Perte de nationalité française par désuétude : conditions et conséquences.

·

·

Perte de nationalité française par désuétude : conditions et conséquences.

Règle de droit applicable

L’article 30-3 du code civil stipule que lorsqu’un individu a résidé habituellement à l’étranger, où ses ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d’un demi-siècle, cet individu ne peut plus prouver qu’il a, par filiation, la nationalité française, à moins qu’il n’ait eu la possession d’état de Français.

Charge de la preuve

Conformément à l’article 30 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français, sauf s’il est déjà titulaire d’un certificat de nationalité.

Perte de la nationalité française

L’article 23-6 du code civil prévoit que le tribunal doit constater la perte de la nationalité française lorsque les conditions de l’article 30-3 sont réunies. La présomption irréfragable de perte de la nationalité française par désuétude s’applique lorsque les conditions de résidence et de possession d’état ne sont pas remplies.

Éléments de possession d’état

L’article 47 du code civil précise que tout acte de l’état civil fait foi, sauf preuve du contraire. Les éléments de possession d’état doivent être établis antérieurement à la date de perte de la nationalité, soit le 4 juillet 2012 dans le cas présent.

Jurisprudence pertinente

La jurisprudence de la Cour de cassation, notamment l’arrêt du 17 mai 2023, indique que la condition de fixation à l’étranger durant la période de 50 ans s’applique à tous les ascendants dont le demandeur tiendrait la nationalité française par filiation.

Application des dispositions légales

Le tribunal a jugé que M. [S] [Z] est réputé avoir perdu la nationalité française le 4 juillet 2012, car ni lui ni sa mère n’ont pu établir d’éléments de possession d’état de Français avant cette date, conformément aux dispositions des articles 30-3 et 23-6 du code civil.

L’Essentiel : L’article 30-3 du code civil stipule qu’un individu ayant résidé à l’étranger, où ses ascendants ont demeuré pendant plus de cinquante ans, ne peut prouver sa nationalité française par filiation, sauf possession d’état de Français. La charge de la preuve incombe à celui qui revendique cette nationalité, sauf certificat de nationalité. Le tribunal a constaté la perte de la nationalité française de M. [S] [Z] le 4 juillet 2012, car aucun élément de possession d’état n’a été établi avant cette date.
Résumé de l’affaire : Le tribunal judiciaire de Paris a rendu un jugement le 24 janvier 2024, déboutant un demandeur de sa requête visant à obtenir un certificat de nationalité française. Ce dernier, se présentant comme un individu né en Algérie, soutenait être français par filiation maternelle, affirmant que sa mère, de nationalité française, avait conservé cette nationalité à l’indépendance de l’Algérie. Malgré ses arguments, le tribunal a jugé que le demandeur n’avait pas apporté la preuve suffisante de sa nationalité française.

Le demandeur a ensuite interjeté appel le 7 février 2024, demandant à la cour d’infirmer la décision initiale. Le ministère public a, quant à lui, soutenu la régularité de la procédure et a demandé la confirmation du jugement de première instance. Le tribunal a examiné les éléments de preuve fournis par le demandeur, notamment des documents d’état civil de sa mère, mais a conclu que ceux-ci ne suffisaient pas à établir la possession d’état de Français.

Selon l’article 30-3 du code civil, un individu résidant à l’étranger dont les ascendants ont perdu la nationalité française par désuétude ne peut revendiquer cette nationalité. Le tribunal a constaté que le demandeur et sa mère n’avaient pas eu de résidence habituelle en France durant la période requise de cinquante ans, ce qui a conduit à la présomption de perte de la nationalité française. En conséquence, le tribunal a confirmé que le demandeur était réputé avoir perdu sa nationalité française le 4 juillet 2012.

Finalement, le jugement a été confirmé dans son intégralité, et le demandeur a été condamné aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement de la décision du tribunal judiciaire de Paris concernant la demande de certificat de nationalité française ?

Le tribunal judiciaire de Paris a fondé sa décision sur l’article 1043 du code de procédure civile, qui stipule que la procédure est régulière lorsque les formalités requises ont été respectées.

Il a également pris en compte l’article 30 du code civil, qui impose à celui qui revendique la nationalité française de prouver sa qualité de Français, en l’absence d’un certificat de nationalité.

M. [S] [U] [Z] n’étant pas titulaire d’un certificat de nationalité, il lui incombait de prouver la nationalité française de sa mère, ainsi que son lien de filiation.

Quel est le rôle de l’article 30-3 du code civil dans cette affaire ?

L’article 30-3 du code civil stipule que lorsqu’un individu a résidé habituellement à l’étranger, où ses ascendants ont demeuré pendant plus de cinquante ans, il ne peut plus prouver sa nationalité française par filiation.

Cette disposition a été appliquée par le tribunal pour conclure que M. [S] [Z] avait perdu la nationalité française le 4 juillet 2012, date à laquelle les conditions de désuétude étaient réunies.

Il est précisé que la possession d’état de Français doit être établie durant cette période de cinquante ans pour écarter la présomption de perte de nationalité.

Quel est l’impact de l’article 47 du code civil sur la preuve de la nationalité ?

L’article 47 du code civil établit que tout acte de l’état civil des Français et des étrangers, fait à l’étranger et rédigé selon les formes usitées, fait foi, sauf preuve du contraire.

Dans cette affaire, M. [S] [Z] devait fournir des actes d’état civil fiables pour prouver la nationalité française de sa mère et son lien de filiation.

Cependant, le tribunal a constaté qu’aucun élément de possession d’état de Français n’était établi avant le 4 juillet 2012, ce qui a conduit à la confirmation de la perte de nationalité.

Quel est le rôle du ministère public dans cette procédure ?

Le ministère public, en tant que partie défenderesse, a demandé à la cour de confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris et de déclarer la procédure régulière selon l’article 1040 du code de procédure civile.

Il a également précisé que le tribunal devait examiner si les conditions d’application de l’article 30-3 du code civil étaient réunies, sans formuler de demandes reconventionnelles.

Cette position a permis de clarifier les enjeux juridiques liés à la nationalité française revendiquée par M. [S] [Z].

Quel est le résultat final de la décision de la cour ?

La cour a confirmé le jugement du tribunal judiciaire de Paris, déclarant que la formalité prévue à l’article 1040 du code de procédure civile avait été accomplie et que la procédure était régulière.

Elle a également ordonné la mention prévue à l’article 28 du code civil et condamné M. [S] [U] [Z] au paiement des dépens.

Ainsi, M. [S] [Z] n’est pas admis à prouver sa nationalité française par filiation, et le jugement a été maintenu dans toutes ses dispositions.

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 3 – Chambre 5

ARRET DU 08 AVRIL 2025

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 24/03176 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CI5T2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 janvier 2024 rendu par le tribunal judiciaire de Paris – RG n° 23/01036

APPELANT

Monsieur [S] [U] [Z] né le 25 février 1977 à [Localité 6] (Algérie),

[Adresse 4]

[Adresse 5] ALGÉRIE

représenté par Me Pierre LEBRIQUIR de la SELEURL LEBRIQUIR AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C2522

INTIME

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MADAME LE PROCUREUR GÉNÉRAL – SERVICE NATIONALITÉ

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Mme Laure de CHOISEUL PRASLIN, avocat général, magistrat honoraire

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 décembre 2024, en audience publique, l’ avocat de l’appelant et le ministère public ne s’y étant pas opposés, devant Mme Anne DUPUY, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Anne DUPUY, présidente de la chambre

Mme Dominique SALVARY, première présidente de chambre

Mme Marie LAMBLING, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Anne DUPUY, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 24 janvier 2024 par le tribunal judiciaire de Paris qui a dit la procédure régulière au regard des dispositions de l’article 1043 du code de procédure civile, débouté M. [S] [U] [Z], né le 25 février 1977 à [Localité 6] (Algérie), de sa demande tendant à se voir délivrer un certificat de nationalité française et condamné M. [S] [U] [Z] aux dépens ;

Vu la déclaration d’appel en date du 7 février 2024, enregistrée le 20 février 2024, de M. [S] [Z] ;

Vu les conclusions notifiées le 20 mars 2024 par M. [S] [Z] qui demande à la cour d’infirmer la décision entreprise et délivrer à Monsieur [S] [Z] un certificat de nationalité française ;

Vu les conclusions notifiées le 3 juin 2024 par le ministère public qui demande à la cour de dire que la procédure est régulière au regard de l’article 1040 du code de procédure civile, confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 24 janvier 2024 et condamner Monsieur [S] [U] [Z] aux entiers dépens ;

Vu l’ordonnance de clôture du 8 octobre 2024 ;

MOTIFS

Il est justifié de l’accomplissement de la formalité prévue par l’article 1040 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par la production du récépissé délivré le 5 avril 2024 par le ministère de la Justice.

Invoquant l’article 18 du code civil, M. [S] [U] [Z], se disant né le 25 février 1977 à [Localité 6] (Algérie), soutient être français par filiation maternelle. Il fait valoir que sa mère, Mme [P] [D] est française en application de l’article 24-1 du code de la nationalité, comme enfant légitime née en France d’une mère qui y est elle-même née et que, de statut civil de droit commun, elle a conservé de plein droit la nationalité française à l’indépendance.

Conformément à l’article 30 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de français lorsqu’il n’est pas déjà titulaire d’un certificat de nationalité délivré à son nom en vertu des articles 31 et suivants du code civil.

M. [S] [Z] n’est pas titulaire d’un certificat de nationalité dont la délivrance lui a été successivement refusée les 7 septembre 2017 et 4 novembre 2022 par le directeur des services de greffe judicaires du tribunal judiciaire de Paris. Il lui appartient donc d’apporter la preuve de la nationalité française de sa mère au jour de sa naissance, d’un lien de filiation légalement établi à son égard durant sa minorité et de son identité au moyen d’actes d’état civil fiables et probants au sens de l’article 47 du code civil selon lequel « tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ».

Aux termes de l’avis de la Cour de cassation rendu le 14 février 2024, « le ministère public, lorsqu’il est défendeur à une action déclaratoire de nationalité ayant pour seul objet de faire juger qu’une personne a la nationalité française, ne forme pas des demandes reconventionnelles principale et subsidiaire en concluant à l’extranéité du demandeur et en se prévalant de la perte par désuétude, de la nationalité française revendiquée, mais oppose deux moyens de défense. Il s’en déduit que la cour peut décider d’examiner, à titre liminaire, si les conditions d’application de l’article 30-3 du code civil sont réunies.

Sur l’application de l’article 30-3 du code civil

L’article 30-3 du code civil dispose :

« Lorsqu’un individu réside ou a résidé habituellement à l’étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d’un demi-siècle, cet individu ne sera plus admis à faire la preuve qu’il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n’ont pas eu la possession d’état de Français ».

Le tribunal doit dans ce cas constater la perte de la nationalité française dans les termes de l’article 23-6 du code civil.

La présomption irréfragable de perte de la nationalité française par désuétude édictée par l’article 30-3 du code civil suppose que les conditions prévues par le texte précité soient réunies de manière cumulative.

La résidence habituelle à l’étranger s’entend d’une résidence hors du territoire national.

Il se déduit de la jurisprudence de la Cour de cassation (1ere Civ, 17 mai 2023 21-50.068) que la condition de fixation à l’étranger durant la période de 50 ans prévue par ce texte s’applique à tous les ascendants dont le demandeur tiendrait la nationalité française par filiation et pas seulement à son ascendant direct.

L’Algérie ayant accédé à l’indépendance le 3 juillet 1962, les personnes et leurs ascendants dont ils tiendraient la nationalité française, qui y sont restés depuis plus de 50 ans à compter de cette date, ne sont plus admis à faire la preuve qu’ils ont la nationalité française à compter du 4 juillet 2012, s’ils n’ont pas eu de possession d’état de Français.

Par application des dispositions de l’article 30-3 du code civil, le tribunal judiciaire a jugé que M. [S] [Z] est réputé avoir perdu la nationalité française le 4 juillet 2012.

Soutenant que le point de départ du délai cinquantenaire prévu par l’article 30-3 du code civil s’apprécie au jour de l’action déclaratoire, M. [Z] prétend rapporter la preuve de la possession d’état de Française de sa mère dans les 50 ans ayant précédé la saisine de la juridiction, par requête du 24 novembre 2022, soit entre novembre 1972 et novembre 2022. Il produit en ce sens la carte d’identité de sa mère établie en 2018, son livret de famille français établi en 2019, son acte de naissance transcrit en 2018 avec mention d’un certificat de nationalité française du 13 février 2018, ainsi que son acte de mariage transcrits sur les registres français en 2019 (pièces n° 2 de l’appelant).

Or, s’il s’apprécie au jour de l’introduction de l’action déclaratoire de nationalité, le délai de 50 ans relatif à la résidence en dehors du territoire national, fixé par l’article 30-3 du code civil, court à compter du premier jour d’expatriation ou du premier jour d’indépendance d’une ancienne colonie française. C’est également nécessairement au cours de ce délai de 50 ans, durant la période antérieure à la date d’expiration de ce délai d’un demi-siècle, et bien que le texte ne le précise pas de manière expresse, que l’individu et les ascendants dont il tient sa filiation ont dû jouir de la possession d’état de français pour écarter la désuétude. L’Algérie ayant accédé à l’indépendance le 3 juillet 1962, le délai de 50 ans a commencé à courir, pour les personnes qui ont maintenu leur domicile dans ce territoire, à compter de cette date.

Il n’est pas contesté que M. [S] [Z], qui revendique la nationalité française par filiation maternelle, réside en Algérie depuis sa naissance le 25 février 1967 à [Localité 6], wilaya d'[Localité 3] (Algérie), s’y est marié et où ses enfants sont nés (pièces n°1 de l’appelant). Les voyages en France et les visas (court séjour circulation) dont il se prévaut ne constituant pas des éléments de possession d’état de Français, il ne justifie d’aucun élément de possession d’état de Français.

Il est établi et non contesté que [P] [D], mère revendiquée de M. [S] [Z], née le 29 septembre 1954 à [Localité 3] (Algérie), qui s’est mariée le 29 octobre 1974 à [Localité 6] en Algérie où sont nés ses enfants, et où elle demeure, ne dispose d’aucun élément de possession d’état antérieur au 3 juillet 2012, étant restée fixée à l’étranger, en Algérie, après le 3 juillet 1962 depuis plus de 50 ans.

Le tribunal a, par conséquent, par des motifs pertinents que la cour adopte, jugé que seuls les éléments de possession d’état antérieure au 4 juillet 2012 permettent d’écarter la désuétude ; que M. [Z] a agi après le 4 juillet 2012, lendemain de la date anniversaire des 50 ans de l’indépendance de l’Algérie, alors que ni lui ni sa mère n’ont d’éléments de possession d’état de français avant cette date et que ni lui ni aucun de ses ascendants maternels n’ont eu une résidence habituelle sur le territoire français au cours du délai cinquantenaire fixé par l’article 30-3 du code civil ; qu’en application du dernier alinéa de l’article 26-3 du code civil et des éléments précédemment relevés, il est réputé avoir perdu la nationalité française le 4 juillet 2012.

M. [S] [Z] n’est en conséquence pas admis à faire la preuve qu’il a, par filiation, la nationalité française.

Le jugement est donc confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les mesures accessoires

M. [S] [U] [Z] qui succombe en sa demande est condamné au paiement des dépens.

PAR CES MOTIFS

Dit que la formalité prévue à l’article 1040 du code de procédure civile a été accomplie et que la procédure est régulière,

Confirme le jugement rendu le 24 janvier 2024 par le tribunal judiciaire de Paris,

Ordonne la mention prévue à l’article 28 du code civil,

Y ajoutant

Condamne M. [S] [U] [Z] au paiement des dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?

Merci pour votre retour ! Partagez votre point de vue, une info ou une ressource utile.

Chat Icon