En l’absence de déclaration CNIL, l’employeur ne peut s‘appuyer sur les heures d’ouverture du portail informatique mis à la disposition des salariés pour les comparer aux heures théoriques d’embauche. L’employeur, au même titre que pour les logiciels de gestion du personnel, doit effectuer une déclaration auprès de la CNIL. Il était patent, au regard de la pièce litigieuse, qu’un système d’exploitation des données individuelles est associé aux fichiers de relevé de connexion au logiciel de gestion du personnel. L’exploitation des fichiers de données de connexion au logiciel de gestion du personnel, qui permettent d’identifier indirectement une personne physique, constitue un traitement de données à caractère personnel au sens de l’article 2 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique et aux libertés, et était ainsi soumise aux formalités préalables à la mise en oeuvre de tels traitements prévues au chapitre IV de ladite loi. La preuve constituée était donc illicite. Toutefois, l’illicéité d’un moyen de preuve, au regard des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données, n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi (Soc., 25 novembre 2020, pourvoi n° 17-19.523, PBRI). En l’espèce, la connexion et la déconnexion au portail informatique de l’entreprise étaient effectuées sur le lieu de travail. L’enregistrement et l’exploitation des heures de connexion et de déconnexion n’a porté aucune atteinte à la vie personnelle du salarié. La production de la pièce litigieuse était donc justifiée par le droit à la preuve, l’employeur étant en droit de contrôler l’activité effective accomplie par le salarié sur le lieu de travail. L’illicéité du moyen de preuve n’a pas été jugée comme portant atteinte au droit du salarié à un procès équitable. ________________________________________________________________ REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S CHAMBRE SOCIALE – A – Section 1 PRUD’HOMMES ARRÊT DU 25 JANVIER 2022 N° RG 19/02384 – N° Portalis DBVN-V-B7D-F7LA DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 13 Juin 2019 – Section : ACTIVITÉS DIVERSES APPELANTE : SARL AVANTAGE INTERIM prise en la personne de son représentant légal, son Gérant en exercice, domicilié es qualité au siège social […] […] […] représentée par Me Emilie GUERET de la SELARL CONVERGENS, avocat au barreau de TOURS ET INTIMÉE : Madame B X […] […] représentée par Me Elise D de la SELARL SELARL EFFICIENCE, avocat au barreau de TOURS Ordonnance de clôture : 19 octobre 2021 Audience publique du 16 Novembre 2021 tenue par M. K O, Président de chambre, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assisté lors des débats de Mme M N, Greffier. Après délibéré au cours duquel M. K O, Président de chambre a rendu compte des débats à la Cour composée de : Monsieur K O, président de chambre, président de la collégialité, Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller Puis le 25 Janvier 2022, Monsieur K O, président de Chambre, assisté de Mme M N, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. FAITS ET PROCEDURE La SAS AVANTAGE INTERIM exploite une agence de travail temporaire, sur deux sites, à Poitiers, et à Sorigny, en Indre-et-Loire. Elle a engagé, par contrat à durée indéterminée du 19 mars 2012 ,sur ce dernier site, Madame B X, en qualité de responsable de recrutement, pour une rémunération mensuelle de 2280 €, sur la base de 35 heures par semaine. Les relations des parties étaient régies par l’accord national du 23 janvier 1986, relatif aux salariés permanents des entreprises de travail temporaire. Au cours de l’année 2017, cette société a déploré un manque d’implication de cette salariée dans son travail, lui reprochant des retards récurrents, une baisse de productivité, et le report de ses tâches de travail sur ses collègues. En outre, le responsable de l’agence de Poitiers s’est plaint de l’irrespect qu’elle manifestait à son égard. C’est dans ces conditions que la société l’a invitée à un entretien, en vue d’une éventuelle rupture conventionnelle pour le 7 août 2017, mais Madame X a refusé d’y donner suite. La société l’a, alors, convoquée, le 10 août 2017, à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour le 4 septembre suivant, avant de la licencier pour cause réelle et sérieuse, par courrier recommandé du 8 septembre 2017, la dispensant d’effectuer son préavis. Les griefs qui lui étaient imputés concernaient le non-respect des horaires de travail, avec arrivée systématique en retard le matin, une productivité en net recul par rapport à ses collègues et l’irrespect manifesté à l’égard du directeur de l’agence de Poitiers. Dans ces conditions, par requête du 5 avril 2018, Madame X a saisi le conseil de prud’hommes de Tours, en sa section des activités diverses, d’une action contre cette société pour que celle-ci soit condamnée à lui régler : -17’000 € de dommages-intérêts, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, -355,75 € de salaire du 9 au 12 novembre 2017 inclus et 35,57 € de congés payés afférents, -2 500 €, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. De son côté, la société a conclu au rejet de toutes les demandes adverses et à la condamnation de Madame X à lui verser 3500 €, pour les frais non compris dans les dépens. Par jugement du 13 juin 2019, le conseil de prud’hommes de Tours a : -débouté Madame X de sa demande de rejet de la pièce 3 de l’employeur, -condamné la SAS AVANTAGE INTERIM à verser à Madame X les sommes suivantes : . 14’000 € de dommages-intérêts pour licenciement abusif, . 355,75 € brut de rappel de salaire pour la période du 9 au 12 novembre 2017, . 35,57 € bruts de congés payés afférents, . 1200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, -débouté la salariée de sa demande d’exécution provisoire pour les dommages-intérêts, -rappelé que cette dernière était de droit pour les créances salariales, dans la limite de neuf mois de salaires, qui devra être assortie des intérêts au taux légal, à compter de la saisine du conseil des prud’hommes, le 5 avril 2018, -fixé à la somme brute de 2570 € la base moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaires prévue à l’article R 1454-28 du code du travail, -débouté la SAS AVANTAGE INTERIM de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, -condamné la SAS AVANTAGE INTERIM aux entiers dépens de l’instance. Le 3 juillet 2019, la SAS AVANTAGE INTERIM a interjeté appel, par voie électronique, au greffe de cette cour. MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 22 septembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la SARL AVANTAGE INTERIM demande à la cour de : • Infirmer le Jugement du Conseil de Prud’hommes de TOURS en date du 13 juin 2019 en ce qu’il a dit que le licenciement de Madame X était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la Société AVANTAGE INTERIM à verser à Madame B X les sommes de : ♦ 14.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 355,75 € bruts au titre du salarie du 9 au 12 novembre 2017,♦ 35,57 € bruts au titre de l’indemnité de congés payés afférents,♦ 1.200 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,♦ Statuant à nouveau de ces chefs, Débouter Madame B X de l’ensemble de ses demandes, fins, et conclusions,• Y ajoutant, – Condamner Madame B X à verser à la Société AVANTAGE INTERIM une somme de 3.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, Au titre du licenciement, elle soutient que Madame X a démontré un désengagement progressif pour les tâches occupées en son sein et un désintérêt constant pour son emploi. La pièce 3 de la société qui fait débat, s’analyse comme un relevé de connexion au logiciel de gestion du personnel et il est versé aux débats, à titre de preuve, qui doit être considérée comme constamment libre. Divers arrêts de la Cour de cassation ont récemment admis de telles preuves. Sur les retards répétés et récurrents, elle expose que la salariée n’arrivait jamais le matin à l’heure prévue bien que la gérante lui ait rappelé ses dysfonctionnements, lors de ses entretiens annuels. Elle devait, en effet, embaucher à huit heures, les lundis et jeudis et à neuf heures les mardis et mercredis, ainsi qu’à 9 h 30 les vendredis. Ainsi, par exemple, a-t-elle cumulé, en juin 2017, 82 minutes de retard, soit 1 h 22 sur 6 jours et, en juillet 2017, 86 minutes, soit 1h 26 sur 5 jours. De la sorte, les appels de clients ne pouvaient être satisfaits, ce qui était de nature à faire perdre des marchés et elle rappelle qu’il n’appartient pas au salarié de fixer librement ses horaires de travail. Sur la chute de productivité, la société stigmatise son refus d’accomplir certaines tâches qui ressortaient pourtant de ses fonctions, ce qu’attestent certaines de ses collègues. Les chiffres de productivité pour 2017 démontrent qu’elle avait les temps les moins bons, à compter de la fin de l’année 2016, car elle passait son temps de travail à adresser des courriels personnels, via sa boîte mail professionnelle. La prime de 2000 € versée en mars 2017 correspondait aux travaux réalisés en 2016, où aucune baisse de productivité n’avait été relevée de sa part et celle de 400 €, allouée en juillet 2017 correspond à la prime la moins élevée de celles de ses collègues. Si elle gérait les paies de l’agence de Poitiers, celles-ci restaient trois fois inférieures à celles de l’agence de Sorigny, que se partageaient ses collègues. Le troisième grief a trait au ton irrespectueux et moqueur qu’elle a adopté, de manière systématique, à l’encontre du directeur de l’agence de Poitiers, qui occupait un poste supérieur au sien, et dont témoignent six courriels. Ayant abusé de sa liberté d’expression, elle ne pouvait plus être maintenue au sein de l’entreprise. De fait,elle a été remplacée par une nouvelle chargée de recrutement, ce qui démontre qu’elle n’a pas été licenciée pour que son poste puisse être affecté au fils de la gérante. Subsidiairement, la société fait valoir que Madame X a retrouvé un emploi ,dès le 13 novembre 2017, et qu’elle ne justifie aucunement des dommages-intérêts sollicités à hauteur de 14’000 €. Enfin, sur le salaire revendiqué du 9 au 12 novembre 2017, la société relève que la lettre de licenciement lui a été présentée pour la première fois, à son domicile, le 9 septembre 2017 en sorte que son préavis, qu’elle n’a pas exécuté, a expiré le 9 novembre et qu’elle ne peut donc prétendre à aucun salaire, au-delà de cette date. Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 3 décembre 2019, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles, relevant appel incident, Mme B X demande à la cour de : • Confirmer le jugement du Conseil de Prud’homme de Tours du 13 juin 2019 sauf en ce qu’il a débouté Madame X de sa demande de rejet de la pièce adverse n°3 et en ce qu’il a limité le montant de l’indemnisation sollicitée au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Statuant de nouveau : • Requalifier le licenciement pour faute simple de madame B X en date du 12 septembre 2017 en licenciement sans cause réelle et sérieuse, Rejeter des débats la pièce adverse n°3,• En conséquence : • Condamner la SARL AVANTAGE INTERIM à payer à madame B X la somme de 17 000€ correspondant aux dommages-intérêts relatifs au licenciement sans cause réelle et sérieuse, • Condamner la SARL AVANTAGE INTERIM à payer à madame B X la somme de 355,75€ correspondant au reliquat dû au titre du rappel de salaire du mois de novembre 2017, outre 35,57€ au titre des congés payés y afférents, • Condamner la SARL AVANTAGE INTERIM à payer à madame B X la somme de 3.000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, Condamner la SARL AVANTAGE INTERIM aux entiers dépens de l’instance.• Elle affirme que l’employeur a détourné des informations informatiques pour contrôler son temps de travail, alors que l’information préalable des salariés doit être effective, selon l’article L. 1222-4 du code du travail et que la déclaration à la CNIL doit être faite, dès lors que ce contrôle est informatisé, et qu’il doit être fiable et infalsifiable, ce qui n’était pas le cas puisque les autres salariés disposaient de son code d’accès. Sur le licenciement, et plus précisément sur les retards allégués, elle affirme que la société n’en justifie pas et, qu’en tout état de cause, l’importance n’en est pas caractérisée. En effet, avant d’allumer son logiciel ,elle devait ouvrir l’agence, débrancher le répondeur et retirer l’alarme. Par ailleurs, elle ne prenait jamais de pause déjeuner et partait très souvent bien après la fin de sa journée de travail. La lettre de licenciement n’évoque pas la désorganisation de l’agence, en sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer à cet égard. En outre, les salariés étaient toujours en binôme, en sorte qu’en cas de retard celui qui était présent pouvait prendre en charge des appels téléphoniques. Elle souligne qu’en cinq ans de présence, elle n’a jamais fait l’objet de la moindre sanction disciplinaire. Sur le prétendu recul de la productivité, elle évoque les primes perçues les 12 avril et 12 juillet 2017, et conteste s’être déchargée de ses tâches sur ses collègues. À cet égard ,elle rappelle ses trois missions, chronophages : – la gestion de la formation des intérimaires, -la mise en ligne et le suivi des annonces, -la réalisation de la paie des intérimaires de l’agence de Poitiers tous les mois, ce qui explique les résultats moins importants que ceux de ses collègues. Sur le prétendu comportement irrespectueux, les mots qui lui sont prêtés ne sauraient constituer un motif valable de licenciement et restent exempts de toute insulte. Elle souligne que la réalité du licenciement s’inscrit plutôt dans la volonté de la société de la remplacer par un membre de la famille de la gérante. Sur les conséquences indemnitaires du licenciement, elle note que ce sont les dispositions du code du travail antérieures à l’ordonnance du 22 septembre 2017 qui s’appliquent, en sorte qu’elle revendique une somme de 17’000 € correspondant à plus de six mois de salaires, dès lors que l’emploi retrouvé ne la rémunère que sur une base inférieure à 2310 € mensuels. L’ordonnance de clôture a été prononcée le 19 octobre 2021. L’affaire a été fixée à l’audience du 16 novembre 2021. MOTIFS DE LA DECISION La notification du jugement est intervenue le 14 juin 2019, en sorte que l’appel principal de la société, régularisé au greffe de cette cour le 3 juillet 2019, dans le délai légal d’un mois, s’avère recevable en la forme, comme l’appel incident de la salariée, sur le fondement des dispositions de l’article 550 du code de procédure civile. Sur la demande tendant à ce que soit écartée des débats la pièce 3 de la société Cette pièce note, pour 40 jours, compris entre le 1er juin et le 4 août 2017, les heures d’ouverture du portail informatique de Madame X, comparées à l’heure d’embauche et la société a noté les écarts avec les heures théoriques d’embauche. Dans ses conclusions (p. 7), l’employeur soutient qu’il n’avait pas à effectuer une déclaration auprès de la CNIL du logiciel de gestion du personnel. Cependant, il est patent, au regard de la pièce litigieuse, qu’un système d’exploitation des données individuelles est associé aux fichiers de relevé de connexion au logiciel de gestion du personnel. L’exploitation des fichiers de données de connexion au logiciel de gestion du personnel, qui permettent d’identifier indirectement une personne physique, constitue un traitement de données à caractère personnel au sens de l’article 2 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique et aux libertés, et était ainsi soumise aux formalités préalables à la mise en oeuvre de tels traitements prévues au chapitre IV de ladite loi. La preuve est donc illicite. L’illicéité d’un moyen de preuve, au regard des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données, n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi (Soc., 25 novembre 2020, pourvoi n° 17-19.523, PBRI). La connexion et la déconnexion au portail informatique de l’entreprise sont effectuées sur le lieu de travail. L’enregistrement et l’exploitation des heures de connexion et de déconnexion n’a porté aucune atteinte à la vie personnelle du salarié. La production de la pièce litigieuse est justifiée par le droit à la preuve, l’employeur étant en droit de contrôler l’activité effective accomplie par le salarié sur le lieu de travail. L’illicéité du moyen de preuve ne porte pas atteinte au droit de la salariée à un procès équitable. Dans ces conditions, la cour confirmera le rejet de la demande tendant à ce que la pièce litigieuse soit écartée des débats. Sur le bien-fondé du licenciement La lettre de licenciement du 8 septembre 2017 comprend les trois motifs exposés dans l’exorde de l’arrêt, que la cour reprendra successivement, avec le commentaire qui s’impose pour chacun. A) Sur le non-respect des horaires de travail La lettre de licenciement énonce à ce titre : « à mon retour de vacances, le 2 août 2017, j’ai constaté qu’une nouvelle fois vous ne respectiez pas vos horaires de travail et arriviez systématiquement avec plusieurs minutes de retard le matin, sans la moindre explication et sans la moindre excuse. Il apparaît en réalité que ces retards sont récurrents et que, pire encore, ces retards injustifiés sont plus importants lorsque je ne suis pas présente à l’agence dès l’ouverture. Je vous rappelle que vous êtes tenue de respecter les horaires de travail établis… » Pour fonder ce grief, la société produit la pièce numéro 3 qui est le relevé des heures de connexion de Madame X au portail informatique de l’entreprise dont il résulte, pendant les mois de juin et juillet 2017, que, de manière régulière, elle se connecte à son ordinateur une dizaine de minutes après l’heure d’embauche prévue. En outre, la société produit un courriel que Madame X a adressé à son employeur le 7 avril 2017 à 8h 05 où elle expose : « bonjour G, c’est un peu compliqué pour moi de venir plus tôt ce matin. Vu que tout est prêt, liste des acomptes et heures de la semaine à cheval compris, et qu’il n’y a pas beaucoup de paies ce mois-ci, si ça ne t’embête pas je viendrai comme d’habitude, mais pas en retard ce matin. ». Il convient de remarquer qu’en cinq ans de présence à son poste, Madame X n’a jamais fait l’objet de la moindre sanction. Il n’apparaît pas qu’elle se soit vue reprocher un retard au cours de la relation de travail. Aucune pièce supplémentaire ne vient démontrer que des appels téléphoniques auraient été passés à son préjudice, ni que l’entreprise a été désorganisée, à la suite de ces quelques minutes de retards matinaux, comme elle l’affirme dans ses conclusions ( page 10). La société ne dénie pas que les salariés étaient en binôme en sorte qu’il existait la possibilité d’une réponse à un appel téléphonique, en tout état de cause. Madame X affirme qu’elle était chargée d’ouvrir l’agence, de débrancher le répondeur et de retirer l’alarme, avant d’allumer son logiciel. Dans la mesure où la société n’a pas fourni un organigramme des salariés qui devaient ouvrir l’agence, débrancher le répondeur et retirer l’alarme tous les jours, elle ne conteste pas ainsi utilement cette affirmation de la salariée qui avait à opérer ces trois mesures avant d’ouvrir son ordinateur et de se connecter au portail. Il ne résulte donc pas de ce que les connexions au portail étaient effectuées plusieurs minutes après l’horaire prévu d’embauche que la salariée était en retard. Par ailleurs, la société n’a pas fourni aux débats les heures de départs de la salariée en fin d’après-midi, ni les heures de début et de fin de ses pauses méridiennes. Il n’est donc pas établi que la salariée n’effectuait pas le nombre d’heures prévues au contrat. Ce grief ne sera donc pas retenu. B) sur la productivité en recul et le travail insuffisant de manière récurrente. La lettre de licenciement énonce : « au cours du mois de juillet 2017, j’ai constaté que votre productivité apparaît en net recul par rapport à celle de vos collègues. Après de plus amples recherches, j’ai constaté que votre travail apparaît insuffisant de manière récurrente sur les différents mois de l’année. Vous ne respectez pas les consignes données, ou montrez peu d’entrain à effectuer certaines tâches, telles que, par exemple , l’établissements du tableau des contrats ou l’établissement des contrats, reportant le travail que vous n’effectuez pas sur vos collègues. Vous vous placez, ainsi, dans une situation d’insubordination, qui désorganise l’agence en faisant supporter à vos collègues de travail votre charge de travail… » Là encore, aucun reproche n’apparaît avoir été adressé à la salariée pour des faits similaires au cours de la relation de travail. Il est produit en pièce 6 un court message adressé le 5 juillet 2017 à une amie pour son anniversaire et la réponse de celle-ci, ce qui ne peut être considéré comme excédant les limites de la tolérance en matière d’utilisation personnelle d’un ordinateur professionnel. D’ailleurs, Madame X suggère à son interlocutrice de lui envoyer « des trucs perso sur sa boîte perso ». La pièce 8 concerne les résultats des chargés de recrutement pour l’exercice 2016 et 2017. La société assure que c’est seulement à la fin de l’année 2016 que les résultats de la salariée se sont révélés moins bons. Pour quatre collègues au total qui participaient aux actions, l’intéressée a assuré 30 % des recrutements en octobre, 30,74 % en novembre, et 20,23 % en décembre en sorte qu’elle a rempli son quota par rapport à ses autres collègues pour cette fin d’année-là. Pour l’exercice 2017, elle a réalisé 40,97 % des recrutements pour le mois de janvier, 27 % pour le mois de février, 21 % pour le mois de mars, 32,74 % pour le mois d’avril, 32,60 % pour le mois de mai, 27 % pour le mois de juin, 8 % pour le mois de juillet. Le taux moyen pour les sept premiers mois de l’année est de 27,92 %. Ces chiffres ne démontrent pas un désintérêt manifesté à sa tâche puisque la salariée a accompli plus du quart du chiffre d’affaires de la société alors qu’elle était assistée de trois chargées de recrutement, elle-même étant responsable du recrutement, ce qui impose d’autres tâches administratives que ses collègues. En pièce 5, Madame C D, chargée de recrutement, collègue de Madame X a rédigé une attestation dans laquelle elle précise : « depuis mai 2016 j’occupe le poste de chargée de recrutement au sein de la société Avantage Intérim. Alors que Madame B X occupait le poste de responsable recrutement, j’ai constaté à plusieurs reprises des différences dans les tâches effectuées : -elle ne respectait pas le planning de la gestion des lignes téléphoniques et nous laissait régulièrement répondre à sa place. -Je travaillais avec ma collègue Madame E F, ou seule, lors de ses absences sur les commandes urgentes. D’initiative, j’ai fait remonter les informations à deux reprises lors d’entretien individuel à mon employeur Madame G F. ». Cette attestation s’avère insuffisante à caractériser le grief retenu par la société, dans la mesure où cette attestante ne précise pas à quelle époque Madame X n’aurait pas respecté le planning de la gestion des lignes téléphoniques et laissé ses collègues répondre régulièrement à sa place, et n’apporte pas, non plus, de précisions complémentaires pour les différences dans les tâches effectuées. La responsable du recrutement qui étant la supérieure hiérarchique d’une chargée de recrutement, il n’est pas anormal qu’elle se décharge de temps en temps de la gestion des lignes des lignes téléphoniques sur ses collègues. Au total, ce deuxième grief ne pourra pas non plus être retenu, car il est insuffisamment caractérisé. C) Sur le comportement irrespectueux envers M. Z. La lettre de licenciement énonce : « enfin j’ai découvert au mois d’août 2017 que vous aviez adopté un comportement irrespectueux envers le directeur de l’agence de Poitiers dont je vous rappelle qu’il est hiérarchiquement à un niveau supérieur et que vous vous permettez des commentaires désobligeants à l’égard du cogérant de la société. Ainsi vous employez un ton inacceptable et moqueur voire agressif envers lui, vous permettant de critiquer son travail ce qui ne vous incombe pas. J’ai pu ainsi relever les exemples suivants, sans exhaustivité : « je ne te remercie pas pour ton aide de ce mois-ci’ tu as brillé par ton absence »’ « je tiens à préciser qu’on n’avait pas le champion du monde de la mise sous pli. Pour ton information le champion du monde de la mise sous pli c’est H. Je l’appelle comme ça parce que c’est ce qu’il préfère dans les payes ». Je vous rappelle que dans un contexte professionnel, il vous appartient de mesurer vos propos, d’adopter un ton courtois, principalement lorsque vous vous adressez à une personne d’un niveau supérieur hiérarchiquement, lequel s’est senti déstabilisé par votre ton et vos propos. Lors de l’entretien, vous n’avez fourni aucune explication sur les faits reprochés. Au regard de ces éléments et du comportement que vous adoptez, qui nuit au bon fonctionnement de l’agence, je me vois contrainte de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute cause réelle et sérieuse … » Le 10 novembre 2016 (pièce 10 du dossier de l’employeur), Madame X a envoyé un courriel au directeur de l’agence de Poitiers ainsi rédigé : « toutefois, ce mois-ci je ne me contenterai pas des chiffres : je souhaite t’exprimer mon mécontentement. En effet, je ne sais pas si c’est parce que je m’étais habituée à la rigueur féminine mais je trouve que ces paies ont été particulièrement stressantes et fastidieuses alors qu’on n’était pas dans un délai trop court contrairement au mois de juillet et septembre’ bien entendu, je ne t’incrimine absolument pas : je suis bien consciente que seul tu ne pouvais pas faire de miracle si je me permets de te faire ce petit bilan, c’est que je sais que tu es suffisamment intelligent pour comprendre que c’est dans un but constructif et surtout pas de critique gratuite. Mais également pour te mettre en garde que cette même précipitation ne sera absolument pas possible s’approchant avec les deux jours fériés, nécessitant une analyse plus poussée. Donc en conclusion si on pouvait avoir un peu plus d’anticipation et un soupçon de rigueur supplémentaire le mois prochain, ce serait top ! Voilà j’espère que tu ne seras pas fâché de ce petit coup de gueule je pense que tu me connais maintenant et que tu as conscience que je ne sais pas faire autrement que de dire ce que je pense. Sans rancune je te souhaite une très bonne journée, je m’attaque maintenant à la mise sous pli’ ça va me calmer ». Ce courriel avait été précédé d’un échanges de mels du 10 juin 2016 avec M. Z dans lesquels Madame X s’adressait de la manière suivante à son interlocuteur « la dame te dit qu’elle n’avait personne, cette fois-ci pour l’aider à la mise sous pli » et écrivait « le champion du monde de la mise sous pli c’est H (je l’appelle comme ça parce que c’est ce qu’il préfère dans les paies) ». Ces termes méprisants désignent M. H F, co-gérant de la société AVANTAGE INTERIM. Le 10 janvier 2017, la salariée a rédigé ainsi un courriel : « J ce serait bien de penser à mettre le V pour virement quand tu ajoutes un RIB sinon c’est comme si tu n’avais rien fait’ » Le 5 janvier 2017, en pièce 12, elle a envoyé le message suivant au même directeur du site de Poitiers : « coucou mes petits cocos il semblerait que vous n’ayez pas pris connaissance du magnifique rétro planning P2 1017 pourtant finalisé depuis un mois et que vous pouvez trouver comme le précédent dans le dossier Poitiers paies’. Le 9 février 2017, elle a écrit : « J, il est midi largement passé et j’attends toujours la saisie correcte des heures d’K L, la réponse de paie Renaud, la modification pour le panier Philippe , la réponse pour la facture Axsomme.» En pièce 15, il est produit le message suivant du 8 mars 2017 : « bonjour J grâce à la disponibilité et à l’efficacité de tes ‘sbires’ nous avons pu faire la verif ce matin conformément à ce qui était prévu… ». En pièce 16, le 9 mars 2017, la salariée écrit : « bonjour J je ne te remercie pas pour ton aide ce mois-ci, tu as brillé par ton absence mais pas rancunière je t’envoie quand même les chiffres’ ». Monsieur J Z, né en 1978, responsable de l’agence de Poitiers atteste : « nos relations professionnelles avec Madame B X étaient principalement lors de l’établissement des paies en début de mois. Elle exprimait peu de respect pour ma fonction, notre agence, notre équipe. Par exemple le mail du 9 mars 2017 : « je ne te remercie pas pour ton aide ce mois-ci, tu as brillé par ton absence mais pas rancunière’ ». Je n’ai pas apprécié cette remontrance, j’ai ressenti un manque de respect pour moi ma fonction je me suis senti blessé par le manque d’estime envers mon engagement dans l’entreprise. Elle ne comprenait pas mes missions. Elle travaillait en collaboration avec notre chargé de recrutement et pour toute demande spécifique, j’étais joignable par téléphone. Pour exemple le mail du 8 mars 2017 : « bonjour J grâce à la disponibilité et à l’efficacité de tes sbires nous avons pu faire la verif ce matin conformément à ce qui était prévu. » Lors de cette semaine, j’étais en colère contre elle, le manque de respect pour moi et mes collaborateurs est flagrant, je n’ai pas supporté que mon équipe soit traitée de la sorte qu’elle soit insultée. Madame X est venue avec Monsieur H F le 16 mars 2017 pour faire le point sur l’organisation des paies’ je lui ai clairement indiqué qu’elle n’avait pas à utiliser ce mot pour qualifier ses collègues ce qui était très réducteur et rabaissant. En résumé Madame X était une collaboratrice avec peu d’empathie pour moi mon équipe et l’agence que je dirige. ». Il ressort de l’ensemble des courriels ci-dessus que Madame X s’est adressée à Monsieur Z pour lui faire des reproches en des termes inappropriés, et ce d’autant plus que celui-ci était responsable d’agence et qu’elle ne disposait d’aucune autorité hiérarchique sur lui. Les termes tenus à l’égard de M. H F – «champion du monde de la mise sous pli» – sont également irrespectueux. Ils traduisent un manque de considération à l’égard d’un autre salarié et de son équipe, dont les membres sont qualifiés de «sbires», terme péjoratif qui désigne un homme de main au service d’un particulier ou d’un pouvoir oppressif, qui exerce des violences ou accomplit de basses besognes. Cette réitération de propos désobligeants et condescendants dans plusieurs courriels émis sur une période brève, notamment dans un message de rappel à l’ordre commençant par « coucou mes petits cocos », traduit un comportement général de dénigrement du travail d’autres salariés qu’il convient de considérer comme fautif. Les termes employés, notamment celui de «sbire», excèdent la liberté d’expression reconnue à tout salarié. Ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement. Sur les demandes pécuniaires de la salariée Le licenciement étant causé, il y a lieu, par voie d’infirmation du jugement, de débouter Madame X de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article L. 1235-3 du code du travail. La salariée sollicite un rappel de salaire au titre de la période du 9 au 12 novembre 2017, en faisant valoir que la lettre de licenciement ne lui a été présentée que le 12 septembre 2017. Pour fonder cette démarche, elle invoque sa pièce 6, mais celle-ci a trait seulement à l’annexe au solde de tout compte et ne permet donc pas de justifier que la salariée n’ait reçu la lettre de licenciement que le 12 novembre 2017. De son côté, en pièce 22, la société fournit au débat l’historique de ses lettres recommandées émanant de La Poste, d’où il ressort que l’employé des postes a bien présenté pour la deuxième fois le 9 septembre 2017 à 14h34 le pli en question. Il y a donc lieu de considérer que la date de présentation de la lettre de licenciement est le 9 septembre 2017 et que la salariée a été remplie de ses droits. Il y a lieu de la débouter de sa demande en paiement d’une somme de 355,75 € à titre de rappel de salaire entre le 9 et le 12 novembre 2017 et de la somme de 35,57 € au titre des congés payés afférents. Le jugement est infirmé de ce chef. Sur les dépens et les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile Il y a lieu d’infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles. Il y a lieu de condamner Madame X, partie perdante, aux dépens de première instance et d’appel. L’équité ne recommande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe : Infirme le jugement rendu le 13 juin 2019 par le conseil de prud’hommes de Tours, en sa section des activités diverses, sauf en ce qu’il a débouté Mme X de sa demande de rejet de la pièce 3 de l’employeur ; Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant : Déboute Mme X de l’intégralité de ses prétentions ; Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ; Condamne Mme X aux dépens de première instance et d’appel. Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier |
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