Les activités de groupage et de colisage de presse peuvent être soumises à la convention collective des entreprises de logistique de communication écrite directe du 19 novembre 1991 et non à la Convention collective du portage de presse du 26 juin 2007.
En matière de presse, l’application de la convention collective aux entreprises dépositaires de presse a fait pendant de nombreuses années mais plusieurs décisions judiciaires définitives tranchant dans le sens de cette application sont intervenues dès 2008. L’exclusion de l’application de la convention collective des entreprises de logistique de communication écrite directe n’est toutefois pas systématique.
Condamnation d’un distributeur de presse
Un distributeur de presse a ainsi été condamné pour n’avoir pas, volontairement, fait bénéficier une salariée des avantages conventionnels auxquels elle avait droit, notamment quant à la formation, au régime de prévoyance de la branche, à la majoration revalorisée des heures supplémentaires, aux congés spéciaux conventionnels et jours de fractionnement tels que prévus par la convention collective aux entreprises dépositaires de presse.
Il s’agit bien d’un préjudice distinct de celui réparé par les rappels de salaires et de primes, justifiant d’allouer à la salariée la somme de 1500 € à titre de dommages-intérêts.
Convention collective à appliquer
Les conventions collectives et accords collectifs applicables dans l’entreprise et auxquels l’employeur est tenu sont ceux que l’employeur a signés, ou auxquels il a adhéré, ou qui ont été étendus ou élargis par arrêté ministériel pour tous les employeurs entrant dans leur champ d’application professionnel et territorial, ou enfin ceux que l’employeur a décidé d’appliquer volontairement sans qu’il y soit obligatoirement soumis, à la condition qu’ils soient favorables au salarié.
Aux termes de l’article L2261-2 du code du travail, la convention collective applicable est celle dont relève l’activité principale exercée par l’employeur.
En cas de pluralité d’activités rendant incertaine l’application de ce critère pour le rattachement d’une entreprise à un champ conventionnel, les conventions collectives et les accords professionnels peuvent, par des clauses réciproques et de nature identique, prévoir les conditions dans lesquelles l’entreprise détermine les conventions et accords qui lui sont applicables.
Impact du Code APE
Le code APE de l’entreprise et les éventuelles mentions sur les bulletins de paie des salariés n’ont qu’une valeur indicative et ne font preuve à elles seules de la convention collective applicable.
Le code APE de l’employeur était jusqu’en juin 2008 le 74.8G ce qui correspond au ‘routage’, et est devenu le 4618Z, ce qui correspond aux ‘intermédiaires spécialisés dans le commerce d’autres produits spécifiques’. La salariée a démontré que ce changement de code APE a été dicté par la direction de l’éditeur, la SAPESO, aux dépositaires de presse, afin selon ses propres termes de ‘ne pas tomber sous l’emprise’ de la convention collective des entreprises de logistique de communication écrite directe.
Convention collective des entreprises de logistique de communication écrite directe
La salariée a revendiqué à son profit l’application de la convention collective des entreprises de logistique de communication écrite directe du 19 novembre 1991, laquelle prévoit en son article 1er qu’elle est applicable aux entreprises qui exercent l’une des prestations de services suivantes : gestion informatisée de fichiers et ou édition des documents adressés ; conditionnement des documents de gestion, envoi de journaux et périodiques aux abonnés, messages publicitaires adressés ou non adressés, groupage, routage de catalogues ; façonnage des documents fournis ; colisage et expédition.
La salariée justifiait par les éléments produits et notamment la convention de dépôt conclue entre l’éditeur de presse le dépositaire, le contrat de diffusion conclu entre le dépositaire le point de vente, ainsi que le contrat de commission conclu entre les VPC (vendeur colporteurs de presse indépendants) et le dépositaire, que son employeur n’exerçait pas une activité commerciale puisqu’il n’achetait ni ne vendait aucun journal, mais fonctionnait sous le régime civiliste du mandat d’intérêt commun issu de la loi Bichet du 2 avril 1947 comme la majorité des dépositaires du réseau de distribution de la presse régionale, l’éditeur confiant ses journaux en dépôt aux dépositaires de presse qui les confient à leur tour à des sous-dépositaires jusqu’au consommateur final, sans être assujettis à la TVA et en se rémunérant de leur activité logistique par commissions.
La convention de dépôt signée entre la SAPESO et l’employeur mentionnait que « le dépositaire concourait à la bonne diffusion des journaux (…) en répartissant et en proposant à la vente les journaux chaque jour de parution et que «le dépositaire déclare avoir à sa disposition un entrepôt situé […] destiné à recevoir et trier les exemplaires du journal, compter et regrouper les exemples invendus et, en général, à toutes opérations de manutention et de diffusion des titres qui lui sont confiés ».
Il s’agissait donc d’une activité de réception, de répartition, de triage, de comptage et de groupage des journaux ainsi que de leur manutention et leur diffusion ce qui correspond à une activité de logistique pouvant être définie au sens commun comme une activité ayant pour objet de gérer des flux de marchandises et les données s’y rapportant dans le but de mettre à disposition les ressources correspondant aux besoins.
Il ressortait de cette convention de dépôt ainsi que des différents contrats types signés entre l’éditeur et les dépositaires ainsi que leurs annexes que la politique commerciale et le choix des agents de vente relevaient de l’éditeur de presse et non du dépositaire dont le rôle est cantonné à celui de l’activité logistique.
Le listing des clients était établi par le service clientèle portage de l’éditeur SAPESO, qui reçoit et centralise les demandes d’abonnement, et les documents contractuels relatifs aux VPC – lesquels sont recrutés par voie de petites annonces – sont établis de manière uniformisée au niveau de l’éditeur.
De même, l’employeur avait une activité de transport consistant à livrer les journaux aux différents points de vente après les avoir groupés par tournées ce qui correspond à une activité de logistique visée sous le vocable de ‘routage’ par la convention collective en litige.
Enfin, les salariés de l’employeur avaient notamment pour tâches de regrouper les journaux invendus de la veille laissés par les VPC et les transporteurs, de les compter, les reconditionner et les réexpédier vers l’éditeur le lendemain, comme le prévoit d’ailleurs la convention de dépôt. Il s’agit bien d’une activité de groupage et de colisage.
La convention collective du portage de presse, n’ayant pas fait l’objet d’un arrêté d’extension à la date des relations contractuelles, ne peut en tout état de cause trouver application en l’espèce puisque l’article 1er de cette convention collective ne vise que ‘les entreprises ayant principalement une activité de diffusion, par portage à domicile, de publications quotidiennes et périodiques d’information politique et générale payante’. Or, il n’était pas démontré que l’employeur exerçait une activité de portage à domicile puisqu’il livrait les journaux à des diffuseurs et non au domicile de personnes physiques ou morales.
En tout état de cause la diffusion finale était assurée, après les différentes activités de logistique, par les VPC qui ne sont pas des salariés de l’entreprise mais des travailleurs indépendants. Télécharger la décision