Production Audiovisuelle : 15 novembre 2017
Cour d’appel de Paris
RG n°
15/11185
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 6
ARRÊT DU 15 Novembre 2017
(n° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S 15/11185
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Octobre 2015 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS section RG n° F 13/09196
APPELANT :
Monsieur [B] [C]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparant en personne, assisté de Me Joyce KTORZA, avocat au barreau de PARIS, toque : B0053 substitué par Me Marie-Yannick AHTI-VIARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2081
INTIMÉE :
SA FRANCE TÉLÉVISIONS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET : 432 766 947
représentée par Me Eric MANCA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0438 substitué par Me Zoé RIVAL, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 03 Octobre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Benoît DE CHARRY, Président de chambre,
Mme Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère, rédactrice,
Mme Séverine TECHER, Vice-Présidente Placée
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Martine JOANTAUZY, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Monsieur Benoît DE CHARRY, Président de chambre et par Madame Martine JOANTAUZY, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PAREMENTIONS DES PARTIES
Monsieur [B] [C] a été engagé par FRANCE 2 devenue par la suite la SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISION dans le cadre d’une succession de contrats de travail à durée déterminée à compter du 12 mai 1998, en qualité d’assistant réalisateur.
Le 13 juin 2013, Monsieur [B] [C], a saisi le conseil de prud’hommes de Paris de demandes formées contre la SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISION visant à la requalification de ses contrats de travail à durée déterminée conclus avec celle-ci, en un contrat de travail à durée indéterminée depuis le 12 mai 1998, à l’indemnisation de son préjudice de précarité, à la reconstitution de sa carrière en termes de rappel de salaire et accessoires conventionnels de salaire.
Par jugement du 2 octobre 2015, le conseil de prud’hommes de Paris a requalifié la relation de travail entre Monsieur [B] [C] et la SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISION en un contrat à durée indéterminée à temps partiel à compter du 12 mai 1998 et,
‘ a condamné la SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISION à payer à Monsieur [B] [C] les sommes suivantes :
*20 000 euros à titre d’indemnité de requalification,
*18 113 euros à titre de rappel de prime d’ancienneté,
*1 811 euros à titre de congés payés afférents,
*9 094 euros à titre de rappel de prime de fin d’année,
*1 625 euros à titre de rappel de mesures FTV,
*2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ a débouté Monsieur [B] [C] du surplus de ses demandes,
‘ a ordonné l’exécution provisoire,
‘ a condamné la SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISION au paiement des entiers dépens.
Monsieur [B] [C] a régulièrement interjeté appel et a signé un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de 52,75 % d’un temps plein, à effet au 1er décembre 2015 proposé par la SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISION , en y apposant la mention ‘sous réserve de mes droits et de la procédure en cours’.
L’affaire a été plaidée à l’audience du 3 octobre 2017 au cours de laquelle les parties ont développé oralement leurs conclusions déposées et visées par le greffier ce jour.
Monsieur [B] [C] demande à la cour de :
CONFIRMER le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 2 octobre 2015 en ce qu’il a requalifié la relation de travail l’unissant la SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISION en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 12 mai 1998 et a condamné l’employeur lui verser les sommes suivantes :
* 18 113 euros à titre de rappel de prime d’ancienneté,
* 1 811 euros à titre de congés payés afférents,
* 9 094 euros à titre de rappel de prime de fin d’année,
* 1 625 euros à titre de rappel de mesures FTV,
* 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
D’INFIRMER le jugement pour le surplus, statuant à nouveau et ajoutant
– de constater que la SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISION a fixé, aux termes du CDI du 1er décembre 2015, son salaire de base à la somme de 3 150,49 euros et fixer celui-ci à ce niveau,
– de dire qu’il s’est tenu à la disposition permanente de la SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISION et qu’il aurait dû bénéficier d’un contrat de travail à temps plein depuis l’origine,
– de dire que sa demande de rappel de salaire au titre des périodes interstitielles est fondée et en conséquence de condamner la SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISION à lui payer les sommes suivantes :
* 116 573 euros à titre de rappel de salaire,
* 11 657 euros à titre de congés payés afférents,
* 165 000 euros à titre d’indemnité de requalification,
– de juger concernant la relation contractuelle depuis le 1er décembre 2015, qu’il relève de la classification 5S/E, niveau de placement 18,
– de juger qu’il doit se voir attribuer le statut de cadre spécialisé,
– de condamner la SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISION à lui payer au titre de l’article 700 du code de procédure civile la somme de 7 000 euros,
– d’assortir les condamnations de l’intérêt au taux légal à compter de la réception par France-Télévision de la convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes de Paris,
– de condamner la la SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISION aux dépens.
En réponse la SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISION demande à la cour :
-de prendre acte que Monsieur [B] [C], à compter du jugement prononcé le 2 octobre 2015, a conclu avec elle le 1er décembre 2015 un contrat à durée indéterminée,
-de fixer son salaire de référence au jour du jugement prononcé sur la base de la moyenne des 12 derniers mois de salaire à la somme de 1 565,42 euros ,
-de fixer à ce montant l’indemnité de requalification,
-et en tout état de cause de débouter Monsieur [B] [C] de sa demande de rappel de salaire sur temps plein correspondant à un rappel de salaire sur les périodes intercalaires.
Il est référé pour de plus amples exposés des prétentions et demandes des parties aux conclusions des parties déposées et visées ce jour.
MOTIFS
Sur la demande de qualification ducontrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en un contrat à taux plein
Monsieur [B] [C] a travaillé à compter du 12 mai 1998, dans le cadre de contrats à durée déterminée successifs motivés, soit par la nécessité de remplacer un salarié absent ou, le plus souvent, dans le contexte de contrats dit d’usage. Dans cette dernière hypothèse, le recours aux contrats à durée déterminée suppose démontrés, outre l’existence d’un usage, le caractère par nature temporaire de l’emploi en cause dans la mesure où le recours à un contrat à durée déterminée ne peut avoir pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Sur ce fondement, dans son jugement non contesté par les parties du 2 octobre 2015, le conseil de prud’hommes a prononcé la requalification des contrats à durée déterminée conclus entre a SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISION et Monsieur [B] [C] en un contrat à durée indéterminée à compter du 12 mai 1998 au motif qu’il était démontré que a SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISION avait fait appel à Monsieur [B] [C] pour répondre à un besoin structurel et permanent de personnel pour un emploi d’assistant réalisateur puisque d’une part Monsieur [B] [C] a exercé la même fonction d’assistant ‘ réalisateur pour le compte de la SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISION et ce, de façon continue pendant plus de 17 ans, fonction qu’il a cumulé avec celle de documentaliste entre janvier 2008 et juillet 2009 et que d’autre part les contrats versés au débat par le salarié démontre qu’il ne travaillait pas en qualité d’assistant sur des missions spécifiques et temporaires mais occupait uniquement les fonctions d’assistant réalisateur au sein du service des bandes annonce de la chaîne France 2 et qu’ainsi son rôle n’était pas cantonné à une mission particulière.
Ce jugement a par ailleurs relevé la violation par la SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISION des dispositions de l’article L 1242 ‘ 12 du code du travail qui imposent la conclusion d’un écrit sous peine de requalification du CDD en ce que l’employeur n’avait pas été en mesure de produire l’ensemble des contrats à durée déterminée pour la période d’emploi.
Dans le cadre de la procédure d’appel la SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISION ne produit pas plus tous les contrats de travail couvrant les périodes payées apparaissant sur les bulletins produits, dont cités pour exemple par le salarié ceux des journées des 16 au 20 mars 2009 ( 5 jours mentionnés sur le bulletin de salaire édité au mois de mars 2009 pour cette période alors que les CDD concernent des périodes ultérieures).
Or si la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail en revanche, dans la mesure où, en application de l’article L 3123 ‘ 14 du code du travail, le contrat de travail du salarié qu’il soit en CDD ou en CDI, dès lors qu’il est conclu à temps partiel, doit être conclu par un écrit et que l’employeur ne dispose pas de cet écrit la présomption de temps plein apparait.
Surtout le contrat à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification, et enfin les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués au salarié et le contenu des CDD produits démontrent qu’en l’espèce notamment il ne prévoit pas les cas dans lesquels une modification éventuelle de la répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ou les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués au salarié et que des CDD distincts ont pû être conclus pour une même semaine et qu’il ne mentionnait donc pas chacun la durée hebdommadaire (27 au 29 février 2012-1 au 2 mars 2012).
Or l’employeur, qui pendant des années a utilisé les services de Monsieur [B] [C] pour exercer les mêmes fonctions d’assistant réalisateur attaché au service permanent, assuré 7/7 jours, 365 jours pas an, de la réalisation des bandes annonces assurant l’autopromotion des programmes diffusés sur les chaînes de France télévision, et qui a choisi de néanmoins recourir à des CDD établis pour une semaine seulement, se devait de conclure un CDD pour chaque période travaillée et d’y inclure toutes les informations légales de sorte que le salarié lui reproche à juste titre la violation des règles formelles posées par les dispositions de l’article L3123-14 du code du travail.
Il en résulte que le contrat de travail à durée indéterminée de Monsieur [B] [C] est présumé à temps complet.
Pour rejeter cette présomption de temps plein de 151,57 heures et justifier de l’emploi du salarié à temps partiel de 52,8% d’un temps plein tel que le lui a proposé l’employeur dans le contrat de travail à durée indéterminée conclu à effet au 1 décembre 2015, ce dernier ne peut alors se contenter de considérer la moyenne des jours travaillés dans un mois pour en déduire que le salarié pouvait travailler pour un autre employeur et n’avait pas à se tenir constemment à sa disposition et en conclure qu’il effectuait donc un travail à temps partiel, mais il doit renverser la présomption de temps plein en faisant la démonstration que Monsieur [B] [C] avait été placé dans la possibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et n’avait pas eu à se tenir constamment à sa disposition.
Or aucun élément ne démontre que le travail de Monsieur [B] [C] lui offrait une certaine autonomie dans l’organisation de son temps de travail ou s’effectuait sur une durée hebdommadaire ou mensuelle constante selon une répartition régulière.
Au contraire la société reconnait qu’elle lui remettait mensuellement un planningd’intervention.
Et si deux mails démontrent un délai de prévenance raisonnable pendant deux mois en 2015 quant à la remise de ce planing, aucun élément n’est donné pour le reste de la période contractuelle de sorte que fait défaut, la preuve que la SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISION informait le salarié avec un délai de prévenance suffisant de la date de début de la mission, Monsieur [B] [C] affirmant qu’il était contacté par téléphone, généralement la veille pour le lendemain, voire le même jour.
Et les planing mensuels sont sommaires sans indication des horaires quotidiens ou hebdommadaires « les horaires de travail sont fixés par la direction » et il n’aparait pas exclu qu’ils aient été soumis à modification puisque pour le seul mois de juillet 2015, le salarié produit deux mails qui démontrent, même si il n’a à titre personnel, été concerné que par la seconde modification (suppression des journées des 29 et 30 juillet) que le 2 puis encore le 6 juillet ce planing a été modifié sans autre explication que la mention« voici la planification des personnels pôle image et production sommaire de la direction artistique autopromotion et habillage France 2 pour le mois de juillet 2015 avec nouvelle rectification pour le mois de juillet 2015 ».
Enfin l’examen des bulletins de paie sur les années de collaboration démontre que le salarié ne travaillait pas toujours les mêmes jours du mois, ni les mêmes semaines, ni le même nombre de jours et de semaine; qu’ainsi par exemple il a travaillé 10 jours en mars 2013 en 5 +5 jours (4 au 8 mars – 25 au 29 mars), il a travaillé 7 jours au mois de mai 2013 en 4 + 3 (du 13 au 17 mai- 21 au 24 mai), 10 jours en août 2013 en 5 + 5 ( du 8 au 12- du 15 au au 19) et 13 jours en novembre 2013 en 5+4+1+1+1 (du 4 au 8 – du 12 au 15- le 19- le 27- le 29).
Aussi la SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISION ne démontre pas que les conditions permettant de renverser la présomption de temps plein résultant de l’absence d’écrit conforme aux prescriptions légales ont été remplies et que Monsieur [B] [C], embauché régulièrement pour des durées et des périodes variables, pouvait prévoir la durée hebdomadaire ou mensuelle au cours de laquelle il allait travailler, la répartition de sa durée de travail entre les jours de la semaine ou entre les semaines du mois.
En conséquence le contrat de travail à durée indéterminée est qualifié de contrat à temps plein .
Sur la demande de paiement des périodes interstitielles
La requalification d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en un contrat à durée indéterminée à temps plein laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail réellement effectuées par le salarié de sorte que si la requalification ouvre droit au salarié à un rappel de salaire pour les périodes travaillées, d’un temps partiel à un temps plein, ouvre droit à la poursuite de son contrat de travail en temps plein, et le cas échéant, au paiement des indemnités de rupture sur la base d’un salaire à temps plein, en revanche elle ne lui ouvre pas de droit sur les périodes non travaillées.
Aussi pèse sur le salarié qui entend obtenir le paiement des salaires couvrant les périodes entre les missions, au cours desquelles il n’a pas travaillé, la charge de la preuve d’établir qu’il devait se tenir à la disposition de l’employeur pendant ces périodes interstitielles.
En l’espèce il ne s’agit dès lors pas seulement de répéter que la conclusion de multiples contrats de travail à durée déterminée, parfois irréguliers, ne lui permettait pas de connaitre, la durée hebdommadaire ou, le cas échéant mensuelle, de travail prévue, la répartition entre les jours de la semaine ou les semaines du mois au cours desquels l’employeur entendait recourir à ses services, qu’il n’a jamais décliné aucune proposition de contrat de l’employeur, qu’il n’avait pas d’autres employeurs mais il doit démontrer, par des actes positifs, qu’il est resté à la disposition de l’employeur pendant les périodes au cours desquelles celui-ci n’avait pas recours à ses services.
Or il est observé que si Monsieur [B] [C] développe qu’il n’avait que la SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISION pour employeur, seul un avis de déclaration d’impôt en justifie, puisque les autres avis ne détaillant pas la provenance des revenus ou ne sont pas produits.
Surtout Monsieur [B] [C] n’apporte aucun élément notamment sur sa situation personnelle pendant les périodes interstitielles ou sur ses tentatives de recherches d’emploi avortées par la nécessité de renoncer à d’autres propositions au motif que l’employeur lui aurait demandé de conclure un contrat à cette date, qu’il craignait d’être blacklisté, ainsi qu’il le soutient, si il refusait.
Et ses périodes interstitielles étaient longues puisque les planing mensuels produits comme les bulletins de salaire démontrent que le salarié n’était sollicité en moyenne qu’une dizaine de jours par mois détaillés par l’employeur dans ses conclusions (109 jours en 2015 ‘ 117 jours en 2014 ‘ 119 jours en 2013 ‘ 121 jours en 2012 ‘ 137 jours en 2011 ‘ 130 jours en 2010 ‘ 177 jours en 2009 ‘ 250 jours en 2008 ).
Elles étaient prévisibles puisque même si ces CDD étaient signés le jour, ou la veille de chaque période travaillée , le salarié reconnait que l’employeur lui remettait un planing mensuel qui, s’il ne détaillait pas ses horaires quotidiens, lui permettaient tout au moins de connaitre, comme dans beaucoup d’autres professions, les jours du mois au cours desquels il travaillait et donc les jours au cours desquels il restait disponible pour d’autres fonctions auprès d’autres employeurs. Et à ce titre le salarié ne justifie que d’une seule modification opérée sur ce planing mensuel concernant la période du 29 au 30 juillet qui a été supprimée et dont il a été averti par mail du 6 juillet soit avec un délai de prévenance de 3 semaines. L’autre planing produit convrant le mois de septembre lui a été transmis par mail du 20 août 2015 soit toujours avec un même délai de prévenance de 3 semaines lui permettant de s’organiser.
Par ailleurs les CDD étaient tous conclus pour une durée quotidienne de 8 heures selon des horaires fixés par la direction, que le salarié connaissait forcément, ou pouvait chercher à connaitre au regard de la durée de la relation contractuelle et du caractère permanent de ses fonctions, du service auquel il était affecté , des personnes qui le composaient et de l’organisation dans le cadre duquel il évoluait.
Dans ces conditions le salarié n’était pas forcément pris au dépourvu et empêché d’exercer un autre travail et il se devait de développer les circonstances particulières qui.
l’empêchaient de s’organiser et qui le contraignaient selon lui, à une disponibilité permanente entre deux contrats.
A défaut d’apporter cette preuve et d’établir qu’il s’est tenu à la disposition de l’employeur pendant les périodes interstitielles il ne peut donc prétendre au paiement des salaires à ce titre.
En conséquence Monsieur [B] [C] est débouté de sa demande et le jugement du conseil de prud’hommes est confirmé sur ce point.
Sur le montant du salaire et l’indemnité de requalification
Selon l’article L 1245 ‘ 2 du code du travail, lorsque le juge fait droit la demande du Monsieur [B] [C], il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois du dernier salaire perçu avant la saisine de la juridiction.
Le salaire brut de référence du salarié doit être fixé sur la base qui aurait été la sienne s’il avait été engagé en vertu d’un contrat à durée indéterminée, en y incluant, compte tenu de sa grande ancienneté, la prime d’ancienneté et des autres primes annuelles statutaires qu’il n’a jamais perçues
En l’espèce la rémunération de Monsieur [B] [C] de 3 156,49 euros a été calculée par l’employeur sur la base d’un salaire à taux plein dans le contrat de travail à durée indéterminée à effet au 1 décembre 2015 conclu avec lui et ne fait pas l’objet de débat.
Monsieur [B] [C] réclame à ce titre la somme de 165 000 euros.
Il produit un rapport d’expertise du CHSCT de France-Télévision alerté par la situation périlleuse des salariés précaires du 19 décembre 2014 soulignant la sécurité socio-économique anxiogène de ceux-ci craignant constamment être black listé ou oublié de l’employeur, rajoute qu’il ne pouvait présenter au tiers les garanties d’une situation professionnelle stable, que de surcroît du fait de son statut précaire il n’a pas eu accès la formation professionnelle, n’a pas bénéficié des dispositions conventionnelles en termes d’évolution de carrière, de progression de rémunération, n’a pas bénéficié des droits d’expression individuelle et collective.
Son préjudice ainsi développé résultant d’une situation précaire pendant 17 ans est certain même s’il doit être souligné:
– que le salarié n’a été embauché par la SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISION qu’à l’âge de 48 ans,
– qu’il ne justifie pas avoir souffert de l’absence de formation ou de la mutiplication des CDD puisqu’il a obtenu:
* la requalification en CDI à temps plein de ceux-ci qui lui offre un emploi stable,
* que l’ensemble de ses droits, pour fixer sa rémunération, y inclus les primes et autres avantages, ont été pris en compte dès son embauche, tout comme a été prise en compte son ancienneté au titre de laquelle le salarié forme une demande distincte analysée ci dessus et liée à la revendication du statut de cadre,
* le préjudice d’absence de droit d’expression individuelle et collective est théorique et que le salarié ne développe pas les droits spécifiques dont il a été privé et le préjudice qui en est résulté.
Monsieur [B] [C] estime que surtout, âgé de 66 ans, il a subi un préjudice de retraite considérable puisqu’il n’a pas bénéficié d’un salaire calculé sur la base d’un temps plein et que l’assiette de ses cotisations de retraite s’est limitée à sa rémunération, toujours variable, et aux allocations pôle emploi, et que ce préjudice spécifique se fixe sur la base d’un calcul effectué par un cabinet de commissaire aux comptes expert-comptable à la somme de 145 488 euros.
Mais le salarié n’a pas travaillé pendant les périodes interstitielles sans démontrer qu’il s’est tenu à la disposition de l’employeur et ne peut dont reprocher à l’employeur le défaut de cotisations pendant ces périodes étant rappelé que le paiement des cotisations pour les périodes travaillées ne fait pas l’objet de débat.
Par ailleurs, sous couvert d’une demande indemnitaire pour minoration de l’assiette de calcul de sa pension de retraite, le salarié demande des cotisations afférentes à des salaires couvrant largement une période prescrite au regard de l’introduction de l’instance prud’hommale en 2013 et de la prescription quinquennale.
En conséquence considérant la période de précarité considérée et le revenu mensuel de Monsieur [B] [C] la cour confirme le montant de 20 000 euros accordée par les premiers juges à titre d’indemnité de précarité.
Sur le bénéfice du statut de cadre
Le contrat de travail à durée indéterminée conclu entre les parties à effet au 1er décembre 2015, offre à Monsieur [B] [C] un emploi d’assistant de réalisation relevant du groupe de classification 4, niveau de classification 4 C (maitrise) lui reconnait une ancienneté montant au 12 mai 1998, de 17 ans 6 mois et 18 jours et lui offre une rémunération calculée sur un salaire mensuel de base pour un temps complet de 3156,49 euros bruts
Monsieur [B] [C] revendique la classification ‘cadre spécialisé goupe 5S/E/13’, sur le fondement des dispositions de la convention collective de la communication et de la production audiovisuelle reprise par l’accord d’entreprise France-Télévision du 28 mai 2013 qui prévoit que les salariés totalisant 10 ans d’ancienneté dans le métier bénéficient automatiquement du statut de cadre spécialisé, sauf refus motivé de la direction.
En l’espèce Monsieur [B] [C] exerce les fonctions d’assistant réalisateur de la classification B16 de la convention collective et bénéficie d’une anciennté remontant au 12 mai 1998.
Or l’accord d’entreprise prévoit le passage automatique des B15, B16, B17, B18 en B21-1 (correspondant à la classification 5S-cadres spécialisés aux termes de l’accord FRANCE TÉLÉVISION du 28 mai 2013) au bout de 10 ans d’anciennete et la SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISION ne conteste pas les prétentions du salarié à ce statut et ne formule aucun moyen ni argument en défense sur ce point.
En conséquence considérant les dispositions conventionnelles et l’ancienneté de Monsieur [B] [C], la cour constate qu’il relève de la catégorie ‘cadre spécialisé goupe 5S/E/13 » de la convention collective de la communication et de la production audiovisuelle reprise par l’accord d’entreprise France-Télévision du 28 mai 2013 .
Sur le cours des intérêts
Conformément aux dispositions des articles 1153 et 1153-1 du code civil, les créances salariales seront assortie d’intérêts au taux légal à compter de la réception par la SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISION de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes soit le 20 juin 2013
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il n’est pas inéquitable de confirmer la condamnation de la SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISION à payer à Monsieur [B] [C] la somme de 2 500 euros prononcée par les premiers juges et d’accorder au salarié à ce titre un montant supplémentaire de 1 000 euros pour la procédure d’appel.
Partie succombante la SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISION est condamnée au paiement des dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 2 octobre 2015 en ce qu’il a requalifié la relation de travail unissant Monsieur [B] [C] à la SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISION en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 12 mai 1998 et a condamné l’employeur à lui verser les sommes suivantes :
* 18 113 euros à titre de rappel de prime d’ancienneté,
* 1 811 euros à titre de congés payés afférents,
* 9 094 euros à titre de rappel de prime de fin d’année,
* 1 625 euros à titre de rappel de mesures FTV,
* 20 000 euros à titre d’indemnité de requalification,
* 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
INFIRME le jugement pour le surplus, statuant à nouveau et ajoutant,
REQUALIFIE la relation de travail en un contrat à durée indéterminée à temps plein
DIT que Monsieur [B] [C] bénéficie depuis le 1er décembre 2015 de la classification 5S/E, niveau de placement 18, et du statut de cadre spécialisé,
CONDAMNER la SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISION à lui payer au titre de l’article 700 du code de procédure civile la somme de 1 000 euros supplémentaire pour la procédure d’appel,
ASSORTIT les condamnations de l’intérêt au taux légal à compter du 20 juin 2013 pour les créances salariales et à compter de ce jour pour les créances indemnitaires
CONDAMNE la SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISION aux dépens
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT