L’Essentiel : La qualité à agir en contrefaçon de droits d’auteur est régie par l’article L 113-1 du Code de la propriété intellectuelle. La société Anakena a été reconnue comme ayant qualité à agir en raison de la présomption de titularité des droits d’auteur, fondée sur des factures attestant de l’exploitation des œuvres photographiques. En revanche, la société Anakena productions n’a pas pu justifier de sa qualité à agir, n’ayant pas démontré qu’elle avait divulgué l’œuvre sous son nom.
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Résumé de l’affaire : L’affaire oppose plusieurs sociétés dans le secteur de la mode et de la photographie. La société Anakena, spécialisée dans la gestion de mannequins, et sa filiale Anakena Productions, qui réalise des supports promotionnels, collaborent depuis 2013 avec la société Top Tex Group, ainsi que ses marques Kariban et Kipro & Co, pour la création de visuels destinés à leurs catalogues et sites internet.
En février 2017, la société Anakena a mis en demeure les sociétés Kariban et Kipro & Co de régler des droits d’exploitation pour des photographies. Après paiement, Anakena a accusé ces sociétés de contrefaçon et de concurrence déloyale, les assignant devant le tribunal de commerce de Toulouse. Ce dernier s’est déclaré incompétent, transférant l’affaire au tribunal judiciaire de Bordeaux. Le jugement du 25 janvier 2022 a rejeté les demandes de contrefaçon de droits d’auteur et de manquements contractuels des sociétés Anakena et Anakena Productions, les déclarant irrecevables pour défaut de qualité à agir. Les sociétés défenderesses ont été condamnées à verser 8 000 euros aux demanderesses au titre des frais de justice. Les sociétés Anakena et Anakena Productions ont interjeté appel, demandant la réformation du jugement. Elles soutiennent que la société Anakena a qualité à agir en contrefaçon, tandis que la société Anakena Productions ne justifie pas de droits sur les œuvres. En réponse, les sociétés Top Tex, Kariban et Kipro & Co ont demandé la confirmation du jugement initial. La cour a finalement confirmé le jugement de première instance, rejetant les demandes des sociétés Anakena et Anakena Productions, et les condamnant à payer 8 000 euros aux sociétés défenderesses pour les frais de justice. |
![]() Il n’y a guère de parti pris arbitraire (et donc d’originalité) à représenter un vêtement de course porté par un mannequin qui court, une tenue de tennis portée par un mannequin qui s’apprête à renvoyer une balle raquette en mains, une tenue de rugby par un mannequin qui s’apprête à botter un ballon de rugby, ou des vêtements de chantier portés par des mannequins en situation sur un chariot élévateur ou encore du matériel de nettoyage par un mannequin qui nettoie sa terrasse etc…
Par ailleurs, il est admis que des photographies prises dans un contexte contraint comme une campagne publicitaire ayant pour but la mise en valeur des produits à commercialiser, qui ne procèdent pas d’une recherche artistique ou technique particulière, se contentant de situer le produit dans le contexte de son utilisation sans toutefois se départir de la présentation du produit à des fins publicitaires, ne reflètent pas la personnalité propre du photographe dès lors qu’il n’est pas démontré, ni allégué, l’existence de partis pris esthétiques ou techniques particuliers, propres à l’auteur et dégagés de toute finalité commerciale. En la cause, l’annonceur définissait préalablement sa demande en vue des séances de shooting, comme le choix de mannequins spécifiques pour certains sports, la délimitation du périmètre d’action du photographe, validant notamment la proposition de mannequins en sueurs, mannequins négligés mais avec des précisions quant à la visibilité du produit etc… ce dont il ressortait que le photographe n’avait lui même aucun pouvoir de décision ou de choix sur ces différents points, n’étant qu’un simple exécutant. Pour être protégeable au titre des droits d’auteur, dès sa création, l’oeuvre doit être originale, c’est à dire empreinte de la personnalité de son auteur comme procédant de choix arbitraires de celui-ci, exempts de toute contrainte techniques, esthétiques ou utilitaires. La preuve de l’originalité incombe à celui qui revendique la protection au titre du droit d’auteur lequel doit établir que l’oeuvre procède de partis pris arbitraires de l’auteur. Sur la qualité à agir en contrefaçon de droits d’auteurLa qualité à agir en contrefaçon de droits d’auteur est régie par l’article L 113-1 du Code de la propriété intellectuelle, qui stipule que la qualité d’auteur appartient, sauf preuve du contraire, à celui ou ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée. En l’absence de revendication de l’auteur, une personne morale qui exploite l’œuvre sous son nom est présumée titulaire des droits d’auteur à l’égard des tiers. Dans le cas présent, la société Anakena a été reconnue comme ayant qualité à agir en raison de la présomption de titularité des droits d’auteur, fondée sur des factures attestant de l’exploitation des œuvres photographiques. En revanche, la société Anakena productions n’a pas pu justifier de sa qualité à agir, n’ayant pas démontré qu’elle avait divulgué l’œuvre sous son nom ou qu’elle avait reçu une cession de droits d’auteur conforme aux exigences de l’article L 131-3 du même code. Sur l’originalité des œuvres photographiquesPour qu’une œuvre soit protégée par le droit d’auteur, elle doit être originale, c’est-à-dire empreinte de la personnalité de son auteur, comme le précise l’article L 112-1 du Code de la propriété intellectuelle. La charge de la preuve de l’originalité incombe à celui qui revendique la protection. Dans cette affaire, le tribunal a rejeté la demande de la société Anakena, considérant qu’elle n’avait pas établi l’originalité des photographies, celles-ci étant jugées comme des représentations standards de vêtements dans un contexte commercial, sans parti pris artistique ou technique particulier. Sur la responsabilité contractuelleLa responsabilité contractuelle est fondée sur l’inexécution d’une obligation contractuelle, conformément aux articles 1231-1 et suivants du Code civil. Dans cette affaire, le tribunal a débouté les sociétés Anakena de leur demande de réparation pour manquements contractuels, en considérant qu’elles n’avaient pas établi que les sociétés défenderesses avaient agi en dehors des termes de leur contrat ou qu’elles avaient commandé des photographies sans respecter les conditions d’utilisation convenues. Sur l’action en concurrence déloyale par parasitismeL’action en concurrence déloyale par parasitisme repose sur l’idée que l’un des concurrents tire profit des efforts et investissements d’un autre sans compensation, ce qui est contraire à la loyauté commerciale. Selon la jurisprudence, pour établir un acte de parasitisme, il faut prouver l’existence d’un préjudice, d’une faute et d’un lien de causalité. Dans cette affaire, le tribunal a jugé que les sociétés Anakena n’avaient pas démontré que les sociétés intimées avaient profité de leurs investissements de manière déloyale, en se plaçant dans leur sillage, et a donc rejeté leur demande. Sur les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civileL’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. Dans cette affaire, les sociétés Anakena et Anakena productions ont été condamnées à verser une somme aux sociétés Top Tex Group, Kariban France et Kipro & Co, en raison de leur statut de parties perdantes dans le litige. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique de l’action en contrefaçon de droits d’auteur ?L’action en contrefaçon de droits d’auteur repose sur les dispositions du Code de la propriété intellectuelle, notamment l’article L 113-1, qui stipule que « la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée ». Cela signifie que la société qui exploite une œuvre sous son nom est présumée titulaire des droits d’auteur, à moins qu’il ne soit prouvé le contraire. Dans cette affaire, la société Anakena a produit des factures attestant de la cession de droits d’auteur, ce qui lui confère une présomption de titularité. Cependant, la société Anakena productions n’a pas pu justifier de sa qualité à agir, car elle n’a pas démontré qu’elle avait été cédée les droits d’exploitation des œuvres. Quel est le critère d’originalité requis pour la protection par le droit d’auteur ?Pour qu’une œuvre soit protégée par le droit d’auteur, elle doit être originale, c’est-à-dire empreinte de la personnalité de son auteur, comme le précise l’article L 112-1 du Code de la propriété intellectuelle. L’originalité implique que l’œuvre résulte de choix arbitraires de l’auteur, exempts de toute contrainte technique, esthétique ou utilitaire. Dans le cas présent, le tribunal a jugé que les photographies en litige ne démontraient pas d’originalité suffisante, car elles ne reflétaient pas la personnalité de l’auteur, mais étaient plutôt des représentations fonctionnelles de vêtements dans un contexte commercial. Quel est le rôle de la qualité à agir dans une action en contrefaçon ?La qualité à agir est essentielle dans une action en contrefaçon, car seule la personne titulaire des droits d’auteur peut intenter une telle action. L’article L 131-1 du Code de la propriété intellectuelle précise que « la cession des droits d’auteur doit être constatée par écrit ». Dans cette affaire, la société Anakena a pu prouver sa qualité à agir en raison de la cession de droits d’auteur, tandis que la société Anakena productions n’a pas pu établir qu’elle avait reçu une telle cession, ce qui a conduit à l’irrecevabilité de son action. Quel est le cadre juridique des manquements contractuels dans cette affaire ?Les manquements contractuels sont régis par le Code civil, notamment par l’article 1231-1 qui stipule que « le débiteur est tenu de réparer le préjudice causé par son inexécution ». Dans cette affaire, le tribunal a rejeté les demandes des sociétés Anakena et Anakena productions au titre des manquements contractuels, en considérant qu’elles n’avaient pas établi que les sociétés du groupe Top Tex étaient responsables des commandes de photographies, ni qu’elles avaient une relation contractuelle directe avec elles. Quel est le fondement de l’action en concurrence déloyale par parasitisme ?L’action en concurrence déloyale par parasitisme repose sur le principe selon lequel il est interdit de tirer profit des efforts et investissements d’un concurrent sans compensation. Le Code civil, en son article 1382, impose que « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Dans cette affaire, le tribunal a jugé que les sociétés du groupe Top Tex n’avaient pas profité des investissements des sociétés Anakena, car elles avaient agi dans le cadre de leurs propres relations commerciales et n’avaient pas utilisé les mêmes mannequins de manière exclusive. Quel est l’impact de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette décision ?L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. Dans cette affaire, le tribunal a condamné les sociétés Anakena et Anakena productions à payer une somme de 8 000 euros aux sociétés Top Tex Group, Kariban et Kipro & Co, en application de cet article, en raison de leur position de partie perdante dans le litige. Cette disposition vise à compenser les frais engagés par la partie gagnante pour la défense de ses droits. |
1ère CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 14 NOVEMBRE 2024
N° RG 22/00910 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-MRXZ
S.A.R.L. ANAKENA
S.A.R.L. ANAKENA PRODUCTIONS
c/
S.A.R.L. TOP TEX GROUP
S.A.R.L. KARIBAN FRANCE
S.A.R.L. KARIBAN FRANCE
Nature de la décision : AU FOND
Copie exécutoire délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 25 janvier 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX (chambre : 1, RG : 18/09753) suivant déclaration d’appel du 21 février 2022
APPELANTES :
S.A.R.L. ANAKENA Immatriculée au RCS de Toulouse sous le n° 443 047 972.Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, sis [Adresse 2]
S.A.R.L. ANAKENA PRODUCTIONS Immatriculée au RCS de Toulouse sous le n°813 888 310.
Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, sis [Adresse 2]
Représentées par Me Brigitte CHEMIN-DUFRANC de la SCP AVOCAGIR, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant, et par Me Mathieu PERRYMOND de l’AARPI PERRYMOND-PELLEQUER, avocat au barreau de TOULON, avocat plaidant
INTIMÉES :
S.A.R.L. TOP TEX GROUP Agissant en la personne de son représentant légal, demeurant en cette qualité audit siége, sis [Adresse 1]
S.A.R.L. KARIBAN FRANCE Agissant en la personne de son représentant légal, demeurant en cette qualité audit siége, sis [Adresse 1]
S.A.R.L. KARIBAN FRANCE venant aux droits de la SAS KIPRO&CO RCS 438 630 139, suite à une dissolution par confusion de patrimoine publié dans un jO :la dépéche du MIdi le 31.08.2018, agissant en la personne de son représentant légal, demeurant en cette qualité audit siége, sis [Adresse 1]
Représentées par Me Frédéric CUIF de la SELARL LX BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant et représentées par Me LELONG substituant Me Laurence DREYFUSS-BECHMANN de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été examinée le 17 septembre 2024 en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Paule POIREL, Présidente
Madame Bénédicte LAMARQUE, Conseiller
Monsieur Emmanuel BREARD, Conseiller
Greffier lors des débats : POUESSEL Mélina, greffier placé
Greffier lors du prononcé : BRUGERE Vincent, greffier
Le rapport oral de l’affaire a été fait à l’audience avant les plaidoiries.
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
La sarl Anakena est une agence de mannequins et la sarl Anakena productions une société oeuvrant dans la réalisation de supports de promotion.
La sarl Top Tex Group est une société de distribution de textile et accessoires pour les professionnels en Europe. Elle distribue différentes marques dont les marques Kariban de la sarlu Kariban et Proact de la sarl Kipro & Co.
Depuis 2013, (celles-ci) la sarl Top Tex Group, la sarlu Kariban et la sarl Kipro&Co collaborent avec la sarl Anakena et la sarl Anakena productions pour la mise à disposition de mannequins et la réalisation de visuels à destination du site internet et des catalogues du groupe Top Tex.
Par courrier recommandé du 1er février 2017, la sarl Anakena a mis en demeure la sarlu Kariban et la sarl Kipro & Co d’avoir à régler des droits pour l’exploitation de clichés photographiques pour l’année 2017.
Les sociétés requises ont procédé au paiement par virement du 28 février 2017.
Par courrier recommandé du 28 février 2017, la sarl Anakena les mettait par ailleurs en demeure de cesser leurs agissements leur reprochant la publication de photographies identiques à celles réalisées par la société Anakena productions.
Reprochant à la sarl Top Tex Group, la sarlu Kariban et la sarl Kipro&Co des actes de concurrence déloyale et de contrefaçon, la sarl Anakena et la sarl Anakena productions les ont assignées, par actes d’huissier du 7 novembre 2017 devant le tribunal de commerce de Toulouse.
Par jugement du 17 septembre 2018, le tribunal de commerce de Toulouse s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Bordeaux.
Par jugement du 25 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
-déclaré irrecevable la demande en nullité de l’assignation comme relevant de la seule compétence du juge de la mise en état,
-rejeté les fins de non recevoir soulevées en défense,
-déclaré irrecevable l’action en contrefaçon de la sa Anakena productions comme dépourvue de qualité à agir.
-rejeté l’action en contrefaçon de droits d’auteur pour défaut de preuve du caractère d’originalité de chaque photographie,
– rejeté l’action en contrefaçon pour responsabilité contractuelle,
-rejeté pour absence de faute l’action en concurrence déloyale ou parasitaire,
des lieux de shooting non identifiés ni sur les moyens de mise en scène de mannequin
– dit que la demande en nullité de l’assignation est irrecevable,
– rejeté les fins de non recevoir soulevées à l’encontre de la sarl Anakena s’agissant de l’action en contrefaçon de droit d’auteur,
– dit que l’action en contrefaçon de droit d’auteur de la sarl Anakena productions est irrecevable,
– rejeté la demande de nullité du procès verbal de constat du 4 mai 2018,
– rejeté les demandes des sarl Anakena et sarl Anakena productions au titre de l’action en contrefaçon de droit d’auteur,
– rejeté les demandes des sarl Anakena et sarl Anakena productions au titre de manquements contractuels,
– rejeté la fin de non recevoir à l’encontre de l’action en concurrence déloyale par parasitisme,
– rejeté les demandes des sarl Anakena et sarl Anakena productions au titre de l’action en concurrence déloyale par parasitisme,
– condamné les sarl Anakena et sarl Anakena productions à payer à la sarl Top Tex Group, la sarlu Kariban et la sarl Kipro & Co la somme de 8000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné les sarl Anakena et sarl Anakena productions aux dépens,
– rejeté la demande d’exécution provisoire.
Les sociétés Anakena et Anakena productions ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 21 février 2022, en ce qu’il a :
– dit que l’action en contrefaçon de droit d’auteur de la sarl Anakena productions est irrecevable,
– rejeté les demandes des sarl Anakena et sarl Anakena productions au titre de l’action en contrefaçon de droit d’auteur,
– rejeté les demandes des sarl Anakena et sarl Anakena productions au titre de manquements contractuels,
– rejeté les demandes des sarl Anakena et sarl Anakena productions au titre de l’action en concurrence déloyale par parasitisme,
– condamné les sarl Anakena et sarl Anakena productions à payer à la sarl Top Tex Group, la sarlu Kariban et la sarl Kipro&Co la somme de 8000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné les sarl Anakena et sarl Anakena productions aux dépens.
Les sociétés Anakena et Anakena productions, par dernières conclusions déposées le 2 août 2024, demandent à la cour de :
Confirmer le jugement rendu le 25.01.2022 en ce qu’il a :
– dit que la demande de nullité de l’assignation est irrecevable,
– rejeté les fins de non-recevoir soulevées à l’encontre de l’action en contrefaçon de droit d’auteur;
– rejeté la demande de nullité du procès-verbal de constat du 04 mai 2018;
– rejeté la fin de non-recevoir à l’encontre de l’action en concurrence déloyale par parasitisme;
Infirmer le jugement rendu le 25.01.2022 en ce qu’il a :
– dit que l’action en contrefaçon de droit d’auteur de la sarl Anakena productions est irrecevable;
– rejeté les demandes des sarl Anakena et Anakena productions au titre de l’action en contrefaçon de droit d’auteur ;
-rejeté les demandes des sarl Anakena et Anakena productions au titre de manquements contractuels ;
– rejeté les demandes des sarl Anakena et Anakena productions au titre de l’action en concurrence déloyale par parasitisme ;
– condamné les sarl Anakena et Anakena productions à payer à la sarl Top Tex Group, la sarlu Kariban et la sarl Kipro&Co, la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné les sarl Anakena et Anakena productions aux dépens.
Statuant à nouveau,
Sur l’action en contrefaçon :
A titre principal :
– juger que les demandes formulées par les sociétés Anakena et Anakena productions au titre des actes constitutifs de contrefaçon sont recevables ;
– juger que la société Anakena a qualité à agir ;
– juger que le procès-verbal de constat d’huissier du 04 mai 2018 est recevable ;
– juger que les sociétés Top Tex Group, Kariban et Kipro & Co ont commis des actes de contrefaçon de droits d’auteur au préjudice des sociétés Anakena et Anakena productions;
En conséquence,
– condamner solidairement les sociétés Top Tex Group, Kariban et Kipro & Co à payer la somme de 963.805,57€ en réparation de leur préjudice matériel financier résultant d’une diffusion B to C, décomposé comme suit :
* 640.013,69 € à la société Anakena
* 323.791,88 €.à la société Anakena productions.
– juger que les dommages et intérêts produiront intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation introductive d’instance en date du 07.11.2017 ;
A titre subsidiaire :
– juger que les sociétés Top Tex Group, Kariban et Kipro & Co ont commis des manquements contractuels au préjudice des sociétés Anakena et Anakena productions ;
En conséquence,
– condamner solidairement les sociétés Top Tex Group, Kariban et Kipro & Co à payer la somme de 963.805,57€ en réparation de leur préjudice matériel financier résultant d’une diffusion B to C, décomposé comme suit :
* 640.013,69 € à la société Anakena,
* 323.791,88 €.à la société Anakena productions,
– juger que les dommages et intérêts produiront intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation introductive d’instance en date du 07.11.2017 ;
Sur l’action en concurrence déloyale par parasitisme :
– juger que les sociétés Top Tex Group, Kariban et Kipro & Co ont commis des actes de concurrence déloyale par parasitisme à l’encontre des sociétés Anakena et Anakena productions ;
En conséquence,
– condamner solidairement les sociétés Top Tex Group, Kariban et Kipro & Co à payer à la société Anakena la somme de 33 116, 36 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier ;
– condamner solidairement les sociétés Top Tex Group, Kariban et Kipro & Co à payer à la société Anakena productions la somme de 21 397, 61 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier ;
– juger que les dommages et intérêts produiront intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation introductive d’instance en date du 07.11.2017 ;
En toutes hypothèses,
– débouter les sociétés Top Tex Group, Kariban et Kipro & Co de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;
– ordonner aux sociétés Top Tex Group, Kariban et Kipro & Co la suppression de toutes les photographies sur le site internet et le catalogue en ligne, issues des actes de contrefaçons de droits d’auteurs et des actes de concurrence déloyale par parasitisme et ce, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée ;
– condamner solidairement les sociétés Top Tex Group, Kariban et Kipro & Co à payer aux sociétés Anakena et Anakena productions la somme de 30.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner les sociétés Top Tex Group, Kariban et Kipro & Co aux entiers dépens de première instance et d’appel ;
– ordonner la publication de la décision à intervenir dans deux publications au choix d’Anakena et Anakena productions et à leurs frais.
Les sociétés Top Tex Group, Kariban et Kariban France venant aux droits de Kipro & Co, par dernières conclusions déposées le 21 août 2024, demandent à la cour de :
Confirmer le jugement du 25 janvier 2022 (N° RG 18/09753) en ce qu’il a :
– dit que l’action en contrefaçon de droit d’auteur de la sarl Anakena productions est irrecevable ;
– rejeté les demandes des sarl Anakena et Anakena productions au titre de l’action en contrefaçon de droit d’auteur ;
– rejeté les demandes des sarl Anakena et Anakena productions au titre de manquements contractuels ;
– rejeté les demandes des sarl Anakena et Anakena productions au titre de l’action en concurrence déloyale par parasitisme ;
– condamné les sarl Anakena et Anakena productions aux dépens,
Infirmer le jugement du 25 janvier 2022 (N° RG 18/09753) en ce qu’il a :
– rejeté les fins de non recevoir soulevées à l’encontre de l’action en contrefaçon de droit d’auteur ;
– rejeté la demande de nullité du procès-verbal de constat du 04 mai 2018,
– rejeté la fin de non recevoir à l’encontre de l’action en concurrence déloyale par parasitisme ;
– condamné les sarl Anakena et Anakena productions à payer à la sarl Top Tex Group, la sarlu Kariban et la sarl Kipro&Co, la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Statuant a nouveau :
1. Sur l’action en contrefaçon
– dire que les demandes additionnelles formulées par les sociétés Anakena et Anakena productions au titre des actes soi-disant constitutifs de contrefaçon sont irrecevables car elles n’ont pas de lien avec leurs prétentions originaires figurant dans l’assignation ;
– dire que l’action en contrefaçon de droit d’auteur de la société Anakena est irrecevable pour défaut de qualité à agir ;
– dire que le procès-verbal de constat d’huissier du 04 mai 2018 (pièce adverse n° 34) est contraire au principe de loyauté dans l’administration de la preuve et, par conséquent, prononcer sa nullité ;
– en conséquence, débouter les sociétés Anakena et Anakena productions de l’ensemble de leurs demandes en contrefaçon ;
2. Sur l’action en concurrence déloyale par parasitisme
– dire que l’action en concurrence déloyale par parasitisme des sociétés Anakena et Anakena productions est irrecevable ;
– en conséquence, débouter les sociétés Anakena et Anakena Productions de l’ensemble de leurs demandes à ce titre ;
3. Sur les mesures sollicitées
Si par extraordinaire la cour décidait de condamner les sociétés Top Tex Group, Kariban France et Kipro&Co, la société Kariban France venant aux droits de cette dernière, pour contrefaçon, manquements contractuels et/ou concurrence déloyale :
– dire que les sociétés Anakena et Anakena productions ne rapportent pas la preuve de l’existence et de l’évaluation des préjudices invoqués,
– réduire à de plus justes proportions les montants des dommages et intérêts, ainsi que les autres mesures réparatrices demandées et les frais irrépétibles ;
4. En tout état de cause
– débouter les sociétés Anakena et Anakena productions de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;
– condamner in solidum les sociétés Anakena et Anakena productions à payer aux sociétés Top Tex Group, Kariban France et Kipro&Co, la société Kariban France venant aux droits de cette dernière, la somme de 30.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamner in solidum les sociétés Anakena et Anakena productions aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel.
L’affaire a été fixée à l’audience collégiale du 17 septembre 2024.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 3 septembre 2024.
I – Sur l’action en contrefaçon de droits d’auteur :
Les sociétés appelantes demandent la réformation du jugement en ce qu’il a déclaré irrecevable l’action en contrefaçon de la société Anakena productions à défaut de justifier de la titularité de ses droits sur l’oeuvre.
Sur le fond, elles en demandent la réformation en ce qu’il les a déboutées de leurs demandes.
Les sociétés intimées ont quant à elles interjeté appel incident du jugement qui a déclaré recevable l’action en contrefaçon, du moins en ce qu’elle est intentée par la société Anakena, demandant à la cour d’infirmer le jugement et de retenir, ainsi qu’elles le sollicitaient en première instance, comme cause d’irrecevabilité de l’action en contrefaçon de la société Anakena, l’absence de lien de ses prétentions avec les prétentions d’origine visées dans l’assignation, le défaut de qualité de la société Anakena et le caractère mal fondé de l’action.
Sur le fond, elles concluent à la confirmation du jugement qui a débouté la société Anakena de ses demandes au titre de la contrefaçon de droits d’auteurs à défaut d’originalité de l’oeuvre.
A ) Sur la recevabilité de l’action :
Il sera statué liminairement sur la qualité à agir des sociétés Anakena et Anakena productions, puis sur la recevabilité des demandes au regard de l’assignation initiale. Quant au caractère mal fondé de l’action, il sera examiné avec le fond du litige, ainsi qu’y a justement procédé le tribunal.
* sur la qualité à agir de la société Anakena productions et de la société Anakena :
Pour retenir la qualité à agir en contrefaçon de droits d’auteur relativement à des photographies de la société Anakena, le tribunal a retenu que la société Anakena justifiait par la production de factures du mois d’octobre 2017 portant sur ‘une cession de droits d’auteur photographie année 2018″ avoir autorisé la société Kariban à reproduire et rediffusé des visuels de catalogues B to B de 2014,2015 et 2016 durant l’année 2018 visant des photographies prises par [T] [K] ce dont il a déduit que la société Anakena exploitait les dites photographies sur lesquelles elle était titulaire de droits d’auteur au sens de l’article L 113-1 du code de la propriété intellectuelle. Mais il a retenu qu’au contraire, les sociétés Anakena et Anakena productions ne justifiaient pas du caractère d’oeuvre collective de ces photographies, ce qui aurait conféré des droits et qualité à agir à la société Anakena productions, pas plus qu’il n’apparaissait que la société Anakena productions s’était vu cédés par l’auteur les droits d’exploitation de l’oeuvre.
Les sociétés appelantes contestent la décision qui a écarté toute qualité à agir de la société Anakena productions alors même que les deux sociétés Anakena seraient contractuellement liées à l’artiste [T] [K] qui leur a facturé des droits d’auteur entre 2013 et 2017 pour l’exploitation de celles-ci par les sociétés Anakena lesquelles sont d’ailleurs en possession des fichiers source des boîtiers photo servant au développement et des fichiers TIFF, la transmission des droits cédés dans l’acte étant conforme aux dispositions de l’article L 131-3 du code de la propriété intellectuelle, ce dont attesterait la photographe [T] [K], créatrice des dites photographies. Elles insistent sur le fait que cette cession de droits emporte cession du droit d’exploitation.
Les sociétés intimées contestent tous droits d’auteur attachés aux sociétés Anakena en ce que seule une personne physique peut être le créateur et titulaire originaire de droits d’auteur sur une oeuvre et que la cession de droits d’auteur au profit d’une personne morale doit, à peine de nullité, respecter le formalisme de l’article L 131-3 du code de la propriété intellectuelle que ne respecterait pas le prétendu acte de cession, l’attestation de Mme [T] [K], auteur de l’oeuvre, versée aux débats par les appelantes n’étant pas davantage probante pour être tout à fait imprécise.
Il sera relevé que, abandonnant leur moyen de première instance, les appelantes ne prétendent plus au caractère d’oeuvre collective des photographies en litige, de sorte que chacune des deux sociétés appelantes doit justifier de sa propre qualité à agir en contrefaçon de droits d’auteur.
Pour solliciter l’infirmation de la décision qui a écarté toute qualité à agir de la société Anakena productions, les sociétés appelantes soutiennent au premier chef qu’elles bénéficieraient de la présomption de titularité des droits d’auteur pour avoir exploité l’oeuvre sous leur nom.
Il est constant qu’en application de l’article L 113-1 du code de la propriété intellectuelle la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou ceux sous le nom de qui l’oeuvre est divulguée, indépendamment de tout contrat de cession de droits d’auteur.
Il est ainsi admis qu’en l’absence de revendication de l’auteur, personne physique, la personne morale qui ne peut être investie à titre originaire des droits d’auteur mais qui exploite l’oeuvre sous son nom, est présumée à l’égard des tiers recherchés pour contrefaçon, être titulaire sur l’oeuvre du droit de propriété incorporelle de l’auteur.
Or, c’est à bon droit que le tribunal a retenu qu’il ressortait de deux factures des 2 et 3 octobre 2017, cette dernière étant intitulée ‘cession de droits d’auteur photographie année 2018″, émises par la société Anakena models agency, [Adresse 2]. N° de siret 443047972, au profit de la société Kariban, que la première exploitait les oeuvres photographiques de [T] [K], qui n’en revendique pas le droit, de sorte qu’elle était présumée titulaire des droits incorporels sur l’oeuvre, dont celui d’agir en contrefaçon.
Cette présomption simple n’étant en l’espèce nullement renversée par les sociétés intimées, appelantes incidentes sur ce point, le jugement qui a retenu la qualité à agir de la société Anakena est confirmé.
C’est également à bon droit qu’au vu de ces mêmes éléments, le tribunal a au contraire écarté toute qualité à agir en contrefaçon de droits d’auteur pour la société Anakena productions, laquelle ne justifie par aucun élément avoir divulgué l’oeuvre sous son nom qui n’apparaît sur aucune des factures en litige, de telle sorte qu’elle ne saurait bénéficier également de la présomption.
Les appelantes soutiennent encore avoir été investies du droit incorporel de l’auteur selon factures (leurs pièces n° 128) dont les mentions sont conformes aux exigences de l’article L 131-3 du code de la propriété intellectuelle et se trouvent confirmées par une attestation de l’auteur lui même (leur pièce n° 130).
Cependant, le code de la propriété intellectuelle prévoit en ses articles L 131-1 et les modalités selon lesquelles les droits d’auteur peuvent être cédés par convention.
Ainsi, selon l’article L 131-2 alinéa 2 ‘les contrats par lesquels sont transmis des droits d’auteur doivent être constatés par écrit’ et selon l’article L 131-3, la transmission des droits d’auteur est subordonnée à la ‘condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et à la durée’.
Si l’exigence d’un contrat écrit ne l’est qu’à titre probatoire, les sociétés appelantes doivent en tout état de cause établir s’être vu conférés des droits précis et délimités sur l’oeuvre.
Or, les factures produites par les appelantes (leur pièce128) émises par l’auteur contre la seule société Anakena models agency ou Anakena, voire sans indication du nom de la société mais avec indication de l’adresse sociale portent toutes la mention : Nature du travail réalisé ‘droits d’auteur (de reproduction ou de représentation)’
Même à admettre que l’attestation émanant de [T] [K] émane bien d’ [T] [K], l’auteur de l’oeuvre, celle-ci est rédigée en termes trop imprécis en ce qu’elle atteste ‘avoir cédé la gestion et la négociation des droits d’auteur concernant les visuels réalisés dans le cadre des missions de shooting pour l’entreprise Top Tex (Kariban et Proact) selon toutes les factures jointes au dossier’, sans précision notamment du cessionnaire de ses droits, sauf renvoi exprès aux précédentes factures, qui ne permettent pas de retenir d’une part que l’auteur a cédé ses droits d’auteur à la société Anakena productions, ni d’autre part, que les droits cédés (reproduction et représentation de l’oeuvre) autorisaient l’une ou l’autre de ces deux sociétés à agir en justice pour la défense de ses droits d’auteur à sa place.
Quant au procès verbal de constat de la SCP Bendenoun- Barthe – Lérisson du 10 avril 2024, force est de constater qu’il n’a été réalisé qu’à la requête de la société Anakena, adresse et numéro de siret correspondant bien à la société Anakena et que l’huissier s’est transporté au siège social de la société Anakena, [Adresse 2], pour procéder aux constatations en présence de la gérante de la société Anakena, aucune référence n’étant faite dans ce procès verbal à la société Anakena productions.
Le jugement qui en l’absence de tout autre élément de preuve a déclaré irrecevable l’action en contrefaçon de la société Anakena productions pour défaut de qualité à agir est en conséquence confirmé.
* sur la recevabilité des demandes nouvelles au titre de la contrefaçon :
Les sociétés intimées contestent le jugement qui a retenu que les demandes
présentées par les sociétés appelantes dans leurs conclusions du 9 mai 2018 devant le tribunal de grande instance de Bordeaux, si elles apparaissaient reposer sur des nouveaux faits, étaient en lien avec celles présentées dans l’acte introductif d’instance étant toutes en lien avec la rupture des relations commerciales entre les parties, alors qu’il s’agirait selon elles de demandes nouvelles par rapport aux faits objets de l’assignation, de sorte qu’elles seraient irrecevables.
Cependant, les premiers juges sont approuvés d’avoir retenu que si l’assignation visait la répression sur le fondement de la contrefaçon de faits de publication sur le site internet et le catalogue du groupe Top Tex de photographies similaires aux photographies de la société Anakena et que n’était plus visée dans les conclusions au fond des demanderesses que l’utilisation illicite de photographies qui auraient été réalisées par les sociétés Anakena sans paiement des droits d’auteur, ces demandes, en ce qu’elles visaient des faits de contrefaçon postérieurs à l’assignation, étaient en lien suffisant avec les demandes d’origine visant à réprimer des faits supposés de contrefaçon commis dans le cadre de la rupture des relations contractuelles entre la société Anakena et les sociétés du groupe Top Tex portant précisément sur les conditions d’exploitation de ces clichés photographiques.
B ) sur le bien fondé de l’action :
La critique du jugement émane des sociétés intimées qui reprochent au tribunal d’avoir rejeté leur demande en nullité d’un constat d’huissier du 4 mai 2018, tandis que les appelantes demandent d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté leur action en contrefaçon pour défaut de preuve de l’originalité de l’oeuvre ne leur permettant pas d’agir en protection de droits d’auteur.
* sur le procès verbal du 4 mai 2018 :
Les sociétés intimées demandent l’infirmation du jugement qui n’a pas écarté des débats le dit procès verbal de constat pourtant contraire au principe du droit à un procès équitable dès lors qu’il ne constitue que la retranscription des propos de la requérante, dont il ne serait en conséquence pas indépendant, et serait par conséquent dépourvu de toute valeur probante.
Cependant, l’absence de valeur probante d’une pièce ne se confond pas avec la nullité d’une telle pièce comme portant atteinte aux principes fondamentaux du droit
et notamment au droit à un procès équitable, opposable par chacun.
Et c’est par des motifs pertinents que le premier juge a retenu que le procès verbal de constat du 4 mai 2018 (pièce 34 des appelantes) en ce qu’il fait état des remarques et indications de la requérante à l’huissier de justice requis et des constatations faites par l’huissier, le procès verbal distinguant en effet très nettement ce qui ressortait des unes et des autres, ne contient aucune déloyauté, ni n’interdit aux sociétés intimées d’en contester la valeur probante et partant de se défendre.
De la sorte, dès lors que l’huissier a pris le soin d’indiquer la provenance des indications qui lui étaient faites, le procès verbal ne contient aucune entorse à la nécessaire indépendance dont l’huissier doit faire montre vis à vis de son mandant.
Il n’est donc pas établi que ce procès verbal de constat porte atteinte au droit à un procès équitable consacré par l’article 6 de la convention EDH dont la France est pays signataire, même si la question de sa valeur probante demeure entière et convoquera le cas échéant le pouvoir d’appréciation de la cour dans le cadre des débats au fond. Le jugement qui a rejeté la demande en nullité de cet acte est en conséquence confirmé.
* sur le fond :
Le tribunal a débouté la société Anakena de son action en contrefaçon dirigée contre les sociétés Top Tex Group, Kariban France et Kariban France venant aux droits de la société Kipro&Co, à défaut d’établir l’originalité de l’oeuvre, les demanderesses n’ayant nullement indiqué ou expliqué en quoi les photographies qui appelleraient protection au titre des droits d’auteur seraient originales comme empreintes de la personnalité de leur auteur.
La société Anakena insiste au contraire sur l’originalité des clichés photographiques constituant les catalogues litigieux Proact et Kariban et le parti pris de créer des modèles en ‘situation’ avec des modèles sélectionnés par leurs qualités sportives, les clichés étant réalisés ‘en mouvement’ pour plonger immédiatement le client dans l’univers ciblé par le client par rapport au vêtement mis en scène, les vêtements étant sublimés par l’action et la recherche d’une image graphique, les mannequins courant, transpirant, comme dans un reportage pour susciter l’envie d’identification des clients aux modèles, le tout ayant pour parti pris de dynamiser les catalogues Proact et Kariban, l’originalité résidant dans la mise en situation authentique.
Elle fait valoir que comparées à d’autres photographies dépourvues de toute originalité, les photographies permettent de constater l’identité du photographe et qu’il en va de même des photographies mettant en valeur des tenues de chantier par des modèles également photographiés en situation.
Enfin, elle estime établi que Mme [K] a apporté toute sa plus value artistique pour chacune des photographies pour lesquelles a su créer de véritables mises en scène du produit empreintes de sa personnalité.
Il est constant que pour être protégeable au titre des droits d’auteur, dès sa création, l’oeuvre doit être originale, c’est à dire empreinte de la personnalité de son auteur comme procédant de choix arbitraires de celui-ci, exempts de toute contrainte techniques, esthétiques ou utilitaires.
La preuve de l’originalité incombe à celui qui revendique la protection au titre du droit d’auteur lequel doit établir que l’oeuvre procède de partis pris arbitraires de l’auteur.
La société Anakena insiste sur le fait que les photographies de Mme [T] [K] ont ceci d’original qui les distingue des photographies des autres catalogues de vêtements de sports et loisirs qu’elles représentent des modèles en situation et en mouvement de manière à mettre en évidence le vêtement proposé dans son contexte.
Cependant, il n’y a guère de parti pris arbitraire à représenter un vêtement de course porté par un mannequin qui court, une tenue de tennis portée par un mannequin qui s’apprête à renvoyer une balle raquette en mains, une tenue de rugby par un mannequin qui s’apprête à botter un ballon de rugby, ou des vêtements de chantier portés par des mannequins en situation sur un chariot élévateur ou encore du matériel de nettoyage par un mannequin qui nettoie sa terrasse etc…
Par ailleurs, il est admis que des photographies prises dans un contexte contraint comme une campagne publicitaire ayant pour but la mise en valeur des produits à commercialiser, qui ne procèdent pas d’une recherche artistique ou technique particulière, se contentant de situer le produit dans le contexte de son utilisation sans toutefois se départir de la présentation du produit à des fins publicitaires, ne reflètent pas la personnalité propre du photographe dès lors qu’il n’est pas démontré, ni allégué, l’existence de partis pris esthétiques ou techniques particuliers, propres à l’auteur et dégagés de toute finalité commerciale.
Or, si la société Anakena vante le fort pouvoir évocateur de ces clichés, en situation, en ce qu’ils permettent aux clients une forte identification à l’image, le pouvoir d’identification suscité chez le client est un procédé qui n’est pas étranger à la finalité commerciale et ne procède pas nécessairement d’un parti pris artistique ou technique.
Par ailleurs, ainsi que l’observent à bon droit les sociétés intimées, il résulte d’un échange de mails entre [T] [K] et la société Kariban (pièces 131 et 132 des appelantes) qu’ [T] [K] a effectué un travail de photographe ‘sur commande’ de la société Kariban qui définissait préalablement sa demande en vue des séances de shooting, comme le choix de mannequins spécifiques pour certains sports, la délimitation du périmètre d’action du photographe et la D.A, validant notamment la proposition de mannequins en sueurs, mannequins négligés mais avec des précisions quant à la visibilité du produit etc… ce dont il ressortait que le photographe n’avait lui même aucun pouvoir de décision ou de choix sur ces différents points, n’étant qu’un simple exécutant.
Il n’est en définitive nullement indiqué par la société Anakena quel parti pris technique non contraint, arbitraire et dégagé de toute contingence commerciale, la photographe [T] [K] a mis en oeuvre pour cette campagne publicitaire.
Le jugement qui a écarté toute originalité des différentes photographies en litige et débouté en conséquence la société Anakena de son action en contrefaçon est confirmé.
II – sur la responsabilité des sociétés intimées pour non respect de leurs obligations contractuelles :
Les sociétés appelantes demandent à la cour de juger subsidiairement que
les faits dénoncés à défaut de constituer des actes de contrefaçon de droits d’auteur s’analysent en des manquements contractuels préjudiciables aux sociétés Anakena.
Le tribunal a débouté les sociétés Anakena de leur demande de ce chef au motif que les sociétés défenderesses ne pouvaient être responsables de commandes de photographies émanant d’opérateurs économiques exploitant des sites internet de référencement avec lesquels elles n’entretiennent pas de relations et qui ont passé commande de leur propre initiative et en leur propre nom, les demanderesses n’établissant pas que les sociétés du groupe Top Tex soient à l’origine des commandes parues sur différents sites tiers, le tribunal ayant encore rappelé que n’était pas davantage rapportée la preuve d’une relation commerciale entre la société Anakena productions et les société Kariban et Kipro&Co.
Les appelantes contestent cette décision se prévalant notamment d’une sommation interpellative en date du 7 mai 2024 effectuée auprès du gérant de la Sarl Textile concept dont il ressortirait que la société Top Tex a mis à disposition de ses clients une banque d’images, se livrant à une exploitation des clichés litigieux en B to C, ce en dehors de tout contrat de cession de droits et en dehors des termes du contrat liant cette société aux sociétés Anakena.
Cependant, cette sommation interpellative par laquelle, M. [G] [M], gérant de la sarl Textile concept a indiqué que ‘les photographies ont été obtenues sur la banque d’image de notre fournisseur Top Tex. Aucun contrat de cession de droits concernant ces images n’a été proposé par le grossiste Top Tex au moment des faits sus mentionnés’ est insuffisante à établir le rôle actif de la société Top Tex dans l’utilisation d’images par cette société, confirmant au contraire que ses clients avaient accès à une photothèque, à la condition d’avoir préablement consenti à une charte d’utilisation, ainsi qu’elle en justifie par une attestation de son prestataire informatique (sa pièce n° 29) et la production d’un exemplaire de cette charte, l’accès aux images n’étant permis que pendant la durée des cessions de droits telles qu’elles ont été conclues entre la société Anakena et la société Kariban, les contrats prévoyant expressément au titre des utilisations prévues : ‘catalogue B to B + site internet de la marque et supports de vente B to B de ses clients et distributeurs. 1an à compter de la première diffusion’ (pièces 26 à 32 des appelantes).
Pour le surplus, il n’est effectivement pas établi que les utilisations litigieuses émanaient toutes de clients des sociétés intimées.
Enfin, il résulte d’un échange électronique entre les parties (pièce 22 des intimées) que la société Kariban consciente des difficultés à maîtriser l’usage des photographies litigieuses par ses clients en B to B a fait, de bonne foi, à la société Anakena, des propositions commerciales chiffrées d’enveloppe globale (B to B et B to C) courant septembre 2017 et que s’il lui a été répondu que sa proposition serait étudiée, il n’est finalement pas justifié qu’une réponse favorable lui ait été donnée.
De l’ensemble il ressort que les intimées justifient avoir agi dans le cadre contractuel et s’être entourées de garanties afin que les clients, utilisateurs de leur photothèque, respectent la charte d’utilisation.
C’est donc à bon droit que le tribunal a retenu qu’elles n’étaient pas responsables d’agissements émanant de sociétés avec lesquelles elles n’étaient pas en relations contractuelles. Pas davantage, elles ne sauraient être responsables des agissements de sociétés avec lesquelles elles étaient en relations contractuelles et à disposition desquelles elle ont mis des photographies, travail qu’elles avaient commandé et payé, dans le respect de leurs propres relations contractuelles avec la société Anakena, après s’être entourées de garanties de sécurité électronique pour attirer l’attention de leurs clients sur le nécessaire respect des conditions d’utilisation.
Enfin, il n’est en tout état de cause pas davantage démontré l’existence d’une relation contractuelle entre la société Anakena productions et les sociétés intimées.
Le jugement qui a débouté les sociétés Anakena de leurs demandes de ce chef est en conséquence confirmé.
III – Sur l’action en concurrence déloyale ou parasitaire :
* sur la recevabilité de l’action :
Tout en continuant à solliciter l’irrecevabilité de cette action dans le dispositif de leurs écritures les sociétés intimés conviennent pourtant dans leur discussion que les appelantes fondent désormais leur action en concurrence déloyale ou parasitaire sur des faits distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon, reprochant ici aux sociétés du groupe Top tex d’avoir publié des photographies similaires à celles de la société Anakena.
Le jugement qui, par des motifs pertinents, a déclaré recevable cette demande est en conséquence confirmé.
* sur le bien fondé de l’action :
Le tribunal a débouté les appelantes de leur action fondée sur le parasitisme
observant qu’était insuffisant pour engager la responsabilité des sociétés défenderesses le fait qu’elles aient utilisé sur leur catalogue 4 photographies similaires à celles de la société Anakena prises sur des lieux de shooting identiques, représentant des mannequins dans des positions analogues ou le fait qu’elles aient eu recours à une autre agence pour réaliser leur catalogue alors que le recrutement de mannequins par l’agence Anakena et la réalisation/ production de photographies a constitué une valeur économique limitée dans le temps pour laquelle elle a été rémunérée.
Les sociétés Anakena critiquent cette décision observant qu’après la rupture de leurs relations commerciales et alors que les sociétés Anakena avaient entièrement pensé et réalisé une série de photographies, s’occupant de la direction artistique, du casting, du traitement des prises de vue et de la logistique du catalogue des marques Kariban et Kipro&Co durant trois années, ayant produit un long et minutieux travail, les sociétés du Groupe Top Tex auraient continué à publier des photographies similaires sur leur site internet et leur catalogue en ligne avec les mêmes mannequins, les mêmes mises en scène et dans les mêmes lieux, ce qui serait constitutif de faits de concurrence déloyale ou de parasitisme.
L’acte de concurrence déloyale est celui qui, contraire à la morale des affaires, fausse le jeu de la libre concurrence, engageant la responsabilité civile de son auteur. Il se caractérise par une faute, un préjudice et un lien de causalité entre eux.
Le parasitisme est quant à lui un procédé de concurrence déloyale qui consiste à se placer dans le sillage d’un concurrent pour profiter de ses investissements et/ou de sa notoriété sans bourse délier. Il engage la responsabilité civile de son auteur dans les mêmes conditions.
Il sera d’emblée retenu avec le tribunal que le jeu de la libre concurrence ne saurait interdire aux sociétés intimées de réaliser leur catalogue avec une autre agence, ce qui ne saurait constituer en soi un fait de parasitisme et que, s’agissant de l’utilisation des mêmes mannequins, les sociétés Anakena conviennent qu’elles n’avaient aucun droit d’exclusivité sur ceux-ci, observant qu’elles déplorent uniquement l’utilisation de ces mannequins dans les mêmes conditions de réalisation ou de production.
Cependant, ainsi qu’il a été sus retenu et que l’a jugé à bon droit le tribunal, il n’est nullement établi, que les sociétés Anakena aient été à l’origine des choix de réalisation et de mise en scène des mannequins ou des lieux de shooting, accessibles à tous, alors que les travaux qu’elle réalisait consistaient en des travaux photographiques sur commande des sociétés du groupe Top Tex, qui guidaient les choix de la société Anakena de manière précise, lesquels devaient respecter l’univers propre à ces marques, ce qui ressort d’ailleurs également de certains des échanges électroniques versés aux débats par les sociétés Anakena elles-mêmes (leurs pièce n°8), les sociétés du groupe Top Tex donnant des instructions et validant toujours en définitive les choix pour lesquelles les appelantes étaient effectivement rémunérées.
Il n’est donc nullement établi que les sociétés intimées aient profité du travail et des investissements faits par les sociétés Anakena en se plaçant dans leur sillage, ni qu’il serait résulté pour les appelantes une désorganisation résultant du recrutement des mêmes mannequins par le biais d’une autre agence, ainsi que les sociétés du groupe Top Tex en avaient le droit.
Le jugement qui a débouté les sociétés Anakena de leurs demandes sur ces fondements est en conséquence confirmé, ainsi qu’en ce qu’il a débouté par voie de conséquence les mêmes sociétés de toutes demandes plus amples, condamné les sociétés Anakena aux dépens et au paiement d’une somme au titre des frais irrépétibles de première instance des défenderesses.
L’issue du présent recours justifie la condamnation des sociétés Anakena et Anakena productions aux dépens de celui-ci et à payer aux sociétés intimées, ensemble, une somme de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel.
La Cour
Statuant dans les limites de sa saisine.
Rejetant toute demande plus ample ou contraire des parties.
Confirme le jugement entrepris des chefs déférés et y ajoutant :
Rejette la demande des sociétés Anakena et Anakena productions sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne in solidum les sociétés Anakena et Ankena productions à payer aux sociétés Top Tex Group, Kariban France et Kariban France venant aux droits de la société Kipro & Co, ensemble, une somme de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne in solidum les sociétés Anakena et Ankena productions aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Paule POIREL, présidente, et par Vincent BRUGERE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,
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