Procédure collective : la propriété des œuvres d’art

Notez ce point juridique

L’affaire concerne la société par actions simplifiée Graphik Art, dont le président était M. [R] [L], et la revendication de plusieurs œuvres d’art par M. [A] [I]. Suite à une procédure de liquidation judiciaire, certaines œuvres n’ont pas été retrouvées en nature et auraient été vendues avant l’ouverture de la procédure. M. [I] a déposé une plainte pour abus de confiance, escroquerie, faux et usage de faux. Le juge-commissaire a rejeté la demande de revendication de M. [I] pour certaines œuvres, mais a fait droit à d’autres. M. [I] a fait appel de cette décision et demande à la cour de reconnaître sa légitimité en tant que propriétaire des œuvres en question. La SCP BTSG, en tant que liquidateur judiciaire, demande à la cour de confirmer la décision du tribunal de commerce et de rejeter les demandes de M. [I].

1. Il est important de bien documenter tous les contrats de dépôt-vente et de vente, en veillant à ce que les termes et conditions soient clairement définis pour éviter toute confusion ultérieure sur la propriété des œuvres.

2. En cas de litige sur la propriété des œuvres, il est essentiel de respecter les dispositions légales en matière de dépôt-vente et de vente, en prouvant de manière adéquate les transactions et en respectant les obligations de restitution en nature ou de paiement du prix de vente.

3. Il est recommandé de tenir un registre précis des biens acquis ou détenus en vue de la vente ou de l’échange, conformément aux dispositions légales, pour faciliter la traçabilité des œuvres et éviter tout litige sur leur propriété.

Sur le droit de propriété de M. [I] sur les oeuvres qu’il revendique

M. [I] revendique la propriété des oeuvres détenues par la société Graphik Art au titre de contrats de dépôt-vente. Il soutient que la société n’est pas le légitime propriétaire des oeuvres, détenues uniquement au titre de ces contrats.

Les arguments de la SCP BTSG, ès qualités

La SCP BTSG affirme que certains contrats conclus entre M. [I] et la société Graphik-Art sont des contrats de vente, transférant ainsi la propriété des oeuvres à la société. Elle soutient que le non-paiement du prix de vente n’empêche pas le transfert de propriété.

Sur le cadre juridique des contrats de dépôt-vente et de vente

Les articles du code civil régissant le dépôt et la vente sont examinés pour déterminer le transfert de propriété des oeuvres. Le transfert de propriété en cas de vente s’opère dès l’échange de consentement, tandis que le dépôt n’entraîne pas ce transfert.

La décision sur les oeuvres revendiquées

Après analyse des contrats et du livre de police, il est conclu que les oeuvres des artistes [E], [W], [K] et [G] ont fait l’objet de dépôt avec mandat de vente, sans transfert de propriété. La revendication en nature des oeuvres est rejetée faute de preuve de leur existence dans l’inventaire.

La demande de revendication du prix de vente des oeuvres

M. [I] revendique le prix de vente des oeuvres au cas où elles auraient été vendues après l’ouverture de la procédure collective. Cependant, faute de preuves de ces ventes et de paiement du prix, sa demande est rejetée.

Les frais du procès

M. [I] est condamné aux dépens d’appel, et la demande de la SCP BTSG sur les frais de procédure est rejetée.

Réglementation applicable

– Article 1915 du code civil
– Article 1582 du code civil
– Article 1583 du code civil
– Article 1188 du code civil
– Article 321-7 du code pénal
– Article L. 641-14 du code de commerce
– Article L. 624-16 du code de commerce
– Article L. 624-18 du code de commerce
Article 700 du code de procédure civile

Avocats

– Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats
– Me Fabrice DALAT

Mots clefs

– droit de propriété
– contrat de dépôt-vente
– transfert de propriété
– vente
– dépôt
– restitution
– contrat de vente
– contrat de dépôt-vente
– obligation de restitution
– inventaire
– revendication en nature
– revendication du prix de vente
– subrogation réelle
– sous-acquéreur
– preuve
– dépens
– article 700 du code de procédure civile

Définitions juridiques

– Droit de propriété : droit exclusif de posséder, d’utiliser et de disposer d’un bien
– Contrat de dépôt-vente : contrat par lequel une personne dépose un bien chez un commerçant en vue de sa vente
– Transfert de propriété : passage du droit de propriété d’un bien d’une personne à une autre
– Vente : contrat par lequel une personne s’engage à transférer la propriété d’un bien à une autre en échange d’un prix
– Dépôt : action de confier un bien à une personne pour qu’elle le garde
– Restitution : action de rendre un bien à son propriétaire
– Contrat de vente : contrat par lequel une personne s’engage à transférer la propriété d’un bien à une autre en échange d’un prix
– Obligation de restitution : devoir de rendre un bien à son propriétaire
– Inventaire : liste détaillée des biens d’une personne
– Revendication en nature : action de demander la restitution d’un bien
– Revendication du prix de vente : action de demander le paiement du prix de vente d’un bien
– Subrogation réelle : transfert des droits d’une personne à une autre
– Sous-acquéreur : personne qui acquiert un bien d’une personne qui n’est pas le propriétaire légitime
– Preuve : moyen de démontrer la véracité d’un fait
– Dépens : frais engagés dans le cadre d’une procédure judiciaire
– Article 700 du code de procédure civile : article permettant au juge de condamner une partie à payer une somme au titre des frais de justice de l’autre partie

 

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 9

ARRÊT DU 25 JANVIER 2024

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/18010 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGSS2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Septembre 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2022032235

APPELANT

M. [A] [I]

né le [Date naissance 4] 1939 à [Localité 8]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Assistée de Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

INTIMEE

S.C.P. BTSG², prise en la personne de Maître [S] [N], Mandataire Judiciaire désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la Société GRAPHIK-ART,

[Adresse 2]

[Localité 6]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 538 545 518

Assistée de Me Fabrice DALAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0373

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 Novembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Sophie MOLLAT, Présidente

Mme Isabelle ROHART, Conseillère

Mme Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER : Mme Saoussen HAKIRI lors des débats.

ARRET :

– contradictoire

– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– signé par Mme Sophie MOLLAT, Présidente et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffier présent lors de la mise à disposition.

**********

Exposé des faits et de la procédure

La société par actions simplifiée Graphik Art a été constituée le 22 novembre 2011, avec pour activité l’achat-revente de peintures, dessins et meubles art déco. Son président depuis 2012 était M. [R] [L], également actionnaire majoritaire.

M. [J] [L] était toutefois dirigeant de fait de la SAS Graphik Art selon un contrôle réalisé par l’administration fiscale.

Par jugement du 20 octobre 2021, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la SAS Graphik Art et désigné la SCP BTSG, prise en la personne de Me [N], en qualité de liquidateur judiciaire.

Par lettre du 9 novembre 2021, réceptionnée le 15 novembre 2021, M. [A] [I] a adressé à la SCP BTSG, ès qualités, une demande d’acquiescement de revendication portant sur les sept oeuvres suivantes :

Un dessin de [T] [M] daté de 1921 d’une valeur de 135 000 euros,

Un tableau de [E] circa 1920 d’une valeur de 150 000 euros,

Une oeuvre de [W] avec ouvrages de références et le certificat d’authenticité d’une valeur de 50 000 euros,

Un dessin de [G] d’une valeur de 50 000 euros,

Un dessin de [K] d’une valeur de 12 000 euros,

Un dessin de [V] d’une valeur de 800 euros,

Un dessin de La Fresnaye d’une valeur de 2 000 euros.

Constatant l’absence de restitution des oeuvres à première demande ou de réception d’un éventuel prix de vente, M. [I] a déposé une plainte le 25 novembre 2021 pour abus de confiance, escroquerie, faux et usage de faux, recel auprès de la brigade de répression de la délinquance astucieuse.

Le 30 novembre 2021, un inventaire a été dressé par commissaire de justice.

La SCP BTSG, ès qualités, n’ayant pas donné suite à la demande d’acquiescement de revendication de M. [I], ce dernier a sollicité du juge-commissaire la revendication des oeuvres précitées par requête en date du 13 janvier 2022.

Par ordonnance du 1er juin 2022, le juge-commissaire a déclaré recevable la demande formulée par M. [I] mais il a pris acte de ce que :

les oeuvres de [K], [G], [E] et [W] n’ont pas été retrouvées en nature d’après l’inventaire du 30 novembre 2021 ;

ces oeuvres ont été vendues et leurs prix de vente respectifs encaissés par la société Graphik Art avant l’ouverture de la procédure collective ;

le dessin de [M] d’une valeur de 135 000 euros n’a pas été remis à la société Graphik Art, mais un contrat de dépôt-vente a été conclu avec M. [J] [L] et l’oeuvre a donc été confiée à titre précaire à ce dernier ;

selon l’inventaire du 30 novembre 2021, seuls le dessin de [V] d’une valeur de 800 euros et le dessin de La Fresnaye d’une valeur de 2 000 euros ont été retrouvés en nature à l’ouverture de la procédure.

Le juge-commissaire a rejeté la demande de revendication de M. [I] ainsi que sa demande subsidiaire de revendication sur leur prix de vente s’agissant des oeuvres non retrouvées en nature dans le patrimoine de la SAS Graphik-Art.

Il a fait droit à la demande de revendication portant sur les dessins de [V] et de La Fresnaye.

Par jugement du 30 septembre 2022, le tribunal de commerce de Paris a déclaré recevable mais mal fondée l’opposition partielle à l’ordonnance de juge-commissaire formée par M. [I].

Par déclaration du 20 octobre 2022, M. [I] a relevé appel de ce jugement de confirmation de l’ordonnance du juge-commissaire.

*****

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 janvier 2023, M. [A] [I] demande à la cour de :

Juger M. [A] [I] recevable et bien fondé en son appel ;

Y faisant droit,

Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 30 septembre 2022 en ce qu’il a :

Dit le recours mal fondé,

Rejeté le recours de M. [A] [I] et confirmé l’ordonnance du juge-commissaire rendue le 1er juin 2022,

Statuant à nouveau,

Réformer l’ordonnance du juge commissaire rendue le 1er juin 2022 en ce qu’elle a :

« (‘) Pris acte qu’aux termes de l’inventaire dressé par le commissaire-priseur à l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l’égard de la société Graphik Art, les biens suivants n’ont pas été retrouvés en nature à l’ouverture de la procédure :

Un dessin de [K] d’une valeur de 12 000 euros ;

Une gouache de [G] d’une valeur de 50 000 euros ;

Un tableau de [E] circa 1920 d’une valeur de 150 000 euros ;

Une oeuvre de [W] avec les ouvrages de références et le certificat d’authenticité d’une valeur de 50 000 euros ;

Pris acte que ces biens objets de la présente demande en revendication ont été vendus avant l’ouverture de la procédure et que les prix de vente respectifs ont été encaissés par la société Graphik Art avant l’ouverture de la procédure collective ;

Rejeté la demande en revendication formulée par M. [I] et portant sur les actifs suivants :

Un dessin de [K] d’une valeur de 12 000 euros ;

Une gouache de [G] d’une valeur de 50 000 euros ;

Un tableau de [E] circa 1920 d’une valeur de 150 000 euros ;

Une oeuvre de [W] avec les ouvrages de références et le certificat d’authenticité d’une valeur de 50 000 euros ;

Rejeté la demande subsidiaire de revendication sur le prix de vente des actifs suivants :

Un dessin de [K] d’une valeur de 12 000 euros ;

Une gouache de [G] d’une valeur de 50 000 euros ;

Un tableau de [E] circa 1920 d’une valeur de 150 000 euros ;

Une oeuvre de [W] avec les ouvrages de références et le certificat d’authenticité d’une valeur de 50 000 euros ; (‘) »

Statuant à nouveau,

Juger qu’aux termes de l’inventaire dressé par le commissaire-priseur à l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l’égard de la société Graphik Art, les biens suivants n’ont pas été retrouvés en nature à l’ouverture de la procédure :

Un dessin de [K] d’une valeur de 12 000 euros ;

Une gouache de [G] d’une valeur de 50 000 euros ;

Un tableau de [E] circa 1920 d’une valeur de 150 000 euros ;

Juger qu’aux termes du livre de police de la société Graphik Art, l’oeuvre de [W] avec les ouvrages de références et le certificat d’authenticité d’une valeur de 50 000 euros n’est pas mentionnée dans le livre de police et n’a pas intégré les actifs de la société Graphik Art et a été appréhendé directement par M. [J] [L] et que l’oeuvre a dont été confiée à titre précaire par ce dernier ;

Juger qu’aux termes du livre de police de la société Graphik Art les biens suivants ont été confiés à titre précaire dans la cadre de contrat de dépôt-vente et que M. [A] [I] n’a jamais reçu le prix de vente de ses oeuvres :

Un dessin de [K] d’une valeur de 12 000 euros ;

Une gouache de [G] d’une valeur de 50 000 euros ;

Un tableau de [E] circa 1920 d’une valeur de 150 000 euros ;

Juger qu’aucune preuve n’est rapportée que ces trois oeuvres objets de la présente demande en revendication auraient été vendues avant l’ouverture de la procédure et que les prix de vente respectifs ont été encaissés par la société Graphik Art avant l’ouverture de la procédure collective ;

En conséquence,

Faire droit à la demande en revendication formulée par M. [I] et portant sur les actifs suivants :

Un dessin de [K] d’une valeur de 12 000 euros ;

Une gouache de [G] d’une valeur de 50 000 euros ;

Un tableau de [E] circa 1920 d’une valeur de 150 000 euros.

A titre subsidiaire,

Faire droit à la demande de revendication sur le prix de vente des actifs suivants :

Un dessin de [K] d’une valeur de 12 000 euros ;

Une gouache de [G] d’une valeur de 50 000 euros ;

Une oeuvre de [W] avec les ouvrages de références et le certificat d’authenticité d’une valeur de 50 000 euros ; (‘) » ;

En tout état de cause,

Juger que dans le cas où ces oeuvres seraient appréhendées dans le cadre de la procédure pénale, elles devront être immédiatement restituées à M. [A] [I] ;

Déclarer le droit de propriété de M. [A] [I] sur les trois oeuvres visées opposable aux organes de la procédure collective de Graphik Art en application de l’article L. 624-17 du code de commerce ;

Juger que M. [A] [I] pourra librement agir auprès de tous tiers en revendication en qualité de légitime propriétaire sur les trois oeuvres visées ou obtenir directement le règlement des prix de vente ;

Condamner in solidum la SCP BTSG et la société Graphik Art à régler à M. [A] [I] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 30 septembre 2022 en ce qu’il a condamné M. [A] [I] aux dépens ;

Condamner in solidum la SCP BTSG et la société Graphik Art aux entiers dépens qui seront recouvrés pour ceux-la concernant par la SELARL 2H Avocats représentée par Me Audrey Schwab conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

*****

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 avril 2023, la SCP BTSG, prise en la personne de Me [S] [N], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Graphik Art, demande à la cour de :

Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 30 septembre 2022 en ce qu’il a jugé recevable mais mal fondé le recours de M. [A] [I] ;

Débouter M. [A] [I] de l’ensemble de ses demandes ;

Condamner M. [A] [I] au paiement de la somme de 3 000 euros à la SCP BTSG, ès qualités, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner M. [A] [I] aux dépens.

*****

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le droit de propriété de M. [I] sur les oeuvres qu’il revendique

M. [I] fait valoir que les oeuvres revendiquées étaient détenues par la société Graphik Art au titre des contrats de dépôt-vente suivants :

Un contrat du 13 février 2020 portant sur les dessins de [K] et [V] ;

Un contrat du 13 février 2020 portant sur la gouache de [G] et le dessin de La Fresnaye ;

Un contrat du 15 octobre 2020 portant sur le tableau de [E] ;

Un contrat du 20 janvier 2021 portant sur l’oeuvre de [W].

En outre, il expose avoir conclu avec M. [J] [L] directement un contrat de dépôt-vente le 15 octobre 2020 portant sur le dessin de [M] pour un montant de 135 000 euros, dont 70 000 euros réglés. Il indique qu’il appartient au liquidateur de rapporter la preuve de l’existence d’un contrat de vente des oeuvres, alors qu’aucune pièce n’a été produite aux débats au titre de la prétendue vente ou perception du prix de vente des oeuvres de [K], [G] et [E] ; qu’il ressort en revanche des extraits du livre de police que les oeuvres ont été remises dans le cadre d’un contrat de dépôt-vente à titre précaire, dès lors que la mention « dépôt » y est apposée et que l’oeuvre de [W] ne figure pas dans le livre de police et n’a donc pas été intégrée à l’actif de la société intéressant la procédure de liquidation judiciaire.Il conclut que la société Graphik Art ne peut être considérée comme le légitime propriétaire des oeuvres, détenues qu’au titre d’un contrat de dépôt-vente. Il critique en outre le tribunal qui a retenu à tort que les oeuvres de [K], [G] et [E] n’existaient pas en nature au jour de l’ouverture de la procédure, dès lors que le livre de police les mentionne. Il ajoute enfin qu’en application des dispositions de l’article 1188 du code civil, ni le juge commissaire ni le tribunal ne pouvaient s’immiscer dans la volonté des parties afin de requalifier les conventions en contrats de vente.

La SCP BTSG, ès qualités, réplique que certains contrats conclus entre M. [I] et la société Graphik-Art apparaissent comme des contrats de vente emportant transfert de propriété au bénéfice de la société Graphik Art ; qu’ainsi, le 13 février 2020, M. [I] [U] et la société Graphik Art ont conclu deux contrats dénommés « attestation de vente » portant sur les oeuvres suivantes :

Un dessin de [K] d’une valeur de 12 000 euros,

Un dessin de [V] d’une valeur de 800 euros,

Une gouache de [G] d’une valeur de 50 000 euros,

Un dessin de La Fresnaye d’une valeur de 2 000 euros.

Elle ajoute que M. [I] [U] y déclarait « avoir vendu à la société Galerie Graphik-Art [Adresse 3] » ces oeuvres à un prix « net vendeur » ; que ces contrats étaient signés du vendeur et de la galerie ; qu’au surplus, le 18 novembre 2020, une autre attestation de vente a été conclue entre M. [J] [L] (dirigeant de fait de la société Graphik Art) et M. [A] [I] concernant l’oeuvre de [E], cette dernière attestation présentant des mentions manuscrites ajoutées, à savoir la mention de « dépôt » ajoutée après le mot « vente », ainsi que la mention « pris en dépôt pour », ces ajouts ne pouvant être datés, de sorte que le consentement des deux parties à un contrat de dépôt-vente est incertain. Il soutient enfin que le non-paiement du prix de vente par la SAS Graphik Art n’a pas empêché le transfert de propriété et conclut que l’action en revendication de M. [I] est mal fondée.

Sur ce,

L’article 1915 du code civil dispose que le dépôt est un acte par lequel on reçoit la chose d’autrui, à la charge de la garder et de la restituer en nature.

Il résulte de cette disposition que le dépôt n’emporte pas transfert de propriété au bénéfice du dépositaire de la chose qui ne la garde que temporairement et s’engage à la restituer.

L’article 1582 du même code prévoit que la vente est une convention par laquelle l’un s’oblige à livrer une chose, et l’autre à la payer ; Elle peut être faite par acte authentique ou sous seing privé. L’article 1583 suivant précise que la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé.

Il s’ensuit que dans la vente, le transfert de propriété de la chose vendue s’opère dès que les éléments constitutifs du contrat sont réunis, soit dès l’échange de consentement.

Dans le cadre d’un contrat de dépôt-vente, dès lors qu’il ne s’agit pas d’un simple dépôt, le régime de ce contrat doit être adapté pour être compatible avec le mandat de vendre et l’opération envisagée comme un tout.

Le dépositaire-mandataire peut faire usage de la chose, mais cet usage est limité aux seuls besoins de la vente et ne saurait servir d’autres fins.

Enfin, l’obligation de restitution ne peut être exécutée en nature que, si à l’expiration du délai convenu, le mandat est resté infructueux. Dans ce cas, la restitution doit avoir lieu en nature à l’identique à peine pour le dépositaire d’engager sa responsabilité. En revanche, si la chose déposée a été vendue, le dépositaire-mandataire doit en restituer le prix.

Le dépositaire, débiteur de la restitution, a ainsi une obligation alternative. Cette modalité de l’obligation est prévue par les articles 1307 et suivants du code civil. Le débiteur a le choix entre une restitution en nature ou au prix de vente.

Enfin, en application de l’article 321-7 du code pénal, les antiquaires et brocanteurs doivent tenir, jour par jour, un registre (‘livre de police’) indiquant la nature, les caractéristiques, la provenance, le mode de règlement de l’objet, contenant une description des objets acquis ou détenus en vue de la vente ou de l’échange et permettant d’identifier ces derniers ainsi que les personnes qui les leur ont vendus ou apportés à l’échange.

En l’espèce, il convient tout d’abord d’exclure le cas des oeuvres de [V] – d’une valeur de 800 euros – et de La Fresnaye – d’une valeur de 2 000 euros – qui ont été retrouvées en nature à l’ouverture de la procédure et qui ont été restituées le 22 juin 2022 à M. [I] qui le reconnaît.

S’agissant de l’oeuvre de [K], il résulte de la pièce 4-1 de l’appelant que ce dessin au crayon, ainsi que celui de [V], a fait l’objet d’une vente à la galerie Graphik Art par contrat du 13 février 2020 pour la somme de 12 000 euros. Toutefois, le livre de police établi par la société Graphik Art mentionne, pour cette oeuvre (ainsi que l’oeuvre de [V]), qu’il s’agit d’un dépôt.

Dès lors qu’en matière commerciale, le principe est celui de la liberté de la preuve qui permet de prouver un acte ou un fait juridique par tous moyens contre un commerçant, conformément à l’article 110-3 du code de commerce, la cour retiendra que que le dessin de l’artiste [K] a fait l’objet d’un dépôt-vente par M. [I] auprès de la galerie en vue de sa vente et que la mention ‘vente’ est incomplète, par comparaison aux autres contrats rédigés sur le même formulaire qui comportaient un ajout indiquant ‘dépôt-vente’.

Le même raisonnement sera suivi s’agissant de l’oeuvre de l’artiste [G] qui doit par conséquent être considéré comme ayant été déposée à la galerie Graphik Art par contrat du 13 février 2020 en vue de sa vente pour un montant de 50 000 euros, dès lors que le livre de police indique qu’il s’agit d’un dépôt.

S’agissant du tableau de l’artiste [E], un contrat de dépôt-vente a été régularisé entre M. [I] et la galerie Graphik Art par acte du 15 octobre 2020 et, s’agissant de l’oeuvre de [W], un contrat de dépôt-vente du 20 janvier 2021 a également été signé. La circonstance selon laquelle le terme ‘dépôt’ indiqué manuscritement devrait être écarté est inopérante, puisque l’essentiel des mentions de l’accord apparaît de manière manuscrite.

Il résulte de ce qui précède que les oeuvres des artistes [E], [W], [K] et [G] ont bien fait l’objet d’un dépôt avec mandat de vente, de sorte qu’aucun transfert de propriété n’est intervenu et que la société Graphik Art était tenue de les restituer en nature si, à l’expiration du délai convenu, le mandat était resté infructueux ou, si elles ont été vendues, elle devait en restituer le prix.

Concernant enfin l’oeuvre de [T] [M] que M. [I] prétend avoir vendue à la galerie Graphik Art pour un montant de 135 000 euros, dont 70 000 payés comptant, aucune des pièces versées aux débats n’en fait état à l’exception des lettres du conseil de M. [I] dépourvues de toute force probante au regard de la vente alléguée. Aucune demande ne saurait dès lors prospérer au titre de cette oeuvre.

Sur la demande de revendication en nature des oeuvres

M. [I] expose que l’inventaire effectué par la SELARL Wedrichowski est incomplet, puisqu’aucune investigation n’a été menée afin de localiser les entrepôts non-identifiés pour stocker les oeuvres non retrouvées. Il fait état d’entrepôts qui seraient situés à l'[Localité 7]. Soutenant qu’un inventaire incomplet équivaut à une absence d’inventaire au regard de la charge de la preuve, il établit son préjudice subi à la valeur des biens non restitués.

Pour le cas où un droit de propriété serait reconnu à M. [I] sur les oeuvres revendiquées, la SCP BTSG, ès qualités, demande de constater que ladite revendication est impossible dès lors que les oeuvres n’existent plus en nature dans le patrimoine de la SAS Graphik Art. Le liquidateur expose que l’inventaire du commissaire de justice à l’ouverture de la procédure collective ne mentionne que les dessins de [V] et de La Fresnaye, dont les valeurs respectives s’élèvent à 800 euros et 2 000 euros. Il fait valoir que lorsque l’inventaire ne vise pas le bien revendiqué, la charge de la preuve de l’existence en nature du bien dans le patrimoine du débiteur pèse sur le revendiquant.

Sur ce,

Les dispositions de l’article L. 641-14 renvoyant à l’article L. 624-16 du code de commerce prévoient que peuvent être revendiqués, à condition qu’ils se retrouvent en nature, les biens meubles remis à titre précaire au débiteur ou ceux transférés dans un patrimoine fiduciaire dont le débiteur conserve l’usage ou la jouissance en qualité de constituant.

La charge de la preuve de l’existence en nature du bien dans le patrimoine du débiteur pèse sur le revendiquant.

En l’espèce, il est constaté que l’inventaire du commissaire de justice à l’ouverture de la procédure collective ne mentionne que les dessins de [V] et de La Fresnaye, dont les valeurs respectives s’élèvent à 800 euros et 2 000 euros, étant observé qu’ils ont d’ores et déjà été restitués, ainsi que le reconnaît M. [I].

Il est constant que l’inventaire ne répertorie pas les autres biens revendiqués, soit les oeuvres des artistes [M], [E], [W], [K] et [G].

En outre, l’allégation selon laquelle l’inventaire n’aurait pas tenu compte d’autres entrepôts n’est pas étayée par M. [I] qui se borne à indiquer le lieu de ces prétendus entrepôts, sans rapporter la preuve de leur existence.

Il s’ensuit que l’inventaire sera réputé complet, de sorte que l’action en revendication en nature portant sur les oeuvres objet du litige doit être rejetée, faute de mention de leur existence dans l’inventaire.

Le jugement sera confirmé par ces seuls motifs substitués à ceux des premiers juges.

Sur la demande de revendication du prix de vente des oeuvres

M. [I] revendique, à titre subsidiaire, le prix de vente des oeuvres, pour le cas où il serait révélé qu’elles auraient été vendues après l’ouverture de la procédure collective.

La SCP BTSG, ès qualités, rappelle que l’action en revendication du prix de revente suppose la réunion de deux conditions, tenant d’une part à l’existence des oeuvres revendues dans le patrimoine du sous-acquéreur, dans leur état initial, d’autre part, au paiement du prix de vente des oeuvres à la société Graphik Art après le jugement d’ouverture de la procédure ; qu’en l’espèce, ces conditions cumulatives ne sont pas remplies en l’espèce.

Sur ce,

L’article L. 624-18 du code de commerce prévoit que peut être revendiqué le prix ou la partie du prix des biens visés à l’article L. 624-16 qui n’a été ni payé, ni réglé en valeur, ni compensé entre le débiteur et l’acheteur à la date du jugement ouvrant la procédure.

La revendication du prix de vente est fondée sur le principe de la subrogation réelle de sorte que la créance de prix de revente est subrogée au prix vendu.

La mise en oeuvre par le revendiquant de l’action en revendication du prix de revente suppose la réunion de deux conditions : d’une part l’existence du bien revendu dans le patrimoine du sous-acquéreur dans son état initial, cette exigence excluant sa perte d’identification, d’autre part l’absence de paiement du prix de vente avant l’ouverture de la procédure par le sous-acquéreur.

En l’espèce, les oeuvres revendiquées par M. [A] [I] ne se retrouvent pas dans l’inventaire dressé par le commissaire de justice, ainsi qu’il a été examiné supra.

En outre, aucun élément produit aux débats par M. [I] ne permet d’établir que les oeuvres ont été cédées, de même que l’identité des sous-acquéreurs, à supposer que des ventes soient intervenues, n’est pas révélée par ce dernier alors que cette preuve repose sur lui en qualité de demandeur à l’action en revendication.

Il en résulte que l’appelant, faute de preuve que les oeuvres ont été vendues dès lors qu’il n’est pas en mesure de les identifier matériellement, ni lors de l’inventaire, ni le cas échéant dans le patrimoine d’un tiers sous-acquéreur, ne peut revendiquer le prix de revente des oeuvres.

En outre, M. [I], en soutenant que la S.C.P. BTSG ne démontre pas le règlement du prix de vente avant le jugement d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, inverse la charge de la preuve, dès lors qu’en matière de revendication du prix de revente, il appartient au revendiquant de prouver que ce prix n’a pas été payé avant le jugement d’ouverture de la procédure.

Au regard de la carence probatoire de M. [I], sa demande de revendication du prix de vente des oeuvres sera déclarée mal fondée.

Aussi, convient-il de confirmer le jugement de ce chef, par ces seuls motifs substitués à ceux des premiers juges.

Sur les frais du procès

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens.

M. [I], partie succombante, sera condamné aux dépens d’appel.

L’équité conduit en outre à rejeter la demande de la société BTSG formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en ses dispositions frappées d’appel ;

Y ajoutant,

Condamne M. [A] [I] aux dépens d’appel ;

Rejette la demande de la SCP BTSG, ès qualités de mandataire liquidateur, fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente

 

 

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