Critère de la rémunération du pigiste
Le fait qu’un pigiste tire l’essentiel de ses revenus de sa collaboration avec un magazine / titre de presse devrait alerter l’employeur sur le risque de requalification en CDI. Ce critère associé à celui du lien de subordination emporte un risque important de requalification.
En l’occurrence, une rédactrice de mode a amorcé une collaboration en 2009 avec la société Mondadori spécialisée dans le secteur de la presse magazine. Cette collaboration régulière au magazine BIBA a conduit l’employeur à lui confier la réalisation de pages de mode moyennant le paiement de factures émises par la rédactrice (enregistrée comme autoentrepreneur). La direction du magazine ayant cessé de fournir du travail à la rédactrice, celle-ci a poursuivi l’éditeur et a obtenu la requalification de sa collaboration en CDI.
Détention de la carte de presse
L’absence de détention de la carte de presse ne fait nullement obstacle à la reconnaissance de la qualité de journaliste professionnel dont les conditions, définies à l’article L 7111-3 du code du travail, ne font aucune référence à cette carte.
Statut de journaliste professionnel
Aux termes de l’article L 7111-3 du code du travail, est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse, et qui en tire le principal de ses ressources.
Il ressortait du récapitulatif des factures émises que la rédactrice mode a travaillé tous les mois sur quatre ans pour le titre de presse (rémunération variable mais régulière pour un travail de journaliste) et en tirait le principal de ses ressources, environ 1000 euros/mois au regard de ses déclarations de revenus.
Prestations de journaliste
La qualité d’autoentrepreneur ne fait pas obstacle à la reconnaissance du statut de salarié et peu importe le mode de rémunération du pigiste.
L’activité de styliste/rédactrice de mode est une activité d’information du public par le choix des vêtements et la prise des tendances de la mode, en sélectionnant un choix de produits, parmi les annonceurs donnés par la rédactrice en chef du magazine. La pigiste a apporté son savoir- faire pour mettre en valeur les vêtements au niveau visuel, tant en images qu’en commentaires, elle apportait donc bien une collaboration intellectuelle de nature journalistique à la réalisation du magazine.
Présomption légale applicable
Aux termes de l’article L 7112-1 du code du travail, « toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail ; cette présomption subsiste quelque soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties». Il appartenait à l’éditeur de renverser la présomption de salariat, spéciale à la profession de journaliste.
Critères du contrat de travail
Dans le contrat de travail, la relation de subordination, élément essentiel à prendre en compte, est caractérisée par le travail au sein d’un service organisé, selon des horaires imposés, sous l’autorité de l’employeur, qui donne des ordres et des directives, dont il contrôle l’exécution et sanctionne les manquements.
En l’occurrence, la pigiste devait répondre rapidement aux demandes de la rédaction du magazine dans un délai contraint et sous certaines conditions et/ou ordres. Elle se trouvait intégrée dans le service mode de la rédaction du magazine, en collaboration avec des salariés de la société et d’autres collaborateurs extérieurs, sans réelle autonomie. La « salariée » n’était donc par libre de ses horaires, ni autonome dans son activité. De surcroît, elle travaillait régulièrement dans les locaux de la société, grâce à un badge, avec les moyens de la société (mise à disposition de matériel, travail avec une photographe, salariée de la société, ou d’autres personnels). La circonstance selon laquelle elle ne disposait ni d’un bureau propre, ni d’une adresse mail au sein de la société a été jugée peu importante, dans la mesure où en réalité, la salariée travaillait bien régulièrement dans un bureau partagé avec des salariés de la société et qu’elle effectuait un travail similaire à celui d’autres salariés.
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