Production Audiovisuelle : 8 septembre 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 19-16.153

Notez ce point juridique

Production Audiovisuelle : 8 septembre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n°
19-16.153

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 septembre 2021

Rejet

Mme MONGE, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président

Arrêt n° 932 F-D

Pourvoi n° A 19-16.153

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 SEPTEMBRE 2021

La société France télévisions, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 19-16.153 contre deux arrêts rendus les 11 juin 2015 et 5 février 2019 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans le litige l’opposant à M. [B] [P], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

M. [P] a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société France télévisions, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [P], après débats en l’audience publique du 2 juin 2021 où étaient présents Mme Monge, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon les arrêts attaqués (Paris, 11 juin 2015 et 5 février 2019), M. [P] a exercé depuis le 17 décembre 1984 une activité de journaliste illustrateur de presse, d’abord pour la société France 3 Lorraine, puis à compter de l’année 1988 pour la société France 3. Il était rémunéré sur la base de factures d’honoraires établies soit par ses soins en qualité d’entrepreneur individuel, soit par la société Maori dont il était gérant associé. La société France télévisions (la société) a mis fin aux relations contractuelles avec effet au 30 septembre 2009.

2. Revendiquant la qualité de journaliste professionnel lié à la société par un contrat de travail en application de l’article L. 7112-1 du code du travail et soutenant que la rupture s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [P] a saisi la juridiction prud’homale.

3. Par jugement du 30 janvier 2013, le conseil de prud’hommes de Paris a dit que les parties étaient liées par un contrat de travail et que la rupture de ce contrat produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il a condamné la société au paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture.

4. Par arrêt du 11 juin 2015, la cour d’appel de Paris a dit que M. [P] avait la qualité d’infographiste et devait être assimilé à un journaliste professionnel. Elle a reconnu l’existence d’un contrat de travail soumis à la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976 et dit que la rupture de la relation contractuelle s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Avant-dire droit, elle a invité les parties à préciser les éléments de la classification permettant de déterminer le montant du salaire conventionnel brut mensuel.

5. La Cour de cassation (Soc., 25 janvier 2017, pourvois n° 15-23.367, 15-23.169, Bull. 2017, V, n° 16) a rejeté les pourvois formés par la société et par M. [P] contre cet arrêt.

6. Par arrêt du 5 février 2019, la cour d’appel de Paris a condamné l’employeur au paiement de rappels de salaire, d’indemnités de rupture et de dommages-intérêts.

Recevabilité du pourvoi principal de l’employeur formé contre l’arrêt du 11 juin 2015, examinée d’office

Vu l’article 621, alinéa 1, du code de procédure civile :

7. Après avis donné aux parties conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application du texte susvisé.

8. Si la Cour de cassation rejette le pourvoi, la partie qui l’a formé n’est plus recevable à former un nouveau pourvoi contre le même jugement, hors le cas prévu à l’article 618 du code de procédure civile.

9. Par déclaration du 7 mai 2019, la société a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt rendu le 11 juin 2015 par la cour d’appel de Paris.

10. La société avait déjà formé un pourvoi contre cette décision qui a été rejeté par un arrêt de la chambre sociale du 25 janvier 2017.

11. En conséquence, le pourvoi formé par la société contre l’arrêt du 11 juin 2015 n’est pas recevable.

Examen des moyens du pourvoi principal de l’employeur formé contre l’arrêt du 5 février 2019

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

12. L’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à verser au salarié des sommes à titre de rappel de prime de fin d’année de 2005 à 2009 et de dommages-intérêts pour non prise de congés payés, de fixer à une certaine somme le salaire de référence, de le condamner à verser au salarié une indemnité compensatrice de préavis, une provision à valoir sur l’indemnité conventionnelle de rupture, diverses sommes à titre de complément d’indemnité de licenciement, d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de rappel de prime d’ancienneté, de rappel de treizième mois, de dommages-intérêts pour perte de chance de perception de retraite et d’indemnité pour travail dissimulé, alors :

« 1°/ qu’il incombe au salarié ayant le statut de journaliste de justifier, autrement que par ses propres allégations, de la qualification qu’il revendique au sein de ce statut et sur la base de laquelle il sollicite la fixation de son salaire de référence et de ses autres éléments de rémunération ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a relevé que M. [P] « précise » exercer les fonctions de journaliste illustrateur ; que la cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 11 juin 2015 avait jugé que M. [P] exerçait les fonctions d’infographiste et devait être assimilé à un journaliste ; que dans ces conditions, la société France Télévision avait pris le soin de reconstituer la carrière du salarié et soulignait que celui-ci devait relever d’un positionnement en Groupe 5 niveau 12 de l’accord collectif France télévisions de 2013 ; qu’en reprochant à l’employeur d’éluder le statut de journaliste définitivement acquis au salarié et en conséquence de pas apporter suffisamment d’éléments pour déterminer le salaire de base du salarié, lorsqu’il appartenait au contraire à ce dernier de rapporter la preuve que sa position dans la classification conventionnelle des journalistes lui permettait de prétendre aux sommes revendiquées à titre de salaires et d’accessoires de salaires, la cour d’appel a violé l’article 1315 devenu l’article 1353 du code civil ;

2°/ que le salaire de base d’un salarié ayant le statut de journaliste dépend de sa position dans la classification conventionnelle (journaliste rédacteur, journaliste reporter d’images, journaliste illustrateur?), de sorte qu’il appartient aux juges du fond, pour pouvoir déterminer le salaire de base conventionnellement dû au salarié et querellé entre les parties de préciser la qualification du journaliste au regard de ladite classification ; qu’en l’espèce, il résulte des constatations de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du
11 juin 2015 ayant acquis l’autorité de la chose jugée que M. [P] exerçait des fonctions d’infographiste et devait être assimilé au statut de journaliste ; que dans le cadre de leurs écritures respectives, les parties prétendaient, pour la société France Télévision, que le salarié exerçait les fonctions d’infographiste relevant d’un positionnement en Groupe 5 niveau 12 de l’accord collectif France télévisions de 2013, et, pour M. [P], de journaliste illustrateur ; que, pour allouer à M. [P] un salaire de base de 6 380 euros équivalent à la moyenne mensuelle des douze derniers mois d’honoraires perçus par ce dernier en qualité de travailleur indépendant, la cour d’appel s’est bornée à reprocher à l’employeur de ne pas apporter suffisamment d’éléments pour déterminer le salaire de base du salarié ; qu’en statuant ainsi sans à aucun moment préalablement caractériser, ainsi qu’elle y était pourtant expressément invitée et tenue, au sein du statut de journaliste, la qualification et le positionnement que le salarié occupait dans la classification conventionnelle, la cour d’appel a violé les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, ensemble la convention collective nationale des journalistes professionnels et l’accord collectif d’entreprise France télévisions du 28 mai 2013 ;

3°/ que la requalification de la relation contractuelle qui confère au prestataire de service le statut de journaliste salarié de l’entreprise, doit replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s’il avait été recruté depuis l’origine dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée ; qu’en l’espèce, la société France télévisions faisait valoir que la rémunération à prendre en considération pour « reconstituer » la carrière du salarié ne pouvait pas être les honoraires versés à l’intéressé en vertu d’un autre statut ; qu’en retenant un salaire de base de référence de 6 380 euros équivalent à la moyenne mensuelle des douze derniers mois d’honoraires perçus par le salarié en qualité de travailleur indépendant, lorsqu’elle avait par ailleurs relevé que la requalification de la relation de prestations de services en contrat de travail à durée indéterminée, définitivement acquise au salarié, devait avoir pour effet de replacer M. [P] dans la situation qui aurait été la sienne, s’il avait été recruté depuis l’origine sur la base d’un contrat à durée indéterminée en qualité de journaliste, la cour d’appel a violé les articles les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen, pris en sa deuxième branche

13. Le salarié conteste la recevabilité du moyen. Il soutient qu’il est contraire aux écritures d’appel de l’employeur qui invoquait pour la détermination du salaire de référence la classification de « décorateur graphiste » prévue à la convention collective nationale de la communication et la production audiovisuelle puis celle d’infographiste prévue par l’accord collectif d’entreprise du 28 mai 2013.

14. Cependant, dès lors que la cour d’appel n’a pas retenu la qualification conventionnelle invoquée par l’employeur, celui-ci est recevable à critiquer les motifs de l’arrêt fixant le salaire de référence sur une autre base.

15. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

16. La cour d’appel a retenu à bon droit que la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail avait pour effet de replacer le salarié dans la situation qui aurait été la sienne s’il avait été engagé en qualité de journaliste professionnel. Elle a exactement décidé que le salaire de référence à retenir pour fixer les créances de rappel de salaire et les indemnités de rupture devait être déterminé en considération de la classification conventionnelle applicable aux journalistes illustrateurs de presse.

17. Ayant relevé que l’employeur n’apportait aucun élément précis permettant de déterminer le montant du salaire auquel le salarié aurait pu prétendre compte tenu de son ancienneté et de sa qualité de journaliste professionnel ou de remettre en cause le bien-fondé des demandes de celui-ci, la cour d’appel, qui n’a pas inversé la charge de la preuve, a pu, sans avoir à préciser la position que le salarié aurait pu occuper dans la grille de classification conventionnelle et sans qu’il résulte des énonciations de l’arrêt qu’elle se soit fondée sur les honoraires perçus par l’intéressé en tant que travailleur indépendant, fixer le salaire de référence comme elle l’a fait.

18. Le moyen n’est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

L’employeur fait les mêmes griefs à l’arrêt, alors :

« 1°/ que pour mettre la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle, les juges du fond sont tenus d’indiquer sur quels éléments et documents ils se fondent pour déduire les constatations de fait à l’appui de leur décision, sans pouvoir se référer uniquement aux documents de la cause sans autre analyse ; qu’en se bornant à affirmer qu’ « il résulte des pièces de la procédure » que la société France télévisions s’est intentionnellement soustraite à ses obligations d’employeur à l’égard des organismes sociaux, sans indiquer précisément sur quel(s) document(s) elle se fondait pour retenir une telle intention de l’employeur, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

2°/ qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales ; que le caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi ne peut se déduire de la seule circonstance qu’une relation contractuelle a été requalifiée en contrat de travail ; qu’en l’espèce, en se bornant à relever, pour dire que la société France télévisions s’était intentionnellement soustraite à ses obligations d’employeur à l’égard des organismes sociaux, que la relation contractuelle avait été requalifiée en contrat de travail, la cour d’appel a violé les articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail. »

 

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x
Scroll to Top