Des litiges de contrefaçon en cours et les contestations que s’opposent réciproquement les parties ne permettent pas de considérer comme actuellement certaine en son principe la créance d’indemnité revendiquée à l’encontre d’une société en procédure collective.
En conséquence, en l’absence de contestation sérieuse sur le caractère certain, liquide et exigible de la créance déclarée, le juge commissaire qui en avait le pouvoir, statuant sur le moyen de compensation opposé à la demande d’admission, a régulièrement et justement jugé qu’il convenait d’admettre la créance.
Pour rappel, le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception du paiement par compensation de créances connexes (…) ‘. Il en résulte que le débiteur peut effectivement s’opposer à l’admission d’une créance à laquelle il opposerait une compensation avec une créance connexe.
S’il la compensation pour connexité n’exige pas la réunion des conditions de la compensation légale (liquidité, exigibilité), en revanche, elle doit être certaine dans son principe pour qu’elle puisse être invoquée .
Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l’absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l’a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d’admission.
Le juge-commissaire est ainsi compétent pour statuer sur l’admission ou le rejet de la créance déclarée à condition que les contestations soulevées par le créancier soient dépourvues de sérieux et ne soient pas susceptibles d’exercer une influence sur l’existence ou le montant de la créance. En conséquence, la juridiction doit rechercher s’il existe une contestation sérieuse à l’admission de la créance.
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COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
Chambre Civile – 1re section
Arrêt du Mardi 30 Mars 2021
N° RG 20/00946 – N° Portalis DBVY-V-B7E-GQAU
Décision attaquée : Ordonnance du Juge commissaire de CHAMBERY en date du 07 Août 2020, RG 2020M00720
Appelante
S.A.S. SAFETYCARB DISTRIBUTION dont le siège social est situé […]
Représentée par la SELARL EME & CUTTAZ AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de CHAMBERY
Intimées
S.A.S. SAFETY CAR INDUSTRIES, dont le siège social est situé 659 Route de la Raclaz – 74520 DINGY-EN-VUACHE
Représentée par la SELARL AGIK’A, avocats au barreau d’ANNECY
S.E.L.A.R.L. AJ UP, es qualité de Commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde de la société SAFETYCARB DISTRIBUTION, dont le siège social est situé […]
S.E.L.A.R.L. MJ ALPES, es qualité de Mandataire judiciaire de la procédure de sauvegarde de la société SAFETYCARB DISTRIBUTION, dont le siège social est situé […]
sans avocats constitués
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l’audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 01 février 2021 par M. Michel FICAGNA, Président de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseiller, avec l’assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
— M. Michel FICAGNA, Président, qui a procédé au rapport,
— Mme Alyette FOUCHARD, Conseiller,
— Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,
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La société Safety Carb Distribution a pour activité, depuis le 2 janvier 2013, le négoce d’additifs de carburant, permettant une diminution des consommations sous l’appellation Safety Carb additifs. Elle a pour fournisseur exclusif la société Safety Car Industries dans le cadre d’un contrat de fourniture et de distribution exclusif du 1er avril 2015.
Un litige est survenu entre les deux parties relativement au respect du contrat d’exclusivité.
Par jugement du tribunal de commerce de Chambéry en date du 21 octobre 2019, la société Safety Carb Distribution a été admise à une procédure de sauvegarde.
Le 11 décembre 2019, la société Safety Car Industries a régulièrement déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire la selarl MJ Alpes pour un montant de 369.065,78 € correspondant à des produits livrés non réglés.
La société Safety Carb Distribution a contesté la créance déclarée.
Par acte du 19 février 2020, la société Safety Carb Distribution a assigné la société Safety Car Industries devant le tribunal de commerce de Thonon les Bains en concurrence déloyale. Cette procédure est en cours.
Par ordonnance du 7 août 2020, le juge commissaire du tribunal de commerce de Chambéry, statuant sur la contestation de créance de la société Safety Car Industries, a prononcé l’admission de la créance à titre chirographaire pour la totalité du montant déclaré. Le juge commissaire a retenu qu’il ne pouvait y avoir compensation entre une créance exigible et une hypothétique indemnité.
La société Safety Carb Distribution a relevé appel de cette ordonnance intimant la société Safety Car Industries, la société AJ UP (Me Rousseau) et la société MJ.Alpes (Me Jal).
L’ordonnance de clôture ayant été rendue le 4 janvier 2021, les conclusions postérieures des parties sont irrecevables. Il en est de même des notes en délibéré sur le fond qui n’ont pas été autorisées.
Aux termes de ses conclusions d’appelante n° 2 du 4 janvier 2021, la société Safety Carb Distribution demande à la cour :
Vu l’article L 624-2 du code de commerce,
— de déclarer recevable et bien fondée la demande de la société Safety Carb Distribution,
— d’infirmer totalement l’ordonnance rendue par M.le juge commissaire près le tribunal de commerce de Chambéry le 7 août 2020,
— de constater, que concernant l’admission de la créance dont la contestation est relative à l’exécution défectueuse du contrat, il convient de surseoir à statuer dans l’attente de la décision de la juridiction saisie sur le fond,
— de condamner la société Safety Car Industries à verser à la société Safety Carb Distribution la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens.
Elle soutient que le juge commissaire est dépourvu de pouvoir juridictionnel en matière d’exécution défectueuse d’un contrat, et qu’il conviendra de prononcer un sursis à statuer sur l’admission de la
créance dans l’attente de la décision du tribunal de commerce de Thonon les Bains sur l’exécution du contrat de fourniture exclusive.
Aux termes de ses conclusions d’intimée récapitulatives du 10 novembre 2020, la société Safety Car Industries, demande à la cour :
Vu l’article l. 624-2 du code de commerce,
Vu les articles 1347-1, 1650 et 1651 du code civil,
Vu l’article l. 441-10, alinéas 1 et 2, du code de commerce,
— de rejeter les moyens et prétentions de la société Safety Carb Distribution,
— de confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance du juge commissaire du tribunal de commerce de Chambéry du 7 août 2020,
— de confirmer l’admission de sa créance pour un montant de 369.065,78 euros ttc à titre chirographaire,
— de rejeter la demande de sursis à statuer de la société Safety Carb Distribution,
— de condamner la société Safety Carb Distribution au paiement d’unesomme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Elle soutient:
— qu’elle est elle-même victime d’actes de contrefaçons de ses produits par la société Safety Carb Distribution et qu’elle a engagé des procédures en référé et au fond, devant les juridictions lyonnaises,
— que la société Safety Carb Distribution ne détient aucun titre de créance à son encontre qui l’autoriserait à invoquer la compensation avec la créance de 369.065,78 euros déclarée au passif de la procédure de sauvegarde,
— qu’elle n’a formulé aucune réclamation sur les produits livrés à la suite de la «super-commande » du mois de juin 2019, non payée à son échéance.
Les sociétés MJ.Alpes et AJ UP bien que régulièrement intimées par actes d’huissiers de justice délivrés le 21 septembre 2020 à des personnes habilitées à les recevoir, n’ont pas constitué avocat. Par un courrier du 2 novembre 2020, la société MJ.Alpes a fait savoir à la cour qu’elle s’en rapportait.
L’arrêt sera donc prononcé par arrêt réputé contradictoire.
MOTIFS
Aux termes de l’article L.624-2 du code de commerce :
Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l’absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l’a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d’admission.
Le juge-commissaire est ainsi compétent pour statuer sur l’admission ou le rejet de la créance déclarée à condition que les contestations soulevées par le créancier soient dépourvues de sérieux et ne soient pas susceptibles d’exercer une influence sur l’existence ou le montant de la créance.
En conséquence, il covnient de rechercher s’il existe une contestation sérieuse à l’admission de la créance.
Sur la compensation invoquée
Il n’existe aucune contestation formulée par la société Safety Carb Distribution relativement à la créance de la société Safety Car industries, s’agissant de produits livrés et non réglés.
Il résulte des conclusions de la débitrice que celle-ci invoque une compensation de cette créance avec une créance indemnitaire qu’elle revendique dans le cadre d’une instance parallèle introduite devant le tribunal de grande instance de Thonon les Bains pour concurrence déloyale et violation du contrat d’exclusivité à l’encontre de la société SDafety Car Industries.
Aux termes de l’article L. 622-7 I, alinéa 1 du code de commerce,
‘I.-Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception du paiement par compensation de créances connexes (…) ‘.
Il en résulte que le débiteur peut effectivement s’opposer à l’admission d’une créance à laquelle il opposerait une compensation avec une créance connexe.
S’il la compensation pour connexité n’exige pas la réunion des conditions de la compensation légale (liquidité, exigibilité), en revanche, elle doit être certaine dans son principe pour qu’elle puisse être invoquée .
En l’espèce, la socité Safety Car Industries conteste tout acte de concurrence déloyale et au contraire fait grief à la société Safety Carb Distribution d’avoir commis à son encontre des actes de contrefaçon de ses produits.
Ces litiges en cours et les contestations que s’opposent réciproquement les parties ne permettent pas de considérer comme actuellement certaine en son principe la créance d’indemnité revendiquée par la société Safety Carb Distribution à l’encontre de la société Safety Car Industries.
En conséquence, en l’absence de contestation sérieuse sur le caractère certain, liquide et exigible de la créance déclarée, le juge commissaire qui en avait le pouvoir, statuant sur le moyen de compensation opposé à la demande d’admission, a régulièrement et justement jugé qu’il convenait d’admettre la créance.
L’ordonnance sera donc confirmée.
Sur l’article 700 du code de procédure civile
Il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire,
Confirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société Safety Carb Distribution à payer à la société Safety Car Industries la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d’appel.
Ainsi prononcé publiquement le 30 mars 2021 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Michel FICAGNA, Président, et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier Le Président