Si des actes de contrefaçon commis par une société ne peuvent être retenus à l’encontre de l’un de ses associés, ce dernier est responsable à titre personnel de la publication sur ses réseaux sociaux personnels, Facebook, lnstagram, Linkelin, Twitter et Google+ de reproductions non autorisées de logo, flacon et étiquettes de la gamme de produits sur lesquels une personne détient des droits d’auteur.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
ARRÊT DU 18 DECEMBRE 2020
Pôle 5 – Chambre 2
Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 19/18141 – n° Portalis 35L7-V-B7D-CAWQM
Décision déférée à la Cour : jugement du 04 juillet 2019 – Tribunal de grande instance de PARIS – 3e chambre 4e section – RG n°17/09221
APPELANT
M. Christian X. Représenté par Me Anne-Laure LAVERGNE de la SELARL ODINOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque L 271 Assisté de Me Grégory V de la SELARL ARCANTHE, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIME
M. Pascal Y. Représenté par Me Valérie BOISGARD, avocat au barreau de PARIS, toque B 770
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 novembre 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport
Mme Laurence LEHMANN a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Brigitte CHOKRON, Présidente Mme Laurence LEHMANN, Conseillère Mme Agnès MARCADE, Conseillère Greffière lors des débats : M Carole T
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Brigitte CHOKRON, Présidente, et par Mme Carole T, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement contradictoire rendu le 4 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Paris,
Vu l’appel interjeté le 24 septembre 2019 par M. Christian X.,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 8 juin 2020 par M. R, appelant et intimé incident,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 24 juillet 2020 par M. Pascal Y., intimé et appelant incident,
Vu l’ordonnance de clôture du 17 septembre 2020,
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
Il sera seulement rappelé que la Sarl France Création Diffusion inscrite au registre du commerce et des sociétés de Montauban depuis le 31 octobre 2012 avait pour activité «la conception de modèles et diffusion de produits d’entretien ménager» et pour associés initiaux sa gérante, Mme Béatrice R (45 parts sociales), son époux M. Christian X. (4 parts sociales), et leur fille, Mme Anne R (51 parts sociales).
M. D qui était alors le compagnon de Mme Anne R depuis 2008 indique avoir collaboré avec la famille R à compter du mois de décembre 2011, sur la conception, la communication et la commercialisation par la société France Création Diffusion, non encore créée, de futurs produits de détergence domestique. Il revendique notamment des droits d’auteurs sur les packagings de produits détergents commercialisés sous les marques OVEA et SOLVEA (conditionnement des produits et leurs étiquettes incluant leurs logos), le logo de la société France Création Diffusion et la charte graphique et textuelle du site internet www.france-création- diffusion.com.
Par ailleurs, Mme Monique D, mère de Pascal Y., s’est financièrement impliquée dans la société France Création Diffusion, dont elle est devenue associée par augmentation de capital, le 15 mars 2014, devenant titulaire de la moitié des parts sociales de la société (100 parts sociales). Il était alors acté et accepté par les consorts R, qu’à terme M. D devait intégrer la société France Création Diffusion par donation des parts de sa mère.
Courant 2015, les relations entre les deux familles se sont dégradées, M. D accusant les époux R d’avoir volontairement voulu l’évincer de ses droits. Mme D, restée associée, constatant des anomalies dans la gestion de la société France Création Diffusion a obtenu par une ordonnance de référé du 11 janvier 2017 du tribunal de commerce de Montauban la désignation de M. E en qualité de mandataire ad’hoc de la société.
Une procédure de liquidation judiciaire de cette société a par la suite été ouverte par jugement du tribunal de commerce de Montauban du 23 mai 2017, M. E étant nommé en qualité de liquidateur judiciaire.
M. D indique avoir constaté que la société France Création Diffusion, sous l’impulsion de M. R, avait modifié l’étiquetage des modèles OVEA qu’il avait conçu, à partir de fichiers au format sécurisé PDF HD aplatis et fermés, sans demander la moindre autorisation préalable et persistait à exploiter et diffuser de manière intensive ses créations.
Après deux mises en demeure infructueuses adressées à la société France Création Diffusion les 29 septembre et 2 octobre 2016, M. D faisait établir le 3 avril 2017 un procès-verbal de constat par huissier de justice sur différents sites internet dont celui de la société France Création Diffusion.
Par acte du 23 juin 2017, il faisait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris la société France Création Diffusion prise en la personne de M. E en qualité de liquidateur judiciaire et M. R en leur reprochant à titre principal des actes de contrefaçon et à titre subsidiaire de parasitisme et également pour faits distincts et à titre principal des faits de parasitisme à l’encontre de la seule société.
Le jugement déféré a :
— dit que la société France Création Diffusion, représentée par M. E en qualité de liquidateur judiciaire et M. R se sont rendus coupables de contrefaçon de droits d’auteur portant sur les packagings des produits des gammes OVEA , SOLVEA, les logos OVEA, SOLVEA et de la société France Création Diffusion et la charte graphique et textuelle du site internet www.france-création- diffusion.com,
En conséquence :
— fait interdiction à la société France Création Diffusion, représentée par M. E en qualité de liquidateur judiciaire, et M. R, de diffuser sur Internet ou tous documents, prospectus, catalogues, tant sur support papier que par tout autre moyen, le packaging des produits des gammes OVEA et SOLVEA, les logos OVEA et SOLVEA tels que conçus par M. D, d’offrir à la vente et commercialiser les produits OVEA et SOLVEA sous le packaging qu’il a conçu, et de poursuivre l’utilisation de la charte graphique et textuelle conçue par M. Pascal Y.,
— ordonné le retrait du marché, le rappel des circuits commerciaux et la destruction, sous le contrôle d’un huissier de justice choisi par M. D, de tous les produits des gammes OVEA et SOLVEA contrefaisants, se trouvant entre les mains de la société France Création Diffusion ou de M. R, ainsi qu’en tous autres lieux, à la charge in solidum de la société France Création Diffusion et de M. R,
— débouté M. D de sa demande en parasitisme,
— condamné M. R à verser à M. D les sommes de 20.000 euros en réparation de son préjudice financier et 10.000 euros en réparation de son préjudice moral du fait des actes de contrefaçon ;
— condamné M. R à verser à M. D la somme de 8.000 euros par application de l’article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, en ce inclus les frais de constats des 8 août 2015 et 3 avril 2017,
— condamné in solidum M. R et la société France Création Diffusion aux entiers dépens.
La cour observe que les condamnations financières n’avaient été sollicitées par M. D et prononcées par le tribunal qu’à l’encontre du seul M. R et non de la société France Création Diffusion.
M. R a formé appel et sollicite de la cour de juger qu’il n’a commis aucun acte de contrefaçon à titre personnel, ni aucune faute séparable de ses fonctions d’associé ou de supposé gérant de fait de la société et dès lors débouter M. D de l’intégralité de ses demandes, en ce compris celles ajoutées par voie d’appel incident.
Il sollicite à titre subsidiaire de dire que les préjudices de M. D ne doivent pas être évalués forfaitairement et ne sont en l’état pas justifiés et ramener l’indemnisation de M. D à de justes proportions.
Il demande enfin le débouté de M. D de l’ensemble de ses demandes de condamnations complémentaires, qui n’auraient pu concerner que la société France Création Diffusion mais non sa personne et la condamnation de celui-ci aux dépens et à lui verser 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
M. D sollicite la confirmation du jugement sauf à voir porter à 50.000 euros la réparation de son préjudice financier et à 25.000 euros celle de son préjudice moral et subsidiairement à lui payer la somme de 50.000 euros pour actes de parasitisme.
Il demande également incidemment la condamnation de M. R à retirer du marché et à procéder à la destruction sous le contrôle d’un huissier de justice choisi par lui-même de tous les produits des gammes OVEA et SOLVEA contrefaisants, se trouvant entre ses mains ou celles de la société France Création Diffusion, ainsi qu’en tous autres lieux, à la charge in solidum de la société France Création Diffusion et de M. R sous astreinte et des mesures de publications du jugement (sic) à intervenir. Il sollicite également la condamnation de M. R aux dépens et à lui verser 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société France Création Diffusion n’est ni appelante, ni intimée à la procédure d’appel et dès lors le jugement qui lui a été signifié le 12 septembre 2019 est passé en force de chose jugée à son égard.
Sur les oeuvres protégées par le droit d’auteur au profit de M. D
Au terme du dispositif de ses écritures, M. R ne conteste pas le droit d’auteur de M. D tel que reconnu par le jugement.
Dès lors la cour renvoie aux termes du jugement déféré pour la caractérisation des oeuvres protégées à savoir le logo, le flacon et les étiquettes de la gamme OVEA, le logo et les étiquettes de la gamme SOLVEA, le logo de la société France Création Diffusion et la charte graphique et textuelle du site internet france-création-diffusion.com.
Le jugement de première instance est également définitif en ce qu’il a dit que la société représentée par M. E es qualités de liquidateur judiciaire s’est rendue coupable de contrefaçon de droits d’auteur portant sur les packagings et les logos des produits des gammes OVEA et SOLVEA, et la charte graphique et textuelle du site internet www.france
– Hyperlink « http://www.france-creation- diffusion.com/ »creation-diffusion.com.
L’appel de M. R porte sur sa mise en cause personnelle et la condamnation indemnitaire prononcée à son encontre. Il reproche au jugement de l’avoir condamné alors qu’il n’avait commis aucune faute personnelle et n’était pas le gérant de la société France Création Diffusion. Il ajoute qu’à supposer même qu’il puisse être considéré comme gérant de fait, ce qu’il conteste, aucune faute détachable de cette fonction ou de sa qualité d’associé ne pouvait lui être reprochée.
Il sollicite au dispositif de ses conclusion de la cour de :
— juger qu’il n’a commis aucun acte de contrefaçon à titre personnel,
— juger qu’il n’a commis aucune faute séparable de ses fonctions d’associé ou s’il devait être considéré comme gérant de fait,
— débouter M. D de l’intégralité de ses demandes, en ce compris celles ajoutées par voie d’appel incident,
Subsidiairement,
— juger que les préjudices de M. D ne sauraient être évalués forfaitairement et ne sont en l’état pas justifiés et ramener son indemnisation à de justes proportions,
— débouter M. D de l’ensemble de ses demandes de condamnations complémentaires, qui n’auraient pu concerner que la société France Création Diffusion et non lui-même,
— condamner M. D à lui verser une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens conformément à l’article 699 du même code.
M. D sollicite la confirmation du jugement sauf à voir augmenter le montant des condamnations de M. R à 50.000 euros au titre du préjudice financier et à 25.000 euros du préjudice moral pour faits contrefaisants, ou à titre subsidiaire à 50.000 euros sur le fondement du parasitisme.
Or, si les actes de contrefaçon allégués et commis par la société France Création Diffusion ne peuvent être retenus à l’encontre de M. R dont il n’est pas démontré à suffisance qu’il ait agit en qualité de gérant de fait alors même qu’aucune demande indemnitaire n’est formée à l’encontre de la société, il est responsable à titre personnel des faits justifiés par les pièces produites par l’intimé, de publication sur ses réseaux sociaux personnels, Facebook, lnstagram, Linkelin, Twitter et Google+ de reproductions non autorisées du logo, du flacon et des étiquettes de la gamme OVEA et du logo et des étiquettes de la gamme SOLVEA sur lesquels M. D détient des droits d’auteur.
Il est en outre justifié que ces logos, flacons et étiquettes des gammes OVEA et SOLVEA étaient toujours visibles sur les réseaux sociaux personnels susvisés de M. R au 21 janvier 2020, tel que constaté par procès-verbal de M. S, huissier de justice.
Il n’est en revanche pas établi de contrefaçon imputable à M. R s’agissant du logo de la société France Création Diffusion.
Ainsi, et dans la limite exposée ci-dessus, des faits de contrefaçons seront retenus à l’encontre de M. R et le jugement confirmé de ce chef.
L’article L.331-3 du code de la propriété intellectuelle dispose :
« Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits. Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée».
Ces dispositions impliquent que le juge procède à l’examen de chacun de ces postes, sans pour autant qu’il en soit nécessairement réalisé un cumul.
La cour constate que M. D ne justifie d’aucun bénéfice réalisé par M. R du faits des actes contrefaisants mais qu’il apporte la preuve de l’atteinte à ses droits et d’un manque à gagner alors même qu’il avait investi pour la création de ses oeuvres durant quatre années sans avoir pu en tirer bénéfice.
Au vu des éléments produits aux débats par M. D, la cour constate que la condamnation prononcée à ce titre par le tribunal à hauteur de 20.0000 euros doit être confirmée sans qu’il n’y ait lieu d’augmenter cette somme du fait des actes ultérieurs au jugement commis par M. R. Par ailleurs, la reproduction des oeuvres de M. D sans mention de sa qualité d’auteur et en attribuant faussement cette qualité à la société ou à M. R constitue une violation du droit à la paternité de l’auteur dont la réparation a justement été fixée par les premiers juges à 10.000 euros.
Les mesures d’interdiction et de retrait du marché qui avaient été prononcées avec exécution provisoire par les premiers juges méritent quant à elles confirmation.
Le refus de la mesure publication sera aussi confirmé, les faits de l’espèce ne justifiant pas d’une telle mesure.
Enfin, la demande de destruction présentée en cause d’appel n’apparaît pas justifiée au vu des éléments fournis et sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation,
Condamne M. Christian X. aux dépens d’appel dont distraction conformément à l’article 699 du code de procédure civile et, vu l’article 700 dudit code, le condamne à payer à ce titre à M. Pascal Y. une somme de 8.000 euros pour les frais irrépétibles d’appel.