[well type= » »][icon type= »fa fa-cube » color= »#dd3333″] Réflexe juridique
Il n’est pas besoin d’avoir signé un contrat pour pouvoir se prévaloir d’une rupture abusive de relation commerciale, la simple rupture d’une collaboration même non formalisée, peut donner prise à rupture abusive. Par ailleurs, le « clonage » d’un partenariat pour le mettre en place avec un autre prestataire (moins cher) peut également être sanctionné par le parasitisme. [/well]
Contrat de partenariat de presse / beauté
Une société à l’origine de l’idée de commercialiser un lot de produits cosmétiques inclus dans un accessoire (trousse de toilette, petit sac …) en partenariat depuis plusieurs années avec le groupe Mondadori, a obtenu la condamnation de ce dernier pour parasitisme (50 000 euros) et rupture abusive de relation commerciale (400 000 euros).
La société organisait depuis 1998 des opérations promotionnelles consistant à proposer aux lectrices de magazines d’acheter des trousses de beauté, contenant une douzaine de produits de beauté, pour un prix très inférieur (80% en moyenne) à celui qu’elles auraient dû payer pour acheter les mêmes produits en magasin. Plusieurs accords ponctuels ont été conclus avec le groupe Mondadori de 1999 à 2011 puis, les relations ont continué entre les parties, sans aucun contrat écrit, sur la base de simples courriels.
Les magazines à la société Mondadori présentaient sur une double page une douzaine de marques de cosmétiques accompagnées d’une trousse ou d’un sac. Les lectrices achetaient la trousse fournies par la partenaire, qui reversait une commission au groupe Mondadori. L’éditeur de presse avait mis au partenariat aux motifs que « vu les faibles résultats, nous préférons ne pas en faire en fin d’année ».
Reprise fautive des éléments substantiels du partenariat
Par la suite, le partenaire a découvert que la société Mondadori avait mis en place un partenariat identique avec un autre prestataire commercialisant une « trousse beauty ». Le groupe de presse a été condamné pour parasitisme. Le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’une entreprise en profitant indûment sans bourse délier de la notoriété acquise ou des investissements consentis.
La victime doit donc démontrer, en premier lieu l’existence d’un travail ou d’un savoir-faire original et en second lieu, le placement du parasite dans son sillage de façon à tirer indûment profit de ses efforts et de son savoir-faire. Il n’est pas en revanche exigé une situation de concurrence directe entre l’auteur et la victime.
A la différence de la concurrence déloyale, qui ne peut résulter d’un faisceau de présomptions, le parasitisme résulte d’un ensemble d’éléments appréhendés dans leur globalité. Le grief de parasitisme ne sanctionne pas l’exploitation de l’objet mais les circonstances de cette exploitation, manifestant la volonté de se placer dans le sillage d’un concurrent pour profiter de sa notoriété, dès lors qu’elles révèlent un comportement contraire à la pratique loyale des affaires.
Originalité du concept de trousse beauté
En l’espèce, la fondatrice de la société a imaginé et développé un modèle économique basé sur la vente de trousses de beauté contenant une douzaine de produits cosmétiques en dose vente, lesdits produits étant donnés par les fabricants en contrepartie d’une annonce de leurs produits sur une double page dans un magazine.
Il n’était pas démontré qu’à cette époque, une autre société ait proposé des trousses contenant des produits en format vente et ait envisagé ce modèle. La société partenaire était la première à concevoir ce concept original, consistant à publier une offre dans les magazines, les sociétés gérant ceux-ci intervenant en qualité de commissionnaires. Le savoir-faire de la société se manifestait en amont par la prospection des marques intéressées, ce qui nécessitait de nombreux échanges avec celles-ci, puis par l’élaboration d’une maquette à paraître dans les magazines concernés, l’élaboration d’un panel de marques, le choix des dates de parution.
Condamnation pour parasitisme
Il a été jugé que la société Mondadori s’était immiscée dans le sillage de son partenaire en continuant d’annoncer ses propres offres « Trousse beauté » tout en reprenant exactement l’identité visuelle des offres du partenaire. La présentation de la « Trousse beauté » était quasiment identique aux maquettes conçues par le partenaire.
En reprenant les maquettes, le travail effectué auprès des sociétés de cosmétiques et plus généralement le concept mis au point par le partenaire, la société Mondadori a économisé un travail de démarchage, de mise en page, de constitution de bases de données, de réflexion sur le calendrier de publication. Cette reprise servile du travail et des investissements caractérisaient des agissements parasitaires de la société Mondadori. Si le principe est celui de la liberté du commerce, et si l’on peut changer de partenaires économiques et reprendre en interne un service externalisé, ce ne doit pas être au prix d’une appropriation du travail et des idées d’autrui.
Rupture brutale des relations commerciales
Si aux termes de l’article L 442-6-I-5° du code de commerce, « engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels », la société qui se prétend victime de cette rupture doit établir au préalable le caractère suffisamment prolongé, régulier, significatif et stable du courant d’affaires ayant existé entre elle et l’auteur de la rupture, qui pouvait lui laisser augurer que cette relation avait vocation à perdurer.
Le partenariat s’est étendu sur près de 15 années. Aucun écrit n’a été communiqué au partenaire lui signifiant l’arrêt des relations. La rupture était donc bien imputable à la société Mondadori, sans que celle-ci puisse prétendre que l’arrêt des relations incombe au défaut d’offres de son partenaire. La société Mondadori n’a pu s’exonérer en prétendant que les prestations auraient perdu en qualité, ce grief n’ayant jamais fait l’objet de remarques formelles au partenaire et cette allégation vague ne pouvant, en tout état de cause, caractériser une faute d’une gravité suffisante de nature à dispenser du respect d’un préavis.
Délai de préavis à respecter
Le délai de préavis doit s’entendre du temps nécessaire à l’entreprise délaissée pour se réorganiser, c’est-à-dire pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une autre solution de remplacement. Les principaux critères à prendre en compte sont la dépendance économique, l’ancienneté des relations, le volume d’affaires et la progression du chiffre d’affaires, les investissements effectués, les relations d’exclusivité et la spécificité des produits et services en cause. Le délai de préavis suffisant s’apprécie au moment de la notification de la rupture. Les relations ayant perduré pendant quinze ans et le volume d’affaires réalisé avec Mondadori dépassant les 50 %, les juges ont fixé la durée du préavis raisonnable qui aurait dû être respecté, à 12 mois.
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