Production Audiovisuelle : 12 mars 2019
Cour de cassation
Pourvoi n°
18-82.080
N° Q 18-82.080 F-D
N° 173
SM12
12 MARS 2019
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
– M. O… Q…,
contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, chambre 2-7, en date du 8 mars 2018, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire public, a rejeté une exception d’incompétence ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 22 janvier 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Bonnal, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de M. le conseiller Bonnal, les observations de la société civile professionnelle ROUSSEAU et TAPIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général CORDIER ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 591, 593, 697, 697-1 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir, dénaturation des termes du litige ;
« en ce que l’arrêt attaqué a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par M. Q… ;
« aux motifs propres et adoptés que ne constitueraient, selon le premier juge, des crimes et délits au sens de l’article 697-1 du code de procédure pénale que les infractions commises par des militaires dans le cadre de la mission de service qui leur était confiée, la juridiction spécialisée ne pouvant connaître des infractions de droit commun commises, même à l’intérieur de l’établissement militaire, par des militaires n’accomplissant aucun devoir attaché à leurs fonctions et n’exécutant aucun service ; que si le rapport établi par M. Q… en sa qualité de CGA sur la base duquel la partie civile devait voir mis un terme à ses propres fonctions, s’inscrivait dans l’exercice de sa mission de contrôleur, il n’était toujours pas établi que le commentaire anonyme incriminé, adressé le 20 février 2013 à partir d’une adresse mail non professionnelle que le prévenu avait admis avoir utilisée tandis que la partie civile avait été suspendue le 9 janvier 2013 de ses fonctions de directrice de l’ECPAD s’inscrivait toujours dans l’exercice de ses fonctions de contrôleur, à supposer qu’il soit à l’origine de la publication ; que selon le tribunal, ne pouvait en particulier être soutenu à cet égard que la note à l’attention des destinataires en date du 18 janvier 2013 portant en objet « situation de l’ECPAD et compte-rendu annexé » versée aux débats par M. Q…, émanant du ministère de la Défense dont il ne faisait pas partie, mentionnant au titre de la « communication externe » que « le directeur adjoint du cabinet retient le principe d’une communication externe offensive adaptée sur ce dossier ; le jour même de la convocation de l’intéressée par son autorité de tutelle, le ministère communiquera sur les dysfonctionnements graves constatés par l’ECPAD et sur les mesures prises en conséquence » permettrait de rattacher la publication du commentaire incriminé à l’exercice des fonctions de l’appelant, quand bien même ses propos devraient s’entendre plus largement que l’exécution de ses fonctions ; que l’exception d’incompétence avait en conséquence été rejetée dès lors que ce n’était pas la qualité de militaire de l’auteur d’une infraction, au moment de sa commission, qui permettait de définir la compétence des juridictions mais la nature de l’acte reproché, en ce qu’il serait nécessairement en lien avec l’exercice des fonctions par l’intéressé, ce qui n’était pas le cas en l’espèce ; que l’appelant, qui ne contestait pas être l’auteur du propos litigieux, maintenait que celui-ci s’inscrivait dans l’exercice de ses fonctions en ce sens que n’était pas en cause sa qualité de militaire mais la nature de son acte qui serait indissociable de la mission exercée ; que la cour d’appel constaterait néanmoins que cette mission était accomplie dès lors qu’il avait rédigé le rapport qui devait aboutir à la sanction de l’intimée ; que son commentaire postérieur et anonyme, sur un site privé, était sans relation avec l’exercice ou l’exécution de ses fonctions ;
« 1°) alors que les juridictions spécialisées en matière militaire sont compétentes pour tous les actes commis par un militaire à l’occasion de ses fonctions, quand bien même il ne serait pas en cours d’exécution de sa mission, dès lors qu’il se trouve dans une situation liée à ses fonctions ou qui n’est pas dépourvue de tout lien avec elles ; qu’en rejetant l’exception d’incompétence au seul motif que le commentaire litigieux était postérieur au rapport ayant abouti à la sanction prononcée contre Mme D…, bien que M. Q… ait été accusé d’avoir publié son commentaire sur le blog « lignes de défense » en continuant d’exercer ses fonctions de contrôleur sectoriel liées à la mission d’assistance du ministre pour la direction du ministère dévolue au contrôle général des armées, la cour d’appel n’a pas justifié légalement sa décision ;
« 2°) alors qu’en retenant que le message litigieux était sans relation avec l’exercice ou l’exécution des fonctions, bien qu’il fût constant que M. Q…, contrôleur général des armées au moment des faits, était soupçonné d’avoir utilisé, pendant et dans le cadre de ses fonctions, le compte de courrier électronique qu’il avait créé, d’avoir laissé sans surveillance les identifiants et les mots de passe qui pouvaient être récupérés par les militaires durant leur service et d’avoir posté un commentaire en rapport direct avec l’étude menée par lui sur les dérives de l’ECPAD, ce dont elle aurait dû déduire que l’infraction poursuivie, en supposant qu’elle ait été commise, l’avait été dans l’exercice du service, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ;
« 3°) alors qu’en retenant que le message litigieux était sans relation avec l’exercice ou l’exécution des fonctions, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si le commentaire que M. Q… était supposé avoir posté ne constituait pas une réponse à des critiques sur la manière dont il exerçait ses fonctions dans le cadre des débats médiatisés relatifs à l’affaire « ECPAD », ce dont il résultait que le commentaire litigieux avait été posté dans l’exercice de ses fonctions, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;
« 4°) alors que lors de son interrogatoire de première comparution et dans son mémoire devant la chambre de l’instruction, M. Q… avait indiqué n’avoir jamais posté le commentaire incriminé, faisant observer que l’adresse internet avait pu être utilisée par de nombreuses autres personnes et avait indiqué avoir toujours nié être l’auteur du commentaire litigieux ; qu’en ayant énoncé que M. Q… n’avait pas contesté être l’auteur du propos litigieux, la cour d’appel a dénaturé ses conclusions » ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué, du jugement qu’il confirme et des pièces de la procédure que Mme N… D…, ancienne directrice de l’établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense (ECPAD), qui venait d’être suspendue de ses fonctions, à la suite d’un rapport du contrôle général des armées, rédigé par M. Q…, contrôleur général, a porté plainte et s’est constituée partie civile du chef précité, en raison de la mise en ligne, à la suite d’un article publié sur le blog intitulé « ligne de défense », hébergé par le site internet du journal Ouest France, du commentaire anonyme : « Au moins sur ce site les commentaires ne sont pas censurés / il faut savoir que sur le site du Point (défense ouverte) l’ex directrice de l’ECPAD virée pour prise illégale d’intérêt fait supprimer les commentaires qui la gênent parce que trop vrais / merci Ouest France, véritablement indépendant !!! » ; que M. Q… a été renvoyé devant le tribunal correctionnel en qualité d’auteur du propos incriminé ; qu’il a relevé appel du jugement qui a notamment rejeté son exception d’incompétence au profit de la juridiction spécialisée en matière militaire ;
Attendu que, pour confirmer le jugement sur la compétence de la juridiction de droit commun et renvoyer la cause aux premiers juges, l’arrêt énonce, par motifs propres, que la mission de contrôle exercée par le prévenu était accomplie, son rapport ayant été rédigé, quand a été mis en ligne, anonymement et sur un site privé, le commentaire incriminé, lequel est sans relation avec l’exercice ou l’exécution des fonctions du prévenu et, par motifs réputés adoptés, que les termes d’une note du ministère de la défense, selon laquelle le directeur-adjoint du cabinet avait décidé du principe d’une « communication externe offensive […] sur les dysfonctionnements graves constatés à l’ECPAD », ne permettaient pas davantage de rattacher la publication du commentaire à l’exercice des fonctions, même entendu plus largement que l’exécution de celles-ci ;
Attendu qu’en l’état de ces seules énonciations, et abstraction faite de la mention erronée, mais surabondante, exactement critiquée par la quatrième branche du moyen, selon laquelle le prévenu ne contestait pas être l’auteur du propos litigieux, et dès lors que la mise en ligne anonyme, sur le site internet d’un journal, d’un message évoquant une situation ayant donné lieu à un rapport du contrôle général des armées ne peut se rattacher à l’exercice du service du contrôleur général rédacteur dudit rapport, peu important à cet égard que ce document ait été déjà ou non transmis à son destinataire ou que son auteur ait pu entendre répondre à des critiques dont il était personnellement l’objet, la cour d’appel, qui n’avait pas à suivre le prévenu dans le détail de son argumentation, a fait l’exacte application des textes visés au moyen ;
D’où il suit que le moyen ne peut qu’être écarté ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze mars deux mille dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 591, 593, 697, 697-1 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir, dénaturation des termes du litige ;
« en ce que l’arrêt attaqué a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par M. Q… ;
« aux motifs propres et adoptés que ne constitueraient, selon le premier juge, des crimes et délits au sens de l’article 697-1 du code de procédure pénale que les infractions commises par des militaires dans le cadre de la mission de service qui leur était confiée, la juridiction spécialisée ne pouvant connaître des infractions de droit commun commises, même à l’intérieur de l’établissement militaire, par des militaires n’accomplissant aucun devoir attaché à leurs fonctions et n’exécutant aucun service ; que si le rapport établi par M. Q… en sa qualité de CGA sur la base duquel la partie civile devait voir mis un terme à ses propres fonctions, s’inscrivait dans l’exercice de sa mission de contrôleur, il n’était toujours pas établi que le commentaire anonyme incriminé, adressé le 20 février 2013 à partir d’une adresse mail non professionnelle que le prévenu avait admis avoir utilisée tandis que la partie civile avait été suspendue le 9 janvier 2013 de ses fonctions de directrice de l’ECPAD s’inscrivait toujours dans l’exercice de ses fonctions de contrôleur, à supposer qu’il soit à l’origine de la publication ; que selon le tribunal, ne pouvait en particulier être soutenu à cet égard que la note à l’attention des destinataires en date du 18 janvier 2013 portant en objet « situation de l’ECPAD et compte-rendu annexé » versée aux débats par M. Q…, émanant du ministère de la Défense dont il ne faisait pas partie, mentionnant au titre de la « communication externe » que « le directeur adjoint du cabinet retient le principe d’une communication externe offensive adaptée sur ce dossier ; le jour même de la convocation de l’intéressée par son autorité de tutelle, le ministère communiquera sur les dysfonctionnements graves constatés par l’ECPAD et sur les mesures prises en conséquence » permettrait de rattacher la publication du commentaire incriminé à l’exercice des fonctions de l’appelant, quand bien même ses propos devraient s’entendre plus largement que l’exécution de ses fonctions ; que l’exception d’incompétence avait en conséquence été rejetée dès lors que ce n’était pas la qualité de militaire de l’auteur d’une infraction, au moment de sa commission, qui permettait de définir la compétence des juridictions mais la nature de l’acte reproché, en ce qu’il serait nécessairement en lien avec l’exercice des fonctions par l’intéressé, ce qui n’était pas le cas en l’espèce ; que l’appelant, qui ne contestait pas être l’auteur du propos litigieux, maintenait que celui-ci s’inscrivait dans l’exercice de ses fonctions en ce sens que n’était pas en cause sa qualité de militaire mais la nature de son acte qui serait indissociable de la mission exercée ; que la cour d’appel constaterait néanmoins que cette mission était accomplie dès lors qu’il avait rédigé le rapport qui devait aboutir à la sanction de l’intimée ; que son commentaire postérieur et anonyme, sur un site privé, était sans relation avec l’exercice ou l’exécution de ses fonctions ;
« 1°) alors que les juridictions spécialisées en matière militaire sont compétentes pour tous les actes commis par un militaire à l’occasion de ses fonctions, quand bien même il ne serait pas en cours d’exécution de sa mission, dès lors qu’il se trouve dans une situation liée à ses fonctions ou qui n’est pas dépourvue de tout lien avec elles ; qu’en rejetant l’exception d’incompétence au seul motif que le commentaire litigieux était postérieur au rapport ayant abouti à la sanction prononcée contre Mme D…, bien que M. Q… ait été accusé d’avoir publié son commentaire sur le blog « lignes de défense » en continuant d’exercer ses fonctions de contrôleur sectoriel liées à la mission d’assistance du ministre pour la direction du ministère dévolue au contrôle général des armées, la cour d’appel n’a pas justifié légalement sa décision ;
« 2°) alors qu’en retenant que le message litigieux était sans relation avec l’exercice ou l’exécution des fonctions, bien qu’il fût constant que M. Q…, contrôleur général des armées au moment des faits, était soupçonné d’avoir utilisé, pendant et dans le cadre de ses fonctions, le compte de courrier électronique qu’il avait créé, d’avoir laissé sans surveillance les identifiants et les mots de passe qui pouvaient être récupérés par les militaires durant leur service et d’avoir posté un commentaire en rapport direct avec l’étude menée par lui sur les dérives de l’ECPAD, ce dont elle aurait dû déduire que l’infraction poursuivie, en supposant qu’elle ait été commise, l’avait été dans l’exercice du service, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ;
« 3°) alors qu’en retenant que le message litigieux était sans relation avec l’exercice ou l’exécution des fonctions, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si le commentaire que M. Q… était supposé avoir posté ne constituait pas une réponse à des critiques sur la manière dont il exerçait ses fonctions dans le cadre des débats médiatisés relatifs à l’affaire « ECPAD », ce dont il résultait que le commentaire litigieux avait été posté dans l’exercice de ses fonctions, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;
« 4°) alors que lors de son interrogatoire de première comparution et dans son mémoire devant la chambre de l’instruction, M. Q… avait indiqué n’avoir jamais posté le commentaire incriminé, faisant observer que l’adresse internet avait pu être utilisée par de nombreuses autres personnes et avait indiqué avoir toujours nié être l’auteur du commentaire litigieux ; qu’en ayant énoncé que M. Q… n’avait pas contesté être l’auteur du propos litigieux, la cour d’appel a dénaturé ses conclusions » ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué, du jugement qu’il confirme et des pièces de la procédure que Mme N… D…, ancienne directrice de l’établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense (ECPAD), qui venait d’être suspendue de ses fonctions, à la suite d’un rapport du contrôle général des armées, rédigé par M. Q…, contrôleur général, a porté plainte et s’est constituée partie civile du chef précité, en raison de la mise en ligne, à la suite d’un article publié sur le blog intitulé « ligne de défense », hébergé par le site internet du journal Ouest France, du commentaire anonyme : « Au moins sur ce site les commentaires ne sont pas censurés / il faut savoir que sur le site du Point (défense ouverte) l’ex directrice de l’ECPAD virée pour prise illégale d’intérêt fait supprimer les commentaires qui la gênent parce que trop vrais / merci Ouest France, véritablement indépendant !!! » ; que M. Q… a été renvoyé devant le tribunal correctionnel en qualité d’auteur du propos incriminé ; qu’il a relevé appel du jugement qui a notamment rejeté son exception d’incompétence au profit de la juridiction spécialisée en matière militaire ;
Attendu que, pour confirmer le jugement sur la compétence de la juridiction de droit commun et renvoyer la cause aux premiers juges, l’arrêt énonce, par motifs propres, que la mission de contrôle exercée par le prévenu était accomplie, son rapport ayant été rédigé, quand a été mis en ligne, anonymement et sur un site privé, le commentaire incriminé, lequel est sans relation avec l’exercice ou l’exécution des fonctions du prévenu et, par motifs réputés adoptés, que les termes d’une note du ministère de la défense, selon laquelle le directeur-adjoint du cabinet avait décidé du principe d’une « communication externe offensive […] sur les dysfonctionnements graves constatés à l’ECPAD », ne permettaient pas davantage de rattacher la publication du commentaire à l’exercice des fonctions, même entendu plus largement que l’exécution de celles-ci ;
Attendu qu’en l’état de ces seules énonciations, et abstraction faite de la mention erronée, mais surabondante, exactement critiquée par la quatrième branche du moyen, selon laquelle le prévenu ne contestait pas être l’auteur du propos litigieux, et dès lors que la mise en ligne anonyme, sur le site internet d’un journal, d’un message évoquant une situation ayant donné lieu à un rapport du contrôle général des armées ne peut se rattacher à l’exercice du service du contrôleur général rédacteur dudit rapport, peu important à cet égard que ce document ait été déjà ou non transmis à son destinataire ou que son auteur ait pu entendre répondre à des critiques dont il était personnellement l’objet, la cour d’appel, qui n’avait pas à suivre le prévenu dans le détail de son argumentation, a fait l’exacte application des textes visés au moyen ;