La condamnation de l’exploitant des points de vente et salons Ladurée a été confirmée en appel. Le prestataire en charge de la décoration (personne physique) a établi le travail original accompli. Le fait de reproduire des photographies des décors pour lequel un droit moral lui a été reconnu, sans mentionner son nom, a également été jugé comme une atteinte à son droit moral d’auteur.
Toutefois, l’atteinte restait très limitée au regard de la taille restreinte des photographies en cause qui ne permettait pas d’apprécier les créations du prestataire dans toute leur dimension artistique, en raison de la vocation purement publicitaire et informative du site Ladurée destiné à l’achat de produits de consommation et non à la visite d’un lieu architectural (12 000 euros).
Pour rappel, aux termes l’article L.112-1 du code de propriété intellectuelle, les dispositions dudit code protège les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.
La reproduction consiste dans la fixation matérielle de l’oeuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d’une manière indirecte. Elle peut s’effectuer notamment par imprimerie, dessin, gravure, photographie, moulage et tout procédé des arts graphiques et plastiques, enregistrement mécanique, cinématographique ou magnétique. Pour les oeuvres d’architecture, la reproduction consiste également dans l’exécution répétée d’un plan ou d’un projet type.
Par arrêt du 3 mars 2017, la cour d’appel de Paris avait déjà jugé que les décors du salon bleu à l’étage du magasin Ladurée Bonaparte à Paris, du salon noir et du salon opéra du magasin Ladurée Harrod’s à Londres, du salon de thé Ladurée Ginza à Tokyo étaient protégés au titre du droit d’auteur et dit que la décoratrice était l’auteur de ces décors. La cour n’avait en revanche, pas reconnu l’originalité :
— de l’espace vente à emporter du salon aux perles et du cabinet aux entrelacs du magasin Ladurée Ginza en l’absence d’identification des reproductions incriminées ou en présence de représentations ne concernant que des éléments isolés ou des représentations extrêmement partielles ne permettant pas d’apprécier l’originalité des éléments de décor revendiqués,
— de la véranda et de l’espace vente du magasin Ladurée Bonaparte et de l’espace vente du magasin Ladurée Harrod’s en l’absence de démonstration de l’empreinte de la personnalité de l’auteur ;
— du salon de thé Ladurée Nihombashi à Tokyo.
____________________________________________________________________________
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 14/10/2021
N° de MINUTE :
N° RG 19/05389 – N° Portalis DBVT-V-B7D-STV3
Jugement (N° 18/07122)
rendu le 09 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Lille
APPELANTES
Madame C B
demeurant […]
[…]
SARL Société C B
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social […]
[…]
représentées par Me Marion Nivelle, avocat au barreau de Lille
assistées de Me Charlotte Beauvisage, avocat au barreau de Paris, substituée à l’audience par Me Isabelle Saleiro, avocat au barreau de Paris
INTIMÉE
SAS Patisserie E. Ladurée
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social […]
[…]
représentée par Me Bernard Franchi, membre de la SCP Processuel, avocat au barreau de Douai
assistée de Me Martine Karsenty-Ricard, avocat au barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
D E-V, président de chambre
Nadia Cordier, conseiller
X-T Le Pouliquen, conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : W AA
DÉBATS à l’audience publique du 17 mai 2021 tenue en double rapporteur par D E-V et X-T Le Pouliquen après accord des parties et rapport oral de l’affaire par D E-V.
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2021 après prorogation du délibéré du 16 septembre 2021 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par D E-V, président, et W AA, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 23 novembre 2020
****
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Lille en date du 9 juillet 2019,
Vu la déclaration d’appel de Mme C B et de la société C B du 4 octobre 2019,
Vu les conclusions de Mme C B et de la société C B du 19 juin 2020,
Vu les conclusions de la société Patisserie E. Ladurée du 23 juillet 2020,
Vu l’ordonnance de clôture du 23 novembre 2020.
EXPOSE DU LITIGE
Mme C B est antiquaire et décoratrice, gérante de la société C B constituée en 2005 dont l’objet social est notamment la décoration de magasins et surfaces aménageables diverses.
La société Pâtisserie E. Ladurée est une société fondée en 1862 dont la renommée tient à la préparation et à la vente de pâtisseries dont les macarons. Elle exploite en France et à l’étranger, directement ou indirectement, sous l’enseigne Ladurée des salons de thé, restaurants ou corners (espaces spécifiques de vente) dédiés à la pâtisserie, confiserie et chocolaterie. Elle appartient depuis 1993 au groupe F et est présidée par Z F.
Par convention du 13 juillet 2006 la société Pâtisserie E. Ladurée a désigné la société C B en qualité de ‘prestataire de services agréée afin qu’elle réalise la conception et le suivi de la réalisation de l’agencement de la décoration et du design intérieur des locaux de ses filiales et des sociétés tierces titulaires de licences Ladurée’ en considération de ‘l’expérience acquise par la société C B dans la conception et le suivi de la réalisation, de l’aménagement et de la décoration de magasins sous enseigne Ladurée, notamment des magasins Ladurée de Paris Bonaparte et Londres Harrod’s et afin d’assurer l’unité du réseau Ladurée, le respect du concept, de l’image, de l’enseigne et de la marque Ladurée’.
La société Pâtisserie E. Ladurée a notifié, le 17 novembre 2008, à la société C B la résiliation de la convention précitée moyennant un préavis de 3 mois à compter du 17 novembre 2008.
La société C B et Mme C B ont contesté cette rupture, formulant un certain nombre de demandes relatives à des factures impayées et à titre de dommages-intérêts tant vis-à-vis de la SAS F que des différentes sociétés du groupe dont la société Pâtisserie E. Ladurée et enfin vis-à-vis de Y F avant d’engager différentes actions en justice.
Le protocole transactionnel a été signé le 21 juillet 2009 entre d’une part la SAS F et les différentes sociétés du groupe dont la société pâtisserie E Ladurée ainsi que Y, Z et G F et d’autre part la société C B et Mme C B afin de mettre un terme définitif à toutes les procédures engagées devant les tribunaux à leurs relations contractuelles et à toute relation commerciale les liens à compter du 19 février 2009.
Il était notamment prévu au protocole transactionnel que:
— le groupe F réglerait à Mme C B la somme de 420’000 euros à titre d’indemnité transactionnelle et définitive pour solde de tout compte,
— la société C B et Mme C B renonçaient [‘] au profit exclusif de la société Pâtisserie E. Ladurée et les autres sociétés du groupe F, à l’intégralité des droits de propriété intellectuelle, sauf le droit moral d’auteur, qu’elles détiennent sur toute création, objet, oeuvre d’art, décor, concepts, plan,’ réalisés directement ou indirectement avec et/ou en collaboration et/ou pour toutes les enseignes des sociétés du groupe F et notamment Ladurée, A et Château blanc ainsi que Panétude (article 4.1 du protocole).
Le protocole d’accord transactionnel précisait également que :
— cette renonciation portait notamment sur les droits suivants : les droits de reproduction, représentation, adaptation, arrangement et transformation, utilisation, publication et édition, commercialisation, distribution et exploitation (article 4. 1. 2),
— du fait de cette renonciation, les sociétés du groupe F acquéraient la qualité d’ayant droit pour l’exercice de ces droits (article 4. 1. 3),
— elles ‘respecteraient le droit moral de Mme C B dans toutes les représentations qu’elles feront de ses oeuvres’,
— lesdites renonciations ‘ne concernaient pas le décor type du bar Ladurée 13, Rue Lincoln à Paris [‘] dont les droits d’auteur demeurent la propriété de C B et de Mme C B’ (article 4. 2).
Enfin, il était mentionné que la société C B et Mme C B s’engageaient pour leur part ‘à ne plus utiliser à quelque titre et sous quelque forme que ce soit, le nom et/ou l’image de l’une quelconque des sociétés du groupe F et/ou les marques détenues par celles-ci [‘] Aucune reproduction des réalisations exécutées dans le cadre de la collaboration entre les parties, ni du nom et/ou des marques des sociétés du groupe F, ne pourra être effectuée sur un site Internet dans des conditions de diffusion dépassant l’information ponctuelle de C B et Mme C B auprès d’une clientèle potentielle.’ (article 4. 4)
Par deux procès-verbaux de constat de huissier du 13 février 2013, Mme C B a voulu faire constater que le site Internet www.laduree.fr faisait apparaître des décors conçus par ses soins ou leur réplique sans que soit mentionnée ses nom, prénom et qualité.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 27 mars 2013, elle a mis en demeure la société Pâtisserie E. Ladurée d’avoir à mettre un terme à cette mission et indiqué comment elle entendait la réparer.
Par lettre du 15 mai 2013, la société pâtisserie E. Ladurée a relevé l’absence de preuve de la qualité d’auteur de C B sur les oeuvres qu’elle revendiquait ainsi que l’absence de démonstration de leur originalité. Elle ajoutait qu’une démonstration ne pourrait porter au surplus que sur les extraits de décor notamment mobilier et tapisseries figurant sur les photographies litigieuses.
Par acte du 18 novembre 2014, C B a fait assigner la société Pâtisserie E. Ladurée devant le tribunal de grande instance de Lille en réparation de son préjudice résultant de l’atteinte à son droit moral d’auteur.
La société C B est intervenue volontairement à l’instance par voie de conclusions notifiées le 1er juin 2016.
Parallèlement à cette procédure, Mme C B a initié, par acte du 17 mai 2013 une procédure devant le tribunal de grande instance de Paris à l’encontre de la société Pâtisserie E. Ladurée, H I et la société Hachette Livre, au motif que le 5 décembre 2012 était paru aux éditions du Chêne, un ouvrage intitulé ‘l’esprit décoration Ladurée’ de H I portant sur des décors des établissements Ladurée contenant de nombreuses photographies des salons Bonaparte de Paris, Harrod’s de Londres, Ginza de Tokyo, ainsi que du salon de Nihombashi contenant, selon elle, des éléments de décor identiques à ce qu’elle avait conçu pour le salon Bonaparte sans qu’elle soit créditée en qualité d’auteur.
Par arrêt du 3 mars 2017, la cour d’appel de Paris, sur appel du jugement rendu le 29 janvier 2016 par le tribunal de grande instance de Paris dans le litige opposant C B à la société Pâtisserie E. Ladurée, H I et la société Hachette Livre, a notamment confirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris en ce que celui-ci avait dit que les décors du salon bleu à l’étage du magasin Ladurée Bonaparte à Paris, du salon noir et du salon opéra du magasin Ladurée Harrod’s à Londres, du salon U-J du salon de thé Ladurée Ginza à Tokyo étaient protégés au titre du droit d’auteur et dit que C B était l’auteur de ces décors. La cour n’a, en revanche, pas reconnu l’originalité :
— de l’espace vente à emporter du salon aux perles et du cabinet aux entrelacs du magasin Ladurée Ginza en l’absence d’identification des reproductions incriminées ou en présence de représentations ne concernant que des éléments isolés ou des représentations extrêmement partielles ne permettant pas d’apprécier l’originalité des éléments de décor revendiqués,
— de la véranda et de l’espace vente du magasin Ladurée Bonaparte et de l’espace vente du magasin Ladurée Harrod’s en l’absence de démonstration de l’empreinte de la personnalité de C B,
— du salon de thé Ladurée Nihombashi à Tokyo en présence de représentations très partielles auxquelles renvoyait C B, ne permettant pas d’apprécier l’originalité des éléments de décor revendiqués.
Suite à cet arrêt, par ordonnance du 3 novembre 2017 du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Lille, une médiation a été ordonnée avec l’accord des parties.
Par lettre du 24 avril 2018, le centre de médiation et d’arbitrage de Paris a informé le juge de la mise en état de l’échec de la médiation.
Par jugement du 9 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Lille a :
— débouté la société Pâtisserie E. Ladurée de sa demande principale aux fins de voir écarter des débats les deux procès-verbaux de constat de huissier du 13 février 2013,
— débouté la société Pâtisserie E. Ladurée de sa demande principale aux fins de voir écarter les pièces n° 22 à 38,74 à 104,151 à 180, et 185 des demanderesses,
— débouté la société Pâtisserie E. Ladurée de sa demande principale aux fins de voir écarter des débats la pièce n° 131 des demanderesses,
en conséquence,
— débouté la société Pâtisserie E. Ladurée de sa demande aux fins de voir dire que toutes les photographies figurant dans les conclusions de C B et extraites de ces pièces adverses n° 22 à 38,74 à 103,131,151 à 180 et 185 sont écartées des débats et à tout le moins qu’elles ne revêtent aucune forme probante,
— débouté la société Pâtisserie E. Ladurée de sa demande aux fins de voir dire que les photographies du salon Harrod’s et du salon Bonaparte figurant en page 182 et 188 des conclusions de C B ont une origine inconnue pour n’avoir pas été communiqués,
— déclaré C B et la société C B irrecevables en leur demande relative au décor du salon Ladurée Burlington arcade,
— débouté C B et la société C B de leur demande relative au cabinet des entrelacs et au comptoir de vente du salon Ladurée Ginza,
— dit qu’il a été porté atteinte au droit moral de C B par la société Pâtisserie E. Ladurée en ce que cette dernière a reproduit sur son site Internet des décors originaux créés par C B ou les reproductions des décors suivants sans mentionner le nom de C B en sa qualité d’auteur, en violation de son obligation de mentionner le nom et les réalisations de Mme C B en application du protocole d’accord transactionnel en date du 21 juillet 2009 :
Ladurée Bonaparte, Harrod’s, salon U-J et salon aux […], […], […], […], […], Beyrouth, […], Roissy-Charles-de-Gaulle 2 F (hall 8 zone publique,[…], […], Cannes, Sao Paulo, Saint-Tropez, Séoul, Printemps de la mode, Istynie, Stockholm, Singapour, […], […], Dublin, Luxembourg, […], […] , […] et carrosse de l’aéroport de Nice.
En conséquence,
— condamné la société Pâtisserie E. Ladurée à mentionner sur son site Internet en vis-à-vis ou en dessous de la photographie des décors suivants :
Ladurée Bonaparte, Harrod’s, salon U-J et salon aux […], […], […], […], […], Beyrouth, […], Roissy-Charles-de-Gaulle 2 F (hall 8 zone publique,[…], […], Cannes, Sao Paulo, Saint-Tropez, Séoul, Printemps de la mode, Istynie, Stockholm, Singapour, […], […], Dublin, Luxembourg, […], […], […] et carrosse de l’aéroport de Nice, le nom de C B comme étant l’auteur desdits décors, dans le délai de 15 jours à compter de la signification du présent jugement et sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé ce délai pendant 3 mois
— condamné la société Pâtisserie E. Ladurée à payer à C B en réparation de l’atteinte à son droit moral d’auteur la somme de 10’000 euros à titre de dommages-intérêts,
— débouté C B et la société C B du surplus de leurs demandes pour les boutiques ou points de vente au titre desquels a été reconnue une atteinte au droit moral de C B et les a déboutées de leurs demandes en ce qu’elles portent sur d’autres boutiques ou points de vente,
— débouté C B et la société C B de leurs demandes additionnelles,
— dit que C B a violé les dispositions de l’article 4. 4 du protocole d’accord transactionnel du 21 juillet 2009 qui lie les parties,
en conséquence,
— l’a condamnée à payer à la société Pâtisserie E. Ladurée la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi par cette dernière,
— condamné C B en exécution du protocole d’accord transactionnel du 21 juillet 2009 à s’abstenir de faire figurer sur le site Internet www.roxanerodriguez.com le nom d’une des sociétés du groupe F dont notamment celui de la2 Pâtisserie E. Ladurée, une marque dont celles-ci sont titulaires ou une photographie de décors de salons Ladurée dans le délai de 15 jours à compter de la signification du présent jugement et sous astreinte de 100 euros par infraction constatée passée ce délai,
— débouté la société pâtisserie E. Ladurée du surplus de ses demandes reconventionnelles,
— laissé à chacune des parties la charge des frais irrépétibles non compris dans les dépens par elles exposés,
— condamné la société Pâtisserie E. Ladurée aux dépens.
Par acte du 4 octobre 2019, Mme C B et la société C B ont interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 19 juin 2020, Mme C B et la société C B demandent à la cour, au visa des articles L. 121-1, L. 331-1- 3 et L. 331-1-4 du code de la propriété intellectuelle, 1219 du code civil, 700 du code de procédure civile :
sur l’appel principal de Mme C B et de la société C B
— débouter la société Pâtisserie E Ladurée de toutes ses demandes, fins et conclusions incidentes,
— infirmer le jugement rendu le 9 juillet 2019 en ce qu’il a :
dit que C B a violé les dispositions de l’article 4. 4 du protocole d’accord transactionnel du 21 juillet 2009 qui lie les parties,
l’a condamnée à payer à la société pâtisserie E Ladurée la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi par cette dernière,
l’a condamnée en exécution du protocole d’accord transactionnel du 21 juillet 2009 à s’abstenir de faire figurer sur le site Internet www.roxanerodriguez.com le nom d’une des sociétés du groupe F dont notamment celui de la Pâtisserie E. Ladurée, une marque dont celles-ci sont titulaires ou une photographie de décors de salons Ladurée dans le délai de 15 jours à compter de la signification du présent jugement et sous astreinte de 100 euros par infraction constatée passée ce délai.
Statuant à nouveau :
— débouter la société Pâtisserie E. Ladurée de sa demande reconventionnelle tendant à voir condamner Mme B à verser la somme de 10’000 euros au titre de la violation des dispositions de l’article 4. 4 du protocole d’accord du 21 juillet 2009,
— autoriser Mme C B de reproduire sur son site Internet les décors des salons et points de vente Ladurée Bonaparte, Harrod’s, salon U-J et salon aux […], […], […], […], […], Beyrouth, […], Roissy-Charles-de-Gaulle 2 F (hall 8 zone publique,[…], […], Cannes, Sao Paulo, Saint-Tropez, Séoul, Printemps de la mode, Istynie, Stockholm, Singapour, […], […], Dublin, Luxembourg, […], […], […] et carrosse de l’aéroport de Nice, tant que son nom ne figurera pas sur tous les décors qu’elle a conçus reproduits sur le site Internet de Ladurée, ou sur tout autre support exploité par la société pâtisserie E. Ladurée (réseaux sociaux)
sur l’appel incident de la société Pâtisserie E. Ladurée
— débouter la société Pâtisserie E. Ladurée de toutes ses demandes fins et conclusions incidentes,
— confirmer le jugement rendu le 9 juillet 2019 en ce qu’il a :
— débouté la société Pâtisserie E. Ladurée de sa demande principale aux fins de voir écarter des débats les deux procès-verbaux de constat de huissier du 13 février 2013,
— débouté la société Pâtisserie E. Ladurée de sa demande principale aux fins de voir écarter les pièces n° 22 à 38,74 à 104,151 à 180, et 185 des demanderesses,
— débouté la société Pâtisserie E. Ladurée de sa demande principale aux fins de voir écarter des débats la pièce n°131 des demanderesses,
en conséquence,
— débouté la société Pâtisserie E. Ladurée de sa demande aux fins de voir dire que toutes photographies figurant dans les conclusions de C B et extraites de ces pièces adverses n° 22 à 38,74 à 103,100 31,151 à 180 et 185 sont écartés des débats et à tout le moins qu’elles ne revêtent aucune forme probante
— débouté la société Pâtisserie E. Ladurée de sa demande aux fins de voir dire que les photographies du salon Harrod’s et du salon Bonaparte figurant en page 182 et 188 des conclusions de C B ont une origine inconnue pour n’avoir pas été communiqués,
— dit qu’il a été porté atteinte au droit moral de C B par la société Pâtisserie E. Ladurée en ce que cette dernière a reproduit sur son site Internet des décors originaux créés par C B ou les reproductions des décors suivants sans mentionner le nom de C B en sa qualité d’auteur, en violation de son obligation de mentionner le nom et les réalisations de Mme C B en application du protocole d’accord transactionnel en date du 21 juillet 2009 :
Ladurée Bonaparte, Harrod’s, salon U-J et salon aux […], […], […], […], […], Beyrouth, […], Roissy-Charles-de-Gaulle 2 F (hall 8 zone publique,[…], […], Cannes, Sao Paulo, Saint-Tropez, Séoul, Printemps de la mode, Istynie, Stockholm, Singapour, […], […], Dublin, Luxembourg, […], […], […] et carrosse de l’aéroport de Nice.
— condamné la société Pâtisserie E. Ladurée à mentionner sur son site Internet en vis-à-vis ou en dessous de la photographie des décors suivants :
Ladurée Bonaparte, Harrod’s, salon U-J et salon aux […], […], […], […], […], Beyrouth, […], Roissy-Charles-de-Gaulle 2 F (hall 8 zone publique,[…], […], Cannes, Sao Paulo, Saint-Tropez, Séoul, Printemps de la mode, Istynie, Stockholm, Singapour, […], […], Dublin, Luxembourg, […], […] , […] et carrosse de l’aéroport de Nice, le nom de C B comme étant l’auteurs desdits décors, dans le délai de 15 jours à compter de la signification du présent jugement et sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé ce délai pendant 3 mois;
— infirmer le jugement en ce qu’il a:
— condamné la société Pâtisserie Ladurée à payer à C B en réparation de l’atteinte à son droit moral d’auteur la somme de 10’000 euros à titre de dommages et intérêts;
statuant à nouveau sur le quantum:
— condamné la société Pâtisserie E. Ladurée à payer à C B en réparation de l’atteinte à son droit moral d’auteur la somme de 100’000 euros à titre de dommages-intérêts.
en tout état de cause
— débouter la société Pâtisserie E. Ladurée de toutes ses demandes incidentes, fins et conclusions d’appel incident,
— condamner la société Pâtisserie E. Ladurée à verser à Mme C B et la société C B la somme de 40’000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile
— condamner la société Pâtisserie E. Ladurée aux entiers dépens.
Elles soutiennent notamment que:
— l’arrêt de la cour d’appel de Paris a autorité de la chose jugée et s’imposait au tribunal;
— les décors parfaitement identifiés que Mme B a conçus sont des oeuvres originales bénéficiant de la protection du droit d’auteur;
— l’atteinte au droit moral d’auteur de Mme B est clairement caractérisé;
— au regard du préjudice subi du fait de l’atteinte portée à son droit d’auteur, la demande de Mme B à titre de dommages-intérêts est justifiée;
— sur la violation de l’article 4.4 du protocole transactionnel, les manquements de la société Pâtisserie E. Ladurée étaient particulièrement graves justifiant l’inexécution par Mme B de son obligation.
— le respect de son droit moral d’auteur par le groupe F et ses filiales était une obligation déterminante du consentement de Mme B à la transaction.
Aux termes de ses conclusions notifiées le 23 juillet 2020, la société Pâtisserie E. Ladurée demande à la cour au visa de l’article L 121-1 du code de la propriété intellectuelle, de l’article 548 du code de procédure civile de bien vouloir :
sur l’appel principal de Mme C B et de la société C B
— débouter Mme C B et la société C B de l’intégralité de leurs demandes fins et conclusions,
ce faisant, constatant que le tribunal de grande instance de Lille a, par son jugement du 9 juillet 2019, à bon droit, rejeté l’exception d’inexécution soulevée par Mme B,
— confirmer le jugement en ce qu’il a dit que Mme B a violé les dispositions de l’article 4. 4 du protocole d’accord transactionnel du 21 juillet 2009 ;
— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné Mme B en exécution du protocole d’accord transactionnel, à s’abstenir de faire figurer sur le site Internet www.roxanerodriguez.com le nom des sociétés du groupe F dont notamment celui de la pâtisserie E. Ladurée, une marque dont celles-ci sont titulaires ou une photographie de décors de salons Ladurée dans le délai de 15 jours à compter de la signification du présent jugement et sous astreinte de 100 euros par infraction constatée passée ce délai.
Sur l’appel incident de la société Pâtisserie E. Ladurée
— infirmer le jugement en ce qu’il a énoncé :
— déboute la société Pâtisserie E. Ladurée de sa demande principale aux fins de voir écarter des débats les deux procès-verbaux de constat de huissier en date du 13 février 2013 (pièce n°13 et 18 des demanderesses),
— déboute la société Pâtisserie E. Ladurée de sa demande principale aux fins de voir écarter les pièces n° 22 à 38,74 à 104,151 à 180, et 185 des demanderesses,
— déboute la société Pâtisserie E. Ladurée de sa demande principale aux fins de voir écarter des débats la pièce n°131 des demanderesses,
— déboute la société Pâtisserie E. Ladurée de sa demande aux fins de voir dire que toutes
photographies figurant dans les conclusions de C B et extraites de ces pièces adverses n° 22 à 38,74 à 103,131,151 à 180 et 185 sont écartés des débats et à tout le moins qu’elles ne revêtent aucune forme probante,
— déboute la société Pâtisserie E. Ladurée de sa demande aux fins de voir dire que les photographies du salon Harrod’s et du salon Bonaparte figurant en pages 182 et 188 des conclusions de C B ont une origine inconnue pour n’avoir pas été communiqués,
— dit qu’il a été porté atteinte au droit moral de C B par la société pâtisserie E Ladurée en ce que cette dernière a reproduit sur son site Internet des décors originaux créés par C B ou les reproductions des décors suivants sans mentionner le nom de C B en sa qualité d’auteur, en violation de son obligation de mentionner le nom et les réalisations de Mme C B en application du protocole d’accord transactionnel en date du 21 juillet 2009 :
Ladurée Bonaparte, Harrod’s, salon U-J et salon aux […], […], […], […], […], Beyrouth, […], Roissy-Charles-de-Gaulle 2 F (hall 8 zone publique,[…], […], Cannes, Sao Paulo, Saint-Tropez, Séoul, Printemps de la mode, Istynie, Stockholm, Singapour, […], […], Dublin, Luxembourg, […], […] , […] et carrosse de l’aéroport de Nice,
— condamne la société Pâtisserie E. Ladurée à mentionner sur son site Internet en vis-à-vis ou en dessous de la photographie des décors suivants :
Ladurée Bonaparte, Harrod’s, salon U-J et salon aux […], […], […], […], […], Beyrouth, […], Roissy-Charles-de-Gaulle 2 F (hall 8 zone publique,[…], […], Cannes, Sao Paulo, Saint-Tropez, Séoul, Printemps de la mode, Istynie, Stockholm, Singapour, […], […], Dublin, Luxembourg, […], […] , […] et carrosse de l’aéroport de Nice, le nom de C B comme étant l’auteurs desdits décors, dans le délai de 15 jours à compter de la signification du présent jugement et sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé ce délai pendant 3 mois,
— condamne la société Pâtisserie E. Ladurée à payer à C B en réparation de l’atteinte à son droit moral d’auteur la somme de 10’000 euros à titre de dommages-intérêts,
— condamne C B à payer à la société Pâtisserie E. Ladurée la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi par cette dernière,
— -déboute la société Pâtisserie E. Ladurée du surplus de ses demandes reconventionnelles,
— laisse à chacune des parties la charge des frais irrépétibles non compris dans les dépens par elles exposés,
— condamne la société Pâtisserie E. Ladurée aux dépens,
— rejette toutes demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires de parties.
Statuant à nouveau de ces chefs
à titre principal
— écarter des débats les pièces adverses n°13 et 18 et à tout le moins, constater, dire et juger qu’elles ne revêtent aucune force probante,
— écarter des débats les pièces adverses n° 22 à 38,74 103,131,151 180 et 185 et à tout le moins, constater, dire et juger qu’elles ne revêtent aucune force probante,
— constater, dire et juger que Mme C B ne rapporte pas la preuve d’une atteinte au droit à la paternité,
— débouter Mme C B et la société C B de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
à titre subsidiaire
— constater, dire et juger que Mme C B ne rapporte pas la preuve de la qualité d’auteur qu’elle invoque,
— déclarer Mme C B irrecevable en ses demandes,
— débouter Mme C B et la société C B de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions contraires ;
à titre plus subsidiaire :
— constater, dire et juger que Mme C B ne caractérise pas un apport original aux décors qu’elle revendique sur le fondement du droit d’auteur,
— débouter Mme C B et la société C B de l’ensemble de leurs demandes fins et conclusions contraires
encore plus subsidiaire,
— constater, dire et juger que la société Pâtisserie E. Ladurée n’a commis aucune atteinte au droit moral dont se prévaut Mme C B
— débouter Mme C B et la société C B de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions contraires ;
à titre infiniment subsidiaire
— réduire à de plus justes proportions l’indemnisation par la société Pâtisserie E. Ladurée du préjudice prétendument subi par Mme C B ;
en tout état de cause
— condamner Mme C B à payer à la société Pâtisserie E. Ladurée la somme de 10’000 euros en réparation du préjudice subi par la société Pâtisserie E. Ladurée et subsidiairement confirmer le jugement en ce qu’il a condamné Mme C B à payer à la société Pâtisserie E. Ladurée la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi par cette dernière,
— débouter Mme C B et la société C B de leur demande de mesures de publication,
— débouter Mme C B et la société C B de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions contraires au plus ample aux présentes,
— condamner in solidum Mme C B et la société C B à verser à la société Pâtisserie E. Ladurée la somme de 40’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamner in solidum Mme C B et la société C B aux entiers dépens avec droit pour la SCP Processuel de se prévaloir des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Elle fait valoir notamment que:
— sur la violation de l’article 4.4 du protocole, sur le site internet de C B apparaissent les marques Ladurée et A et 60 photographies de décors de salons Ladurée en pleine page d’écran.
— sur l’appel incident : les pièces communiquées par Mme B sont dénuées de force probante; les demandes devaient donc être rejetées;
— l’incidence de l’arrêt du 3 mars 2017 est limitée à trois salons;
— Mme B n’apporte pas la preuve de la création des décors qu’elle revendique;
— l’apport original de Mme B n’est pas démontré; le tribunal n’a pas caractérisé l’originalité des apports de Mme B;
— le droit moral de Mme B n’a pas été atteint au regard de la taille réduite des photographies et de l’absence de photographies reproduisant les décors sur le site Internet, au regard des usages applicables;
— l’atteinte alléguée est particulièrement limitée et ne justifie pas la demande indemnitaire demandée, ni même allouée par le tribunal.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l’audience et rappelées ci-dessus.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 23 novembre 2020.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- sur la demande tendant à écarter des débats les deux procès-verbaux de constat d’huissier du 13 février 2013 des captures d’écran et un photomontage
La société Pâtisserie E. Ladurée demande l’infirmation du jugement en ce qu’il n’a pas déclaré nul les deux procès-verbaux de constat (pièces n°13 et 18 appelantes) et écarté des débats les pièces consistant en des captures d’écran ( pièces n°22 à 38, 74 à 104, 131,151 à 180 et 185) et un photomontage (pièce n°131), au motif que l’huissier n’avait pas respecté les diligences techniques nécessaires, que les captures d’écran effectuées par Mme B n’avaient aucune force probante et que le photomontage fabriqué de toute pièce à partir de photographies glanées sur Internet n’avait aucune garantie probatoire .
La cour n’est pas saisie en revanche d’une demande tendant à voir infirmer le jugement ayant rejeté la demande non motivée de la société Pâtisserie E. Ladurée concernant les photographies des pages 182 à 188 des conclusions de Mme B devant le tribunal. a- les procès-verbaux de constat d’huissier du 13 février 2013
Aux termes de l’article 114 du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
Par des motifs que la cour adopte, le jugement, tout en relevant que l’huissier de justice a manqué à certaines précautions élémentaires préalables à l’établissement des deux constats a, à juste titre, considéré que certes ces manquements doivent conduire la juridiction à faire preuve de circonspection dans l’évaluation de la qualité probante des constatations effectuées par l’huissier dans de telles conditions, mais que cependant lesdits manquements ne peuvent conduire à écarter systématiquement les procès-verbaux litigieux.
Le jugement relève également, par des motifs que la cour adopte, que la société Pâtisserie E. Ladurée n’a pas contesté avoir publié les photographies ne portant pas de mention de la ‘paternité’ de Mme B sur son site Internet, telles que reproduites dans les procès-verbaux.
De même, comme l’indique le premier juge, il n’est pas soutenu ni établi que le procédé consistant à établir deux procès-verbaux à partir d’un seul – l’un concernant Ladurée dans le monde, l’autre Ladurée en France- certes inopportun et peu compréhensible, procéderait cependant d’une volonté de fraude ou de dissimulation émanant en outre d’un officier ministériel, plutôt que d’une simple maladresse de ce dernier.
Le jugement a considéré à bon droit que l’établissement de deux procès-verbaux distincts était de peu d’incidence sur la valeur probante desdits actes et reconnu leur valeur probante.
b- pièces n°22 à 38, 74 à 104, 131, 151 à 180 et 185
S’agissant des pièces n°22 à 38, 74 à 104,151 à 180 et 185, constituées de captures d’écran réalisées sans la qualité probatoire que représente l’intervention d’un huissier de justice, le tribunal a relevé à juste titre que la preuve de l’agencement effectif de différents salons et ‘corners’ à l’échelle mondiale était particulièrement difficile à rapporter sauf à mettre en oeuvre des moyens matériels et financiers exorbitants et que la société Pâtisserie E. Ladurée ne contestait pas que les photographies produites représentaient bien l’agencement effectif des salons et espaces de vente présentés.
S’agissant enfin de la pièce n°131 constituée d’un photomontage, comparant les différents espaces, avec les mentions des similitudes selon l’appelante, le jugement indique justement qu’il s’agit d’un support explicatif réalisé à partir de plusieurs photographies, dont la valeur probatoire ne réside pas tant dans sa qualité probatoire que dans sa vertu pédagogique, que le tribunal a entendu examiné comme tel.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté la société Pâtisserie E. Ladurée de sa demande tendant à voir écarter des débats les deux procès-verbaux de constat d’huissier du 13 février 2013, ainsi que les pièces n°22 à 38, 74 à 104, 131, 151 à 180 et 185.
2- sur la contrefaçon de droits d’auteur
a- sur la qualité d’auteur de Mme C B
Aux termes du premier alinéa de l’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.
Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres Ier et III du présent code.
Selon l’article L.112-1 du code de propriété intellectuelle, les dispositions dudit code protège les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.
L’article L.113-1 dudit code dispose que la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’oeuvre est divulguée.
La société Pâtisserie E. Ladurée conteste la qualité d’auteur de Mme B dans les décors des différents espaces de vente Ladurée qu’elle revendique et dont elle ne rapporterait pas la preuve.
En l’espèce, par des motifs que la cour adopte, le tribunal a relevé à juste titre que Mme B ne bénéficiait pas de la présomption de titularité, au motif que conformément aux décisions du tribunal de grande instance de Paris du 29 janvier 2016 et de la cour d’appel de Paris du 3 mars 2017, elle ne prétendait pas que les créations revendiquées avaient été divulguées sous son nom.
Il en résulte que cette dernière doit rapporter la preuve de sa qualité d’auteur par tous moyens.
De même, le tribunal souligne que Mme B ne revendique aucun élément mobilier particulier mais des décors, soit un ensemble d’éléments décorant un lieu qui contribue à son aménagement esthétique.
Mme B doit donc démontrer qu’elle est l’auteur de ces décors auxquels sont apparentés des reproductions ou ‘répliques’.
— sur les droits d’auteur reconnus à Mme B par l’arrêt du 3 mars 2017
Les parties s’opposent sur la portée de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 3 mars 2017 ayant opposé Mme B à la société Pâtisserie E. Ladurée, à M. I et à la société Hachette livres dans le cadre de la parution de l’ouvrage intitulé ‘L’esprit décoration Ladurée’ portant sur les décors des établissements Ladurée présentés à l’aune de l’influence des styles ‘Marquise de Pompadour’, ‘Napoléon III’ et ‘Q R’.
Aux termes de l’article 1355 du code civil, l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
En l’espèce, l’arrêt de la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 29 janvier 2016, en ce qu’il a considéré que la décoration et l’aménagement d’ensemble du salon bleu à l’étage du magasin Ladurée Bonaparte à Paris, du salon noir et du salon Opéra du magasin Harrod’s à Londres ainsi que le salon U-J du salon de thé Ladurée Ginza à Tokyo sont protégeables au titre du droit d’auteur.
A juste titre, le tribunal de grande instance de Lille, a jugé que la décision de la cour d’appel de Paris avait autorité de chose jugée et s’imposait à lui s’agissant des seuls décors reconnus comme ayant été conçus par C B, tout en observant que chacun des trois magasins susmentionnés comportaient plusieurs espaces distincts savoir salon, cabinet, véranda ou espace de vente, certains d’entre eux n’ayant pas été reconnus comme étant de la conception de l’intéressée.
Le tribunal a donc considéré à bon droit qu’au regard de ces éléments, la preuve de la qualité d’auteur de Mme B des décors du salon bleu à l’étage du magasin Ladurée Bonaparte à Paris, du salon noir et du salon Opéra du magasin Ladurée Harrod’s à Londres et du salon U-J du salon de thé Ladurée Ginza à Tokyo, était suffisamment rapportée.
— sur les droits d’auteur non reconnus par l’arrêt de la cour d’appel de Paris
Il s’agit des droits d’auteur de l’espace vente et de la véranda du magasin Bonaparte à Paris, de l’espace vente du magasin Ladurée Harrod’s à Londres et du magasin Ladurée Ginza à Tokyo.
— magasin Bonaparte à Paris: espace vente et véranda
Pour retenir la qualité d’auteur de Mme C B, le tribunal par des motifs que la cour adopte s’appuie notamment sur le dossier de presse (pièce n°135 : appelantes) dont il est mentionné qu’il a été établi sous la supervision de la société Patisserie E. Ladurée ce que ne conteste pas sérieusement cette dernière.
Comme le relève le premier juge, le contenu de ce dossier de presse qui décrit notamment l’espace de vente et la véranda, mentionne clairement que la direction artistique de l’agencement et la décoration de la boutique a été confiée à Mme B.
Il est ainsi indiqué dans le dossier de presse: ‘M. Y F, président et fondateur du groupe F grand collectionneur animé par un amour du passé et passionné par le style XVIII et XIXe, imagine ce nouveau Ladurée avec lyrisme . Il confie la décoration à C B décoratrice et spécialiste du style Napoléon III. L’enjeu majeur de cette réalisation était d’insuffler une âme inspirée de l’esprit R tout en conservant l’esprit Ladurée et en respectant le patrimoine architectural et historique du lieu.
C B concilie une inspiration empire néoclassique très personnelle à un sens innée du confort. Elle a recherché les volumes, mis en valeur les éléments de décor R, refait les sols et rendu aux murs et plafonds leurs couleurs. Elle s’entoure pour cette production des meilleurs artisans, doués d’un savoir-faire ancestral et garants d’une grande tradition : ébénistes, doreurs, artistes peintres et mosaïstes ont très largement contribué à la réussite de Ladurée.’
S’agissant de la véranda, le dossier de presse la décrit avec précision comme l’indique le premier juge: ‘puits de lumière somptueux décor XIX ème d’inspiration exotique […] palmiers dorés, sofas d’inspiration orientale […] fresque peinte par K L […]. Au sol une K blanche de Bourgogne provenant d’un monastère. C B a su donner à cette pièce un charme fait à la fois d’extravagance et d’élégance’.
S’agissant de la boutique – l’espace de vente -, le dossier de presse la décrit comme ‘un comptoir néoclassique en acajou et son marbre gris turquin. Au plafond le symbolique collier de perles peint comme à l’origine et les célèbres médaillons en plâtre à l’effigie de femmes dévêtues encadre l’espace de vente.’
Comme le relève le tribunal, il y a eu choix de mettre en valeur un comptoir de vente de style défini dans un décor préexistant. Même si l’espace de vente comprend peu d’éléments, ces derniers contribuent à la conception de cet espace.
De même, l’article du magazine Elle décoration de 2002 présente la nouvelle boutique Ladurée Bonaparte avec une interview de Z F ‘propriétaire’ et C B ‘antiquaire et décoratrice des lieux’ et leur photographie ensemble. Comme le souligne le premier juge, la société Pâtisserie E. Ladurée n’a pas contesté à l’époque la relation des faits par le magazine.
La convention en date du 13 juillet 2006 a été conclue entre la société Pâtisserie E. Ladurée et la société C B et non Mme C B. Cependant, il est fait référence à son expérience acquise dans la conception des magasins Ladurée notamment Paris Bonaparte et Harrod’s alors qu’il s’agit en fait de l’expérience de Mme B puisque la société C B n’a été créée qu’en 2005, la société Pâtisserie E. Ladurée faisant état d’une société Lapsus créée en 2002 par Mme B mais qui n’apparait pas dans les relations avec la société Pâtisserie E. Ladurée.
Aux termes du protocole transactionnel du 21 juillet 2009, conclu à la suite de la résiliation de la convention ci-dessus, d’une part par la société F et différentes sociétés du groupe F dont la société Patisserie E. Ladurée, MM. Y, Z et G F, d’autre part la société C B et Mme C B, la société Pâtisserie E. Ladurée et les autres sociétés du groupe ont reconnu le droit moral d’auteur de la société C B et de Mme B, qu’elles ‘détiennent sur toute création, objet, oeuvre d’art, décor, concept, plan réalisés directement ou indirectement avec et/ou en collaboration et/ou pour toutes les enseignes des sociétés du groupe F notamment Ladurée […]’.(article 4.1 du protocole)
De même, la société Pâtisserie E. Ladurée et les autres sociétés du groupe F se sont engagées à respecter ‘le droit moral de Mme C B dans toutes les représentations qu’elles feront de ses oeuvres.’ (article 4.1.3 du protocole)
Ainsi, contrairement à ce qu’affirme la société Pâtisserie E. Ladurée, cette dernière a bien reconnu le droit moral d’auteur de Mme B laquelle agit au titre de la représentation de ses oeuvres, du fait des photographies publiées sur Internet dans le cadre des sites dédiés aux différents magasins dont celui de Paris Bonaparte.
A juste titre, le tribunal souscrit aux motifs de l’arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 3 mars 2017 (p.8), qui indique que la société Pâtisserie Ladurée tout en acceptant de signer le protocole transactionnel susmentionné avec Mme B, se contredit au détriment de celle-ci en contestant la qualité d’auteur revendiquée.
Par des motifs que la cour adopte le tribunal a, à bon droit, considéré que la preuve de la qualité d’auteur de Mme B pour le magasin Ladurée Paris Bonaparte était suffisamment rapportée par notamment l’attestation de M. M N ayant travaillé pour ce magasin (pièce n°n°40), les nombreux échanges de messages entre Mme B et les sociétés du groupe F, notamment Panitude (maître d’oeuvre) et Ladurée et enfin des articles de la presse spécialisée (pièces n°9,11,44,46,48 et 49).
Le jugement sera confirmé de ce chef.
– espace vente du magasin Ladurée Harrod’s à Londres
Par des motifs que la cour adopte, le tribunal, pour considérer que Mme B rapportait la preuve de sa qualité d’auteur pour cet espace vente Harrod’s, s’est appuyé notamment sur un entretien avec M. Z F dans le magazine AD exclusif de novembre 2005 (pièce n°143: appelantes) suite à l’inauguration dudit espace vente, intervenue antérieurement à la convention de 2006 et au protocole de 2009 précités.
Aux termes de cet entretien, M. Z F, après avoir répondu à la journaliste sur la décoration de O P pour la boutique Ladurée Champs Elysées, indique s’agissant de Harrod’s: ‘Et pourtant, en termes de décoration ce ne sera pas exactement la même chose. Des pièces fortes – on va dire une ou plusieurs antiquités du XIXè – vont créer l’âme du lieu; derrière on compose et on ajoute une touche que ce soit une cheminée, une bibliothèque, un lustrre. C’est à chaque fois un vrai challenge car on remet complètement en question pour parvenir à s’intégrer au sein d’un lieu.’
La fin de l’entretien se termine par la question ‘Quel décorateur avez-vous choisi pour ce Ladurée ‘made in England », à laquelle Z F répond: ‘la même équipe que rue Bonaparte : mon père et C B, une antiquaire spécialiste de l’époque Napoléon III. Il fallait avant tout préserver ce qui est magique chez Ladurée'[…].
Le premier juge conclut à juste titre qu’il est ainsi établi que Mme B s’est bien vue confier à elle seule la direction artistique de l’espace vente Harrod’s, peu important la mention diplomatique de ‘co-décorateur’ de son père, cité par Z F dans l’article, seulement comme un passionné d’art .
La société Pâtisserie E. Ladurée affirme que le comptoir en marbre et les étagères murales ont été adaptées de façon quasi servile d’éléments acquis par le groupe F dès 2000 et 2002. Elle s’appuie sur un document établi en 2018 de la société Panétude du groupe F où des photographies non datées émaneraient, selon elle, du magasin rue Franklin Roosevelt à Paris, ainsi que sur une unique facture du 20 janvier 2002 où est mentionné l’achat d’un meuble de boulangerie.
Outre la faiblesse de ces preuves, même à supposer avérés de tels reproches à l’égard du travail de Mme B, il n’en demeure pas moins que celle-ci a bien été conceptrice d’un décor par les choix et l’aménagement des éléments qu’il induit.
Le tribunal qui reprend également les mêmes observations sur la convention de 2006 et le protocole de 2009 que précédemment pour la boutique Paris Bonaparte, a considéré à juste titre, que la preuve était ainsi rapportée de la qualité d’auteur de C B par ces éléments, auxquels il convenait d’ajouter les attestations des artisans, notamment le N M, le restaurateur d’ancien Meriguet-Carrère, la société SOE stuc et staff (pièces n°40, 42 et 43), confirmant son rôle de conceptrice du projet et les nombreux articles de la presse spécialisée produits par les appelantes.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
— magasin Ladurée Ginza à Tokyo
Il comporte quatre espaces: le salon U-J, le salon aux perles, l’espace vente à emporter, le cabinet aux entrelacs.
Les droits sur le salon U-J ont été retenus par l’arrêt de la cour d’appel de Paris.
La société Pâtisserie E. Ladurée conteste la qualité d’auteur de C B pour le salon aux perles, l’espace vente et le cabinet aux entrelacs.
S’agissant de ces trois espaces, les appelantes produisent des factures concernant le projet Gonza avec des dessins du décor qui démontrent qu’il s’agit d’un projet unique. En outre, les termes de la lettre de Z F à l’agence C B en date du 30 avril 2008 confirment que la conception de ce magasin a bien été confiée à Mme B personnellement.
De même, le site Internet du manufacturier Henryot et Cie mentionne le nom de C B pour la réalisation du salon aux perles (pièce n°50) et le magazine Elle décoration la présente également comme la décoratrice de ce magasin dans son ensemble où les espaces sont décrits avec précision (pièce n°11).
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a retenu la qualité d’auteur de Mme B sur l’ensemble du magasin Ginza.
— sur les droits d’auteur non reconnus par l’arrêt de la cour d’appel de Paris qui n’en était pas saisie
Il s’agit des décors suivants: carrosse Ladurée à l’aéroport d’Orly, magasin de l’aéroport de […], magasin de Lausanne, ‘corner’ du magasin Printemps de la maison Haussmann à Paris, bar Lincoln à Paris, salon Ladurée Burlington arcade.
— décor du carrosse Ladurée à l’aéroport d’Orly
La société Pâtisserie E. Ladurée reprend l’argument selon lequel la facture versée aux débats émane de la société C B et que les croquis également produits ne présentent aucune signature personnelle mais seulement le nom de la société C B ne permettant pas d’établir la qualité d’auteur revendiquée, d’autant que la société C B emploie des salariés susceptibles d’accomplir les tâches créatives.
Cependant, par des motifs que la cour adopte, le tribunal rappelle le travail personnel de Mme B pour les salons Bonaparte et Harrod’s, reconnu par Z F et la presse spécialisée. Il constate également que dans le cadre du protocole de 2009, Mme B est intervenue personnellement et à côté de sa société, notamment pour le respect du droit moral d’auteur, les sociétés du groupe F s’engageant même à respecter le droit moral de Mme B dans toutes les représentations qu’elles feraient de ses oeuvres.
A bon droit le premier juge observe qu’aucun salarié de la société C B n’a revendiqué un droit sur la conception des salons et décors, aucune allusion dans les échanges de messages et la presse spécialisée sur le rôle prépondérant de l’un de ces salariés, alors même que les pièces produites démontraient ‘la patte’ de C B et d’elle seule sur la conception.
Les éléments produits sont suffisants pour démontrer la qualité d’auteur de C B sur le carosse de l’aéroport d’Orly.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
– décor du magasin de l’aéroport de […]
Les appelantes produisent une facture et des plans du ‘corner’ de Roissy (pièces n°6-1 et 6-2).
Le tribunal reprend les mêmes observations que pour le carosse d’Orly. En effet, la réalisation de plans par logiciel AutoCad n’enlève pas la qualité de conceptrice de C B au sein de son agence. Il en est de même de l’absence de Mme B aux réunions de chantier.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a retenu que la qualité d’auteur de cette dernière sur le décor du magasin Roissy CDG 2F1 était démontrée.
– décor du magasin de Lausanne
Le tribunal relève que la facture du 6 août 2007 (pièce n° 7 appelantes) établie par l’agence C B mentionne ‘article 5 du contrat: corner complexe’, référence à la convention de 2006 prévoyant différents niveaux de rémunération selon l’importance de la réalisation.
Il s’appuie également sur les échanges de messages relatifs à la décoration et l’agencement du magasin.
Par des motifs que la cour adopte, le tribunal a justement retenu que conformément à ces précédentes observations sur la qualité de conceptrice de C B intuitu personae, la preuve de sa qualité d’auteur sur le décor du magasin de Lausanne, était rapportée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
– décor du ‘corner’ du magasin Printemps de la maison Haussmann à Paris
Par des motifs que la cour adopte, le tribunal se fondant sur les factures de la société C B de juin, septembre et décembre 2006 pour le projet d’un ‘corner’ complexe ‘Ladurée Printemps Haussman n’a considéré à juste titre que ces pièces suffisaient à établir la conception par C B et la réalisation par sa société.
Le premier juge a également repris les observations faites précédemment relatives à la qualité conceptrice de C B intuitu personae et conclut qu’était rapportée la preuve de cette qualité d’auteur pour ce ‘corner’.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
— décor du bar Lincoln à Paris
Il résulte du protocole de 2009 (p.7) que les droits d’auteur sur cet espace demeurent la propriété de la société C B et de Mme B (article 4.2).
Aux termes de ses écritures d’appel, la société Pâtisserie E. Ladurée n’apporte aucun élément nouveau pour contester ces droits.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
— décor du salon Ladurée Burlington arcade
Le jugement a considéré que la preuve de la qualité d’auteur de Mme B voire de la société C B n’était pas suffisamment rapportée et leurs demandes irrecevables.
Or, les appelantes se bornent à solliciter dans le dispositif de leurs écritures, la confirmation du jugement en ce qu’il a dit qu’il avait été porté atteinte au droit moral de C B pour certains espaces Ladurée, excluant Burlington arcade.
Conformément à l’alinéa 3 de l’article 954 du code de procédure civile, la cour n’est donc pas saisie d’une demande des appelantes à ce titre.
b- sur l’originalité des décors des salons et points de vente conçus par C B
Aux termes l’article L.112-1 du code de propriété intellectuelle précité, les dispositions dudit code protège les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.
L’article L.122-3 dudit code dispose que la reproduction consiste dans la fixation matérielle de l’oeuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d’une manière indirecte. Elle peut s’effectuer notamment par imprimerie, dessin, gravure, photographie, moulage et tout procédé des arts graphiques et plastiques, enregistrement mécanique, cinématographique ou magnétique. Pour les oeuvres d’architecture, la reproduction consiste également dans l’exécution répétée d’un plan ou d’un projet type.
En vertu de l’article L.122-4, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque.
L’article L.335-3 dans son 1er alinéa dispose qu’est un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une oeuvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur, tels qu’ils sont définis et réglementés par la loi.
Enfin, l’originalité d’une oeuvre doit être appréciée en fonction de l’aspect d’ensemble produit par l’agencement des différents éléments propres au modèle en cause et non de chacun d’eux pris séparément.
— sur l’originalité des décors reconnue par l’arrêt du 3 mars 2017 de la cour d’appel de Paris
Il résulte de ce qui précède (2-a/ du présent arrêt) que la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 3 mars 2017 a reconnu que les décors du salon bleu du magasin Ladurée Bonaparte à Paris, le salon noir et le salon Opéra du magasin Ladurée Harrod’s à Londres et le salon U-J du magasin Ladurée Ginza à Tokyo étaient protégés au titre du droit d’auteur.
Il a également été établi aux termes de la présente décision, que l’arrêt de la cour d’appel de Paris avait autorité de chose jugée à l’égard du présent litige et s’imposait à la juridiction de céans s’agissant de ces seuls décors tels que rappelés ci-dessus.
Le tribunal a donc à juste titre considéré que la preuve de l’originalité des décors du salon bleu du magasin Ladurée Bonaparte à Paris, du salon noir et du salon Opéra du magasin Ladurée Harrod’s à Londres et du salon U-J du magasin Ladurée Ginza à Tokyo, était ainsi rapportée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
— sur l’originalité des décors non reconnue par l’arrêt du 3 mars 2017
Il s’agit de l’espace vente et de la véranda du magasin Bonaparte à Paris, de l’espace vente du magasin Ladurée Harrod’s à Londres et des trois espaces autres que le salon U-J du magasin Ladurée Ginza à Tokyo.
La société Pâtisserie E. Ladurée indique ainsi que le tribunal de grande instance et la cour d’appel de Paris dans leurs décisions ont effectivement estimé que Mme B ne démontrait pas l’originalité de ces lieux. Cependant, les deux juridictions se sont prononcées sur la base des photographies contenues dans l’ouvrage incriminé au motif que les reproductions ne concernaient que des éléments isolés ou des vues extrêmement partielles ne permettant pas d’en apprécier l’originalité.
Dans le présent litige, il s’agit de photographies multiples sur les sites Internet, laissant voir des vues d’ensemble pour certaines d’entre elles, permettant d’en apprécier éventuellement l’originalité, de sorte que la preuve de l’originalité des décors peut toujours être rapportée.
Par des motifs que la cour adopte, le tribunal relève que selon les pièces produites aux débats, l’existence d’une ‘griffe’ Ladurée’ antérieurement à la réalisation des salons conçus par C B à compter de 2002 et d’un cahier des charges strict, n’exclut pas une possibilité de renouveau créatif.
Ainsi, le dossier de presse (pièce n°135 appelantes) élaboré lors de l’ouverture du magasin Ladurée Bonaparte, mentionne comme rappelé ci-dessus ‘L’enjeu majeur de cette réalisation était d’insuffler une âme inspirée de l’esprit R tout en conservant l’esprit Ladurée et en respectant le patrimoine architectural et historique du lieu.
C B concilie une inspiration empire néoclassique très personnelle à un sens inné du confort. Elle a recherché les volumes, mis en valeur les éléments de décor R, refait les sols et rendu aux murs et plafonds leurs couleurs.’
De même, dans l’entretien donné en 2005 au magasine AD exclusif, rappelé ci-dessus (pièce n°143 appelantes), Z F indique:’L’idée, c’est que partout vous soyez chez Ladurée […] ‘Et pourtant, en termes de décoration ce ne sera pas exactement la même chose. Des pièces fortes – on va dire une ou plusieurs antiquités du XIXe – vont créer l’âme du lieu; derrière on compose et on ajoute une touche que ce soit une cheminée, une bibliothèque, un lustre. C’est à chaque fois un vrai challenge car on remet complètement en question pour parvenir à s’intégrer au sein d’un lieu.’
Est en outre inopérant le fait que C B en référait à la société Pâtisserie E. Ladurée et notamment à M. Y F, fondateur du groupe F, ce dernier étant son client, ce qui n’enlève rien à l’originalité des décors et à leur création par C B, les pièces n°57 à 60 des appelantes constituées de notes manuscrites émanant de Y F et destinées à son fils, démontrant au contraire, la part fondamentale prise par C B dans la création et l’originalité des décors.
En conséquence, le tribunal a, à juste titre, considéré que devait être appréciée l’originalité des différents décors conçus dans l’état d’esprit décrit ci-dessus par C B.
Enfin, il est constant que la société Pâtisserie E. Ladurée qui a contesté la valeur probante des photographies soumises par la société C B et Mme B, voire reproché au tribunal de s’appuyer sur ‘des éléments parfaitement invisibles sur les photographies’ (p.71 des conclusions), n’a cependant pas contesté, comme l’observe le premier juge, qu’un décor attribué à l’un des salons ou composé de tel ou tel élément de décor, était bien conforme au décor tel qu’il avait été conçu, étant observé que les photographies produites par la société Pâtisserie E. Ladurée ne sont pas d’une qualité meilleure.
– véranda et espace vente du magasin Bonaparte à Paris
Par des motifs que la cour adopte, le tribunal a considéré que le décor de la véranda était protégeable au titre des droits d’auteur.
Il est ainsi relevé que C B a créé une véranda avec verrière rappelant les salons d’hiver du XIXe siècle, traitant le jardin d’hiver comme une ‘japonaiserie’ ainsi ouvert sur la nature. Elle a mis au mur un panoramique rempli d’oiseaux, représentant la journée d’un jardin exotique du lever du soleil au crépuscule et entouré d’une frise aux motifs japonisants. Ce panoramique a été réalisé par le peintre K L selon un dessin de Mme B ce que confirme le peintre (pièce n°119). Elle a installé des palmiers qui rythment l’espace et rappellent l’exotisme du jardin et meublé la pièce en rupture avec le mobilier qui garnit habituellement les jardins d’hiver.
Cette description est également celle du dossier de presse réalisé par la société Pâtisserie E. Ladurée lors de l’ouverture du magasin. Celle-ci ne peut donc sérieusement prétendre que la qualité des photographies produites par les appelantes résultant notamment des procès-verbaux de l’huissier de 2013 ne permettraient pas d’y déceler les éléments mis en avant par C B.
En effet, le dossier de presse (pièce n°135 appelantes) fournit les mêmes éléments: ‘palmiers dorés, sofas d’inspiration orientale, guéridons en fonte de couleur rouille, petites chaises pliantes façon transat en cuir naturel. Particulièrement remarquable, la fresque peinte par K L dans les tons de jaune, bleu et rose, évoque une journée de l’aube au crépuscule.[…]C B a su donner à cette pièce un charme fait à la fois d’extravagance et d’élégance.’
A juste titre, le premier juge a considéré que le mélange des formes, des époques et des styles, selon une orchestration réfléchie, conférait une sensation d’opulence tout en conservant une légèreté des lignes et des formes et portait indéniablement l’empreinte de la personnalité de son auteur, comme le reconnaissait elle-même la société Pâtisserie E. Ladurée en 2002.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a considéré que le décor était protégeable au titre des droits d’auteur.
S’agissant du comptoir de vente, si des éléments propres à Q R, antiquaire et décoratrice de renom, ancienne propriétaire des lieux (alcôves et couleur vert amande) ont été conservés, l’originalité de l’espace résulte notamment dans des éléments tels que le comptoir de vente en bois précieux et sombre, conçu comme un meuble précieux destiné à garnir un salon ou une salle à manger d’une riche maison, effectivement différent, comme le démontrent les appelantes (pièce n°181) des comptoirs de pâtissiers de renom.
De même, les éclairages très contemporains tranchent avec le style XIXème siècle, les alcôves sont utilisées comme vitrines destinés à recevoir des objets précieux, les produits ladurée.
Comme le relève le tribunal, le lieu mélange les époques et les genres porte l’empreinte de la personnalité de C B par la singularité du luxe qui s’en dégage sans omettre les éléments de confort auxquels elle est attachée. Il porte l’empreinte de la personnalité de l’auteur.
Contrairement à ce qu’affirme la société Pâtisserie E. Ladurée, les photographies reproduites sur le site Internet permettent de retrouver les caractéristiques décrites ci-dessus et de démontrer l’originalité de l’espace vente.
Les notes de Y F à son fils Z en 2008 (pièces n°57 à 60) confirment cette originalité et l’empreinte de C B.
Le dossier de presse précité l’affirme également puisque s’agissant du comptoir de vente Bonaparte, il est mentionné: ‘C B concilie une inspiration empire néoclassique très personnelle à un sens inné du confort.’
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a consacré la protection du décor au titre des droits d’auteur.
– espace vente du magasin Ladurée Harrod’s
Le tribunal par des motifs que la cour adopte a également considéré que ce décor était protégeable au titre des droits d’auteur.
Cet espace vente (pièce n°18 p.20-21: appelantes) dominé par le blanc, tranche avec le salon noir du magasin et crée ainsi une rupture originale.
Certes, il n’est pas contesté pour l’espace vente l’usage de pièces maîtresses préexistantes mais le premier juge a noté ce cadre entièrement blanc et lumineux au sein duquel le comptoir de marbre blanc surmonté de suspensions en opaline blanche, rappelant les suspensions des anciennes bibliothèques, précède des présentoirs constitués de bibliothèques de style XIX ème siècle, d’un seul tenant du sol au plafond, entièrement blanches, aux multiples colonnes très stylisées destinées à recevoir les produits Ladurée et non des livres, le premier juge constatant que ce détournement crée un effet à la fois raffiné et proche du merveilleux rappelant l’ouvrage ‘Alice aux pays des merveilles’.
Ce décor, comme le souligne le jugement, porte, par le talent créatif déployé dans la réalisation de cet espace magique, l’empreinte de la personnalité de son auteur.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
– espace vente, salon aux perles et cabinet aux entrelacs du magasin Ladurée Ginza
S’agissant de l’espace vente, le premier juge a considéré qu’il n’était pas en mesure de constater l’impression d’ensemble se dégageant de cette réalisation, la preuve de l’originalité du comptoir de vente n’étant pas rapportée.
Il a ainsi débouté la société C B et Mme B de leur demande relative à l’espace de vente du magasin Ladurée Ginza.
Or, si les appelantes demandent l’infirmation du jugement de ce chef, le dispositif de leurs conclusions se borne à solliciter la confirmation du jugement relatif au droit moral de C B pour le salon U-J et le salon aux […].
En conséquence, conformément à l’alinéa 3 de l’article 954 du code de procédure civile,la cour n’est donc pas saisie d’un appel relatif au droit moral de C B pour l’espace vente de Ladurée Ginza.
S’agissant du salon aux perles, le tribunal relève à juste titre l’originalité du décor, résultant dans la déclinaison du motif perlé apprécié des ébénistes français du XVIIIème siècle, que C B a interprété d’une manière baroque en exagérant la taille des perles et en le déclinant systématiquement sans respecter les codes classiques sur les boiseries, les portes, en frise sur les chaises, les poufs et les guéridons.
Les photographies produites, notamment le procès-verbal de 2013 (pièce n°18 p.27-28), la pièce n°120 c, la pièce n°50 précitée (appelantes), permettent d’apprécier, dans son ensemble, le décor qui porte l’empreinte de la personnalité de son auteur et est donc protégeable au titre des droits d’auteur.
S’agissant du cabinet aux entrelacs, les appelantes, aux termes de leurs conclusions, s’étendent sur l’originalité du salon U-J mais non sur le cabinet aux entrelacs.
En outre, comme précédemment, le dispositif de leurs conclusions se borne à solliciter la confirmation du jugement relatif au droit moral de C B pour le salon U-J et le salon aux […].
En conséquence, conformément à l’alinéa 3 de l’article 954 du code de procédure civile, la cour n’est donc pas saisie d’un appel relatif au droit moral de C B pour le salon aux entrelacs de Ladurée Ginza.
— décor du carrosse Ladurée à l’aéroport d’Orly
Il s’agit d’un ‘corner’ de vente à emporter pour lequel C B a fait le choix d’un présentoir en forme de carrosse de style U-J, reconstitué dans de nombreux détails, lesquels sont suffisamment visibles sur les captures d’écrans versés aux débats (notamment pièces n°18 p.13, n°76) contrairement à ce qu’affirme l’intimée, pour permettre de porter une appréciation sur l’originalité de la réalisation marquée par l’empreinte de son auteur.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a retenu que le décor était protégeable au titre des droits d’auteur.
— décor magasin aéroport Roissy […]
Cet espace de vente est suffisamment visible, notamment pièce n°77, photographie d’ensemble, reprenant une des deux photographies de la pièce n°18 p.10, sur laquelle figure également un détail du comptoir.
En outre, et comme rappelé ci-dessus, la société Pâtisserie E. Ladurée ne conteste pas l’existence des caractéristiques de cet espace de vente.
Le tribunal a justement noté que le décor se démarquait des points de vente habituels dans les aéroports par le choix des couleurs en opposition et des matériaux: comptoir en acajou (Foncé) contrastant avec les murs de couleur vert amande décorés de cabochons en biscuit blanc, éléments d’architecture du XVIII ème siècle. Les suspensions en opaline rappellent les cabochons au mur. Il se dégage de l’ensemble, comme l’observe le premier juge, une impression de raffinement et de sobriété.
A juste titre le tribunal a considéré que le décor était marqué de l’empreinte de la personnalité de son auteur, nonobstant l’utilisation obligée de certains codes de la maison Ladurée notamment l’utilisation du vert amande et qu’en conséquence, il était protégeable au titre des droits d’auteur.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
— décor du magasin Lausanne
A nouveau, la société Pâtisserie E. Ladurée se borne à affirmer que les photographies produites ne permettent pas de voir dans les détails les éléments dont se prévaut Mme B.
Cependant, elle ne conteste pas que ces éléments existent sur l’espace en question.
En l’espèce, sont parfaitement visibles, le comptoir massif de couleur sombre derrière lequel s’alignent, du sol au plafond, des bibliothèques également massives en bois sombre contrastant avec les couleurs pastel des produits Ladurée, ainsi que les grands lustres à pampilles que Mme B indique avoir chiné et fait électrifier – la société Pâtisserie E. Ladurée n’apportant aucune élément contestant ces affirmations- pour recréer l’effet de l’éclairage à la bougie, ce qui est visible sur les photographies produites.
Le tribunal relève que, sous cette lumière tamisée, l’ensemble confère une impression d’intimité et de mystère au sein d’une demeure aristocratique dans laquelle, en y pénétrant, le client accède à un autre temps.
Si certes le détail du plafond, une fresque représentant des nuages et un ciel d’orage, est difficilement visible sur les photographies produites, la société Pâtisserie E. Ladurée ne conteste pas l’existence de cette fresque qu,i selon Mme B, est dans les tons de gris et de violine. L’aspect à la fois sombre et mystérieux du lieu se dégage des seuls éléments visibles.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a considéré qu’il s’agissait d’une réalisation originale portant l’empreinte de la personnalité de son auteur dans un registre masculin, protégeable au titre des droists d’auteur.
– décor du ‘corner’ Printemps de la maison Haussmann
Comme précédemment, si les photographies produites issues du site Internet ( pièce n°18 p.14-15, pièce n°79) ne permettent pas totalement d’appréhender tous les éléments dont se prévaut Mme B, la société Pâtisserie E. Ladurée ne conteste pas l’existence de ces éléments dans ses propres espaces. En outre, les photographies sont susceptibles de confirmer les dires de Mme B, s’agissant notamment des luminaires qui éclairent le comptoir rappelant ceux des tables de bibliothèque et le treillage.
Ainsi, le tribunal, après avoir repris la description de Mme B – espace conçu comme un kiosque recouvert de treillage à la manière des kiosques à musique ou des jardins d’hiver du XIXe siècle, alcôves dont les miroirs agrandissent la pièce par un jeu d’optique, luminaires – considère à bon droit que l’ensemble donne une impression d’escapade dans un jardin anglais au printemps, et au sein d’un grand magasin transporte le visiteur hors du temps.
Le jugement sera confirmé en ce que le tribunal a jugé que le décor était marqué par l’empreinte de la personnalité de son auteur et donc protégeable au titre des droits d’auteur.
– décor du bar Lincoln
Le tribunal s’est appuyé non seulement sur la ‘vignette’ photographique de petit format du site Internet (pièce n°183: appelantes) mais également sur le dossier du bar Lincoln (pièce n°185) dans lequel apparaissent les détails des éléments originaux dont se prévaut Mme B, étant observé que la société Pâtisserie E. Ladurée n’a pas contesté que les éléments ainsi décrits, ne correspondaient pas à la réalisation finale.
Comme le souligne le premier juge, il s’agit d’un espace atypique avec au centre de la pièce, un bar courbe imposant illuminé de l’intérieur, entouré de tabourets ‘chrysalides’ créés spécialement pour ce lieu par C B, des murs en vitraux aux motifs japonisants rappelant le magma originel, le tout étant très contemporain et naturaliste (papillons, chrysalides, branches de bois sculpté), ponctué de références à l’art nouveau (chrysalide, courbe, vitraux).
Le tribunal a, à raison, considéré qu’il s’agissait d’une création originale protégeable au titre des droits d’auteur.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
c- sur les répliques des décors originaux de Mme C B
Par des motifs que la cour adopte, le tribunal, après avoir rappelé les termes de l’accord du 21 juillet 2009, a considéré à bon droit que, pour déterminer s’il avait été porté atteinte au droit moral de C B par la publication de photographies non créditées de son nom sur le site Internet de la société Pâtisserie E. Ladurée, il lui appartenait de rechercher les salons ou points de vente Ladurée, constituant une reproduction ou réplique de l’une des oeuvres de C B reconnue par le tribunal, figuraient en photographie dans leurs éléments essentiels tels qu’ils sont protégés par le droit moral d’auteur, uniquement sur le site Internet de la société Pâtisserie E. Ladurée www.laduree.com et non en photographies extraites directement du moteur de recherche Google.
Il sera rappelé que l’article 4.1 du protocole du 21 juillet 2009 conclu d’une part par la société F et différentes sociétés du groupe F dont la société Patisserie E. Ladurée, MM. Y, Z et G F, d’autre part la société C B et Mme C B, prévoit que C B renonce au profit de la société Pâtisserie E. Ladurée à l’intégralité des droits de propriété intellectuelle sauf le droit moral d’auteur qu’elle détient ‘sur toute création, objet, oeuvre d’art, décor, concept, plan réalisés directement ou indirectement avec et/ou en collaboration et/ou pour toutes les enseignes des sociétés du groupe F notamment Ladurée […]’
L’article 4.1.2 stipule que cette renonciation porte notamment sur les droits de reproduction, représentation, adaptation, arrangement et transformation.
Il résulte de ces dispositions que C B se prévaut à juste titre, comme le relève le premier juge, de la protection au titre du droit d’auteur, s’agissant de toute reproduction éventuelle de ses oeuvres originales par la société Pâtisserie E. Ladurée.
En l’espèce, le tribunal, dans sa recherche d’éventuelles copies ou répliques, s’est fondé sur les procès-verbaux de 2013, sur les captures d’écrans plus récentes réalisées depuis le site Internet de la société Pâtisserie E. Ladurée à la diligence de Mme B et de sa société, le premier juge indiquant à juste titre que ces pièces présentent une valeur probante suffisante dans la mesure où la société Pâtisserie E. Ladurée n’a jamais contesté la présence de ces photographies sur son site.
En outre, il résulte de la comparaison du dispositif du jugement entrepris et de celui des dernières écritures des appelantes que ces dernières ne contestent pas les espaces de vente et salons Ladurée retenus par le tribunal comme étant des répliques émanant du site Ladurée ne mentionnant pas le nom de C B et ceux qui ont été rejetés.
— répliques de l’espace vente de Harrod’s
Par des motifs que la cour adopte, le tribunal a jugé, à bon droit, en comparant les différentes photographies produites que celles-ci attestaient, pour chaque point de vente Ladurée, qu’il s’agissait de la reproduction de l’espace vente Harrod’s et que la photographie de ce dernier espace sur le site Internet Ladurée était publiée sans le nom de son auteur.
Ainsi, les photographies extraites des captures d’écran produites du site Ladurée ne mentionnent pas le nom de C B pour les espaces de vente ADP Charles de Gaulle terminal AC, B e y r o u t h , M i l a n c h e z E x c e l s i o r , R o i s s y – C h a r l e s – d e – G a u l l e 2 F ( h a l l 8 z o n e publique),[…], […], […], Séoul, Printemps de la mode, Istynie, Stockholm, Singapour et Casablanca.
Le jugement sera confirmé de ce chef, les appelantes ne mentionnant pas dans le dispositif de leurs conclusions les espaces et salons non retenus par le tribunal.
— réplique de l’espace de vente à emporter Bonaparte
Le tribunal, par des motifs que la cour adopte, a considéré que les différentes photographies produites aux débats extraites ou non du site Internet Ladurée attestaient que les points de vente Ladurée New York Madison, […], […], Monaco, Milan, Dublin, Luxembourg, […], […], […], constituaient des reproductions de l’espace vente à emporter de Ladurée Bonaparte.
De même, une photographie du comptoir de vente à emporter Ladurée Bonaparte, issue d’une capture d’écran du site Ladurée, a été publiée sur ledit site sans mention de son auteur.
Il est également justifié par les captures d’écrans extraites du site Ladurée, de la publication des photographies des comptoirs de vente des salons New York Madison, […], Monaco, Dublin, Luxembourg, […], […], sans la mention du nom de C B.
Pour les autres points de vente non retenus par le tribunal, le dispositif des conclusions des appelantes ne mentionnent pas l’infirmation du jugement pour ces lieux.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
– réplique du salon […]
Le salon Nihombashi Mitsukoshi est considéré par les appelantes comme étant la réplique du salon bleu.
Les photographies produites émanant principalement du site Ladurée confirme qu’il s’agit effectivement d’une reproduction.
Il est justifié par une capture d’écran du site Ladurée qu’une photographie du site ‘Ladurée’ a été publiée sur ce site sans la mention de son auteur. Il en est de même de la capture d’écran du site Ladurée pour la photographie du salon Nihombashi Mitsukoshi.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
— réplique du salon de Lausanne
Avec une démonstration similaire, le tribunal, par des motifs que la cour adopte, considère à juste titre, en se fondant sur les captures d’écran du site Ladurée, que le salon Genève cours de rive est la réplique du salon de Lausanne et que, ni la photographie du salon de Lausanne, ni celle du salon de Genève, sur le site Internet Ladurée, ne mentionnent le nom de leur auteur.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
— réplique salon de l’aéroport […]
De même, le tribunal par des motifs que la cour adopte, considère à juste titre, en se fondant sur les captures d’écran du site Ladurée, que le salon Hong Kong landmark est la réplique du salon de l’aéroport […] et que, ni la photographie du salon de l’aéroport CDG 2F1, ni celle du salon de Hong Kong landmark sur le site Internet Ladurée, ne mentionnent le nom de leur auteur.
— réplique du carrosse aéroport d’Orly
Il s’agit du carrosse de l’aéroport de Nice.
Par la même démonstration que ci-dessus, le tribunal, par des motifs que la cour adopte, considère à juste titre, en se fondant sur les captures d’écran du site Ladurée, que le carrosse de l’aéroport de Nice est la réplique de celui de l’aéroport d’Orly et que ni la photographie du carrosse de l’aéroport d’Orly, ni celle du carrosse de l’aéroport de Nice, sur le site Internet Ladurée, ne mentionnent le nom de leur auteur.
— réplique du bar Lincoln
Aucune replique du bar Lincoln n’est alléguée.
En revanche, il est établi que les pièces versées aux débats, notamment la capture d’écran en date du 28 avril 2017 ( pièce n°185 :appelantes) et des procès-verbaux de constat des 28 juin 2017 et 25 octobre 2018 (pièces n°73 et 74 : intimée) que le nom de C B n’a été mentionné que postérieurement à juin 2017, le tribunal avançant que des photographies du site ladurée n’indiquaient pas le nom de l’auteur jusqu’en mars 2018.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
— réplique du salon Ginza
Il n’est pas allégué que le salon Ginza, oeuvre originale, ait fait l’objet d’une réplique.
En revanche, il ressort des pièces n°18 (procès-verbal p.24-28) et 75 (capture d’écran) des appelantes que les photographies du salon U J et du salon aux perles ont été publiées sur le site Internet Ladurée, que les éléments essentiels caractérisant l’originalité des décors sont perceptibles et n’ont fait l’objet d’aucune mention de leur auteur.
— répliques des salons Harrod’s
Il n’est pas allégué que le salon noir et le salon Opéra du magasin Ladurée Harrod’s reconnus originaux, aient fait l’objet d’une reproduction.
En revanche, il ressort de la pièce n°18 (procès-verbal p.18 et 21) des appelantes que les photographies du salon noir et du salon Opéra ont été publiées sur le site Internet Ladurée, que les éléments essentiels caractérisant l’originalité des décors sont perceptibles et n’ont fait l’objet d’aucune mention de leur auteur.
***
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a considéré qu’il a été porté atteinte au droit moral de C B par la société Pâtisserie E. Ladurée du fait de la reproduction sur son site Internet des décors originaux créés par C B ou les reproductions ou répliques des décors retenus par le tribunal dans le dispositif de sa décision et rappelés ci-dessous, sans mentionner le nom de C B en sa qualité d’auteur, en violation de son obligation de mentionner le nom et les réalisations de C B, en application du protocole transactionnel du 21 juillet 2009, soit:
Ladurée Bonaparte, Harrod’s, salon U-J et salon aux […], carrosse de l’aéroport d’Orly, […], […], […], Beyrouth, […], […] zone publique),[…], […], Cannes, Sao Paulo, Saint-Tropez, Séoul, Printemps de la mode, Istynie, Stockholm, Singapour, […], […], Dublin, Luxembourg, […], […], […] et carrosse de l’aéroport de Nice.
3- sur les mesures de réparation de l’atteinte au droit moral d’auteur de Mme C B
Le tribunal a, à juste titre, considéré que l’atteinte au droit moral d’auteur de C B justifiait que la société Pâtisserie E. Ladurée soit condamnée à mentionner sur son site Internet, en vis-à vis ou en dessus de la photographie de tous les décors créés par C B, reconnus protégeables par le droit d’auteur, ou leurs reproductions ou répliques reconnues comme telles par le tribunal, le nom de C B comme étant leur auteur et ce, sous astreinte.
La société Pâtisserie E. Ladurée conteste la décision au motif qu’il est d’usage dans le cadre d’utilisation strictement informative et publicitaire de ne pas mentionner le nom des décorateurs et qu’en conséquence, elle n’a pas porté atteinte au droit moral de C B.
Elle illustre son propos par la production de photographies de magasins et salons de renom (Dalloyau, K S, Dammann frères…) Sur lesquelles ne figure aucune mention du concepteur ou décorateur.
Cependant, outre que ne sont pas connues les conditions dans lesquelles ces boutiques ont été conçues, il ressort du protocole ttransactionnel de 2009 que la société Pâtisserie E. Ladurée s’est engagée à respecter le droit moral d’auteur de C B.
Sauf à enlever tout effet à cette clause du protocole, le fait de reproduire des photographies des décors pour lequel un droit moral lui a été reconnu, sans mentionner le nom de C B, est bien une atteinte à ce droit moral.
Les appelantes qui demandent d’élever la condamnation de l’intimée à la somme de 100 000 euros, ne justifient pas d’une telle demande.
En effet, comme l’a relevé le tribunal, l’atteinte reste très limitée au regard de la taille restreinte des photographies litigieuses qui ne permettent pas d’apprécier ses créations dans toute leur dimension artistique, en raison de la vocation purement publicitaire et informative du site Ladurée destiné à l’achat de produits de consommation et non à la visite d’un lieu architectural.
En conséquence, au regard des éléments du dossier, il convient d’allouer à Mme B au titre de dommages-intérêts, la somme de 12 000 euros réparant justement le préjudice subi par C B du fait de l’atteinte à son droit moral d’auteur.
Le jugement sera infirmé sur le quantum alloué au titre des dommages-intérêts en réparation de l’atteinte au droit moral d’auteur de Mme B.
La société Pâtisserie E. Ladurée sera condamnée au paiement de ladite somme.
Il sera observé que la cour n’est pas saisie d’un appel du chef du jugement ayant débouté la société C B et Mme B de leur demande de publication du jugement.
4- sur la demande aux fins de voir autoriser Mme C B à faire mention sur son site Internet de son travail de décoratrice des salons Ladurée objets de la présente procédure
Aux termes de l’article 4.4 du protocole du 21 juillet 2009, la société C B et Mme C B s’engageaient ‘à ne plus utiliser à quelque titre et sous quelque forme que ce soit, le nom et/ou l’image de l’une quelconque des sociétés du groupe F et/ou les marques détenues par celles-ci [‘] Aucune reproduction des réalisations exécutées dans le cadre de la collaboration entre les parties, ni du nom et/ou des marques des sociétés du groupe F, ne pourra être effectuée sur un site Internet dans des conditions de diffusion dépassant l’information ponctuelle de C B et Mme C B auprès d’une clientèle potentielle.’
Le tribunal a donc, à juste titre, considéré que ces conditions strictes d’utilisation du nom ou des réalisations pour le compte de la société Pâtisserie E. Ladurée, circonscrites à un usge ponctuel, n’autorisaient pas C B à faire mention sur son site Internet, support d’informations par essence inscrites dans la durée, du travail de décoratrice de C B des salons Ladurée.
Le jugement sera confirmé en ce qui a débouté C B de sa demande à ce titre.
5- sur la demande de dommages-intérêts de la société Pâtisserie E. Ladurée
Le tribunal, s’appuyant sur le procès-verbal de constat d’huissier du 28 juin 2017, réalisé à la requête de la société Pâtisserie E. Ladurée, à partir du site Internet des appelantes, a constaté, à juste titre, que ces dernières ne faisaient pas usage de façon ponctuelle des photographies de décors et du nom de Ladurée, mais bien une promotion permanente du travail que C B expose avoir réalisé pour les salons Ladurée.
C’est également à bon droit que le premier juge a considéré qu’une telle promotion était contraire à l’article 4.4 précité du protocole de 2009.
Les appelantes se fondent sur l’article 1219 du code civil lequel dispose qu’une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.
En l’espèce, l’article 1219, issu de l’ordonnance du 10 février 2016, est inapplicable en l’espèce, au regard de la date de transaction sur laquelle repose la présente procédure.
En tout état de cause, l’exception d’inexécution existant avant l’introduction de l’article 1219 du code
civil, il n’est pas établi que l’interdiction faite à Mme B soit la seule contrepartie de l’obligation de la société Pâtisserie E. Ladurée, de respecter le droit moral de Mme B.
En outre, comme le relève le tribunal, l’exception d’inexécution de ses propres obligations contractuelles par la société Pâtisserie E. Ladurée est inopérante, au motif que les photographies de la société C B et de C B sur leur site ne sont pas comparable aux simples ‘vignettes’ figurant sur le site Internet Ladurée, vitrine de la maison Ladurée.
De même, le préjudice de la société Pâtisserie E. Ladurée qui ne démontre pas l’existence d’un préjudice économique du fait de cet usage du nom et des décors des salons Ladurée, est un préjudice moral justement réparé par l’allocation d’une somme de 5 000 euros.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Il sera en outre confirmé en ce qu’il a condamné C B, en exécution du protocole du 21 juillet 2009, à s’abstenir de faire figurer sur le site Internet www.roxanerodriguez.com le nom d’une des sociétés du groupe F dont notamment celui de la société Pâtisserie E. Ladurée, une marque dont elles sont titulaires ou une photographie de décors de salons Ladurée sous astreinte.
6- sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement sera confirmé de ces chefs.
La société Pâtisserie E. Ladurée sera condamnée à payer à la société C B et C B la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.
Elle sera également condamnée aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt mis à la disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné la société Pâtisserie E. Ladurée à payer à Mme C B la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte à son droit d’auteur,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Pâtisserie E. Ladurée à payer à Mme C B la somme de 12 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte à son droit d’auteur,
Condamne la société Pâtisserie E. Ladurée à payer la société C B et Mme C B la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,
Condamne la société Pâtisserie E. Ladurée aux dépens d’appel.
Le Greffier Le Président