yuka Clothing Inc.
Après avoir selon elles vainement tenté un règlement amiable, les sociétés Fast Retailing et Uniqlo Europe ont fait assigner en contrefaçon de marque et concurrence déloyale et parasitaire les sociétés Mondlots et Vestiti devant le tribunal de grande instance de Paris, par actes du 16 novembre 2017.
La société Mondlots a été placée en liquidation judiciaire selon jugement du tribunal de commerce de Bobigny en date du 19 juillet 2018. Les demanderesses, estimant nulles leurs chances de recouvrement, ont alors fait le choix de ne pas assigner le mandataire liquidateur et d’abandonner leurs prétentions à l’égard de la société en liquidation.
La société de droit américain Yuka Clothing Inc. assignée en intervention forcée et appelée en garantie par la société Vestiti n’a pas constitué avocat en première instance.
Le tribunal de grande instance de Paris, devenu tribunal judiciaire, a rendu le jugement, réputé contradictoire, dont appel par lequel il a :
– débouté la société Vestiti de sa demande tendant à voir dire frauduleux le dépôt et l’enregistrement de la marque verbale française Ultra Light Down n°4 119 732 dont est titulaire la société Fast Retailing ;
– ordonné que soit précisé à la suite du libellé des produits visés en classes 18 et 25 par l’enregistrement de la marque verbale française Ultra Light Down n° 4 119 732 dont est titulaire la société Fast Retailing, à savoir :
* en classe 18 : Cuir et imitations du cuir ; peaux d’animaux ; (…) ; habits pour animaux ; (…) ;
* en classe 25 : Vêtements ; manteaux, tricots (vêtements) ; chemises ; layettes (vêtements) ; vêtements imperméables ; robes de mariée ; pantalons ; survêtements ; pantalons de sport ; maillots de bain ; chemises de nuit ; déshabillés ; robes de nuit japonaises [Nemaki] ; pyjamas ; peignoirs de bain ; sous- vêtements ; maillots de corps ; corsets (sous-vêtements) ; combinaisons (vêtements) ; chemises ; caleçons et slips ; culottes, shorts et slips ; soutien-gorge ; jupons ; bonneterie ; cache-corset ; tee-shirts ; gants (habillement) et mitaines ; foulards ; chapellerie ; jarretières ; fixe-chaussettes ; bretelles ; ceintures (habillement) ; chaussures ; chaussures de sport ; costumes de déguisement ; vêtements de sport ; chaussures de football ;
La mention suivante : «les produits précités s’entendant à l’exclusion de ceux composés de duvet léger ou A léger» ;
En conséquence,
– dit que la partie la plus diligente devra porter à la connaissance de l’INPI la présente décision devenue définitive afin que soit inscrite au Registre National des Marques la mention rectificative ci-dessus ;
– débouté les sociétés Fast Retailing et Uniqlo Europe Ltd de leurs demandes en contrefaçon de marque ;
– dit qu’en commercialisant les doudounes référencées n°7702, 7704 et 7708 comportant un pochon de rangement et des étiquettes imitant ceux des doudounes commercialisées par la société Uniqlo Europe Ltd, la société Vestiti a commis des actes de parasitisme au préjudice de cette dernière ;
En conséquence,
– condamné la société Vestiti à verser à la société Uniqlo Europe Ltd la somme de 36.000 euros en réparation des actes parasitaires ;
– condamné la société Vestiti à verser à la société Uniqlo Europe Ltd la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société Vestiti aux dépens ;
– dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire.
Les sociétés Fast Retailing et Uniqlo Europe, appelantes à titre principal, demandent à la cour de :
À titre principal
Confirmer le jugement en ce qu’il a :
– débouté la société Vestiti de sa demande tendant à voir dire frauduleux le dépôt et l’enregistrement de la marque verbale française Ultra Light Down n° 4 119 732 dont est titulaire la société Fast Retailing,
– dit qu’en commercialisant les doudounes référencées «7702», «7704» et «7708» comportant un pochon de rangement et des étiquettes imitant celles des doudounes commercialisées par la société Uniqlo Europe, la société Vestiti a commis des actes de parasitisme au préjudice de cette dernière,
– En conséquence, condamné la société Vestiti à verser à la société Uniqlo Europe :
* la somme de 36 000 euros en réparation des actes parasitaire ;
* la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
* aux dépens.
Infirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions et, statuant à nouveau :
– juger que la société Vestiti s’est rendue coupable de contrefaçon de la marque française Ultra Light Down, déposée à l’INPI le 22 septembre 2014, sous le n°4119732 au préjudice de la société Fast Retailing et de la société Uniqlo Europe,
– juger que les agissements distincts décrits concernant les doudounes litigieuses référencées «7702», «7704» et «7708» constituent également des actes de concurrence déloyale et parasitaires et de nombreuses fautes dans les termes de l’article 1240 du code civil,
– interdire à la société Vestiti et sous astreinte définitive de 1.500 euros par jour de retard, passée la signification de l’arrêt à intervenir, d’utiliser de quelque façon que ce soit et/ou de reproduire partiellement ou entièrement la marque Ultra Light Down,
– condamner la société Vestiti au titre du manque à gagner du fait de la contrefaçon de la marque Ultra Light Down,
* à une somme de 420.660 euros au profit de la société Uniqlo Europe,
* à une somme de 46.740 euros au profit de la société Fast Retailing,
– condamner la société Vestiti à une somme de 100.000 euros au titre du préjudice moral du fait de la contrefaçon de la marque Ultra Light Down répartie comme suit :
* 50 000 euros au profit de la société Fast Retailing
* 50 000 euros au profit de la société Uniqlo Europe,
– condamner la société Vestiti à une somme de 58.942 euros au bénéfice de la société Uniqlo Europe du fait des bénéfices indûment réalisés du fait de la contrefaçon de la marque Ultra Light Down,
A titre très subsidiaire
– juger qu’elle serait recevable et bien fondée à agir sur le fondement de la concurrence déloyale par application de l’article 1240 du code civil et de condamner la société Vestiti à une somme de 420.660 euros au titre de la concurrence déloyale au bénéfice de la société Uniqlo Europe
En tout état de cause
– débouter la société Vestiti de toutes ses demandes, fins et conclusions, et notamment de son appel incident ;
– condamner la société Vestiti à la somme complémentaire de 164 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire ci-dessus décrite, au profit de la société Uniqlo Europe
– condamner la société Vestiti à payer une somme supplémentaire de 35.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au profit des appelantes.
– ordonner également à titre de supplément de dommages et intérêts la parution du jugement à intervenir )sic( dans cinq journaux au choix des appelantes et aux frais de la société Vestiti dans une limite de 5.000 euros maximum par insertion, soit un total de 25.000 euros hors taxes,
– débouter la société Vestiti de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner également la société Vestiti aux entiers dépens, comprenant les frais de saisie-contrefaçon et de sommation interpellative et dont distraction.
La société Vestiti, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :
Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté les sociétés Fast Retailing et Uniqlo Europe de leurs demandes en contrefaçon de marque,
L’infirmation pour le surplus et statuant à nouveau :
Sur la contrefaçon de marque :
À titre principal
Prononcer la nullité de l’enregistrement de la marque verbale française Ultra Light Down déposée le 22 septembre 2014 sous le n°4119732 sur le constat que les circonstances de son dépôt par la société Fast Retailing révèlent que celui-ci a été effectué malicieusement et dans le seul but de l’opposer à l’un de ses concurrents et, plus généralement, que la constitution d’un droit de marque sur l’expression Ultra Light Down va à l’encontre des intérêts généraux des opérateurs du marché du «duvet» qui l’utilisaient déjà à la date du dépôt,
À titre subsidiaire
Prononcer la nullité de l’enregistrement pour défaut de distinctivité de la marque verbale française Ultra Light Down pour désigner les produits suivants :
En classe 18 : Cuir et imitations du cuir ; peaux d’animaux ; habits pour animaux (…( ;
En classe 25 : Vêtements ; manteaux ; tricots (vêtements) ; chemises ; layettes (vêtements) ; vêtements imperméables ; robes de mariée ; pantalons ; survêtements ; pantalons de sport ; maillots de bain ; chemises de nuit ; déshabillés ; robes de nuit japonaises [Nemaki] ; pyjamas ; peignoirs de bain ; sous-vêtements ; maillots de corps ; corsets (sous-vêtements) ; combinaisons (vêtements) ; chemises ; caleçons et slips ; culottes, shorts et slips ; soutien-gorge ; jupons ; bonneterie ; cache-corset ; tee-shirts ; gants (habillement) et mitaines ; foulards ; chapellerie ; jarretières ; fixe-chaussettes ; bretelles ; ceintures (habillement) ; chaussures ; chaussures de sport ; costumes de déguisement ; vêtements de sport ; chaussures de football ;
À titre très subsidiaire
Prononcer, sur le constat que l’utilisation de l’expression Ultra Light Down par les opérateurs du marché du duvet et leurs consommateurs s’est généralisée depuis son dépôt, la nullité de l’enregistrement de la marque verbale française Ultra Light Down déposée le 22 septembre 2014 sous le n°4119732 pour dégénérescence et pour désigner les produits suivants :
En classe 18 : Cuir et imitations du cuir ; peaux d’animaux ; habits pour animaux (…( ;
En classe 25 : Vêtements ; manteaux ; tricots (vêtements) ; chemises ; layettes (vêtements) ; vêtements imperméables ; robes de mariée ; pantalons ; survêtements ; pantalons de sport ; maillots de bain ; chemises de nuit ; déshabillés ; robes de nuit japonaises [Nemaki] ; pyjamas ; peignoirs de bain ; sous-vêtements ; maillots de corps ; corsets (sous-vêtements) ; combinaisons (vêtements) ; chemises ; caleçons et slips ; culottes, shorts et slips ; soutien-gorge ; jupons ; bonneterie ; cache-corset ; tee-shirts ; gants (habillement) et mitaines ; foulards ; chapellerie ; jarretières ; fixe-chaussettes ; bretelles ; ceintures (habillement) ; chaussures ; chaussures de sport ; costumes de déguisement ; vêtements de sport ; chaussures de football ;
Ou, à tout le moins, ordonner de préciser à la suite des libellés afférents aux classes 18 et 25 la mention suivante : «les produits précités s’entendant à l’exclusion de ceux composés de duvet léger ou A léger»,
À titre infiniment subsidiaire
Juger qu’aucune atteinte à la fonction d’origine de la Marque et/ou qu’aucun risque de confusion n’est en l’espèce caractérisé en raison du fait que l’expression Ultra Light Down a été utilisée par la société Yuka Clothing dans son sens habituel, pour décrire les caractéristiques des produits litigieux et non pour les désigner, lesdits produits étant commercialisés sous la dénomination 770 Y Z,
À titre infiniment subsidiaire
Débouter les sociétés Fast Retailing et Uniqlo Europe de leur demande d’interdiction ; et,
Ramener à de justes proportions les préjudices astronomiques invoqués,
Sur la concurrence déloyale et parasitaire
À titre principal
Débouter les sociétés Fast Retailing et Uniqlo Europe de leurs demandes sur ce fondement en raison de leur caractère mal fondé, sur le constat qu’aucun fait distinct ne peut être légitimement reproché à l’intimée,
À titre subsidiaire
Débouter les sociétés Fast Retailing et Uniqlo Europe de leur demande de publication et de dommages et intérêts faute pour elles d’en justifier tant dans leur principe que dans leur quantum,
En tout état de cause
Condamner solidairement les sociétés Fast Retailing et Uniqlo Europe à verser à la société Vestiti la somme de 30.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Sur la marque Ultra Light Down
Sur la fraude alléguée
La société Vestiti prétend que les circonstances du dépôt de la marque française Ultra Light Down, le 22 septembre 2014, révèlent que celui-ci a été effectué dans des circonstances frauduleuses et que la société Fast Retailing, au moment du dépôt, ne poursuivait pas un but légitime.
Elle indique que le dépôt litigieux aurait été opéré quatre jours seulement après l’envoi d’une mise en demeure en date du 18 septembre 2014 adressée par le conseil de la société Fast Retailing à M. X, gérant de la société Yuka, pour lui enjoindre de retirer deux demandes de marques françaises complexes 770 Ultra Light Down Y Z LIFEWEAR qu’il avait déposé le 23 juin 2014 imitant ses marques LIFEWEAR et affirme qu’il aurait eu pour but de s’approprier indûment un monopole sur le signe Ultra Light Down déjà utilisé par d’autres et de faire ainsi fraude aux droits des tiers.
Elle sollicite en application de l’article L.712-6, compris comme une application du principe général du droit selon lequel «la fraude corrompt tout», l’annulation de la marque.
La cour rappelle que le dépôt frauduleux est retenu s’il ressort d’indices pertinents et concordants que la demande d’enregistrement de la marque a été effectué non pas dans un but de participer de manière loyale au jeu de la concurrence mais avec l’intention de porter atteinte d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts de tiers, ou avec l’intention d’obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celle relevant des fonctions d’une marque, notamment de la fonction essentielle d’indication d’origine. Toute allégation de mauvaise foi doit être appréciée globalement, en tenant compte de l’ensemble des circonstances factuelles pertinentes et se placer à la date du dépôt.
En l’espèce, c’est à juste titre que les premiers juges ont retenu que le dépôt ne saurait être considéré comme frauduleux pour la seule raison qu’il a été effectué au lendemain de l’opposition formée à l’encontre de l’enregistrement de la marque déposée par M. X et ce quand bien même la mise en demeure qui lui a été adressée ne mentionnait pas expressément à titre de droit antérieur le signe Ultra Light Down.
De même, il ne suffit pas de constater que les termes Ultra Light Down ont pu être utilisés antérieurement au dépôt dans des forums de discussions sur internet pour désigner des sacs de couchages, produits au demeurant non visés par la marque litigieuse, ou même par deux enseignes spécialisées dans les sports de plein air, Montbell Alpine et Patagonia pour désigner des doudounes, pour considérer une fraude aux intérêts des tiers.
Les pièces versées au débat par les sociétés Uniqlo démontrent qu’elles utilisaient largement et de manière habituelle le signe Ultra Light Down en l’apposant sur des doudounes, et à tout le moins à compter de l’année 2012 sur des sites anglophones et 2013 pour la France.
La société Fast Retailing avait dès lors un intérêt légitime à protéger, en France, par le droit des marques le signe contesté sans qu’il puisse être retenu à son encontre une intention de porter atteinte d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts de tiers, ou une intention d’obtenir un droit exclusif indu ayant pour effet de priver les opérateurs économiques de l’usage d’un signe indispensable à leur activité.
Le jugement qui a débouté la société Vestiti de sa demande tendant à voir juger frauduleux le dépôt et l’enregistrement de la marque Ultra Light Down sera dès lors confirmé de ce chef.
Sur la distinctivité du signe
L’article L.711-2 b) du code de la propriété intellectuelle dans sa version applicable à l’espèce dispose que : « sont dépourvus de caractère distinctif :
a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service.
b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation du service.
c) Les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle.
Le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l’usage.’.
L’article L.714-3 du même code prévoit que peut être déclarée nul par décision de justice, l’enregistrement d’une marque non conforme à cette exigence de distinctivité.
Le caractère distinctif d’un signe de nature à constituer une marque s’apprécie à l’égard des produits ou services désignés.
Un signe, pour être distinctif et pouvoir constituer une marque, doit revêtir un caractère suffisamment arbitraire par rapport aux produits ou services qu’il désigne et permettre au public concerné d’attribuer à une entreprise déterminée ces produits ou services. S’agissant d’un produit destiné au grand public, le public pertinent est constitué par le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif.
Pour appréhender si le signe en cause est ou non dépourvu de caractère distinctif , il doit être examiné dans son ensemble et en fonction des produits et services désignés. La distinctivité du signe s’apprécie à la date du dépôt de la marque et en l’espèce le 22 septembre 2014.
La société Vestiti demande la nullité de l’enregistrement de la marque litigieuse pour défaut de distinctivité en ce qu’elle vise les produits suivants :
– en classe 18 : «Cuir et imitations du cuir ; peaux d’animaux ; habits pour animaux»,
– en classe 25 : «Vêtements ; manteaux ; tricots (vêtements) ; chemises ; layettes (vêtements) ; vêtements imperméables ; robes de mariée ; pantalons ; survêtements ; pantalons de sport ; maillots de bain ; chemises de nuit ; déshabillés ; robes de nuit japonaises [Nemaki] ; pyjamas ; peignoirs de bain ; sous-vêtements ; maillots de corps ; corsets (sous-vêtements) ; combinaisons (vêtements) ; chemises ; caleçons et slips ; culottes, shorts et slips ; soutien-gorge ; jupons ; bonneterie ; cache-corset ; tee-shirts ; gants (habillement) et mitaines ; foulards ; chapellerie ; jarretières ; fixe-chaussettes ; bretelles ; ceintures (habillement) ; chaussures ; chaussures de sport ; costumes de déguisement ; vêtements de sport ; chaussures de football».
Elle demande à titre principal l’infirmation du jugement qui n’a pas pleinement fait droit à sa demande de ce chef et à titre subsidiaire sa confirmation en ce qu’il a retenu l’absence de distinctivité de la dénomination Ultra Light Down pour les produits constitués de duvet léger ou A léger et ordonner qu’il soit ajouté au dépôt la mention : «les produits précités s’entendant à l’exclusion de ceux composés de duvet léger ou A léger» aux produits susvisés.
Les sociétés Uniqlo demandent l’infirmation du jugement en ce qu’il a imposé l’ajout de la mention «les produits précités s’entendant à l’exclusion de ceux composés de duvet léger ou A léger».
Le signe contesté est composé de trois mots :
– Ultra : terme d’origine latine utilisé dans la langue française comme préfixe pour donner un sens exprimant l’excès.
– Light : mot anglais parfaitement compris par le consommateur français de culture moyenne par deux significations distinctes, soit le nom signifiant ‘lumière’, soit l’adjectif ‘léger’.
– Down : les éléments fournis au débat montrent que ce terme sera compris par le public pertinent tel que précédemment défini comme ‘bas’. En revanche, rien ne vient établir que ce public puisse appréhender ce terme comme signifiant ‘duvet’.
Pour appréhender la distinctivité du signe Ultra Light Down, il doit être pris dans son ensemble et s’agissant d’un signe composé de deux mots étrangers, il convient de vérifier si le signe est compris par le public français pertinent en se situant au jour du dépôt.
Les sociétés Uniqlo produisent d’une part des copies d’écran des traducteurs en ligne REVERSO et GOOGLE donnant à l’expression des traductions de ‘Lumière A en bas’ et ‘A léger vers le bas’ et d’autre part un sondage réalisé à leur demande par l’IFOP le 20 avril 2018 sur un panel de 1050 français auquel trois questions étaient posées relatives au sens de Ultra Light Down sans aucunement préciser que le signe s’applique aux produits liés aux cuirs ou à l’habillement.
Il ressort de l’enquête IFOP que seulement 1,3 % des personnes interrogées traduisent l’expression en doudoune, manteau ou duvet extra léger et 6% choisissent l’expression ‘duvet Light léger’ sur 7 propositions qui leur sont faites.
La société Vestiti soutient que le public pertinent comprend l’expression Ultra Light comme désignant une caractéristique de légèreté du produit et qu’il en sera de même de l’expression complète Ultra Light Down. Pour autant et comme rappelé c’est bien l’expression dans son ensemble qui doit être prise en considération et non seulement ses deux premiers termes.
Elle demandent par ailleurs la confirmation du jugement en ce qu’il a reconnu que les pièces qu’elle verse au débat démontrent que ‘l’emploi de ces termes par les opérateurs du marché du duvet et leurs clients étaient fréquent dès avant 2012, pour désigner les caractéristiques des produits garnis de ce type de duvet, de sorte que même sans en percevoir la traduction exacte, le grand public, doté de connaissances basiques en anglais, était à même de comprendre que la dénomination « Ultra Light Down » renvoyait à la matière extrêmement légère composant les produits ainsi désignés, peu important à cet égard que les produits en question n’appartiennent pas tous à la classe des vêtements, et qu’en conséquence, le signe litigieux constituait déjà lors du dépôt de la marque litigieuse, dans le langage courant ou professionnel, la désignation usuelle d’une caractéristique de ces produits au sens de l’article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle’.
La cour qui a examiné avec attention les pièces produites au débat par la société Vestiti constate que l’on trouve dans des forums d’internautes, antérieurs à 2014, des discussions utilisant les termes Ultra Light Down pour désigner des sacs de couchages en duvet et que ce public très spécialisé de randonneurs est à même de comprendre que ‘C’ signifie duvet et d’appréhender l’expression entière comme un produit, sac de couchage en l’occurrence, en duvet et léger.
Cependant, comme observé ci-dessus, outre que le sac de couchage n’est pas visé par la marque, ce public très averti de randonneurs à la recherche d’un sac de couchage performant ne peut se confondre avec le consommateur moyen achetant les produits de cuir ou lié à l’habillement visés pour la marque litigieuse.
Une petite partie de ce public averti a eu connaissance de doudounes commercialisées avant 2014 par les deux enseignes spécialisées dans les sports de plein air, Montbell Alpine et Patagonia et a pu comprendre que l’expression indiquait les caractéristiques des vêtements en duvet et d’un poids très léger.
Néanmoins, ce constat est insuffisant pour considérer que le public visé par la marque litigieuse, public moyen de consommateurs francophones de produits liés au cuir ou aux produits de l’habillement, comprend Ultra Light Down comme désignant une caractéristique du produit ou que ce signe, dans le langage courant ou professionnel, est exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle des produits visés.
En effet, dès lors qu’il est avéré que le public pertinent ne rattache pas le signe Ultra Light Down au ‘duvet’, ni que ce signe constitue pour les produits en duvet une désignation nécessaire, générique ou usuelle, il n’y a pas lieu d’exclure, comme l’a fait le jugement entrepris les produits composés de duvet léger ou Light léger.
Ainsi, le jugement sera infirmé en ce qu’il a décidé d’imposer que soit précisé à l’enregistrement que «les produits précités s’entendant à l’exclusion de ceux composés de duvet léger ou A léger».
Sur la dégénérescence de la marque en désignation usuelle
L’article L 714-6 du code de la propriété intellectuelle dispose :
« Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire d’une marque devenue de son fait :
a) La désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service ».
Pour que la demande de dégénérescence de la marque soit acceptée, il revient à celui qui l’invoque de rapporter la preuve que ce signe est devenu la désignation usuelle des produits ou services et que cet usage s’est répandu sans que le titulaire de la marque tente d’y mettre un terme.
Pour autant, la société Vestiti n’apporte pas la preuve que le signe Ultra Light Down serait devenu usuel pour les consommateurs et les professionnels pour désigner les produits visés à la marque litigieuse ou même les seuls produits qui seraient composés de ‘duvet léger’.
La société Vestiti sera déboutée de ce chef.
Sur les faits constatés
Les sociétés Uniqlo produisent au débat :
une doudoune achetée à la boutique à enseigne PARIS AFFAIRES en octobre 2017,
une doudoune achetée à la boutique à enseigne MAGASIN MS SPECIAL en octobre 2017,
les procès-verbaux de saisie contrefaçon effectuée dans les locaux de la société PARIS AFFAIRES, dans le 11ème arrondissement et Sofralot, sous enseigne PARIS AFFAIRES dans le 14ème arrondissement le 27 octobre 2017,
le procès-verbal de saisie contrefaçon effectuée dans les locaux de la société Mondlots à la Plaine saint Denis le 31 octobre 2017,
le procès-verbal de saisie contrefaçon effectuée dans les locaux de la société Vestiti à Noisy le sec le 7 novembre 2017.
Il ressort de ces éléments que les sociétés Paris Affaires et Sofralot ont acquis les doudounes litigieuses auprès de la société Mondlots, qui elle-même se fournissait auprès de la société Vestiti.
Lors de la saisie-contrefaçon pratiquée dans les locaux de la société Vestiti, il a été constaté la présence d’une doudoune sans manches avec un matelassage en losanges, décliné dans six coloris, taupe, violet, indigo, rose, marine et sable.
Il était précisé à l’huissier de justice instrumentaire que la société Vestiti avait également détenu et commercialisé un modèle de doudoune sans manches avec un matelassage différent (boudins horizontaux au lieu de losanges) et un troisième modèle avec manches et matelassage à boudins horizontaux.
Une facture d’achat unique émanant de la société américaine Yuka était produite pour l’achat de ces trois modèles par la société Vestiti pour une quantité totale de 15.588 pièces achetée au prix unitaire de 6,75 euros HT.
S’agissant des ventes, 4 factures de vente à en-tête de la société Vestiti étaient produites, totalisant 9.504 pièces aux prix unitaires de 7 à 7,80 euros à trois clients grossistes (la société Mondlots, la société Acanthe/SE3D, la société FAI).
Concernant les ventes au détail, il était remis à l’huissier de justice instrumentaire un état comptable faisant ressortir une commercialisation sur 4 références ayant débuté le 21 juin 2017 avec un prix de vente de 19,95 euros et 2006 unités vendues et un stock de 2746 pièces.
Les modèles concernés sont tous des doudounes légères en duvet de couleur unie, avec ou sans manches, et avec différentes formes de matelassages.
Sur les actes de contrefaçon de marque
Il est avéré notamment par les procès-verbaux de saisie-contrefaçon et par les doudounes achetées ou saisies produites au débat que les doudounes commercialisées par la société Vestiti comporte la mention Ultra Light Down au niveau du col, sur la carteline d’étiquetage, sur le pochon de rangement et également sur des sachets plastifiés d’emballage, ce qui n’est pas contesté par l’intimée.
Les sociétés Uniqlo prétendent que leur marque a été ainsi reproduite, à l’identique, sans autorisation constituant la contrefaçon telle que prévue à l’article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version applicable à l’espèce, et ce sans qu’il soit nécessaire d’établir un risque de confusion dans l’esprit du public tel qu’exigé par l’article L.713-3 du même code.
Pour autant, et comme allégué par la société Vestiti, la cour constate que le signe Ultra Light Down, tel qu’apposé sur le col, le pochon et le sachet plastique n’est jamais pas utilisé seul mais qu’il lui est adjoint deux rectangles de petites tailles dans lesquels sont inscrits dans l’un le terme Y et dans l’autre Z.
Dès lors le signe utilisé par la société Vestiti n’étant pas identique à la marque des sociétés Uniqlo, qu’il ne reproduit pas sans modification ni ajout en tous les éléments la composant, les sociétés Uniqlo devaient démontrer l’existence entre les signes en présence d’un risque de confusion en tenant compte de tous les facteurs pertinents relatifs aux similitudes visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en présence.
Or, les sociétés Uniqlo qui n’ont fondé leur demande que sur l’article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle et non sur l’article 713-3, applicable, n’ont pas apporté au débat la preuve qui leur incombe de l’existence d’un risque de confusion.
S’agissant des étiquettes il s’agit de mentions décrivant le produit telle ‘Women Ultra Light Down’ traduite au dessous par Femme Doudoune Ultra Light montrant l’utilisation de l’expression non à titre de marque mais à titre d’indication du produit. Le signe est également présenté aux côtés des mentions Y et Z inscrites dans des carrés rouges.
Les sociétés Uniqlo sont dès lors déboutées de leurs demandes relatives à la contrefaçon de marque.
Sur les actes de concurrence déloyale et parasitaire
Les sociétés Uniqlo demandent à titre subsidiaire pour les faits d’utilisations fautives des termes Ultra Light Down et à titre principal pour faits distincts de cette utilisation qualifiés de concurrence déloyale et de parasitisme, la condamnation de la société Vestiti au paiement d’une somme totale de 200.000 euros à la société Uniqlo Europe, soit à une somme de 164.000 euros venant s’ajouter à celle de 36.000 euros prononcée par les premiers juges, pour des faits qualifiés de concurrence déloyale et parasitaire, sur le fondement de l’article 1240 du code civil.
La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu’un signe ou un produit qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.
Le parasitisme est constitué lorsqu’une personne physique ou morale, à titre lucratif et de
façon injustifiée, copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements.
Les sociétés Uniqlo reprochent à la société Vestiti d’avoir par la forme des doudounes commercialisées, par les mentions inscrites sur le sac d’emballage, par les cartelines accrochées aux doudounes et par la recherche d’un effet de gamme, crée volontairement un risque de confusion avec les doudounes commercialisées par la société Uniqlo Europe.
Sur les sacs plastiques d’emballage et l’intérieur des cols des doudounes sur lesquels sont apposés la mention Ultra Light Down suivie de Y Z
Il ressort notamment des photographies prises par l’huissier de justice instrumentaire dans les locaux de la société Vestiti que les sacs plastiques d’emballage en plastique transparent des doudounes étaient marqués Ultra Light Down suivie de Y Z mentionnant ainsi et de manière très visible les termes Ultra Light Down constituant la marque utilisée par la société Uniqlo pour ses doudounes.
Cette mention Ultra Light Down suivie de Y Z se retrouve également à l’intérieur du col des doudounes de la société Vestiti à l’emplacement exact où la société Uniqlo appose sa marque Uniqlo.
Sur les pochons de rangement
La cour retient que bien que ces choix ne soient dictés par une aucune contrainte particulière, les pochons litigieux présentent des formes et des dimensions strictement identiques, un même cordon coulissant se terminant par une boucle et se resserrant d’un seul côté, une matière identique, un colori correspondant à celui de la doudoune et également que les termes Ultra Light Down y sont apposés de manière parfaitement identique, en lettres majuscules blanches et dans une même police d’écriture, les trois mots étant également disposés les uns en dessous des autres :
Sur les cartelines
La cour constate que l’on retrouve accrochés aux vêtements de la société Vestiti des cartelines imitant le positionnement des cartelines accrochées aux doudounes de la société Uniqlo.
– une étiquette rectangulaire de taille 11,5 cm en hauteur sur 4 cm de largeur comportant deux carrés rouge superposés en partie haute droite, avec au centre la reproduction de la marque. Les inscriptions sont identiques et en caractères noirs et disposées exactement de la même façon :
– une étiquette rectangulaire comportant le mot «CARE» :
– trois étiquettes carrées de 6,5 cm de côté dont l’une est en matière plastique transparente, avec des caractères bleus :
Sur la forme des doudounes et l’effet de gamme
Les doudounes revendiquées par les sociétés Uniqlo présentent toute un matelassage soit type «boudin» soit type «losange» et sont avec ou sans manches.
Sur les doudounes type «boudin»
La cour observe que les doudounes matelassées en forme de boudin sans manches de la société Vestiti comportent un matelassage horizontal sur les côtés qui donne un aspect particulier et un nombre de boudins tant à l’avant moins important et donc plus larges de sorte qu’elles ont un aspect différent de celui des doudounes Uniqlo.
Les doudounes avec manches de la société Vestiti présentent également un nombre de boudins moins élevé et surtout des boudins légèrement inclinés et non strictement horizontaux comme celles d’Uniqlo donnant également un aspect différent.
Sur les doudounes type «losange»
Si les doudounes matelassées en forme de losange comportent des différences mineures notamment au niveau des poches, la cour constate que les losanges sont très semblables et que les deux modèles de doudounes peuvent être facilement confondus
En revanche, c’est à juste titre que les premiers juges n’ont pas retenu un effet de gamme fautif à l’encontre de la société Vestiti du seul fait d’une commercialisation des doudounes en différents coloris et différentes formes, avec ou sans manche, avec ou sans capuche.
Il est ainsi démontré à suffisance que la société Vesti a tenté de manière fautive de créer la confusion entre les doudounes qu’elle commercialise et celles de la collection Ultra Light Down de la société Uniqlo.
De plus, et comme justement retenu par le tribunal, la société Vestiti s’est placée dans le sillage de la société Uniqlo et a ainsi profité de manière injustifiée de la valeur économique, du savoir-faire et des investissements de la société Uniqlo Europe attestés par les éléments produits au débat et notamment l’attestation de son directeur financier faisant état d’investissements publicitaires à hauteur de 895.771 euros entre 2012 et 2017.
La cour, au vu des éléments versés au débat relatifs notamment à la quantité de doudounes mises sur le marché par la société Vestiti, au prix de commercialisation de celle-ci et de celles commercialisées par la société Uniqlo Europe tel qu’attesté par son directeur financier, est à même de fixer à la somme de 50.000 euros le montant des dommages et intérêts alloués à la société Uniqlo Europe pour les faits de concurrence déloyale et parasitaire retenus. Le jugement qui n’a accordé que la somme de 36.000 euros pour des faits qualifiés de parasitisme sera infirmé de ce chef.
Les mesures de publicité de l’arrêt sollicitées par les sociétés Uniqlo seront rejetées comme non fondées.
Sur les frais et les dépens
Le sens de l’arrêt conduit à confirmer les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles. La société Vestiti sera en outre condamnée aux dépens d’appel et, en équité, à payer à la société Uniqlo Europe la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a :
– débouté la société Vestiti de sa demande tendant à voir dire frauduleux le dépôt et l’enregistrement de la marque verbale française Ultra Light Down n°4 119 732 dont est titulaire la société Fast Retailing,
– débouté les sociétés Fast Retailing et Uniqlo Europe Ltd de leurs demandes en contrefaçon de marque,
– dit qu’en commercialisant les doudounes référencées n°7702, 7704 et 7708 comportant un pochon de rangement et des étiquettes imitant ceux des doudounes commercialisées par la société Uniqlo Europe Ltd, la société Vestiti a commis des actes de parasitisme au préjudice de cette dernière,
– condamné la société Vestiti aux dépens et à payer à la société Uniqlo Europe Ltd la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
L’infirme pour le surplus et statuant à nouveau :
– déboute la société Vestiti de sa demande d’annulation de la marque verbale française Ultra Light Down n°4 119 732 dont est titulaire la société Fast Retailing pour défaut de distinctivité ou dégénérescence,
– dit qu’en commercialisant les doudounes référencées n°7702, 7704 et 7708, la société Vestiti a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Uniqlo Europe Ltd,
– condamne la société Vestiti à payer à la société Uniqlo Europe Ltd la somme totale de 50.000 euros en réparation des actes de concurrence déloyale et parasitaire,
– dit n’y avoir lieu à mesures de publicité,
– rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation,
– condamne la société Vestiti à payer à la société Uniqlo Europe Ltd la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d’appel,
– condamne la société Vestiti aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente