L’action en contrefaçon n’est pas la panacée en matière de protection des produits. La protection des modèles peut être parfaitement assurée par le dispositif légal de la copie servile, associé au risque de confusion et aux pratiques commerciales déloyales.
Actes de concurrence déloyale
La société Bigben Interactive fait grief au jugement d’avoir retenu des actes de concurrence déloyale commis à l’encontre de la société Nintendo France aux motifs que les manettes offertes à la vente par la société Bigben Interactive seraient des copies serviles de ladite société et qu’elles seraient commercialisées dans les mêmes points de vente que cette dernière. Les packagings présentant en outre de fortes similarités, le tribunal a conclu à un risque de confusion entre les produits.
Les sociétés Nintendo reprochent au tribunal de n’avoir pas retenu d’actes de concurrence déloyale pour pratiques commerciales trompeuses au sens du code de la consommation et sur le montant de l’indemnisation retenu à l’encontre de la société Bigben Interactive.
Le risque de confusion
L’appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment, le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté d’usage, l’originalité, la notoriété du produit copié.
La juridiction a recherché si la société Bigben Interactive a commis une telle faute ayant pour corollaire de créer chez le consommateur un risque de confusion entre les manettes vendues par cette dernière et celles commercialisées par la société Nintendo France.
Sur les manettes, la société Bigben Interactive expose que les différences relatives à la croix multidirectionnelle, aux boutons A, + et -, 1 et 2, à la sortie de haut-parleur, aux voyants lumineux et à l’apposition de la marque «’Wii’» sur la manette Nintendo, permettent d’exclure tout surmoulage ou toute copie servile, tout en soutenant que ces mêmes éléments devaient être de forme et de positionnement identiques à ceux de la manette Nintendo, par souci de compatibilité de la manette avec la console et les autres accessoires Wii (tel que le volant) et de respect du «’gameplay’» (ou la jouabilité constituée d’associations de boutons et d’actions) inhérent à la console.
Différences insignifiantes
La cour observe que les différences entre les manettes sont insignifiantes, ce que ne conteste pas la société Bigben Interactive. De surcroît, les sociétés Nintendo produisent devant la cour plusieurs manettes compatibles avec la Wii commercialisées par d’autres sociétés à l’apparence visuelle très différente. Elles ajoutent à juste titre que rien n’interdit à la société Bigben Interactive de commercialiser d’autres accessoires compatibles avec ses propres manettes, tel qu’elle a pu le faire s’agissant de la manette pour enfants «’Mymote’», qui présente une forme différente de la manette «’Wiimote’» commercialisée par la société Nintendo. L’argument de la société Bigben Interactive sur l’impératif de compatibilité fonctionnelle ne peut donc valablement être retenu.
Réseaux de distribution identiques
S’agissant des réseaux de distribution, les manettes sont commercialisées dans les mêmes rayons de jeux vidéo au sein des mêmes points de vente physiques et, dans les mêmes rubriques des sites de vente en ligne. Ces manettes s’adressent donc à la même clientèle. Leurs chances d’être induits en erreur n’en est que plus accrue.
Sur les packagings, les emballages de la société Bigben Interactive reprennent plusieurs caractéristiques inhérentes aux siens à savoir un format et un code couleur similaires (un fond blanc avec une couleur de texte grise et bleu ciel).
De plus, s’il est vrai que la société Bigben Interactive a ajouté sur la partie avant du packaging la mention «’compatible Wii’» en bas à gauche et, la mention «’Pour WiiTM’» en haut à droite, ces mentions sont peu visibles. Particulièrement, le terme «’Pour’» est écrit dans une police bleu ciel, plus claire et bien plus petite que le terme «’Wii’», qui lui est fortement perceptible par le consommateur.
Sur la partie arrière du packaging, il est écrit «’la télécommande de jeu intègre toutes les technologies vous permettant de profiter au maximum de vos jeux WiiTM’», ce qui laisse à penser que les manettes vendues sont les vraies manettes «’Wii’» commercialisées par la société Nintendo France et non seulement des manettes compatibles.
En outre, les manettes vendues directement sur les sites Internet marchands sont parfois présentées sans le conditionnement, le consommateur n’ayant face à lui que les seules manettes dont les différences ont été considérées insignifiantes.
Consommateur induit en erreur
En conséquence, le consommateur sera amené à penser que les manettes vendues par la société Bigben Interactive sont en réalité les manettes de la société Nintendo France, les seules différences de couleurs ou de positionnement n’étant pas perceptibles ou pouvant, dans l’esprit du consommateur, constituer une évolution du modèle de la manette.
Le risque de confusion est ainsi caractérisé et la concurrence déloyale établie, le jugement est confirmé de ce chef.
Pratique commerciale trompeuse
Par ailleurs, l’article L.121-1 du code de la consommation dans sa version applicable entre le 19 mars 2014 et le 1er juillet 2016, applicable à l’espèce, disposait que’:
«Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes :
1° Lorsqu’elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial, ou un autre signe distinctif d’un concurrent ;
2° Lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants :
(…)
b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l’usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ; (…) ».
De plus l’article L.121-2 du même code disposait que’:
« Sont réputées trompeuses au sens de l’article L. 121-1 les pratiques commerciales qui ont pour objet : (‘) 13° De promouvoir un produit ou un service similaire à celui d’un autre fournisseur clairement identifié, de manière à inciter délibérément le consommateur à penser que le produit ou le service provient de ce fournisseur alors que tel n’est pas le cas’ »
Or, la volonté de créer un risque de confusion entre les manettes et de laisser croire que les manettes Bigben proviennent de la société Nintendo est avérée et doit être qualifiée de pratiques commerciales trompeuses au sens du code de la consommation et en cela également qualifiées d’actes de concurrence déloyale de la société Bigben Interactive vis à vis de la société Nintendo France.
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRÊT DU 21 AVRIL 2023
(n°67, 18 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 15/14683 – n° Portalis 35L7-V-B67-BWYHA
Décision déférée à la Cour : jugement du 23 janvier 2015 – Tribunal de grande instance de PARIS – 3ème chambre 2ème section – RG n°11/17210
APPELANTE AU PRINCIPAL et APPELANTE EN INTERVENTION FORCEE EN REPRISE D’INSTANCE
Société NINTENDO Co., Ltd, société de droit japonais, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 6]
JAPON
Représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD – SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque J 125
Assistée de Me Frédéric BENECH plaidant pour la SELARL CABINET BENECH, avocat au barreau de PARIS, toque P 324, Me Virginie LEHOUX plaidant pour la SELARL CABINET BENECH, avocate au barreau de PARIS, toque P 324
INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE PROVOQUEE
S.A. BIGBEN INTERACTIVE, exerçant sous le nom commercial bigben, prise en la personne de son président du conseil d’administration, M. [J] [N], domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Immatriculée au rcs de Lille Métropole sous le numéro 320 992 977
Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque L 0044
Assistée de Me Pascal LEFORT plaidant pour la SELARL DUCLOS – THORNE – MOLLET-VIEVILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque P 0075
INTIMEE PROVOQUEE et APPELANTE EN INTERVENTION FORCEE EN REPRISE D’INSTANCE
S.A.R.L. NINTENDO FRANCE, prise en la personne de son gérant, M. [C] [M], domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Immatriculée au rcs de Nanterre sous le numéro 389 905 761
Représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD – SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque J 125
Assistée de Me Frédéric BENECH plaidant pour la SELARL CABINET BENECH, avocat au barreau de PARIS, toque P 324, Me Virginie LEHOUX plaidant pour la SELARL CABINET BENECH, avocate au barreau de PARIS, toque P 324
INTERVENANTE FORCEE EN REPRISE D’INSTANCE et comme telle INTIMEE
S.A. NACON, venant aux droits de la société BIGBEN INTERACTIVE, prise en la personne de son président et directeur général, M. [J] [N], domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Immatriculée au rcs de Lille Métropole sous le numéro 852 538 461
Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque L 0044
Assistée de Me Pascal LEFORT plaidant pour la SELARL DUCLOS – THORNE – MOLLET-VIEVILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque P 0075
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 12 janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Véronique RENARD, Présidente
Mme Laurence LEHMANN, Conseillère
Mme Agnès MARCADE, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 23 janvier 2015 rendu dans l’affaire opposant les sociétés Nintendo Co Ltd et Nintendo France (ensemble les sociétés Nintendo) et la société Bigben Interactive qui a :
– déclaré irrecevable la demande tendant à la nullité de l’assignation,
– rejeté la fin de non-recevoir,
– prononcé la nullité des revendications 1 et 3 de la partie française du brevet européen n°1985343 (EP 343),
– dit que la présente décision, une fois devenue définitive, sera transmise, par les soins du greffier saisi à la requête de la partie la plus diligente, à M. le directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle pour inscription au registre national des brevets,
– rejeté les demandes de nullité de la partie française de deux autres brevets européens, les brevets n°1 757 344 (EP 344) et n°1 854 518 (EP 518),
– rejeté les demandes en contrefaçon,
– dit qu’en important, offrant à la vente et vendant sur le territoire français des télécommandes constituant des copies serviles de celles commercialisées par la société Nintendo France, dans des conditions qui entraînent un risque de confusion, la société Bigben Interactive a commis à l’encontre de cette société des actes de concurrence déloyale,
– interdit la poursuite de ces agissements, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée passé un délai d’un mois à compter de la signification du jugement, le tribunal se réservant la liquidation de cette astreinte,
– condamné la société Bigben Interactive à payer à la société Nintendo France la somme de 500 000 euros au titre de cette concurrence déloyale,
– autorisé la publication du dispositif de la décision dans trois journaux ou revues au choix de la société Nintendo France et aux frais de la défenderesse, dans la limite de 3 500 euros hors taxes par insertion,
– rejeté le surplus des demandes,
– condamné la société Bigben Interactive à payer à la société Nintendo France la somme de 30 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Bigben Interactive aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire.
Vu l’appel de ce jugement interjeté par la société Nintendo Co Ltd le 3 juillet 2015 avec pour intimée la société Bigben Interactive,
Vu l’assignation en intervention forcée délivrée par la société Bigben Interactive à l’encontre de la société Nintendo France le 1er février 2016,
Vu l’arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 17 mars 2017 statuant sur une requête en déféré d’une ordonnance du conseiller de la mise en état qui a notamment :
– dit que l’appel interjeté par la société Nintendo Co Ltd le 3 juillet 2015 a rendu non avenu le désistement de la société Bigben Interactive du 2 juillet 2015, tant à l’égard de la société Nintendo France que de la société Nintendo Co Ltd,
– sursis à statuer dans l’attente de la décision définitive de l’Office Européen des Brevets (OEB) sur les brevets EP 343 et EP 344,
Vu le courrier des sociétés Nintendo du 11 décembre 2019, faisant connaître à la cour que la cause du sursis à statuer avait disparu au vu des décisions de la chambre des recours de l’OEB révoquant les brevets EP 343 et EP 344 par deux décisions des 23 mai 2019 et 7 juin 2019,
Vu le courrier du 10 février 2020 de l’avocat de la société Bigben Interactive informant la cour de l’apport à la société Nacon de la branche autonome et complète d’activité « pôle gaming » concernée par le litige, de ce que cette société venait ainsi aux droits et obligations de la société Bigben Interactive et précisant que la procédure devait être régularisée du fait de cet apport mais qu’il n’avait reçu à ce jour aucune instruction en ce sens,
Vu l’assignation « en intervention forcée » délivrée le 8 juin 2020 par les sociétés Nintendo à la société Nacon qui n’avait pas constitué avocat,
Vu la constitution pour la société Nacon le 1er octobre 2020 de l’avocat déjà constitué pour la société Bigben Interactive,
Vu l’ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 10 février 2022 qui a notamment’:
– déclaré irrecevable les conclusions notifiées le 27 septembre 2021 en ce qu’elles ont été prises dans l’intérêt de la société Nacon, en vertu de l’article 910 du code de procédure civile comme ayant été notifiées hors le délai de 3 mois prévu à cet article pour conclusions de l’intervenant forcé,
– dit en revanche n’y avoir lieu à écarter des débats les pièces et conclusions régulièrement communiquées par la société Bigben Interactive,
Vu l’arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 10 juin 2022 qui a dit non recevable le déféré formé à l’encontre de l’ordonnance du 10 février 2021,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique par les sociétés Nintendo le 1er décembre 2022, qui demandent à la cour de’recevoir les sociétés Nintendo en leurs appel et demandes et les déclarer bien fondées et faisant droit :
– déclarer irrecevables, au visa de l’article 910 du code de procédure civile, les conclusions récapitulatives et pièces dans l’intérêt de Nacon du 21 juin 2022, du 25 octobre 2022, du 22 novembre 2022 et du 24 novembre 2022 ainsi que toutes conclusions récapitulatives et pièces qui seraient notifiées ultérieurement au nom de Nacon,
– déclarer irrecevables, au visa de l’article122 du code de procédure civile, toutes demandes, fins et prétentions formulées par la société Nacon dans ses conclusions récapitulatives, en application de l’arrêt du 10 juin 2022 ayant l’autorité de la chose jugée,
– déclarer que la société Bigben Interactive est irrecevable à intervenir à la place de la société Nacon à compter du 31 octobre 2019,
En conséquence,
– déclarer que les conclusions de la société Bigben Interactive postérieures au 31 octobre 2019 sont irrecevables,
– déclarer irrecevables, au visa de l’article 122 du code de procédure civile, toutes demandes, fins et prétentions formulées par la société Nacon dans ses conclusions récapitulatives, en application de l’arrêt du 10 juin 2022 ayant l’autorité de la chose jugée,
– déclarer que la société Bigben Interactive est irrecevable à intervenir à la place de la société Nacon à compter du 31 octobre 2019,
En conséquence,
– déclarer que les conclusions de la société Bigben Interactive postérieures au 31 octobre 2019 sont irrecevables,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– déclaré recevable la demande des sociétés Nintendo et rejeté la fin de non-recevoir,
– rejeté la demande en nullité concernant la partie française du brevet EP 518,
– dit qu’en important, offrant à la vente et vendant sur le territoire français des télécommandes constituant des copies serviles de celles commercialisées par la société Nintendo France, dans des conditions qui entraînent un risque de confusion, la société Bigben Interactive aux droits de laquelle vient aujourd’hui la société Nacon a commis à l’égard de cette société des actes de concurrence déloyale,
– interdit la poursuite de ces agissements, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée passé un délai d’un mois à compter de la signification du jugement et réserve au tribunal la liquidation de cette astreinte,
– autorisé la publication partielle ou totale du dispositif de la décision dans trois journaux ou revues au choix de la société Nintendo France et aux frais de la défenderesse, dans la limite de 3 500 euros hors taxes par insertion,
– condamné la société Bigben Interactive aux droits de laquelle vient aujourd’hui la société Nacon à payer à la société Nintendo France la somme de 30 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Bigben Interactive aux droits de laquelle vient aujourd’hui la société Nacon aux dépens,
– ordonné l’exécution provisoire.
Réformer le jugement pour le surplus les concernant, et statuant à nouveau :
– déclarer que les télécommandes de jeu compatibles avec la console Wii’ commercialisées par la société Bigben Interactive aux droits de laquelle vient aujourd’hui la société Nacon reproduisent les revendications n°1 à 6 du brevet d’invention EP 518 ayant effet en France,
– déclarer que la société Bigben Interactive aux droits de laquelle vient aujourd’hui la société Nacon a commis des pratiques commerciales trompeuses,
– réformer le quantum des condamnations prononcées par le tribunal en réparation des actes de concurrence déloyale causé par la société Bigben Interactive aux droits de laquelle vient aujourd’hui la société Nacon à la société Nintendo France,
Et en conséquence,
– débouter la société Bigben Interactive de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– rejeter la demande de sursis à statuer de la société Bigben Interactive,
– condamner la société Nacon venant aux droits de la société Bigben Interactive à payer à la société Nintendo Co., Ltd la somme de 7 013 295 euros, ou à tout le moins la somme provisionnelle de 5 000 000 euros à parfaire à dire d’expert, au titre de la contrefaçon du brevet,
– condamner la société Nacon venant aux droits de la société Bigben Interactive à payer à la société Nintendo Co. Ltd la somme de 100 000 euros au titre de la réparation du préjudice moral du fait de la contrefaçon de brevet,
– condamner la société Nacon venant aux droits de la société Bigben Interactive à payer à la société Nintendo Co. Ltd la somme de 2 000 000 euros au titre des bénéfices réalisés par le contrefacteur de brevet du fait des économies d’investissements,
– condamner la société Nacon venant aux droits de la société Bigben Interactive à réparer le préjudice causé par elle à la société Nintendo France en raison des actes de concurrence déloyale, en allouant à la demanderesse la somme de 4 701 898 euros ou à tout le moins à la somme provisionnelle de 4 000 000 euros, à parfaire à dire d’expert,
– condamner la société Nacon venant aux droits de la société Bigben Interactive à réparer le préjudice causé par elle à la société Nintendo France en raison des pratiques commerciales trompeuses, en allouant aux demanderesses la somme de 1 000 000 euros,
– nommer tel expert qu’il plaira à la cour de désigner avec pour mission d’apporter tout élément utile à la détermination de l’entier préjudice subi par les sociétés Nintendo en respectant la confidentialité nécessaire au secret des affaires,
– autoriser la publication, en entier ou par extrait, du jugement à intervenir dans cinq journaux ou périodiques au choix de la société Nintendo Co Ltd et aux frais exclusifs de la société Nacon venant aux droits de la société Bigben Interactive pour un montant à sa charge qui ne saurait être inférieur à 5 000 euros H.T. par insertion, et ce éventuellement à titre de dommages et intérêts complémentaires,
– autoriser la publication sur le site Internet www.nacongaming.com d’un texte reprenant les condamnations de l’arrêt, dans les quinze jours de son prononcé, en accès direct et sur la partie haute de la page d’accueil, pendant une durée d’un mois et sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard,
– condamner la société Nacon venant aux droits de la société Bigben Interactive à verser à la société Nintendo Co Ltd la somme de 160 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’appel,
– condamner la société Nacon venant aux droits de la société Bigben Interactive à verser à la société Nintendo France la somme complémentaire de 160 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’appel,
– condamner la société Nacon venant aux droits de la société Bigben Interactive aux dépens, lesquels comprendront les frais d’expertise et de saisie, dont distraction dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
Subsidiairement, si par extraordinaire la cour venait à considérer que la société Bigben Interactive était encore recevable à intervenir,
– débouter la société Bigben Interactive de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– rejeter la demande de sursis à statuer de la société Bigben Interactive,
– condamner in solidum la société Bigben Interactive et la société Nacon à payer à la société Nintendo Co Ltd la somme de 7 013 295 euros, ou à tout le moins la somme provisionnelle de 5 000 000 euros à parfaire à dire d’expert, au titre de la contrefaçon du brevet,
– condamner in solidum la société Bigben Interactive et la société Nacon à payer à la société Nintendo Co. Ltd la somme de 100 000 euros au titre de la réparation du préjudice moral du fait de la contrefaçon de brevet,
– condamner in solidum la société Bigben Interactive et la société Nacon à payer à la société Nintendo Co Ltd la somme de 2 000 000 euros au titre des bénéfices réalisés par le contrefacteur de brevet du fait des économies d’investissements,
– condamner in solidum la société Bigben Interactive et la société Nacon à réparer le préjudice causé par elles à la société Nintendo France en raison des actes de concurrence déloyale, en allouant à la demanderesse la somme de 4 701 898 euros ou à tout le moins à la somme provisionnelle de 4 000 000 euros, à parfaire à dire d’expert,
– condamner in solidum la société Bigben Interactive et la société Nacon à réparer le préjudice causé par elles à la société Nintendo France en raison des pratiques commerciales trompeuses, en allouant à la demanderesse la somme de 1 000 000 euros,
– nommer tel Expert qu’il plaira à la cour de désigner avec pour mission d’apporter tout élément utile à la détermination de l’entier préjudice subi par les sociétés Nintendo en respectant la confidentialité nécessaire au secret des affaires,
– autoriser la publication, en entier ou par extrait, du jugement (sic) à intervenir dans cinq journaux ou périodiques au choix de la société Nintendo Co Ltd et aux frais exclusifs des sociétés Bigben Interactive et Nacon pour un montant à leur charge qui ne saurait être inférieur à 5 000 euros par insertion, et ce éventuellement à titre de dommages et intérêts complémentaires,
– autoriser la publication sur les sites Internet www.bigben.fr, et www.nacongaming.com d’un texte reprenant les condamnations de l’arrêt, dans les quinze jours de son prononcé, en accès direct et sur la partie haute de la page d’accueil, pendant une durée d’un mois et sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard,
– condamner in solidum la société Bigben Interactive et la société Nacon à verser à la société Nintendo Co., Ltd la somme de 160 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure Civile au titre de l’appel,
– condamner in solidum la société Bigben Interactive et la société Nacon à verser à la société Nintendo France la somme complémentaire de 160 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’appel,
– condamner in solidum la société Bigben Interactive et la société Nacon aux dépens, lesquels comprendront les frais d’expertise et de saisie, dont distraction dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique par les sociétés Bigben Interactive et Nacon le 7 décembre 2022 qui demandent à la cour de’:
– constater que les brevets EP343 et 344 ont été définitivement révoqués comme l’avait soutenu Bigben Interactive devant le tribunal,
– juger recevables les conclusions du 27 septembre 2021 à l’égard de Nacon, ainsi que ses conclusions ultérieures,
– juger que les conclusions signifiées par Bigben Interactive postérieurement au 31 octobre 2019 sont recevables,
– infirmer le jugement du 23 janvier 2015 en ce qu’il a rejeté les demandes en nullité concernant la partie française du brevet européen EP 518,
Et statuant à nouveau :
– dire et juger qu’en application des articles L 611-11 et suivants, L.613-25 a) b) et c) du code de la propriété intellectuelle, la partie française du brevet de Nintendo EP 518 opposée est nulle,
En tout état de cause,
In limine litis, de :
– surseoir à statuer sur le montant du préjudice dans l’attente de la décision définitive de la cour de Düsseldorf,
A titre principal, de :
Confirmer le jugement en ce qu’il a :
– rejeté les demandes en contrefaçon de brevets de Nintendo Co Ltd,
– rejeté les demandes en pratiques commerciales trompeuses de la société Nintendo France,
Infirmer le jugement en ce qu’il a :
– dit que la société Bigben Interactive avait commis à l’égard de la société Nintendo France des actes de concurrence déloyale,
– interdit la poursuite des actes de concurrence déloyale sous astreinte de 500 euros par infraction constatée,
– condamné la société Bigben Interactive à verser à la société Nintendo France la somme de 500 000 euros au titre des actes de concurrence déloyale,
– autorisé la publication du dispositif du jugement,
– condamné la société Bigben Interactive au paiement de la somme de 30 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
Et statuant à nouveau, de :
– rejeter les demandes en contrefaçon du brevet EP 518 de Nintendo CO Ltd,
– rejeter les demandes en pratiques commerciales trompeuses de la société Nintendo France,
– débouter la société Nintendo France de ses demandes au titre de la concurrence déloyale à l’encontre de la société Bigben Interactive et de la société Nacon,
– débouter la société Nintendo France de ses demandes au titre des pratiques commerciales trompeuses à l’encontre de la société Bigben Interactive et de la société Nacon,
– débouter la société Nintendo France de l’ensemble de ses demandes notamment indemnitaires à l’encontre des sociétés Bigben Interactive et Nacon,
A titre subsidiaire, de :
– juger que le montant du préjudice au titre des faits de concurrence déloyale viendra en déduction de ceux octroyés par la Cour de Düsseldorf,
En tout état de cause, de :
– condamner conjointement et solidairement les sociétés Nintendo à payer aux sociétés Bigben Interactive et Nacon la somme de 100 000 euros à titre de remboursement des peines et soins du procès de première instance et d’appel, en application de l’article 700 du code de procédure civile et/ou à titre subsidiaire la somme de 50 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la partie contrefaçon de brevets devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire,
– condamner conjointement et solidairement les sociétés Nintendo aux entiers dépens de l’instance, tant de première instance que d’appel, dont distraction conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Vu l’ordonnance de clôture prononcée le 8 décembre 2022.
SUR CE,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
La société de droit japonais Nintendo Co Ltd est une société multinationale qui depuis de nombreuses années conçoit, fabrique et commercialise des consoles de jeu, des jeux vidéo et des accessoires de jeux vidéo destinés à ces consoles.
Fin 2006, la société Nintendo Co Ltd a mis sur le marché mondial une console de jeux vidéo basée sur un concept entièrement nouveau, créée par elle, qu’elle a dénommée Wii’ qui a rencontré un immense succès commercial.
La distribution et la commercialisation de ces produits sur le territoire français est assurée de façon exclusive par la société Nintendo France.
La société Bigben Interactive est une société française créée en 1981 et spécialisée dans les accessoires et les périphériques de jeux vidéo. Elle précise en être leader européen.
Après avoir fait établir par huissier de justice, les 7 et 19 octobre 2011, un constat sur divers sites internet, la société Nintendo Co Ltd a fait adresser le 24 octobre 2011, par son avocat, un courrier recommandé avec accusé de réception de mise en demeure à la société Bigben Interactive de cesser sans délai la fabrication et la commercialisation de manettes de jeux Wii qu’elle considérait contrefaisantes de son brevet EP 518.
Estimant que la partie française de ce brevet était nulle, notamment pour extension au-delà du contenu de la demande, absence de nouveauté et d’activité inventive et défaut de titularité, la société Bigben Interactive a, par acte du 29 novembre 2011, fait assigner la société Nintendo Co Ltd à cette fin devant le tribunal de grande instance de Paris.
Parallèlement, la société Nintendo Co Ltd et son distributeur exclusif la société Nintendo France ont, par acte du 3 mai 2012, fait assigner la société Bigben Interactive en contrefaçon des brevets EP 344, EP 518 et EP 343. Les deux instances ont été jointes et ont fait l’objet du jugement dont appel rendu le 23 janvier 2015.
La société Nacon immatriculée le 18 juillet 2019, est une filiale de la société Bigben Interactive et a acquis de la société Bigben Interactive la « branche », présentée comme étant une branche autonome et complète d’activité « Pôle Gaming », concernée par le présent litige.
Ce pôle a été cédé par la société Bigben Interactive par apport partiel d’actif à la société Nacon, par un acte d’apport régularisé par un « Procès-Verbal des décisions de l’associé unique du 31 octobre 2019 », à compter rétroactivement du 1er octobre 2019.
Les sociétés Nintendo ont fait assigner la société Nacon en intervention forcée devant la cour d’appel le 8 juin 2020.
Sur la recevabilité des conclusions prises devant la cour dans l’intérêt de la société Nacon
Le conseiller de la mise en état, par une ordonnance rendue le 10 février 2022, a déclaré irrecevables les conclusions notifiées le 27 septembre 2021 en ce qu’elles ont été prises dans l’intérêt de la société Nacon comme l’ayant été hors le délai de 3 mois prévu à l’article 910 applicable à la procédure pour la signification des conclusions de l’intervenant forcé.
L’arrêt de la cour en date du 10 juin 2022 a dit non recevable le déféré formé à l’encontre de l’ordonnance.
Dès lors, la cour constate que les conclusions notifiées le 27 septembre 2021 en ce qu’elles ont été prises dans l’intérêt de la société Nacon ont été irrévocablement déclarées irrecevables.
Par de nouvelles conclusions d’incident devant le conseiller de la mise en état notifiées le 6 septembre 2022 les société Nintendo ont sollicité l’irrecevabilité de nouvelles conclusions prises dans l’intérêt de la société Nacon et signifiées le 21 juin 2022.
Le conseiller de la mise en état, lors de l’audience de mise en état du 15 septembre 2022, a acté par mention au dossier et en accord avec les parties, que l’incident relatif aux conclusions ultérieures sera joint avec le fond de l’affaire, devant la cour.
Ainsi, outre l’irrecevabilité déjà constatée des conclusions notifiées dans l’intérêt de la société Nacon le 27 septembre 2021, les société Nintendo demandent à la cour de déclarer irrecevables toutes les conclusions récapitulatives notifiées ultérieurement au nom de la société Nacon.
La cour constate en effet que ces écritures remises au greffe et notifiées par RPVA les 21 juin 2022, 25 octobre 2022, 22 novembre 2022, 24 novembre 2022 et en dernier lieu le 7 décembre 2002 ne respectent pas le délai de l’article 910 du code de procédure civile applicable qui dispose que ‘L’intervenant forcé à l’instance d’appel dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande d’intervention formée à son encontre lui a été notifiée pour conclure’.
Dès lors lesdites conclusions, et notamment les dernières conclusions récapitulatives du 7 décembre 2022 sont déclarées irrecevables en ce qu’elles ont été prises dans l’intérêt de la société Nacon.
Sur la recevabilité des conclusions prises dans l’intérêt de la société Bigben Interactive à compter du 31 octobre 2019
Les sociétés Nintendo demandent à la cour de « déclarer que la société Bigben Interactive est irrecevable à intervenir à la place de la société Nacon à compter du 31 octobre 2019 et en conséquence déclarer que les conclusions de la société Bigben Interactive postérieures au 31 octobre 2019 sont irrecevables ».’
La qualité à agir pour son propre compte de la société Bigben Interactive n’est pas contestée au dispositif des conclusions des sociétés Nintendo et il n’appartient pas à la cour de « déclarer » la société Bigben Interactive « irrecevable à intervenir à la place de la société Nacon » comme demandé au dispositif des écritures alors qu’elle ne prétend agir en ce sens mais dans son propre intérêt.
De plus, l’irrecevabilité des conclusions de la société Bigben Interactive postérieures au 31 octobre 2019 sollicitée par les sociétés Nintendo ne sauraient être une conséquence du défaut de qualité à agir allégué.
Ainsi les conclusions, et plus précisément les dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 7 décembre 2022, ainsi que les pièces communiquées à l’appui de ces conclusions seront déclarées recevables et prises en compte dans l’intérêt de la société Bigben Interactive.
Sur les brevets opposés en première instance
La société Nintendo Co Ltd opposait en première instance trois brevets dont elle était titulaire :
– le brevet EP 343, intitulé « Dispositif d’actionnement de jeu », déposé le 9 juin 2006 sous priorité d’une demande de brevet japonais du 22 août 2005, et publié le 26 octobre 2011. Le jugement déféré avait prononcé la nullité des revendications 1 à 3 de la partie française de ce brevet. Le brevet a définitivement été révoqué par une décision de la chambre des recours de l’OEB en date du 23 mai 2019.
– le brevet EP 344, intitulé « Dispositif d’opération de jeu », déposé le 7 juin 2006 sous priorité d’une demande de brevet japonais du 22 août 2005, et délivré le 7 décembre 2011. Le jugement déféré avait déclaré valide la partie française de ce brevet. Le brevet a cependant également été définitivement révoqué par une décision de la chambre des recours de l’OEB en date du 7 juin 2019.
– le brevet EP 518, intitulé « Dispositif d’opération de jeu », ci-dessous décrit, qui a été déclaré valide mais non contrefait par le jugement entrepris reste seul soumis à l’appréciation de la cour, tant quant à sa validité que relativement à des actes de contrefaçon.
La cour n’est quant à elle saisie que des questions de validité et de contrefaçon du seul brevet EP 518.
Sur le brevet EP 518
Le brevet EP 518, intitulé « Dispositif d’opération de jeu », a été déposé le 7 juin 2006 sous priorité de demande de brevet japonais du 22 août 2005. L’invention porte sur un dispositif d’actionnement de jeu (télécommande) capable d’analyser les propres mouvements dudit dispositif par la détection de marques lumineuses extérieures en position prédéfinie au moyen d’un dispositif d’imagerie. En particulier, l’objet de l’invention est de prévoir un tel dispositif d’actionnement de jeu aisément manipulable par une seule main et qui permet à l’utilisateur d’identifier facilement la direction vers laquelle il pointe la télécommande.
Ce brevet est un brevet divisionnaire du brevet EP 344 et a été délivré le 2 décembre 2009.
C’est postérieurement à cette délivrance que la société Bigben Interactive a assigné, le 29 novembre 2011, la société Nintendo Co Ltd en nullité de la partie française du brevet.
Le brevet a fait l’objet d’une procédure d’opposition devant l’OEB. En première instance, la division d’opposition de l’OEB a conclu à sa validité après une audience orale ayant eu lieu le 20 février 2012, et ayant entraîné un amendement de la revendication 1.
Le brevet ainsi amendé a été pris en compte par le jugement dont appel qui en a examiné la validité tant au vu de la version initiale que de la version amendée, et l’a déclaré valide.
La chambre de recours de l’OEB, par une décision en date du 10 mars 2016, a retenu la validité du brevet et notamment sa revendication 1 dans sa forme telle que délivrée en 2009 revenant ainsi à la rédaction initiale des revendications telles qu’accordées par la division d’examen.
Le brevet soumis à l’appréciation de la cour comporte une revendication principale et cinq revendications dépendantes qui se lisent comme suit, selon un découpage adopté tant par les sociétés Nintendo que par la société Bigben Interactive’:
Revendication n°1 :
(a1) « 1. Un dispositif d’actionnement d’un jeu (10), comprenant :
(b1) un boîtier longitudinal (12) ayant une épaisseur lui permettant d’être tenu d’une main (62) ;
(c1) une première partie d’actionnement (26, 42) prévue sur ledit boîtier (10), ladite première partie d’actionnement (26, 42) étant prévue sur un premier plan (20) dudit boîtier (12) dans une direction longitudinale (C1) ;
(d1) des moyens d’imagerie (56) pour capturer des données d’image ;
(e1) une partie d’émission de données (70) pour émettre des données par des ondes radio,
(f1) une seconde partie d’actionnement (42, 28) prévue sur un second plan (22) à l’opposé dudit premier plan (20) sur ledit boîtier (12) en une position atteinte par un doigt d’index (61b) de ladite main (62) lorsqu’un pouce (62a) de ladite main (62) est placé sur ladite première partie d’actionnement (26, 42) ; et (g1) une partie de maintien (18) formée en une position où elle peut être tenue par une paume (62P) et les autres doigts (62c, 62d, 62e) de ladite main (62) lorsqu’un pouce (62a) est placé sur ladite première partie d’actionnement (26, 42) et un doigt d’index (62b) est placé sur ladite seconde partie d’actionnement (42, 28), le dispositif étant caractérisé par :
(h1) les moyens d’imagerie (56) qui sont prévus à une extrémité (52) à l’opposé de ladite partie de maintien (18) dudit boîtier (10) d’une manière telle qu’ils puissent effectuer l’imagerie dans une direction où le pouce (56a) est vers l’avant lorsque ledit pouce (56a) est placé sur ladite première partie, d’actionnement (26, 42) et ladite partie de maintien (18) est maintenue par ladite paume (62P) et les autres doigts (62c, 62d, 62e);
(i1) des moyens processeurs d’image (76) qui sont prévus d’une manière telle qu’ils puissent obtenir des données de partie à haute intensité sur la position 5 d’une partie à haute intensité des données d’image produite par les moyens d’imagerie (50) ;
(j1) un capteur d’accélération (68) qui est prévu à l’intérieur dudit boîtier (12) ; et
(k1) lesdites données émises par ladite partie d’émission de données (70) qui sont une séquence de données incluant des données d’actionnement provenant desdites premières partie d’actionnement (26, 42 ; 42, 28) des données d’accélération provenant dudit capteur d’accélération (68) et lesdites données de partie à haute intensité. »
Revendication n°2 :
(a2) un dispositif d’actionnement de jeu (10) selon la revendication 1, (b2) prévoyant en outre un connecteur (60) prévu avec le boîtier (12), (c2) dans lequel lesdites données émises par ladite partie d’émission de données comprennent en outre des données entrées par l’intermédiaire dudit connecteur (60).
Revendication n°3 :
(a3) Un dispositif d’actionnement de jeu (10) selon l’une des revendications précédentes, (b3) dans lequel ladite première partie d’actionnement (26 ; 42) et ladite seconde partie d’actionnement (42 ; 28) sont configurées en des positions correspondant l’une à l’autre sur ladite première surface (20) et ladite seconde surface (22) dudit boîtier, respectivement.
Revendication n°4 :
(a4) Un dispositif d’actionnement de jeu (10) selon l’une des revendications précédentes,
(b4) comprenant en outre une partie concave formée dans le boîtier (12), dans lequel ladite seconde partie d’actionnement (42, 28) est prévue dans ladite partie concave.
Revendication n°5 :
(a5) Un dispositif d’actionnement de jeu (10) selon l’une des revendications 1 à 4, (b5) comprenant en outre un vibrateur (80) prévu en une position correspondant à ladite partie de maintien (18) à l’intérieur dudit boîtier (12).
Revendication n°6 :
(a6) Un dispositif d’actionnement de jeu (10) selon l’une des revendications 1 à 5, (b6) comprenant en outre une batterie (78) prévue en une position correspondant à ladite partie de maintien (18) à l’intérieur dudit boîtier (12).
La société Bigben Interactive soulève la nullité de la partie française dudit brevet et notamment de sa première revendication principale en invoquant trois motifs’; l’extension inadmissible au-delà du contenu initial de la demande, l’absence de nouveauté par l’invalidité du droit de priorité et le défaut d’activité inventive.
Sur l’extension au-delà du contenu initial de la demande relativement à un capteur d’accélération prévu à l’intérieur dudit boîtier (caractéristique J1)
L’article 138 de la Convention sur le brevet européen (CBE) dispose que le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un État contractant, que si’:
« (‘) c) l’objet du brevet européen s’étend au-delà du contenu de la demande telle qu’elle a été déposée ou, lorsque le brevet a été délivré sur la base d’une demande divisionnaire ou d’une nouvelle demande déposée en vertu de l’article 61, si l’objet du brevet s’étend au-delà du contenu de la demande antérieure telle qu’elle a été déposée (…) ».
‘
Selon l’article 123 de la CBE’:
« La demande de brevet européen ou le brevet européen peut être modifié dans les procédures devant l’Office européen des brevets conformément au règlement d’exécution. En tout état de cause, le demandeur peut, de sa propre initiative, modifier au moins une fois la demande.’
La demande de brevet européen ou le brevet européen ne peut être modifié de manière que son objet s’étende au-delà du contenu de la demande telle qu’elle a été déposée.’
Le brevet européen ne peut être modifié de façon à étendre la protection qu’il confère ».’
Quant à l’article’76 relatif aux demandes divisionnaires il indique que’: « Elle ne peut être déposée que pour des éléments qui ne s’étendent pas au-delà du contenu de la demande antérieure telle qu’elle a été déposée. »
Dès lors l’appréciation de l’extension inadmissible s’agissant du brevet divisionnaire EP 158 doit se faire au regard du contenu de la demande initiale du brevet EP 344.
La caractéristique j1 qui se lit «’un capteur d’accélération qui est prévu à l’intérieur dudit boîtier »’a été introduite dans la revendication 1 du brevet EP 158 au cours de la procédure de délivrance, c’est-à-dire avant la délivrance du brevet européen correspondant. Elle n’a pas fait l’objet de discussion quant à son admissibilité ou non, au regard de l’article 123 (2) de la CBE ni devant la division d’opposition, ni devant la chambre de recours de l’OEB.
En revanche, l’ajout de cette caractéristique qui a été fait à l’identique dans la revendication 1 du brevet parent EP 344 a été discuté devant l’OEB et a prévalu à la décision rendue par la chambre des recours de l’OEB, trois ans plus tard, le 7 juin 2019, annulant le brevet EP 344.
La demande A1 du brevet EP 344 produite en pièce 9 par les sociétés Nintendo et citée par extrait dans les conclusions de la société Bigben Interactive correspond, sauf différences de numérotation ci-dessous précisées, à la traduction proposée et non contestée produite par les sociétés Nintendo en pièce 9′.
Il ressort des éléments produits au débat que la partie descriptive de la demande du brevet parent EP 344 divulgue la caractéristique au paragraphe [0095], devenu paragraphe [0097] de la traduction présentée par les sociétés Nintendo (pièce 9′) en ces termes’:
« [0095] De plus, un capteur d’accélération 68 et un module sans fil 70 sont assemblés sur la surface principale supérieure du substrat 64, entre le commutateur de direction 26 et le bouton X 44, par exemple, entre le commutateur de démarrage 30 et le commutateur de sélection 32 ».
Selon le paragraphe [0098] devenu paragraphe [0100] de la traduction présentée par les sociétés Nintendo (pièce 9′), le dispositif contrôleur de jeu dispose d’un capteur d’accélération 68 qui permet, utilisé en combinaison avec le processeur 66, de déterminer l’inclinaison, la position ou l’attitude du boîtier.
Le paragraphe [00099] devenu paragraphe [0101] de la traduction présentée par les sociétés Nintendo (pièce 9′) confirme que le capteur d’accélération 68 et le processeur 66 fonctionnent ensemble en indiquant que ‘Dans le présent mode de réalisation, le capteur d’accélération 68 et le processeur 66 fonctionnent comme un moyen de définition de la position ou de l’attitude servant à établir la position ou l’attitude du dispositif de commande 10 tenu par le joueur avec la main ».
Les paragraphes précités permettent d’expliciter la figure 8 et de comprendre que la structure particulière du circuit électrique présentée à cette figure est nécessaire pour émettre les signaux radio, et que les divers signaux, incluant les signaux d’accélération, sont obligatoirement rentrés dans le processeur, puis communiqués au module sans fil.
La figure 8 présente tant dans la demande A1 du brevet EP 344 que dans le brevet EP 518, confirme graphiquement cette structure : des flèches montrent le trajet des signaux du capteur d’accélération 68 au processeur 66 et du processeur 66 au module sans fil 70 comprenant l’antenne 72′:
Dès lors, il ressort tant de la partie descriptive de la demande que de la figure 8 un lien nécessaire entre le capteur d’accélération 68 et le processeur 66 et rien n’indique à l’homme du métier qu’il peut utiliser l’un sans l’autre.
La présence d’un capteur d’accélération et d’un processeur s’ils sont liés, ne découlent pas pour autant de l’invention.
Ainsi, s’il était possible d’ajouter le capteur d’accélération 68 comme nouvelle caractéristique, il ne pouvait l’être que si la revendication portait également sur le processeur. En effet, selon la jurisprudence constante de l’OEB, lorsqu’un objet nouvellement revendiqué est fondé sur l’extraction de caractéristiques isolées d’un mode de réalisation particulier, celles-ci ne doivent aucunement être liées structurellement et de manière fonctionnelle avec les autres caractéristiques décrites.
En effet, la caractéristique du capteur d’accélération est ici directement liée à la présence du processeur 66.
Rien ne permet d’affirmer qu’un processeur est nécessairement inséré dans une manette de jeu vidéo, de sorte que les sociétés Nintendo ne peuvent être suivies lorsqu’elles prétendent que la présence d’un capteur d’accélération est pour l’homme du métier inclus ab initio dans l’invention de façon directe et non ambigüe.
L’ajout du capteur d’accélération 68 dans la revendication 1 sans qu’en soit prévu également un processeur tel que décrit dans la demande du brevet revient à extraire une seule caractéristique technique d’un ensemble de caractéristiques divulguées uniquement en combinaison les unes avec les autres et constitue une généralisation intermédiaire inadmissible.
En conséquence, l’ajout de la seule caractéristique (j1) dans la revendication 1 est, au sens de l’article 123(2) de la CBE, une extension inadmissible de l’objet du brevet au-delà du contenu de la demande telle qu’elle a été déposée et de ce seul fait doit entraîner l’annulation de ladite revendication, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres motifs d’annulation invoqués par la société Bigben Interactive.
La revendication principale 1 étant annulée pour généralisation intermédiaire inadmissible, les revendications dépendantes 2 à 6 qui incluent les caractéristiques de la revendication 1 et notamment le capteur d’accélération sont elles aussi viciées par cette extension au-delà de la description initiale.
La partie française du brevet est en conséquence annulée en toutes ses revendications et il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes de contrefaçon formées par les sociétés Nintendo.
Sur la concurrence déloyale
Sur les fautes reprochées à la société Bigben Interactive
La société Bigben Interactive fait grief au jugement d’avoir retenu des actes de concurrence déloyale commis à l’encontre de la société Nintendo France aux motifs que les manettes offertes à la vente par la société Bigben Interactive seraient des copies serviles de ladite société et qu’elles seraient commercialisées dans les mêmes points de vente que cette dernière. Les packagings présentant en outre de fortes similarités, le tribunal a conclu à un risque de confusion entre les produits.
Les sociétés Nintendo reprochent au tribunal de n’avoir pas retenu d’actes de concurrence déloyale pour pratiques commerciales trompeuses au sens du code de la consommation et sur le montant de l’indemnisation retenu à l’encontre de la société Bigben Interactive.
L’appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment, le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté d’usage, l’originalité, la notoriété du produit copié.
Il y a donc lieu de rechercher si la société Bigben Interactive a commis une telle faute ayant pour corollaire de créer chez le consommateur un risque de confusion entre les manettes vendues par cette dernière et celles commercialisées par la société Nintendo France.
Sur les manettes, la société Bigben Interactive expose que les différences relatives à la croix multidirectionnelle, aux boutons A, + et -, 1 et 2, à la sortie de haut-parleur, aux voyants lumineux et à l’apposition de la marque «’Wii’» sur la manette Nintendo, permettent d’exclure tout surmoulage ou toute copie servile, tout en soutenant que ces mêmes éléments devaient être de forme et de positionnement identiques à ceux de la manette Nintendo, par souci de compatibilité de la manette avec la console et les autres accessoires Wii (tel que le volant) et de respect du «’gameplay’» (ou la jouabilité constituée d’associations de boutons et d’actions) inhérent à la console.
La cour observe que les différences entre les manettes sont insignifiantes, ce que ne conteste pas la société Bigben Interactive. De surcroît, les sociétés Nintendo produisent devant la cour plusieurs manettes compatibles avec la Wii commercialisées par d’autres sociétés à l’apparence visuelle très différente. Elles ajoutent à juste titre que rien n’interdit à la société Bigben Interactive de commercialiser d’autres accessoires compatibles avec ses propres manettes, tel qu’elle a pu le faire s’agissant de la manette pour enfants «’Mymote’», qui présente une forme différente de la manette «’Wiimote’» commercialisée par la société Nintendo. L’argument de la société Bigben Interactive sur l’impératif de compatibilité fonctionnelle ne peut donc valablement être retenu.
S’agissant des réseaux de distribution, les manettes sont commercialisées dans les mêmes rayons de jeux vidéo au sein des mêmes points de vente physiques et, dans les mêmes rubriques des sites de vente en ligne. Ces manettes s’adressent donc à la même clientèle. Leurs chances d’être induits en erreur n’en est que plus accrue.
Sur les packagings, la société Bigben Interactive prétend que ceux qu’elle commercialise divergent de ceux de la société Nintendo France en ce que ses manettes sont contenues dans un emballage blanc avec un blister, à savoir une fenêtre transparente au travers de laquelle il est possible de voir le produit et ses accessoires, à la différence de l’emballage en carton opaque des manettes Wii.
Pour autant, c’est à juste titre que les sociétés Nintendo soutiennent que les emballages de la société Bigben Interactive reprennent plusieurs caractéristiques inhérentes aux siens à savoir un format et un code couleur similaires (un fond blanc avec une couleur de texte grise et bleu ciel).
De plus, s’il est vrai que la société Bigben Interactive a ajouté sur la partie avant du packaging la mention «’compatible Wii’» en bas à gauche et, la mention «’Pour WiiTM’» en haut à droite, ces mentions sont peu visibles. Particulièrement, le terme «’Pour’» est écrit dans une police bleu ciel, plus claire et bien plus petite que le terme «’Wii’», qui lui est fortement perceptible par le consommateur.
Sur la partie arrière du packaging, il est écrit «’la télécommande de jeu intègre toutes les technologies vous permettant de profiter au maximum de vos jeux WiiTM’», ce qui laisse à penser que les manettes vendues sont les vraies manettes «’Wii’» commercialisées par la société Nintendo France et non seulement des manettes compatibles.
En outre, les manettes vendues directement sur les sites Internet marchands sont parfois présentées sans le conditionnement, le consommateur n’ayant face à lui que les seules manettes dont les différences ont été considérées insignifiantes.
En conséquence, le consommateur sera amené à penser que les manettes vendues par la société Bigben Interactive sont en réalité les manettes de la société Nintendo France, les seules différences de couleurs ou de positionnement n’étant pas perceptibles ou pouvant, dans l’esprit du consommateur, constituer une évolution du modèle de la manette.
Le risque de confusion est ainsi caractérisé et la concurrence déloyale établie, le jugement est confirmé de ce chef.
Par ailleurs, l’article L.121-1 du code de la consommation dans sa version applicable entre le 19 mars 2014 et le 1er juillet 2016, applicable à l’espèce, disposait que’:
«Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes :
1° Lorsqu’elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial, ou un autre signe distinctif d’un concurrent ;
2° Lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants :
(…)
b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l’usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ; (…) ».
De plus l’article L.121-2 du même code disposait que’:
« Sont réputées trompeuses au sens de l’article L. 121-1 les pratiques commerciales qui
ont pour objet : (‘)
13° De promouvoir un produit ou un service similaire à celui d’un autre fournisseur clairement identifié, de manière à inciter délibérément le consommateur à penser que le
produit ou le service provient de ce fournisseur alors que tel n’est pas le cas’ »
Or, comme ci-dessus retenu la volonté de créer un rique de confusion entre les manettes et de laisser croire que les manettes Bigben proviennent de la société Nintendo est avérée et doit être qualifiée de pratiques commerciales trompeuses au sens du code de la consommation et en cela également qualifiées d’actes de concurrence déloyale de la société Bigben Interactive vis à vis de la société Nintendo France. Le jugement est infirmé de ce chef.’
Sur le préjudice de la société Nintendo France
La société Bigben Interactive demande à la cour de surseoir à statuer sur le montant d’éventuels dommages et intérêts dus à la société Nintendo France dans l’attente de la décision de la cour d’appel de Düsseldorf devant statuer sur un litige décrit comme similaire à celui dont est saisi la cour. Pour autant, il ressort des éléments versés au débat que cette procédure est fondée sur le droit des dessins et modèles de l’Union européenne et non sur des faits de concurrence déloyale. Les faits et les fondements juridiques étant distincts, il n’y a pas lieu de surseoir à statuer.
Les premiers juges ont condamné la société Bigben Interactive à payer à la société Nintendo France la somme de 500 000 euros en réparation des actes de concurrence déloyale. Cette dernière conteste le quantum alloué au regard du préjudice plus important qu’elle aurait effectivement subi. La société Bigben Interactive conteste également ce montant au motif qu’il inclut des «’packs rassemblant plusieurs accessoires’» et non les seules manettes.
Pour autant, et tel que le soutiennent les sociétés Nintendo, chacun des packs incluant d’autres accessoires comprennent au moins une manette constituant une copie servile de celles des sociétés Nintendo. Dès lors, la vente de ces packs porte effectivement préjudice à la société Nintendo France.
Ainsi, le nombre de manettes vendues à prendre en compte, tel qu’il résulte des opérations de saisie-contrefaçon du 4 avril 2012, pour la période de mai 2009 à mars 2012, est de 633 654.
En outre, la société Nintendo France qui n’avait pas fourni le taux de marge qu’elle réalise habituellement, indique que celui-ci équivaut à environ 7,12 euros.
Dès lors, l’indemnisation octroyée par le tribunal apparait insuffisante et la cour, au vu des éléments produits devant elle, fixe à la somme de 1 000 000 d’euros le montant de la réparation de l’entier préjudice subi par la société Nintendo France, sans qu’il soit besoin de faire droit à la demande d’expertise.
L’acte d’apport entre les sociétés Nacon et Bigben Interactive stipule que’:
« Les parties conviennent expressément d’écarter toute solidarité entre elles, notamment en ce qui concerne le passif pris en charge dans le cadre de l’Apport, en application des dispositions de l’article L. 236-21 du code de commerce. En conséquence, le Bénéficiaire sera seul tenu responsable du passif pris en charge dans le cadre de l’Apport à compter de la Date de Réalisation Définitive (telle que définie ci-après). ll est expressément précisé que le Bénéficiaire ne sera pas solidaire de l’Apporteur pour l’ensemble des éléments de passif exclus du périmètre de l’Activité Apportée.
Compte-tenu de l’absence de solidarité et conformément aux dispositions des articles L.236-l4 et L.236-21 du code de commerce, les créanciers non obligataires de l’Apporteur et du Bénéficiaire et dont la créance est antérieure à la publicité donnée au présent Traité d’Apport pourront former opposition à celui-ci dans un délai de trente (30) jours à compter de la dernière insertion ou de la mise à disposition du public du Traité d’Apport sur les sites internet respectifs de l’Apporteur et du Bénéficiaire, conformément aux dispositions de l’article R.236-2 ou, le cas échéant, de l’article R.236-2-l du code de commerce ».
Ainsi, la société Nacon, et non la société Bigben Interactive, sera condamnée à payer à la société Nintendo France la somme de 1 000 000 d’euros à titre de dommages et intérêts.
Le sens de l’arrêt conduit à confirmer les dispositions du jugement relatives aux mesures d’interdiction et de publication sans qu’il n’y ait lieu à les modifier, ainsi que celles relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance.
Les sociétés Bigben Interactive et Nacon sont condamnées aux dépens d’appel. L’équité ne commande pas de faire application en cause d’appel de l’article 700 du code de procédure civile. Les parties seront déboutées de leurs demandes de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant dans les limites de l’appel,
Dit les conclusions de la société Nacon devant la cour, et notamment les dernières conclusions récapitulatives du 7 décembre 2022, irrecevables en ce qu’elles ont été prises dans l’intérêt de ladite société,
Dit les conclusions prises devant la cour et notamment les conclusions récapitulatives du 7 décembre 2022 ainsi que les pièces annexées recevables dans l’intérêt de la société Bigben Interactive,
Dit n’y avoir lieu à surseoir à statuer,
Confirme le jugement du 23 janvier 2015 du tribunal de grande instance de Paris sauf en ce qu’il a’rejeté la demande de nullité de la partie française du brevet européen n°1 854 518 et condamné la société Bigben Interactive à payer à la société Nintendo France la somme de 500 000 euros de dommages et intérêts au titre de la concurrence déloyale,
Y substituant et y ajoutant’:
Prononce la nullité de la partie française du brevet européen n°1 854 518,
Dit que la société Bigben Interactive a commis des actes de pratiques commerciales trompeuses constitutifs de concurrence déloyale,
Condamne la société Nacon à payer à la société Nintendo France la somme de 1 000 000 d’euros en réparation du préjudice subi au titre de la concurrence déloyale,
Déboute les parties de toutes leurs demandes contraires ou plus amples,
Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne les sociétés Bigben Interactive et Nacon aux dépens de la présente instance qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente