Production Audiovisuelle : 10 novembre 2016 Cour d’appel de Paris RG n° 15/06350

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Production Audiovisuelle : 10 novembre 2016
Cour d’appel de Paris
RG n°
15/06350

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRÊT DU 10 Novembre 2016

(n° 742 , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 15/06350

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Mai 2015 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS RG n° 14/07112

APPELANTS

Monsieur [A] [W]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Joyce KTORZA, avocat au barreau de PARIS, toque : B0053

Syndicat SNRT CGT FRANCE TELEVISIONS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Joyce KTORZA, avocat au barreau de PARIS, toque : B0053

INTIMEE

SA FRANCE TELEVISIONS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Marc BORTEN, avocat au barreau de PARIS, toque : R271 substitué par Me Aude MARTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R271

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Septembre 2016, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Catherine BEZIO, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée

de :

Mme Catherine BEZIO, président de chambre

Mme Patricia DUFOUR, conseiller

Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-président placé

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Véronique BESSERMAN-FRADIN, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Madame Catherine BEZIO, Président et par Madame Véronique BESSERMAN-FRADIN, greffière présente lors du prononcé.

Statuant sur l’appel formé par M. [A] [W] et par le Syndicat national de radiodiffusion et de télévision du groupe France Télévisions, ou SNRT-CGT » , à l’encontre du jugement en date du 19 mai 2015 par lequel le conseil de prud’hommes de Paris a :

-requalifié en contrat à durée indéterminée à compter du 27 janvier 2003 2009 les contrats successifs de M.[W], avec un salaire mensuel de base hors accessoires de 1094, 39 € pour un temps partiel de 35 %

-dit que la relation se poursuit

-condamné la société FRANCE TELEVISIONS à verser à M.[W] les sommes de

* 4200 € au titre de l’indemnité de requalification

* 2029, 65 € à titre de rappel de prime d’ancienneté

* 202, 96 € € au titre des congés payés afférents

* 3553, 87 € au titre de la prime de fin d’année

*600 € au titre des mesures FTV

*2510 € au titre du supplément familial

-et, au SNRT ‘ CGT, la somme de 700 € à titre de dommages et intérêts ;

Vu les conclusions remises et soutenues à l’audience du 13 septembre 2016 par M.[W] qui prie la cour de confirmer le jugement entrepris du chef de la requalification en contrat à durée indéterminée et des condamnations prononcées au titre des mesures FTV ainsi que de la prime de fin d’année mais de l’infirmer pour le surplus et, en conséquence, de :

-requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein

-juger qu’il doit bénéficier de la qualification de « réalisateur d’habillage et d’autopromotion »

-condamner la société FRANCE TELEVISIONS à lui remettre des bulletins de paye rectifiés portant la qualification qui précède

-fixer son salaire de base à la somme de 4206 €

-condamner la société FRANCE TELEVISIONS au paiement des sommes suivantes :

*20 000 € à titre d’indemnité de requalification

*127346 € à titre de rappel de salaire

*12734 € de congés payés afférents

*11457 € au titre de la prime d’ancienneté

* 1145 € de congés payés afférents

* 1750 € de supplément familial

M.[W] sollicitant en outre la somme de 5000 € en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions du syndicat SNRT-CGT tendant à ce que la cour porte à 10 000 € le montant des dommages et intérêts alloués en première instance, en sus de la somme de 1000 € en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu les écritures développées à la barre par lesquelles la société FRANCE TELEVISIONS , formant appel incident, conclut au rejet de l’ensemble des demandes formées à son égard et donc, à l’infirmation des condamnations prononcées contre elle par le conseil de prud’hommes mais sollicite qu’il lui soit donné acte qu’elle n’entend pas remettre en cause l’embauche de l’appelant en contrat à durée indéterminée intervenue depuis le jugement et conformément à l’exécution provisoire de droit, attachée à la requalification ordonnée par cette décision ,

-la société FRANCE TELEVISIONS requérant, de plus, l’allocation de la somme de 1500 € en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile- 

et à titre subsidiaire, la réduction du montant des sommes réclamées par M.[W] ;

SUR CE LA COUR

Considérant qu’il résulte des pièces et conclusions des parties que l’appelant a été engagé, à compter du 27 janvier 2003, en qualité de réalisateur TV, -selon ses bulletins de paye- par la société FRANCE TELEVISIONS qui ,depuis la loi du 5 mars 2009, a réuni en son sein, l’ensemble des sociétés de l’audiovisuel public ;

que M.[W] a exercé ses fonctions durant plus de 11 ans, en vertu de contrats à durée déterminée visant comme motifs «l’usage» et «l’accroissement temporaire d’activité » ;

que, concrètement, les fonctions de l’appelant consistaient dans la réalisation de bandes-annonces, destinées à informer le public des heures et contenus des programmes diffusés sur les chaînes télévisées de la société FRANCE TELEVISIONS ;

que tandis que ses contrats de travail qualifiaient son activité de « réalisateur », ses bulletins de salaire portaient celle de « chef monteur »  ;

que le 23 mai 2014, M.[W] a saisi le conseil de prud’hommes afin de voir requalifier en contrat à durée indéterminée, à temps plein, les divers contrats à durée déterminée qui l’avaient lié à la société FRANCE TELEVISIONS, d’obtenir le versement d’un rappel de salaire en conséquence, ainsi que les diverses sommes résultant de l’application, en sa faveur, des dispositions légales et conventionnelles dont bénéficie un « salarié statutaire » ;

que par le jugement entrepris, le conseil de prud’hommes a accueilli la demande de M.[W] quant à la requalification en contrat à durée indéterminée mais à temps partiel, seulement, de 35 %, -en se fondant sur le nombre de jours travaillés par le salarié pour la société FRANCE TELEVISIONS entre 2011 et 2014 ; que, de même, en prenant la moyenne des trois dernières années, le conseil a fixé le salaire à 1076, 23 €, constatant, donc, qu’aucun rappel n’était dû au demandeur à ce titre et, sur la base de ce salaire, le conseil a alloué à M.[W] les sommes rappelées en tête du présent arrêt au titre de la prime d’ancienneté, de la prime de fin d’année, du supplément familial et des mesures de France télévision (ou MFT), outre une indemnité de requalification de 4200 € ;

qu’enfin, le conseil de prud’hommes a condamné la société FRANCE TELEVISIONS à verser au SNRT-CGT la somme de 700€ à titre de dommages et intérêts ;

Considérant que conformément aux dispositions de l’article R 1245-1 du code du travail  qui assortit la requalification d’un contrat à durée déterminée , en contrat à durée indéterminée, de l’exécution provisoire de droit, la société FRANCE TELEVISIONS a proposé à M.[W] la signature d’un contrat à durée indéterminée à temps partiel ( 35, 60 %) , moyennant un salaire mensuel de 1113, 15 € , et ce, en qualité de chef monteur, groupe 4, niveau 5 S, placement 16 ; que c’est dans ce cadre que, depuis le 1er janvier 2016, se poursuit actuellement la relation contractuelle ;

*

Considérant qu’ au soutien de son appel M.[W] entend voir :

-confirmer la requalification en contrat à durée indéterminée mais à temps plein

-augmenter le montant de l’indemnité de requalification allouée par les premiers juges

-reconnaître sa qualification de « réalisateur de bandes annonces »

-fixer son salaire à 4206 €, conformément au principe « à travail égal, salaire égal » , avec rappel de salaire en conséquence

-confirmer le montant des accessoires de salaire, liés à la requalification, fixés par le conseil de prud’hommes, en ce qui concerne le rappel de prime de fin d’année et mesures FTV, mais augmenter la somme allouée en première instance au titre de la prime d’ancienneté et du supplément familial ;

Considérant que, comme en première instance, la société FRANCE TELEVISIONS conteste la demande de requalification de son contrat par M.[W], soutient, en tout état de cause, que ce contrat à durée indéterminée ne pourrait être qu’à mi temps, et que le salaire de l’appelant, en sa seule qualité de chef monteur, serait dès lors inférieur au montant fixé par les premiers juges, propose, dans ces conditions, à titre subsidiaire, que le montant des accessoires de salaire réclamés par l’appelant, soit sensiblement réduit ;

que néanmoins en conclusion du dispositif de ses écritures, la société FRANCE TELEVISIONS , tout en sollicitant le débouté de l’appelant du chef de toutes ses demandes, requiert qu’il lui soit donné acte qu’elle n’entend pas remettre en cause l’embauche de l’appelant en contrat à durée indéterminée, réalisée par elle aux conditions rappelées ci-dessus en exécution du jugement de première instance ;

*

Sur la qualification de réalisateur d’habillage et d’autopromotion

Considérant que M.[W] expose qu’il doit bénéficier de la qualification «réalisateur d’habillage et d’autopromotion » qui correspond à la réalité de sa collaboration ; qu’en effet, la qualification de chef monteur portée sur ses bulletins de salaire n’est apparue qu’en 2008 sur les fiches de paye qui mentionnaient jusqu’alors, celle de réalisateur ;qu’il convient, en conséquence, d’ordonner à la société FRANCE TELEVISIONS de lui remettre des bulletins de salaire rectifiés portant la mention « réalisateur de bandes annonces » et d’indiquer dans le contrat à durée indéterminée à venir la qualification « réalisateur d’habillage et d’autopromotion » ;

Considérant que la société FRANCE TELEVISIONS soutient que la qualification de M.[W] dans ses contrats à durée déterminée a toujours été celle de « chef monteur » et que l’intéressé ne l’a d’ailleurs jamais contestée ;

que la société FRANCE TELEVISIONS ne fournit aucune explication sur cette évolution ;

Considérant que s’agissant de la qualité, plus actuelle , de « réalisateur d’habillage et d’ autopromotion » sa définition, issue de l’avenant n° 3 précité à l’accord du 28 mai 2013, est conforme à l’activité de l’appelant et non contestée par la société FRANCE TELEVISIONS , de sorte que cette qualité sera portée sur le contrat à venir ;

Considérant que M.[W] est bien fondé à solliciter la remise de bulletins de salaire rectifiés en conséquence ; qu’il n’ y a pas lieu, en l’état, d’assortir cette mesure de l’astreinte requise ;

*

Sur la requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée

Considérant qu’en application des articles L. 1242- 1, L. 1242- 2 et L. 1242- 12 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée ne peut avoir pour effet ou pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, de surcroît, seulement dans les cas déterminés par la loi ou un accord collectif et doit, enfin, être établi par écrit et comporter la définition précise de son motif ; qu’ à défaut de respecter ces dispositions, le contrat à durée déterminée est réputé conclu pour une durée indéterminée ;

Considérant que le contrat à durée déterminé d’usage est certes prévu et encadré par la convention collective de la production audiovisuelle et l’accord national de branche de la télédiffusion et de la production audiovisuelle en date du 22 décembre 2006 ( étendu par arrêté du 5 juin 2007) mais il appartient au juge de contrôler le motif, par nature temporaire des contrats, qui doit être apprécié concrètement ;

Considérant que M.[W] fait valoir notamment qu’il ne serait pas d’usage, dans l’audiovisuel, de ne pas conclure de contrat à durée indéterminée pour l’exercice de son activité professionnelle qui ne peut d’ailleurs relever que d’un contrat à durée indéterminée  d’après les textes conventionnels ;

Mais considérant que cet argument ne peut être retenu alors que , contrairement aux prétentions de l’appelant, et comme l’indique la société FRANCE TELEVISIONS , l’activité de réalisateur figure dans la liste des fonctions pour lesquelles le recours au contrat à durée déterminée d’usage est permis par l’accord précité du 22 décembre 2006, tandis que l’avenant numéro 3 à l’accord d’entreprise du 28 mai 2013, dont se prévaut M.[W], envisage la conclusion d’un contrat à durée indéterminée, pour certains emplois dans certaines conditions , comme une éventualité et non, comme une obligation ;

Considérant toutefois que l’accord précité du 22 décembre 2006 stipule aussi que le contrat d’usage n’est autorisé que lorsque pèsent sur l’ activité à laquelle participe le salarié des incertitudes, quant à sa pérennité ou lorsque cette activité a un caractère exceptionnel ou événementiel ou requiert requiert des compétences techniques ou artistiques spécifiques ;

Or considérant que l’illustration, par la bande annonce, des diverses émissions proposées par la chaîne, constitue une réduction de l’entier programme de celle-ci ; que la société FRANCE TELEVISIONS ne saurait sérieusement prétendre, dans ces conditions, que l’emploi occupé par M.[W] revêtait un caractère temporaire, alors qu’il s’identifiait avec l’ activité normale et permanente, de diffusion, de la société FRANCE TELEVISIONS ;

que la société FRANCE TELEVISIONS à qui incombe la charge de la preuve ne fournit aucun élément, ni aucune explication, de nature à établir le caractère temporaire, exigé, comme dit précédemment, à peine de requalification des contrats à durée déterminée d’usage, en contrats à durée indéterminée ;

que l’absence de compétence spécialisée de M.[W], confirme que l’emploi de celui-ci ne revêtait pas de caractère temporaire et s’identifiait à l’activité normale des sociétés RFO puis FRANCE TELEVISION ;

qu’il s’ensuit que le conseil de prud’hommes doit être approuvé d’avoir requalifié les contrats à durée déterminée, en un contrat à durée indéterminée ;

Considérant que M.[W] est dès lors bien fondé à solliciter le versement par la société FRANCE TELEVISIONS d’une indemnité de requalification, conformément aux dispositions de l’article L 1245-2 du code du travail  -étant rappelé qu’en application de ce texte l’indemnité de requalification ne peut pas être inférieure au dernier salaire perçu par M.[W] au jour de sa saisine de la juridiction prudhomale ;

Considérant que l’indemnité litigieuse a pour objet, à la fois, de sanctionner l’employeur qui ne s’est pas soumis à la règlementation sur les contrats à durée déterminée et de dédommager le salarié du préjudice subi en raison de la privation des avantages liés au statut de salarié permanent ;

que compte tenu de la durée de la relation contractuelle la cour évalue, en l’espèce à 5000 € l’indemnisation due à M.[W], en réparation de l’instabilité professionnelle qu’a créée la pratique de la société FRANCE TELEVISIONS ;

*

Sur le temps partiel ou le temps complet

Considérant que M.[W] soutient qu’il doit bénéficier d’un contrat à durée indéterminée à temps complet ;

Considérant que selon lui le conseil de prud’hommes, à tort, a retenu seulement le nombre de jours où il a effectivement travaillé alors que ces jours correspondent au choix unilatéral de la société FRANCE TELEVISIONS et ne rendent pas compte de l’état de disponibilité permanente dans lequel il devait se tenir à l’égard de cette société, attendant qu’elle veuille bien faire appel à lui, dans des conditions d’imprévisibilité et d’inorganisation qui l’empêchaient de mener normalement sa vie professionnelle voire personnelle, et notamment de s’engager auprès d’autres employeurs ;

Considérant que la société FRANCE TELEVISIONS rappelle que les pièces produites permettent de renverser la présomption de travail à temps complet, résultant d’un contrat à temps partiel dans lequel les parties n’ont pas prévu la durée du travail et sa répartition ; qu’ en l’espèce, le nombre de jours travaillés en son sein par M.[W] démontre que celui-ci travaillait à temps partiel et que ses conditions d’information , quant aux périodes travaillées, excluaient pour lui toute contrainte ; que M.[W] a d’ailleurs régulièrement travaillé pour d’autres employeurs ;

Considérant qu’il convient de rappeler que la requalification du contrat de l’appelant, en contrat à durée indéterminée, ne préjuge nullement, en elle-même, de la durée du travail sur le fondement de laquelle la société FRANCE TELEVISIONS est tenue à l’égard de M.[W] et, donc, de la nature effective, à temps complet ou partiel, du contrat à durée indéterminée litigieux ;

qu’ en outre, un contrat à durée déterminée à temps partiel, requalifié en contrat à durée indéterminée, est présumé à temps complet s’il ne comporte pas les mentions écrites obligatoires relatives à la durée et à la répartition des heures de travail, spécifiques au contrat à temps partiel, -exigées par l’article L. 3123-14 du code du travail ; qu’il incombe à l’employeur de renverser la présomption de temps complet, par la preuve de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et de la possibilité laissée au salarié de prévoir son rythme de travail, de sorte que celui-ci n’avait pas à se tenir constamment à sa disposition ;

Et considérant qu’en l’espèce, si les contrats litigieux ne satisfaisaient pas aux conditions de l’article L 3123-14 rappelées ci-dessus et si le contrat à durée indéterminée reconnu au bénéfice de l’appelant s’avère en conséquence présumé à temps complet, la société FRANCE TELEVISIONS à qui cette preuve incombe, démontre que l’appelant ne se tenait pas à sa disposition permanente ;

Considérant qu’en effet, il ressort de ses déclarations fiscales , produites aux débats, que M.[W], de 2011 à 2015, a régulièrement perçu des salaires, versés non seulement par FRANCE TELEVISION, mais également par d’autres employeurs et que les sommes réglées par ces employeurs s’avèrent égales voire supérieures à celles versées par FRANCE TELEVISION ;

qu’il résulte de ces éléments, alliés au faible volume de travail de M.[W] (de 39 à 68 jours par an) pour le compte de la société FRANCE TELEVISIONS, que M.[W] a été en mesure de travailler et a travaillé pour d’autres employeurs que FRANCE TELEVISION ; qu’ainsi, contrairement à ce qu’il prétend, M.[W] ne s’est pas tenu en permanence à disposition de la société FRANCE TELEVISIONS ; qu’il s’ensuit que celle-ci ne peut être tenue de rémunérer l’appelant à temps complet ;

que le conseil de prud’hommes a donc rejeté, à bon droit, la demande de M.[W], tendant à voir requalifier à temps complet le contrat à durée indéterminée qui l’a lié à cette société;

Considérant qu’en outre, au regard des bulletins de paye, les premiers juges ont fait une juste appréciation du temps partiel effectué par M.[W] ; que cette appréciation sera confirmée ci-après, en l’absence de justification par l’appelant qu’il aurait accompli un travail d’une durée, supérieure à ce temps partiel ;

Sur le salaire de base et le rappel de salaire

Considérant que la requalification opérée a pour effet de replacer le salarié M.[W] dans la situation qui aurait été la sienne s’il avait été recruté depuis l’origine, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée ; qu’il s’ensuit que l’appelant ne peut prétendre aux avantages financiers liés à son ancien statut régi par des contrats à durée déterminée mais également que la société FRANCE TELEVISIONS, du fait de la requalification du contrat, en contrat à durée indéterminée à temps complet, est tenue d’une obligation contractuelle au paiement du salaire qui ne peut être affectée par les revenus que le salarié a pu percevoir par ailleurs ;

Considérant que M.[W] demande à la cour de fixer le montant de son salaire en fonction de la moyenne des salaires de base, perçus par ses collègues exerçant les mêmes fonctions que lui , intégrés au personnel statutaire de la société FRANCE TELEVISIONS, en exécution de jugements rendus par les 19 mai et 29 juillet 2015 par le conseil de prud’hommes qui leur a reconnu le bénéfice d’un contrat à temps complet ;

Considérant que la société FRANCE TELEVISIONS fait valoir que cette demande est mal fondée dès lors que le salaire alloué par le conseil de prud’hommes à ses collègues, comme à M.[W], est égal au salaire moyen perçu sur les trois dernières années ; qu’en outre, l’éventuel repositionnement de l’appelant comme «réalisateur d’habillage et d’autopromotion » aboutirait, sur la base d’un temps partiel de 35 % retenu par les premiers juges, à un salaire moindre que celui fixé par ces derniers ;

Mais considérant que la somme de 4206 € sollicitée, pour un temps plein, par l’appelant procède de la moyenne opérée entre les salaires perçus par des salariés exerçant les mêmes fonctions que celui-ci ; que la société FRANCE TELEVISIONS ne prétend pas qu’il y aurait lieu de prendre en considération d’autres éléments et ne produit aucune pièce justifiant que des collègues de l’appelant, dans une situation identique à la sienne, perçoivent un salaire inférieur que celui qu’il revendique  ;

Considérant que la cour retiendra donc la somme de 4206 € ; que s’agissant du salaire de l’appelant il s’élève, compte tenu du temps partiel de 35 %, retenu, à 1472, 10 € ;

Considérant que s’agissant du rappel de salaire sollicité, la demande n’est formée par l’appelant qu’au regard de sa demande de requalification à temps complet ; que la requalification décidée ci-dessus étant à temps partiel, l’appelant -qui, au demeurant, ne fournit, ni le décompte, ni les chiffres qui permettraient d’évaluer cet éventuel rappel, dans l’hypothèse présentement retenue d’un travail à temps partiel- sera, dès lors, débouté de ses prétentions, tendant à obtenir un rappel de salaire ;

*

Sur les accessoires de salaires

Considérant que du fait de la requalification intervenue, M.[W] est en droit de bénéficier des dispositions légales et conventionnelles, applicables aux salariés « statutaires », titulaires d’un contrat à durée indéterminée ;

que ses revendications ont trait à la prime d’ancienneté, à la prime de fin d’année, et aux mesures FTV ;

°

Considérant qu’il convient d’abord de relever que les primes ci-après revêtent un caractère conventionnel et qu’il n’est pas prétendu que les accords collectifs à l’origine desdites primes prévoient le versement de celles-ci, proportionnellement à la durée du temps de travail ; que la qualification de contrat à temps partiel retenue ci-dessus demeure donc sans incidence sur le calcul des primes ;

Sur la prime d’ancienneté

Considérant que déduction faite de la somme allouée par le conseil de prud’hommes à ce titre, -et payée en vertu de l’exécution provisoire- M.[W] réclame un rappel de prime d’ancienneté de 13 486 €, outre les congés payés afférents, et ce, depuis le 1er novembre 2011, en prenant comme référence le groupe de qualification B 21-1 ; que la société FRANCE TELEVISIONS objecte qu’en sa qualité de chef monteur l’appelant relève du groupe de qualification B 16 et qu’il y a lieu de tenir compte de la somme réglée à M.[W] en exécution du jugement entrepris ;

Considérant que, pour la période ayant couru jusqu’en 2013 -où est entré en vigueur l’accord d’entreprise, déjà cité, du 28 mai 2013- la qualification B 16 que propose la société FRANCE TELEVISIONS correspond à des métiers de techniciens supérieurs de la production ; qu’outre que l’appelant exerçait et exerce toujours ses fonctions dans le domaine de la réalisation, et non, de la production, cette qualification ne prend pas en considération le statut cadre dont bénéficiait M.[W] ; qu’au contraire la qualification 21-1 (cadre spécialisé) invoquée par celui-ci apparaît adaptée à l’activité de M.[W] qui, par ses responsabilités de réalisateur, n’intervient pas comme simple technicien ;

Considérant que dans ces conditions, la cour fait siens les calculs et chiffres de l’appelant et compte tenu de la somme versée depuis le jugement dont appel , condamne à ce titre la société FRANCE TELEVISIONS au paiement de la somme réclamée, mais déduction faite de la somme versée en exécution du jugement dont appel, soit , en définitive, 11 457 € ;

Considérant qu’en revanche, M.[W] doit être débouté de sa demande en paiement des congés payés afférents à la prime d’ancienneté litigieuse ;

qu’en effet, celle-ci est versée au salarié tout au long de l’année, périodes de travail et de congés payés confondues, en sorte que son inclusion dans l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés aboutirait à la faire payer pour partie une seconde fois par l’employeur ;

°

Sur la prime de fin d’année

Considérant que M.[W] est également fondé à solliciter le paiement de cette prime accordée aux salariés statutaires par la société FRANCE TELEVISIONS ;

que cette dernière répond seulement que cette prime n’est pas due à l’appelant au motif que son statut de salarié à contrat à durée déterminée l’exclut du bénéfice de cet avantage ;

que cependant au regard des dispositions qui précèdent M.[W], titulaire d’un contrat à durée indéterminée, doit se voir reconnaître ce bénéfice et la société FRANCE TELEVISIONS a , dans ces conditions, été justement condamnée au paiement de la somme de 3553 € par le jugement entrepris que la cour confirmera , de ce chef ;

°

Sur les mesures FTV

Considérant qu’ à la suite des négociations annuelles obligatoires et jusqu’en 2011 une augmentation salariale collective, dénommée « mesure FTV » , a été accordée aux salariés statutaires de la société FRANCE TELEVISIONS ; que celle-ci, pour s’opposer à la demande, comme précédemment ne fait valoir aucun moyen particulier si ce n’est le statut de l’appelant ; que pour les motifs qui précèdent également cette réclamation, tendant au paiement de la somme de 600 € doit être accueillie, comme l’a d’ailleurs fait le conseil de prud’hommes  ;

°

Sur le supplément familial

Considérant qu’ en application des dispositions de l’annexe 9 de la convention collective de la communication et de la production audiovisuelle et de l’accord d’entreprise du 28 mai 2013 et en vertu des pièces produites, M.[W] a droit au versement du supplément familial prévu par ces textes ; qu’aucune objection, propre à cette réclamation, n’étant opposée par la société FRANCE TELEVISIONS, il y a lieu, au regard du calcul non contesté figurant dans ses conclusions et du livret de famille produit, d’allouer à l’appelant la somme de 1750 €, due au mois de juin 2016, après déduction de la somme accordée de ce chef par les premiers juges ;

*

Considérant que l’équité et la situation des parties commandent d’allouer à M.[W] la somme de 800 € en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

*

Sur les demandes du syndicat SNRT CGT

Considérant que la société FRANCE TELEVISIONS forme appel incident du chef des dispositions du jugement qui l’ont condamnée à verser des dommages et intérêts au syndicat SNRT CGT ;

Considérant que, comme l’ont estimé les premiers juges, le litige qui oppose M.[W] à la société FRANCE TELEVISIONS intéresse la pratique d’un employeur et les conditions de travail que celui-ci impose au salarié d’une profession particulière, spécialement défendue par le syndicat SNRT CGT ; que l’inobservation par la société FRANCE TELEVISIONS des dispositions légales et règlementaires applicables au contrat à durée indéterminée a pour objet ou pour effet de fragiliser, en la précarisant, cette profession, de sorte que l’atteinte à l’intérêt collectif professionnel dont cette organisation a la charge justifie l’action de cette dernière et l’allocation à son profit des dommages et intérêts que lui a justement alloués le conseil de prud’hommes, en réparation du préjudice subséquent ;

que l’évaluation de ce préjudice, faite par le conseil de prud’hommes, est juste et doit être confirmée ;

Considérant qu’enfin, le SNRT CGT est fondé à solliciter le bénéfice des dispositions de l’article 700 code de procédure civile ; qu’ il y a lieu de lui allouer de ce chef la somme de 300 € ;

Considérant qu’ en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile  , la société FRANCE TELEVISIONS versera à l’appelant la somme de 800 € ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en ce que le conseil de prud’hommes a requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps partiel de 35 %, à compter du 27 janvier 2003, et a condamné la société FRANCE TELEVISIONS, au paiement des sommes de 3553 € -au titre de la prime de fin d’année-, ainsi que de la somme de 600 €, au titre des mesures FTV, aux dépens et au paiement de la somme de 700 € à titre de dommages et intérêts au profit du syndicat SNRT CGT ;

L’infirme pour le surplus et statuant à nouveau ;

Dit que M.[W] doit bénéficier de la qualification de réalisateur de bande annonce jusqu’au 1er janvier 2013 et de la qualification de réalisateur d’habillage et autopromotion , à compter de cette date ;

Dit que ces qualifications seront portées sur les bulletins de salaire de M.[W] ;

Ordonne à la société FRANCE TELEVISIONS de remettre à M.[W] les bulletins de paye rectifiés, conformes aux dispositions qui précèdent ;

Fixe le salaire de base de M.[W] à la somme de 1472,10 €.

Condamne la société FRANCE TELEVISIONS à payer à M.[W] les sommes de :

-5 000 € à titre d’indemnité de requalification

-11 457 € au titre de la prime d’ancienneté

-1750 € au titre du supplément familial

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne la société FRANCE TELEVISIONS aux dépens d’appel ainsi qu’au paiement, au profit de M.[W], de la somme de 800 € en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile  et , au profit du syndicat SNRT CGT, de la somme de 300 € sur le fondement du même texte.

La Greffière Le Président

 

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